mercredi 20 décembre 2017

Puis-je sourire (moquerie) ?

On se souvient qu'il faut de la parfaite bonté, bienveillance, gentillesse... mais, parfois, les prétentions sont ahurissantes. Surmontons nos (petites) indignations, donc, pour conserver un état d'esprit parfaitement positif... sauf quand nous pouvons profiter de la chose pour dire des choses justes et utiles.

En l'occurrence, je combe sur  le paragraphe suivant :

"Les découvertes, au sens où je l'entends, résultent des travaux de recherche fondamentaux correspondant aux efforts faits par les chercheurs pour comprendre le monde qui nous entoure. Les inventions techniques sont des dispositifs nouveaux qui fonctionnent, mais n'ont pas forcément trouvé une application  grand public. Les innovations technologiques correspondent à des inventions pouvant résulter de découvertes et qui ont tuvé leur marché et leurs applications grand public."
 

Pourquoi ce paragraphe est-il risible ?
D'abord, parce que le mot "découverte" n'a guère a être défini par notre homme, surtout si mal. La découverte est à la fois l'acte de découvrir et l'object découvert, mis à la connaissance.
Et la "découverte scientifique", dans la seconde acception, est le fruit de la "recherche scientifique", terminologie qui est quand même plus précise que "recherche fondamentale". D'ailleurs, à ce sujet, on observe que le paragraphe n'utilise pas cette expression, mais plutôt "travaux fondamentaux de recherche" (je réorganise pour mieux faire sentir la chose).

Surtout, il y a cette distinction entre innovation technique et innovation technologique. Là, notre auteur dit le contraire de la langue, très illégitimement. Nous n'avons pas besoin de lui pour redéfinir les termes, même s'il appartient à une de nos académies. 
Une innovation est d'abord le fait d'innover, avant d'être le résultat de cette action, une chose nouvelle introduite. Bref, une innovation est une nouveauté, qu'elle ait ou non des applications dans un champ technique.
Pour la "technique", c'est le faire. Par exemple, la cuisine est une technique, ainsi que la plomberie, l'analyse chimique, la médecine, la confection de routes... Et "innovation technique" est  une expression un peu ambigüe pour signifier innovation de la technique. Par exemple, le siphon, en cuisine, est une innovation de la technique (culinaire), puisqu'il remplace le fouet.
Pour l'innovation technologique, c'est une innovation qui concerne le domaine de la technologie, donc du perfectionnement des techniques. Par exemple, quand un logiciel de conception des puces microélectroniques remplace le dessin des puces par des dessinateurs industriels dans des bureaux d'étude, c'est une innovation qui concerne la technologie, donc techonologique.
Bien sûr, on pourrait arguer que les dessinateurs industriels font un travail technique, de sorte que le logiciel serait une innovation technique. OK, passons alors au travail de l'ingénieur proprement dit : un logiciel qui lui permet de mieux connaître des flux de matière dans son usine facilite et transforme son travail. Innovation technologique.

Bref, les mots ont des sens qui ne nous appartiennent pas, et il faut beaucoup de stature pour avoir la moindre chance de bouleverser les mots... en supposant qu'il y ait un vrai besoin de le faire.
Mais, surtout, si l'on introduit des concepts nouveaux, pourquoi ne pas introduire des mots nouveaux ?

La pâte à brioche : comment y mettre le beurre ?

Pour faire une brioche, prenons 200 g de farine (de force, au minimum type 55), puis 30 g de sucre, 2 oeufs, du sel, de la levure, et pétrissons jusqu'à ce que la pâte se détache des parois.

Puis il faut ajouter le beurre : certains préconisent de l'ajouter par petites parties, d'autre d'un coup.

Ensuite, on fait fermenter (ça gonfle).

On rabat, on met dans un moule beurré, et quand c'est regonflé, on cuit à 200 °C pendant environ 30 minutes.


La question : y a-t-il une différence entre l'ajout du beurre par parties, ou tout d'un coup (à ingrédients et procédés égaux) ?



Merci d'envoyer vos résultats expérimentaux, assorties des "matériels et méthodes" à icmg@agroparistech.fr

mardi 19 décembre 2017

Dieu vomit les tièdes?

