samedi 1 novembre 2014

Qu'est-ce qu'un produit chimique (pour Sasha)



Lors d'une conférence au Lycée français de New York, Sasha m'a demandé ce qu'est un produit chimique, et je lui ai promis une réponse... distribuée à tous.
Un produit chimique, c'est d'abord un produit, quelque chose qui a été fabriqué, produit. Cela dit, il y a de nombreuses façons de produire un produit. Par exemple, quand on lave une betterave à sucre, qu'on a râpe, qu'on fait infuser les râpures dans de l'eau chaude, que l'on récupère l'infusion, puis quand on évapore de cette infusion, on obtient du sucre de table. Le sucre de table est donc un produit de l'industrie alimentaire !
Ce produit est-il « chimique » ? C'est une question trop difficile pour commencer. Je propose donc de partir d'un produit chimique plus simple : l'eau de Javel. Cette fois, c'est un produit, puisqu'il a été produit, mais, ce qui est plus spécifique, c'est qu'il a été obtenu par des chimistes, qui ont fait une « synthèse » : à partir de divers produits, ils ont obtenu un produit nouveau, avec des propriétés nouvelles.
Parfois, lors des transformations chimiques, les modifications sont mineures, mais les modifications des propriétés sont considérables. Par exemple, quand on part de la vanilline, qui est le produit qui donne essentiellement son odeur à la vanille, on sait facilement fabriquer de l'éthylvanilline, qui donne la même odeur mais mille fois plus puissamment.
Le sucre, pour y revenir ? La question est difficile, parce que, s'il est vrai que l'on pourrait obtenir du sucre comme indiqué plus haut, l'industrie du sucre utilise une foule de composés qu'elle ajoute au sucre pour en faire le sucre que nous utilisons. Par exemple, l'industrie du sucre ajoute au « sucre pur » (on dit « saccharose ») des agents anti-mottants, qui facilitent la séparation des grains, qui évitent la formation de « mottes ». Du coup, le sucre n'est plus un produit extrait simplement de la betterave, et il contient des composés chimiques. Le sucre de table est un produit qui est donc fait des produits extraits des plantes, et de produits synthétisés. C'est bien compliqué, n'est-ce pas ?



dimanche 5 octobre 2014

Promouvoir les meilleurs étudiants n'est pas faire de l'élitisme



Ces temps-ci, on entend parler sans cesse d'égalité (mais quelqu'un qui mesure 2 mètres de haut n'a pas la même taille que quelqu'un qui mesure 1,5 mètre ; quelqu'un qui aime son travail, quel que soit la nature de ce travail, n'est pas dans les mêmes conditions que quelqu'un qui ne l'aime pas) ou d'équité (une notion que j'aimerais que l'on m'explique clairement), et c'est peut-être bien. En matière d'enseignement des sciences et des technologies, il y a cette idée qu'il faut aider tous les étudiants qui ont des difficultés. Là encore, évidemment, je suis pour, puisque c'est la mission de l'enseignement que d'aider les apprenants à apprendre.
Cela étant, personne ne peut faire le travail d'apprentissage à la place de l'étudiant, et il semble important -vu les étudiants que nous recevons- de bien rappeler que l'étudiant doit y passer du temps. Un temps où il n'y aura ni football, ni roman, ni film, ni concert… ; un temps où il faudra sans doute mémoriser, focaliser sur les notions, concepts, méthodes, objets qui font le contenu des sujets enseignés ; un temps où il y aura peut-être des exercices, des projets…
Et, progressivement, plus l'étudiant sera avancé dans ses études, plus il devra être autonome. Autonome de combien ?
Je propose de considérer trois courbes « d'autonomie », entre l'école primaire et la fin du Master 2, cette dernière année d'études, après laquelle l'autonomie devra être complète.





























La première courbe n'est pas bonne, parce que les jeunes apprenants doivent d'abord s'équiper avant de voler de leurs propres ailes. La deuxième courbe n'est pas bonne, parce que l'apprentissage de l'autonomie sera insuffisant. La troisième courbe s'impose, par conséquent.

