lundi 6 septembre 2021

Une royale : de l'amusement, peu de coût... Puisque mes amis ont repris trois fois l'un de mes plats

 Puisque mes amis gourmands m'ont fait hier des compliments pour un plat que je leur servais... au point d'en reprendre  trois fois (alors qu'il y avait précédement eu trois autres plats), je ne crois pas inutile de partager la recette.

Il s'agissait d'une royale de lapin, recette adaptée d'un lièvre à la royale, et à ma façon.
Cela ne coûte qu'un lapin, des oignons, quelques champignons de Paris, du pain, un œuf et du vin.

Le plus long, dans cette recette, c'est de désosser le lapin en essayant de  le garder entier et, si possible, sans fendre la peau du dos.
Cela n'est pas difficile  : il suffit d'aller lentement,  avec un petit couteau bien affûté, et de  couper la chair le plus près des os.

Quand le lapin est ainsi ouvert, et entièrement désossé, on met les os dans une casserole au four, très chaud et l'on fait brunir.

Puis on ajoute de l'eau à ces os brunis et l'on fait cuire à couvert pendant une heure afin de préparer un fond qui ait beaucoup de goût.

Pendant ce temps-là, on hache du persil,  quelques champignons de Paris, deux échalotes, une gousse d'ail, un morceau de vieux pain trempé dans du lait, un oeuf,  le foie du lapin.

Puis on étale  le lapin à plat sur un grand film alimentaire, on le sale, on le poivre et l'on étale la farce par-dessus. On referme alors le film alimentaire, et l'on serre bien pour faire un joli cylindre.

Dans une cocotte, on fait revenir dans de la matière grasse une carotte et un oignon divisés. Puis, quad ils ont ainsi "sué", on ajoute deux cuillerées à soupe de farine ; quand cette dernière est brune, on met une  bouteille de vin rouge, un verre de vinaigre,  le fond de lapin, et une très grande quantité de gousses d'ail :  jusqu'à plus que 50 ! Plus du thym, quelques feuilles de laurier, un peu de piment de Cayenne, du chocolat en poudre amer, une cuillerée de sucre, des clous de girofle et des baies de genièvre. Et il faut aussi une matière qui apporte de la gélatine : soit un fond que l'on a, soit des feuilles de gélatine, soit un pied de veau ou de porc.

On couvre et l'on fait cuire pendant une journée à 80 degrés.

En fin de cuisson, on récupère le liquide, on le mixe, et on le chauffe pour évaporer le liquide jusqu'à obtenir la consistance voulue, épaisse.

Une fois la sauce réduite, on peut la passer, si l'on veut quelque chose de très lisse. Et l'on ajoute une goutte de vinaigre et un demi verre de vin cru. Puis rectifie avec sel et poivre, et on émulsionne une large quantité de beurre.

Et on en nappe le lapin que l'on a sorti du film de cuisson et posé sur un joli plat, en accompagnant de confiture de cassis

La garniture ? Hier, j'ai fait des Hardapfelkiechla, c'est-à-dire des cylindres faits de pommes de terre râpées, avec un oignon finement émincé, beaucoup de persil finement ciselé, une cuillère de farine et un œuf entier. J'avais déposé cela sur une plaque, en utilisant des disques pour faire une belle forme, et j'avais cuit à 220 °C pendant   un quart d'heure.


On le voit, il n'y a pas de produits excessivement coûteux mais seulement du temps passé à s'occuper de mes amis... et c'était un bonheur parfait que de les voir se resservir !

samedi 4 septembre 2021

A propos de mixer : le prix s'oublie et la qualité reste


Il faut bien avouer que le prix s'oublie et que la qualité reste ! Et c'est particulièrement vrai pour les ustensiles culinaires  !
Ayant à trouver un nouveau mixer plongeant, pour une maison qui n'est pas la mienne, je suis allé dans deux grandes surfaces voisines, où... je n'ai eu que ce que je méritais. 

Pour la première, je cherchais donc un appareil pour faire mes bisques, par exemple : il faut alors un couteau qui ne casse pas quand il tombe sur une pince de langoustines, et qu'il soit possible de nettoyer sans trop de difficultés. Surtout, comme on sait la fragilité de certains plastiques, j'ai bien regardé comme les pieds des différents modèles s'inséraient dans le corps de l'appareil, qui contient le moteur... et je n'ai rien trouvé de satisfaisant. Il a fallu que je me rabatte sur un moulin à légumes... pour lequel j'ai longuement hésité. 