On se souvient que des phrases sont affichées sur les murs de mon bureau, en très gros caractères.
Certains visiteurs croient que ces mots sont écrits pour eux, mais ils se trompent : ces monitions sont pour moi, d'abord pour moi, car dans cette entreprise de la recherche scientifique, il faut que je n'oublie pas des idées importantes.



"Dieu vomit les tièdes" : ici, c'est une phrase de la Bible qui est face à moi.

Évidemment, si elle figure ainsi, ce n'est pas pour des raisons religieuses, mais scientifiques.
Car  les sciences de la nature sont si belles que je ne peux même pas penser que nous puissions être tièdes (pour la science) et que nous devions être encouragés. Le grand Michael Faraday, qui manqua de peu de rester toute sa vie relieur, était immensément heureux de contribuer à la "philosophie naturelle". Il garda toute sa vie, pour les sciences de la nature, un enthousiasme d'enfant.

Ne nous complaisant jamais dans une tiédeur trop confortable, trop paresseuse, je ne vois vraiment plus pourquoi j'ai cette phrase en face de moi.
Une idée ?



















Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Un traiteur vegan m'interroge

Pour faire des macarons, des meringues, des mousses au chocolat, des boulettes, etc., un traiteur vegan m'interroge... mais

1. je ne suis pas un service de consultance technique (ou alors, c'est bien plus cher ;-)... et pour mon laboratoire ; je rigole : mon laboratoire n'a pas à se détourner de son objectif, qui est la production de connaissance, et pas la technologie !

2. cela fait des décennies que j'ai publié, par exemple, mes recettes de "chocolat chantilly", pour lequel aucune protéine n'est nécessaire ; ou que j'ai publié des informations sur la fonctionnalité des protéines (en gros, il y a celles qui coagulent et celles qui ne coagulent pas)

3. j'ai publié des tas d'informations de principe dans Mon histoire de cuisine

4. je ne suis pas certain de vouloir encourager le mouvement vegan ; autant je suis prêt à aider des personnes souffrant de véritables allergies, autant les contorsions pour ne pas manger de viande ne me poussent pas à utiliser de mon temps pour cela.

5. pour les petites sociétés, il existe en France des centres d'appui technologiques, à savoir le réseau Actia, dispersé dans toutes les régions.


Bon courage













Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Cuisson de viandes

Dans un séminaire de gastronomie moléculaire, nous avions comparé des matériaux pour cuire des kougelhopfs, et observé de remarquables différences.

Là, se pose la question à propos de la cuisson des viandes  au four : est-elle différence quand les viandes sont placées dans une cocotte en fonte fermée, dans un tajine, dans un romertopf ? Dans le premier cas, de la fonte ; dans le deuxième de la terre vernissée ; dans le troisième de la terre poreuse.


Mon analyse est pourtant que la température de la viande est le paramètre essentiel, et que ce n'est pas le matériaux qui importe. C'est donc d'abord une cuisson à basse température qu'il faudra faire.

Qui le fait ?











Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Peut-on manger des viandes cuites au barbecue ? Oui !

Ce matin, un correspondant (amical) me demande des précisions sur la cancérogénicité des viandes cuites au barbecue, afin de ne plus en manger :

"Vous dites que manger des aliments cuits au barbecue est cancérigène, pouvez-vous me préciser exactement ce qui l'est, est-ce le charbon ou autre chose ? J'aimerais en savoir plus avant d’arrêter définitivement ces moments plaisirs de l'été."

 Je lui réponds  :

Je ne dis pas qu'il ne faut pas manger de viande cuite au barbecue, pour cette première et importante raison que je dis que chacun doit faire ce qu'il veut.

Dans mon laboratoire, les "on doit" ou les "il faut" sont interdits, et nous invitons chacun à prendre des décisions responsables, après recherche.
Pour ce qui concerne le barbecue, je dis plus exactement (et j'ai des tas de références scientifiques à vous donner) que la viande mise au-dessus du feu ou de la braise se charge de benzopyrènes cancérogènes. Que le feu soit vif, avec des flammes,  ou qu'il n'y ait que des braises, que l'on ait utilisé du bois ou du charbon de bois, peu importe.