Et les étudiants les plus faibles ? S'ils sont faibles en Master 1 ou 2, c'est grave, parce que la logique voudrait qu'on ne les aide pas. Et puis, pourront-ils rattraper en un ou deux ans quelque dix ans de retard ? Et faut-il donner le même diplôme à de bons étudiants et à des étudiants plus faibles ?
D'autant que :
1. le temps des enseignants est limité
2. il serait temps de reconnaître qu'il n'est pas certain que tous les étudiants soient faits pour les études : un étudiant qui ne veut pas étudier ne s'épanouira pas dans les études, quoi que fassent les enseignants
3. assez d'assistanat : les citoyens ne doivent-ils pas se prendre en charge un minimum ?
Enfin, on a tendance à oublier, ces temps-ci, que les nations ont besoin de gens qui sont à l'avant du groupe, des défricheurs en quelque sorte. Et si l'on ne contribue pas à aider ces individus, le groupe n'avance pas. Je ne dis pas que ces personnes doivent être mieux payées ou mieux considérées que les autres (quoi que…), mais je crois pouvoir dire que les enseignants n'ont pas le droit de les négliger, en consacrant tout leur temps aux plus faibles : ce serait injuste.
Autrement dit, je ne crois pas être élitiste en proposant que nous ne devons pas oublier de faire nos cours aussi pour les bons étudiants.

samedi 4 octobre 2014

Ne prenons pas les examinateurs pour des idiots


Le « pari de Pascal »  (Pensées, 1670) est célèbre : « Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude ; et votre nature a deux choses à fuir : l'erreur et la misère. Votre raison n'est pas plus blessée, en choisissant l'un que l'autre, puisqu'il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter. »

Ne pourrions-nous proposer, de même, de faire le pari de la bienveillance, de l'intelligence et de la culture, sans prétention ? D'une part, il y a les malfaisants, les jaloux, les méchants, les malhonnêtes, les paresseux, les autoritaires…  qui nous nuiront quoi que nous fassions. D'autre part,  il y les bienveillants et ceux qui n'ont pas d'idée a priori de nos travaux. Si nous mettons de l'intelligence dans nos productions, les individus de cette seconde catégorie, les seuls à qui il soit digne de s'adresser, nous seront redevables  des pétillements que nous aurons glissés dans notre version des faits.
Là, il faut que je demande pardon à mes amis, et que je rectifie une erreur que j'ai faite dans un de mes livres et quelques articles : ébloui par le moine Shitao, ce théoricien chinois de la peinture et de la calligraphie, je l'avais suivi quand il évoquait la « poussière du monde »


La poussière du monde ? Ce sont les modes, les « chiens écrasés », les potins, les agissements des grenouilles qui veulent se faire plus grosses que le  bœuf (ceux qui prétendent diriger, alors qu'il n'est pas certain qu'ils se dirigent eux-mêmes : je pense aux « dirigeants » dont les enfants  sont délinquants, ou s'entretuent pour des histoires de mœurs  sordides, sans compter ceux qui affichent  impudiquement leur vie publique… minable). Bref, il y aurait la « poussière du monde ».
Toutefois, dire un mot ne fait pas exister l'objet « matériellement » ! Le manteau  du père Noël n'est ni rouge ni bleu… puisque le père Noël, n'existant pas, n'a pas de manteau. La poussière du monde ? L'idée est fascinante, mais si nous nous efforçons de mettre de l'intelligence dans nos actes, pensées, discours, rien n'est anodin, rien n'est poussière.
Et  c'est ainsi que nos productions seront plus belles, adressées à des « amis ».

samedi 13 septembre 2014

Parlons de chimie

J'ai  longtemps tourné autour du pot, à propos de la dénomination de la science qui explore les réarrangements d'atomes, mais je crois que j'y suis.
Je reprends :

Attendu 1 : on nommera "assemblage d'atomes" une molécule, un cristal, un métal... bref, un groupe d'atomes liés par la "mise en commun" d'électrons, ce que l'on pourrait également dire "échange d'électrons", ou "recouvrement d'orbitales", ou toute autre dénomination qu'il serait plus juste de trouver pour bien décrire des associations un peu stables.