Et, finalement... le récipient en verre supérieur a cassé presque à la première utilisation, quand j'ai mis un liquide chaud dedans !
Puis, comme j'avais besoin d'un produit équivalent, je me suis rabattu sur le mixer plongeant le moins cher... dont le corps s'est détaché du pied après quelques jours : une camelote ! Bien sûr, on peut faire marcher la garantie... mais c'est chaque fois fois du temps, des tracas...

A l'opposé, j'ai chez moi un Micromix de Robot Coupe depuis des années, et il est mis à rude épreuve... mais il est d'une robustesse extraordinaire... puisqu'il continue de bien fonctionner. Le corps est en métal, ainsi que le pied ; le système de liaison est sans défaut, le nettoyage est facile, puisque l'on peut détacher le couteau, et même si je ne l'utilise que pour couper finement, sans l'employer pour foisonner, il me rend parfaitement service.
Oui, il est plus cher que les camelotes du supermarché, mais on comprend que les Tontons Flingueurs avaient raison !



Un détail : il est livré avec deux outils, à savoir un couteau et une pale verticale plate, pour... Pour quoi faire, au juste ?
Dans nombre de cas, ces appareils permettent de faire des émulsions, qu'il ne faut pas confondre avec des mousses (certains, qui ignorent que le mot désigne un déchet, disent "écume"). Je répète qu'une émulsion, c'est la dispersion de matière grasse fondue dans une "solution aqueuse". Par exemple, une mayonnaise est une émulsion, puisque l'huile est dispersée par le fouet dans l'eau apportée par le jaune d'oeuf et le vinaigre. Par exemple, un beurre blanc est une émulsion, puisque la matière grasse du beurre, fondu, vient se disperser dans l'eau apportée par le vinaigre, ou jus de citron, et par le petit lait du beurre. Par exemple, du chocolat à croquer chauffé dans de l'eau (du thé, par exemple) fait une émulsion de chocolat (dont on peut ensuite faire un "chocolat chantilly").
Voila pour les émulsions. Les mousses, c'est quand on introduit un gaz (le plus souvent de l'air) : avec un fouet, avec un siphon, ou avec un appareil comme ce Micromix dont je vous parlais, quand on y met la pale verticale, et que l'on n'enfonce pas trop.

En réalité, cette pale verticale permet de faire tout aussi bien des émulsions que des mousses, mais évidement, il ne faut pas confondre les deux résultats ! Hélas, je me suis encore vu servir dans un restaurant une "émulsion de citron", disait le maître d'hôtel, et qui était une mousse de citron. Je ne crois pas que le monde culinaire y gagne à confondre marteau et tournevis, chat et chien, bleu et rouge... Il faut les bons mots pour les bons objets, pour faire de la bonne technique.


Mais pour conclure :
1. Le prix s'oublie et la qualité reste : je conclus (pour moi) que je ne ferai plus les bêtises évoquées plus haut. 


2. Se pose maintenant la passionnante question suivante : ayant un bon outil, à quoi l'utiliserons-nous ? Et notamment, sur la question du principe, quelles préparations nouvelles ferons-nous ? On sait que des mixers ont révolutionné la préparation des quenelles, par exemple : mes amis cuisiniers me disent que naguère, on les faisait au tamis et à la corne ! 


3. Comment la technique permet-elle de transformer un art tel que l'art culinaire ? Voilà encore une question passionnante, qu'il faudrait bien étudier, en vue de préparer le futur.

mercredi 1 septembre 2021

Les échaudés qui flottent



Un cuisinier m'interroge ce matin, à propos de gnocchis : pourquoi viennent-ils finalement flotter à la surface et sont-ils cuits à ce stade ?

Avant toute chose, il faut que je signale que l'appellation "gnocchis" est souvent usurpée et que nous avons en français, depuis le moyen-âge, le mot "échaudé" : déjà sur les ponts de Paris, on faisait tomber de petits tas de pâtes dans de l'eau bouillante et on servait ces échaudés aux passants comme on fait aujourd'hui avec les marrons chauds. Et il y a nombre d'échaudés différents, avec des noms particulier :  par exemple, les cornuaux sont des échaudéet  avec des formes de corne  Bref, il est erroné de nommer gnocchi n'importe quelle préparation de ce type, car si ce sont tous des échaudés, ce ne sont pas des gnocchis, et la cuisine française n'a pas attendu la cuisine italienne de ce point de vue.


