Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mercredi 7 octobre 2020
Faire une présentation scientifique orale
Hervé This
Octobre 2020
Tout ce qui suit est fondé sur l'analyse des erreurs que mes jeunes collègues commettent presque toujours. Il faut en finir, en vous donnant des conseils très clairs. Le but, ici, est de vous aider à éviter les fautes que vous risquez quasi immanquablement de faire, et c'est simple : vous devrez simplement
- lire lentement ce que j'explique
- suivre les règles une par une.
Commençons maintenant :
1. Vous vous préparez à faire une présentation scientifique orale. Ne plongez pas immédiatement dans la réalisation d'un document powerpoint !
2. Parce qu'il y a une différence essentielle à bien faire entre :
- le contenu de l'exposé (science, technologie)
- la manière dont le contenu est communiqué.
3. Et vous ne pouvez PAS faire une bonne communication si ce que vous avez à dire n'est pas bien défini, si le contenu scientifique/technologique n'est pas initialement clair.
En d'autres termes, vous ne pouvez pas expliquer ce que vous ne comprenez pas vous-même.
4. L'erreur majeure qui est commise est la suivante : trop d'étudiants se contentent de copier et de coller les informations qu'ils ont trouvées (dans des articles scientifiques, par exemple), et lorsque cela est fait, ils ne se demandent pas ce que cela signifie réellement, de sorte que lorsqu'ils font leur présentation orale, ils décrivent quelque chose qu'ils ne comprennent pas.
Disons-le ainsi : décrire quelque chose vaguement, ce n'est pas le comprendre, et encore moins l'expliquer aux autres.
5. Un deuxième écueil : vouloir trop en dire en trop peu de temps.
Pour faire des comparaisons, n'essayez pas de mettre 1 L d'eau dans 1 cm3, car cela ne tiendra pas ; n'essayez pas de passer à travers le mur, car vous n'y parviendrez pas, et vous vous ferez mal...
6. C'est pourquoi une règle est souvent donnée (je suis sûr que vous l'avez déjà entendue) : pour 20 minutes de présentation, limitez-vous à 20 diapositives comprenant le titre, la table des matières et la liste des références à la fin (voir plus loin).
N'essayez pas d'échapper à cette règle, et ne cherchez pas des façons de la contourner : c'est toujours très mauvais de mettre trop de choses dans une diapositive (nous verrons plus tard que chaque diapositive ne doit contenir qu'un titre, et un graphique ou une image).
7. Mais quand je dis cela, je vous induit légèrement en erreur, car j'ai déjà versé dans le domaine de la communication, alors que, à ce stade de la discussion, il faut se limiter au contenu.
L'idée est simplement que, AVANT de le faire, vous devez décider UNE idée que vous allez développer.
D'où un bon conseil : pourquoi ne pas simplement poser UNE question ? (par exemple : comment augmenter la viscosité de l'huile en utilisant des polyphénols (réponse : faire un gel) ? Ou pourquoi le pain rassis ramollit-il lorsqu'il est chauffé au four (état vitreux, cristallisation, ...). Et votre exposé s'organiserait autour de la réponse à cette question, qui suscite l'envie d'avoir la réponse (surtout si elle est bien posée : pensez à des polars).
8. Au fait, un bon conseil est de faire la présentation orale en utilisant en PREMIER lieu un fichier de traitement de texte (.doc, .txt, etc.), de 20 lignes (numérotées de 1 à 20) : vous écrivez dans chacune ce que sera le contenu de la diapositive (et cela fera le titre de la diapositive).
Je montre comment cela doit être fait, en utilisant un tableau, parce que je préfère toujours structurer :
Slide
Content
1
titre de la présensation, logos, auteurs, date
2
sommaire : il s'agit de dire comment la question sera étudiée
3
La question posée (quand ce n'est pas le titre de la présentation), les raisons pour laquelle elle est intéressante (contexte)
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Conclusions et perspectives :
1. pour les conclusions: peu, mais vigoureuses ; cela peut être la réponse à la question posée en introduction, ou les idées /concepts dont il est utile de se souvenir
2. Préférez de toutes façons des perspectives à des conclusions: il faut ouvrir, pas refermer !
Et surtout, pas de ce conventionnel et un peu idiot "Merci pour votre attention" (n'oubliez pas que beaucoup dorment, ou font autre chose que vous écouter, pendant votre présentation, et vous risqueriez de les vexer)
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Références : surtout, assurez vous bien de ne donner que de bonnes références, car donner une mauvaise référence, c'est être soi-même mauvais.
Donnez les dans l'ordre alphabétique, pour faciliter la lecture de vos amis.
Et, bien sûr, toutes dans un même format :
Author I. Year. Title of the paper, Title of the journal, 5(2), 23-29.
9. Dans une présentation scientifique, il ne faut évidemment présenter des résultats expérimentaux que pour des expériences qui auront été expliquées auparavant. Je me répète un peu : personne ne peut comprendre les résultats d'une expérience qui n'est pas donnée.
10. Essayez toujours de faire des présentations très simples, lisibles, claires :
- une question (structurante)
- le contexte : pourquoi il est intéressant de considérer cette question ; ici vous devrez probablement expliquer quels sont les objets dont vous parlez (par exemple, si vous parlez de gels, pourquoi ne pas donner la définition de l'IUPAC d'un gel ? ou si vous parlez de tension superficielle, donnez la définition très clairement... aux autres et à vous-même)
- la manière dont la question a été étudiée expérimentalement (la stratégie générale de l'étude)
- les matériaux et les méthodes (le détail des expériences)
- les résultats
- la discussion des résultats
11. Un bon conseil : ne soyez pas général d'emblée, car votre public ne comprendra rien. Commencez par un bon exemple, et donnez les généralités plus tard.