En revanche, je propose de savoir que si l'on surélève la grille, la quantité de benzopyrènes diminue, mais, surtout, que si l'on met la viande à côté du feu, et non pas dessus, alors la quantité de benzopyrène devient indétectable (pour ne pas dire nulle) : en effet, les viandes cuisent tout  aussi bien, parce que les infrarouges se propagent dans toutes les direction ; mieux encore, on peut mettre derrière la viande un réflecteur, nommé "coquille", qui accélère la cuisson. Et dans cette configuration, évidemment, pas de benzopyrène !

Finalement, s'il est vrai que les benzopyrènes cancérogènes sont effectivement abondants dans les viandes au barbecue classique, je ne crois pas qu'il faille arrêter de cuire ainsi, quand cela n'a lieu que quelques fois. Car le risque n'est grand que pas la répétition des expositions.

D'autre part, je prends souvent l'exemple de la viande au barbecue non pas pour empêcher mes amis de manger des préparations, mais surtout pour inviter à être de bonne foi, et à ne pas se préoccuper de dangers moins avérés, de risques plus faibles (les additifs, les pesticides, les perturbateurs endocriniens, le gluten, que sais-je ?) quand on fait soi-même bien pire. Il y a d'autres exemples de ce type : fumer, boire, ne pas enlever la peau des pommes de terre, etc.

 Je revendique surtout de la cohérence !














Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

lundi 18 décembre 2017

Deux échelles pour des reproductions de viande


Dans mon livre La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique, j'avais avancé l'idée, l'hypothèse, que le cerveau humain a évolué de sorte qu'il reconnait des « formes ».

Par « formes », j'entendais des formes aristotéliciennes, c'est-à-dire  des structures, des organisations. Par exemple, la seule mélodie d'Au clair de la lune, sans les paroles, permet de reconnaître la chanson ; par exemple, les étoiles de la Grande Ourse nous font penser à une casserole,  et ainsi de suite.

En cuisine, ces formes sont les saveurs (la saveur du chocolat, du roquefort...), les odeurs (celle de l'asperge, du haricot vert...), les couleurs... mais pourquoi pas les consistances ? Et c'est ainsi que je me suis interrogé sur l'organisation des fibres de la viande.

Dans du tissu musculaire, les fibres ont toutes environ le même diamètre, mais elles sont groupées en faisceaux, lesquels sont groupés en superfaisceaux, et ainsi de suite. Nous sommes sans doute capables de "reconnaître" cette consistance particulière. De ce fait, pourquoi ne pourrions-nous pas reproduire cette consistance ?

Si le projet est simple, est-il compliqué ? Ou, plus exactement dit, pourrait-on faire une "copie" qui soit simplifié, tout comme une photographie de la Joconde n'est qu'une reproduction (sans le vernis, l'épaisseur, etc.)  ?
Le fait que la viande soit composée de fibres de divers diamètres pourrait conduire à sélectionner seulement quelques uns de ces diamètres.
Par exemple, pourquoi ne pas se limiter à une construction "bimodale", avec de petites fibres  et de grosses fibres ?
L'opération est simple : on part d'objets d'un diamètre de spaghetti, et l'on divise en objets environ dix fois plus petits, de sorte que la bouche les distingue. Si l'on mêle les deux types de fibres, sentira-t-on cette bimodalité ? Même si l'on ne reproduit pas la consistance de la viande (et je crois qu'on ne la reproduira pas ainsi), nous devrions sentir les deux consistances, car des fibres de diamètre dix fois plus petit que celui d'un spaghetti restent perceptibles (la limitre est de 15 micromètres, soit plus de fois moins que les 5 millimètres d'un spaghetti  cuit).
De ce fait, le mangeur concluera de sa dégustation qu'il y a  une caractéristique qui a été prévue  par le cuisinier, et je crois qu'il en déduira positivement qu'on "l'aime", puisque l'on s'est préoccupé de lui, qu'on a fait pour lui une construction.


Le goût ? C'est une autre affaire, et je propose que nous laissions libre cours à notre fantaisie, en salé ou en sucré, parce que c'est là une autre affaire. Ce qui restera, c'est que le convive aura compris qu'on s'est préoccupé de lui, qu'on l'aime.















Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)