 

Cela étant dit, pour la question qui m'est posée, il est vrai que tous les échaudés tombent au fond de la casserole quand on les y met,  avant de remonter finalement. J'ai exploré ce mécanisme il y a très longtemps et j'en ai fait un chapitre de mon livre Casseroles et éprouvettes.



En gros, cette remontée est due à de petites bulles de vapeur invisibles qui viennent se coller à la surface des échaudés, les faisant remonter comme le feraient des boués.

Là, le mécanisme est clair,  et l'on peut passer maintenant à la seconde question,  de savoir si des échaudés sont cuits quand ils flottent. Et là, aussi, mon livre fait état des expériences qui ont consisté à faire des échaudés de différentes tailles et à mesurer la température à l'intérieur.
Comme il faut une certaine température pour empeser l'amidon qui entre dans la compositions des échaudés, il faut que cette température soit atteinte dans les échaudés qui flottent pour que l'on puisse dire qu'ils sont cuits... de sorte que les gros échaudés ne sont pas cuits quand ils remontent, contrairement aux petites pièces.

Bref l'idée selon laquelle les échaudés seraient cuits quand ils flottent est donc fausse.

J'ajoute que, alors que j'ai critiqué l'usage du mot "pochage" dans de nombreuses situations où il est inapproprié, sur la base de l'observation juste selon laquelle le pochage  doit faire une poche, comme dans les oeufs pochés, je suis heureux d'observer ici que les échaudés sont véritablement pochés.
En effet, soit ils contiennent de l' œuf qui vient bien coaguler d'abord en surface, assurant la cohérence des pièces, soit c'est l'amidon externe qui s'empèce, formant un gel qui évite les échanges entre l'eau de cuisson et l'intérieur des échaudés, tout en assurant la cohérence des pièces.

 On trouvera cela décrit dans mes billets terminologiques des Nouvelles gastronomiques : https://nouvellesgastronomiques.com/terminologie-echaudes-gnocchis-et-cornuaux-par-herve-this/

samedi 28 août 2021

Pourquoi il n'y a pas de force centrifuge


La question me revient hier  : pourquoi ne faut-il pas parler de force centrifuge, mais d'une force centripète pour un mouvement de rotation, tel celui que nous faisons quand nous sommes à l'intérieure d'une voiture, ou sur un manège ?

Je ne veux pas manquer de signaler  ici le livre absolument extraordinaire, bien qu'un peu ancien, de Marie-Antoinette Tonnelat sur l'histoire du principe de relativité.



Je vois en particulier deux images essentielles qu'il me faudra discuter. L'une représente le mouvement d'une pierre lâchée du haut du mat d'un navire alors que ce dernier avance à vitesse constante devant un quai, et l'autre est une gravure qui montre ce que l'on pensait être la forme des trajectoires des boulets de canon, avant Galilée : d'abord une ligne droite inclinée, puis une chute verticale... ce qui est bien loin de notre représentation moderne, juste, qui est celle d'une parabole.

Certes, le livre de Marie-Antoinette Tonnelat est épais, et pas facile parce que sans beaucoup de concessions,  mais il est clair.  Et, je me limite à la question de la force centripète, qui est une victoire de la pensée de la Renaissance. 

 

Mais il faut commencer par parler d'inertie


Considérons un bloc de glace sur la plate-forme arrière d'un camion qui roule à vitesse constante. Une notion essentielle, pour les études de mouvement, est l'inertie : un objet matériel ne change pas d'état de mouvement (de vitesse) tant qu'on ne lui applique pas de force. Et si on lui applique une force, on change son mouvement, ce qui correspond à lui communiquer une accélération

Bref un bloc de glace sur la plate-forme la camion qui roule à vitesse constante va  en ligne droite, à vitesse constante, toujours dans la même direction, tout comme le camion (pour arriver dans cet état, il aura fallu maintenir le bloc de glace, lors de l'accélération initiale du camion).
 
A partir de la vitesse constante, supposons maintenant que le conducteur du camion freine, c'est-à-dire qu'il réduise la vitesse du camion. Alors le bloc de glace va foncer vers la cabine du conducteur, parce que sa vitesse n'a pas de raison de changer (s'il n'y pas de forces de frottement avec la plate-force). Sa vitesse reste constante, alors que celle du camion diminue.

Inversement, si le camion avait accéléré, le bloc de glace serait tombé par l'arrière, parce que la vitesse du camion aurait été supérieure à la vitesse du bloc de glace.