Attendu 2 : l'activité qui consiste à explorer la production de nouveaux assemblages d'atomes est nommée depuis longtemps la "chimie" (il y a  eu des hésitations avec "alchimie", mais la question semble réglée).

Attendu 3 : la chimie est une activité scientifique.

Attendu 4 : il y a une différence entre science et technique, puisque la première produit des  connaissances tandis que la seconde produit des artefacts matériels.

Conclusion intermédiaire : il faut un nom particulier  pour la technique qui produit des "produits" à partir de "réactifs".

Attendu 5 : une telle activité est une activité technique.


Alors ?

vendredi 12 septembre 2014

La difficile question de l'évaluation


Les êtres humains sont diversement constitués, et leurs réactions dans une circonstance particulière sont donc variées. Toutefois la question des évaluations est épineuse pour la plupart d'entre nous, je le sais d'expérience, de sorte que cette généralité mérite d'être discutée… paradoxalement à partir d'une expérience personnelle.
Le moi est haïssable, nous sommes bien d'accord, mais un cas personnel peut devenir est  au moins un exemple à partir duquel on peut essayer d'analyser. Personnellement, donc,  je déteste l'évaluation, parce que, faisant de mon mieux, je vois mal comment je pourrais faire mieux. Il est vrai, aussi,  que je déteste l'idée de subir l'appréciation, parce que je  ne vois pas dans mes évaluateurs des personnes qui auraient plus de compétences moi-même  sur mon propre travail (je fais souvent  l'hypothèse -évidente puisque je consacre tout mon temps à ma recherche, sans temps répit, vacances, etc.), de sorte que je suppose que  leur compétence est moindre que la mienne, dont leur évaluation illégitime.  Mais je sais  que c'est là un défaut personnel, largement partagée par ailleurs, qui consiste à se croire le nombril du monde, et en conséquence, à mal réagir face à ces évaluations.
Dans mon cas, j'ai proposé des tas de « gesticulations » pour me sortir de cette situation, à savoir proposer ma propre évaluation,  accumuler les démonstrations d'honnêteté,  de travail et de droiture, à défaut de pouvoir proposer des compétences, etc. Toutefois  le billet d'aujourd'hui reprend en écho celui que j'avais proposé à propos d'étudiants qui devaient  faire un rapport.
Sortant d'une évaluation,  ou d'un concours ce qui revient au même, je me suis aperçu,  en cours d'audition,  que le jury n'était pas malveillant et, surtout, qu'il posait des questions afin de bien comprendre mon activité. En conséquence, j'ai constaté que je m'étais mal exprimé, dans mon document initial, ou que la matière était complexe, de sorte qu'elle méritait des explications, des éclaircissements.
Vous vous souvenez que j'avais discuté le cas d'un étudiant qui avait été mal évalué, parce qu'il avait proposé une sorte de publications scientifique, en guise de rapport de stage. Ce n'est pas ce qu'on lui demandait : il aurait dû  expliquer ce qu'il avait fait pendant son stage à des gens qui ne connaissaient pas son sujet ; Il y avait erreur à croire acquise des notions que n'avaient pas ses interlocuteurs. 
De même pour mon dossier de concours : oui, je travaille ; oui je place bonté et droiture parmi les qualités les plus grandes. Oui, j'essaie de contribuer à l'avancement des connaissance, au bien être de la collectivité qui m'emploie, etc., mais c'est une erreur, une légère erreur que ne pas expliquer bien l'ensemble des travaux, leur articulation, leur cohérence... Ainsi  le jury m'a demandé comment il était possible que je puisse mener de front recherche, enseignement, communication : la question était légitime, et la réponse simple à donner (quand on fait 105 heures par semaine sans prendre de vacances, on peut faire bien plus.... que si l'on faisait moins). La question était légitime, la réponse était simple, et le fait qu'il y ait eu question prouve que le dossier envoyé n'était pas clair, au moins de ce point de vue.
Un autre exemple : souvent, je réponds à des demandes d'institutions variées. Un ministre qui m'invite à développer la science dans les écoles, un recteur qui me convie à des formations, l'ambassadeur qui propose une série de conférences à l'étranger... Le jury a posé la question de savoir quelle était ma stratégie face à des demandes en nombre excessives. Cette activité ne nuirait-elle pas à la production scientifique ? la question est légitime la réponse était facile à donner, puisque, évidemment, je me suis posé depuis longtemps la question de savoir comment réagir à ces demandes, moi qui propose de toujours placer la méthode  avant la réponse,  la stratégie avant la tactique, pour prendre une métaphore guerrière que je n'aime pas. Quand une demande me parvient, elle est analysée, passé au crible d'un certain nombre de critères, le premier temps étant l'utilité sociale, en accord avec les missions qui me sont confiées, au moins tel que j' interprète la lettre de mission qui m'a été donné. Ce n'est pas une injure que l'on me fait de m'interroger  sur la façon de répondre à ces demandes, et il est plus intelligent de considérer que, puisque  cette question épineuse  est lancinante, j'aurais dû l'anticiper et en donner une réponse simple dans le dossier écrit.
Évidemment, on ne peut pas tout prévoir, surtout quand le nombre de pages du dossier écrit que l'on soumet est  limité, mais en tout cas, je retiendrai – et je propose à mes amis (vous, donc) de le considérer aussi- qu'il y a une sorte de devoir d'explication, d'éclaircissement,  qui s'impose avant tout.
Au fond,   si nous n'avons rien à cacher, montrons tout, n'est-ce pas ?