Voilà pour l'inertie : d'une part, un objet de matériel ne change pas de mouvement tant qu'on ne le fait pas changer de mouvement, ce qui a lieu par l'application de forces ; d'autre part, le changement de la vitesse est ce que l'on nomme l'accélération. Il y donc une merveilleuse logique à  ce premier le principe de la dynamique, qui stipule que la somme des forces appliquées à un corps est proportionnelle à l'accélération, le facteur de proportion étant la masse inertielle.

 

Mais on se souvient que l'on voulait discuter la question des mouvements de rotation.  

Considérons donc maintenant que le camion tourne. Le blog de glace  continue d'avancer avec la même vitesse, dans la même direction.

Mais le camion tourne parce que le conducteur, par le volant qui agit sur les roues, éprovoqué un changement de sa vitesse.

Autrement dit, le bloc de glace sors du camion par le côté opposé à celui vers lequel le camion tourne.

Pour conserver le bloc de glace dans le camion, dans le mouvement circulaire voulu par le conducteur, il faut qu'il y ait une paroi sur le côté, qui exerce une force en direction du centre de rotation :  c'est-à-dire donc bien une force centripète, vers l'intérieur.

D'ailleurs, quand on est en voiture, et que l'on tourne, on sent bien que la portière nous pousse versle centre de rotation.
Et, inversement nous-même poussons la portière vers l'extérieur... ce qui est un  combat perdu, parce que généralement la voiture est plus lourde que nous.

De même, dans un manège, on n'est pas éjecté vers l'extérieur du manège en raison d'une force centrifuge, mais, au contraire, si l'on reste en rotation avec le manège, c'est que des forces centripètes sont appliquées.
On n'est éjecté qu'en raison de notre inertie, parce que la force centripète a été insuffisante.

 

Me reste à décrire l'idée de l'expérience du navire et de Galilée.

La pierre lâchée du navire qui passe devant le quai tombe verticalement pour un marin sur le navire : la pierre a initialement la même vitesse que le bateau et que le marin, de sorte que, si elle n'est pas ralentie par des frottements avec l'air, elle continue, lors de sa chute, son mouvement de translation horizontal à la même vitesse. Et comme le marin a cette même vitesse, il ne voit que la chute verticale.

Mais pour un observateur immobile, sur le quai, la pierre décrit une parabole, composée d'un mouvement de chute et d'un mouvement de translation.

Et nous pouvons maintenant revenir à la question balistique : ce fut d'un  progrès extraordinaire que de comprendre que le mouvement d'un corps ne s'accompagnait pas d'une espèce de perte d'énergie de mouvement, que le mouvement ne s' "épuise" pas progressivement  comme on le croyait quand on représentait les boulets comme partant en ligne droite avant de tomber verticalement. 



Oui, au contraire, il y l'inertie, l'accélération, et éventuellement l'accélération de la pesenteur. En discutant avec les jeunes amis qui m'interrogent, je vois mieux la beauté extraordinaire de tout cela,  et une fois de plus je leur suis reconnaissant de me donner cette occasion qui permet de partager mon enthousiasme avec d'autres.


jeudi 26 août 2021

Une page récapitulative

 En vue de la séance de formation du 8 novembre 2021, à Colmar (réservée aux professionnels de l'hôtellerie restauration) on résume ici le "pour en savoir plus" qui doit conclure le document d'annonce : 



Hervé This est chimiste, directeur du Centre International de gastronomie moléculaire AgroParisTech-INRAE.

Il est le co-créateur de la science nommée « gastronomie moléculaire », créateur de la technique culinaire nommée « cuisine moléculaire », créateur de la toute nouvelle tendance culinaire nommée « cuisine note à note ».

 

Il est l’auteur de nombreux livres qui analysent la cuisine  : 

https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/herv%C3%A9-this-vo-kientza-vive-la-chimie/5-et-plus-encore/pour-en-savoir-plus/des-livres?authuser=0

 

Il produit une innovation culinaire chaque mois, qu’il communique en priorité à Pierre Gagnaire : 

https://pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/pierre_et_herve

 

Il  organise depuis 21 ans les « séminaires de gastronomie moléculaire : 

http://www2.agroparistech.fr/-Les-Seminaires-de-gastronomie-moleculaire-

 

Il fait de nombreuses masterclass : 

https://hervethis.blogspot.com/2021/04/des-masterclass.html

Comment regarder au microscope



Comment regarder au microscope ? En mettant son oeil devant l'oculaire, bien sûr. Mais cette réponse fait enrager les amis vraiment désireux d'apprendre, tout comme si je les renvoyais vers les manuels de microscopie, qui enseignent la pratique de la technique, en donnant les fondements, les bases, des développements, des indications précises...

Au fond, mes amis ne veulent pas cette question : ils aimeraient que je les aide de façon plus "aimable", avant de se lancer éventuellement dans la pratique du microscopie, d'une part, et, d'autre part, la découverte plus lente de la théorie. Bref, on voudrait que je fasse de la microscopie pour débutant. Pourquoi pas ?

Comme souvent, je propose de faire du simple avant le compliqué. Le plus simple, c'est de commencer par utiliser notre microscope comme "une brute", en regardant des objets de notre environnement... car je sais qu'il y a déjà lieu de les observer et de s'émerveiller.

Je me souviens ainsi d'avoir montré un cheveu à mes enfants tout jeunes... et je m'étais amusé qu'ils me disent qu'il "ne voyaient rien". En réalité, ils voyaient, mais ils ne savaient pas dire ce qu'ils voyaient.

Le fait est que, avec le grossissement utilisé, ils voyaient seulement une barre brune dans le champ. Ils la voyaient avec leurs yeux, mais ils n'étaient pas capables de le voir avec leur esprit,  parce qu'il ne faisaient pas le rapport entre ce qu'il voyait et le cheveu qui leur était familier.
Pour leur expliquer, pour leur "faire voir",  j'ai dû prendre un cheveu, le poser sur une feuille blanche, poser par-dessus une feuille blanche percée d'un disque et constater avec eux qu'il y avait un long segment noir. Puis avons réduit le disque, et nous avons continué à voir le segment noir. Nous sommes alors repassés au microscope - où l'on voyait un disque avec un segment noir-, et cette fois ils ont vu le cheveux.

Nous avons donc tout passé en revue : grain de sel, grain de sucre, farine... avant d'aborder la question des tissus animaux et végétaux... qui est quand même beaucoup plus difficile.
Si l'on veut regarder une pomme de terre, par exemple, on aura intérêt à faire simple, à savoir prendre un couteau pour retirer une mince couche que l'on pose directement sur la lame de microscope. On regardera plutôt le bord, plus mince,  oui, avec des pommes de terre, en allant regarder sur les bords, et l'on verra des sacs emplis de petits objets ellipsoïdes : ce sont les grains d'amidon, dans les cellules de la pomme de terre. La limite des cellules de pomme de terre est visible, mais plus difficilement.
D'ailleurs, on pourra facilement colorer spécifiquement les grains d'amidon avec une gouttelette de teinture d'iode, pour "mieux voir".

Puis on ira vers des choses plus compliqué.

Si l'on est dans une cuisine, ce sera un merveilleux terrain de jeu microscopique :   on commencera avec du blanc d'oeuf où l'on ne verra rien ;  mais quand on regardera du blanc d' œuf battu en neige, alors on verra les bulles, circulaires au début du battage, puis de plus en plus nombreuses, petites et déformées quand on bat plus fort.
On pourra comparer un blanc d'œuf battu en neige avec un blanc d' œuf battu et sucré, où la taille des bulles est divisée par 10 à 100.

On pourra aussi regarder une mayonnaise, à divers stades de sa confection.
Puis une crème anglaise à toutes les étapes.

Une indication importante  : les bulles d'air se voient à la présence d'un bord noir épais, alors que les gouttes d'huile sont transparentes, sans ce bord noir.
Je n'entre pas dans l'explication de ce phénomène qui tient à la réflexion et à la réfraction de la lumière, mais je me contente de dire qu'il y a là un moyen facile distinguer des bulles d'air et des gouttes d'huile.

Bien sûr, il y a lieu de ne jamais oublier ce que l'on est en train de regarder, car les grains d'amidon que j'ai évoqué plus haut sont également des formes transparentes et, sans aucune autre indication, on pourrait les confondre avec des gouttes d'huile si l'on se fondait uniquement sur leur transparence (d'où l'intérêt de la teinture d'iode).
Une information importante dans ses études qui font usage de microscopes de table :  ne jamais oublier que l'on ne voit pas les molécules, et encore moins les atomes. Même les protéines individuelles, qui sont de grosses molécules, sont invisibles en microscopie optique élémentaire, et  c'est seulement avec un fort grossissement que l'on verra les "granules" (agrégats de protéines et de lipides) dans le "sérum"  du jaune d' œuf.