samedi 6 septembre 2014

Votons !

OK, c'est en anglais, mais quand même :

Voting has now opened for the Google Science Fair Voter's Choice award. Between now and September 14, the public can cast a vote on the website for one of our 15 Global Finalist projects, that they think has the greatest potential to change the world. The winner will be announced during the awards show later this month.


https://www.googlesciencefair.com/en/

mardi 2 septembre 2014

Les tests de QI mesurent en réalité... la naïveté et l'ignorance des mathématiques



Un, deux, quatre, huit... Quel est le suivant ? Vous avez dit seize, mais, en réalité, il fallait répondre en 1013.
Un autre : 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21... Et le suivant ? Vous avez répondu 34, ayant observé que chaque terme est la somme des deux termes précédents, et vous avez tort : il fallait répondre 1013.
Alors, encore un autre : 1, 2, 4, 6, 3, 4, 6... Quel est le suivant ? Je sais que vous avez répondu 1013, mais réponse était 724.
Analysons. Dans tous ces cas, qui sont analogues aux questions posées dans les tests de QI, on veut éprouver notre sens logique. Mais c'est ignorer que, par une suite finie de points, on peut faire passer un nombre infini de courbes, et que la multiplication par deux pour le premier cas, ou la suite de Fibonacci pour le deuxième exemple, etc., ne sont que des cas très particuliers qui ne sont ni plus simples n'est plus logique que d'autres. Par une suite infinie de points, on peut faire passer un nombre infini de courbes et toutes peuvent avoir leur justification.
C'est là une leçon que la nature donne régulièrement aux scientifiques qui font des mesures : la nature n'a pas toujours choisi la solution la plus simple, la plus logique (de notre point de vue), et nous devons bien scruter les phénomènes pour rechercher les mécanismes.
Mais je m'égare. Pour en revenir aux tests de QI, nous sommes en droit de répondre ce que nous voulons à ces tests... du moment que nous savons justifier notre réponse, mais il faut savoir que cette réponse sera très idiosyncratique, et qu'il vaut mieux répondre au hasard, puisque le nombre de réponses possibles est infini.
En pratique, je doute (mais c'est sans doute une présomption idiote de ma part, pardon si certains sont éclairés) que vos examinateurs sachent que leurs tests sont naïfs à ce point. Evidemment, lors d'un entretien d'embauche, il vaut peut-être répondre quand même par la réponse attendue, mais vous n'y perdrez par si vous expliquez pourquoi la question ne teste que la connaissance de certaines régularités élémentaires, alors que vous êtes bien au-dessus de cela. Et puis, si votre interlocuteur se vexe, ce sera la meilleure démonstration qu'il ne vous mérite pas, qu'il ne faut absolument pas aller travailler avec cette personne, qui joint la naïveté à l'ignorance et à un amour-propre exagéré. Ne travaillons jamais avec des salauds !