En tout cas, il y a lieu de s'amuser beaucoup avec un microscope en cuisine et je ne saurai recommander que les lycée hôteliers en aient toujours un sur le plan de travail de la cuisine, pour que les élèves ne manquent pas une occasion d'aller regarder ce qu'ils produisent.  
Non seulement on évitera des confusions, entre mousses et émulsions, par exemple, mais, de surcroît, on entrera ainsi dans un monde merveilleux !

mercredi 25 août 2021

Pourquoi je propose d'être prudent



Pour quelqu'un qui fait la différence entre des opinions et des idées,pour quelqu'un qui sait que les affaires humaines sont compliquées et qu'il y a lieu de les regarder avec circonspection avant de prendre des décisions qui risque d'engager des collectivités, pour quelqu'un qui veut un comportement rationnel, il y a la question du raisonnement, de la déduction.

Si l'on veut être rationnel, alors il y a lieu de bien manier la logique, et, notamment, de commencer par connaître le syllogisme, cette figure logique identifiée dès l'Antiquité grecque et résumée dans "Si tous les hommes sont mortels et si Socrate est un homme, alors Socrate est mortel".

Il s'agit là de déduction logique, imparable, et non pas d'un vague sentiment. Or, comme je l'ai dit, les affaires humaines sont compliquées et j'ai senti le besoin d'expliquer à des amis pourquoi il fallait se méfier des prémisses manquantes. Au fond, cela s'apparente à reprendre la question du philosophe Alain  : "Quelle est la question à laquelle je ne pense pas ?".

Je viens de trouver  deux exemples pour expliquer ce point.

Tout d'abord, supposons que nous voulions reconnaître des champignons et que nous utilisions une clé de reconnaissance insuffisante. Par exemple, supposons que l'on dise :
- prémisse 1 : j'ai un champignon,
- prémisse 2 : il a un chapeau et un pied,
- prémisse 3 : il est décurrent,
- prémisse 4 : la couleur du chapeau est marron.
Avec cette description - qui est, je m'empresse de le dire- insuffisante,  on peut conclure soit que le champignon considéré est un bolet des bouviers, soit que c'est une girolle, soit que c'est une fausse girolle : ici, la conclusion est impossible à obtenir, parce qu'il manque des informations, des prémisses.
Ce n'est pas grave, dans ce cas précis, parce que les deux champignons sont comestibles, mais on serait fautif de conclure. Il manque, en l'occurrence, l'information de la présence soit de pores, qui dirigeraient vers le bolet des bouviers, soit de lamelles, qui orienteraient vers la girolle ou la fausse girolle.

Et l'exemple précédent n'est pas gravissime comme pourrait l'être une confusion entre un champignon comestible et un champignon vénéneux !

On voit bien que l'absence d'une information, d'une prémisse peut conduire soit à une hésitation, soit à une conclusion fausse.

Considérons maintenant un deuxième exemple,  pour lequel nous allons utiliser la théorie des ensembles.
Soit un ensemble A (par exemple celui des nombres entiers dont l'écriture commence par 1, soit 1, 10, 11, 12...), et un ensemble B (celui des nombres terminant par 3, soit 3, 13, 23...). L'ensemble A⋂B (cela se lit "intersection de A et de B") désigne les nombres qui commencent par 1 et finissent par 3, soit 13, 113, 123, etc.
Mais ajoutons une condition, une prémisse : nous considérons non seulement l'intersection de l'ensemble A et B, mais aussi avec l'ensemble C, qui sera celui des nombres dont le chiffre des dizaines est 2. Alors les nombres concernés sont 123, 1123, 1223, etc.

On voit sur ce second exemple que l'intersection A⋂B⋂C est bien plus restreinte que A⋂B :  l'ajout d'une prémisse a conduit à un résultat bien différent du résultat initial.

Ce second exemple, comme le premier, montre combien il est imprudent de tirer des conclusions avant d'avoir toutes les prémisses, et voilà pourquoi s'imposait la phrase d'Alain :
 combien il est imprudent de tirer des conclusions à partir de prémisses insuffisantes et l'on voit pourquoi la phrase d'Alain s'imposait : l'avatar de son "Quelle est la question à laquelle je ne pense pas ?" est ici "Quelle est la prémisse que j'ai oubliée pour raisonner correctement ?"

C'est une question éminemment politique !