Par exemple, si vous devez traiter de la viscosité, prenez l'exemple d'une planche (aire A) à la surface d'un liquide (viscosité η) d'épaisseur e, avec une force appliquée F.
12. Soyez quantitatif : fixez les idées avec des équations, des nombres, et des applications numériques (l'équivalent de petits exercices pour tester les connaissances théoriques après avoir appris une loi générale importante ; par exemple, calculer la force nécessaire pour déplacer une planche de 1 m2 à la surface de l'eau, de 1 m en 1 s).
Et n'oubliez pas qu'en science, les adjectifs et les adverbes sont "interdits" : ils doivent être remplacés par la réponse à la question "combien ?
13. Partez du connu avant d'aller vers l'inconnu : souvenez-vous que découvrir un nouveau domaine de connaissance, c'est comme découvrir un nouveau pays : faites parcourir à votre audience un chemin (ou une route, une voie...). Il faudra faire tous les pas, sans sauts : mettre un pied devant l'autre et ainsi de suite.
14. Passons maintenant à la partie communication.
N'utilisez PAS les masques de diapositives donnés par le logiciel PowerPoint (ou équivalent), car ils vous poussent à l'erreur, en contenant des objets sans sens, tels que des barres colorées qui vous empêchent de mettre les références en bas, des grandes zones colorées qui prennent l'espace dont vous avez besoin pour votre propre contenu !
Pour chaque diapositive, faites simplement :
- un titre (en haut des diapositives, toujours à la même position, à gauche ou au centre)
- une image (photo, graphe, équation, séquence d'équations...)
- une référence, en petit au bas de la diapositive : soit complète, soit abrégée (dans ce deuxième cas, il suffit d'écrire "Auteur, année", ou "Auteur1 et Auteur2, année", ou "Auteur1 et al., année").
15. A propos des caractères : s'il vous plaît, un seul type de police ! Et seulement deux tailles : une pour le titre de la diapositive, et une pour les commentaires.
16. N'écrivez JAMAIS de phrases que vous auriez à lire (votre public essaiera de le lire, et quand il le lira, il ne pourra pas vous entendre).
Si vous avez vraiment besoin d'un texte qui peut vous aider à présenter oralement, mettez-le dans la partie "commentaires" qui apparaît sous les diapositives (non affichée) ou sur un papier sur le pupitre. Et surtout pas de phrases complètes ; seulement des mots-clés pour vous guider.
17. Bien sûr, les graphes doivent avoir les axes bien précisés : ce que c'est, les unités, etc.
Sur les images, la taille des objets que vous décrivez doit être indiquée, et, plus généralement, des informations numériques peuvent être données (par exemple, dans une image microscopique).
N'ajoutez pas de légende, car elle doit être le titre de la diapositive (seule la référence du graphique ou de l'image est obligatoire).
18. Si vous prenez une photo ou un schéma dans un document qui n'est pas de vous (et c'est bien ce que vous devez faire), ils doivent :
- être tirés d'un bon article (voir "Comment reconnaître les mauvais papiers")
- être accompagnés d'un crédit ("De l'auteur, année", s'il a été modifié, ou simplement "Auteur, année" s'il est inchangé).
19. Afin de faciliter la discussion/les questions, numérotez les diapositives en bas à droite.
20. Car rappelez-vous (et appliquez) cette règle : tout le monde lit de gauche à droite, et de haut en bas.
Cette règle essentielle s'applique non seulement pour la numérotation, mais à tout le contenu des diapositives.
21. N'oubliez pas de toujours montrer les formules chimiques des composés dont vous dites le nom (et de discuter de la réactivité des composés)
22. Pour les définitions, utilisez toujours celles qui sont acceptées au niveau international (ou dites que c'est très particulier de la part de l'auteur d'un article que vous citez).
Connaissez vous le Gold Book de l'IUPAC ? Et le BIPM ?
23. Le conseil suivant semble un peu accessoire, mais il est en réalité très important... car on juge les scientifiques à des détails, au soin qu'ils portent à tout leur travail : souvenez-vous que les huiles et les graisses ne sont pas faites d'acides gras, mais de triglycérides ; et que les protéines ne sont pas faites d'acides aminés, mais de résidus d'acides aminés ; ne parlez pas de glucose, mais de D-glucose ; et lorsque vous dessinez une formule chimique, utilisez toujours la même représentation.
24. Veillez à ce que votre public connaisse suffisamment les mathématiques que vous utilisez vous-même : le gradient, par exemple. N'hésitez pas à expliquer.
25. Pas de dessin moléculaire vague quand on parle de chimie : il faut l'objet exact, avec tous les atomes (sauf peut-être quelques atomes d'hydrogène H, puisqu'il est conventionnel de les omettre), pour pouvoir voir les électrons en excès).
26. Ne faites référence qu'à de très bons articles. Et provenant de revues scientifiques de bonne qualité (attention aux revues prédatrices !), et pas de sites Internet de vulgarisation, par exemple.
27. Quelques "détails importants" à propos la mise en page :
- quand la présentation est faite, vérifiez l'orthographe !
- cherchez à aligner les objects graphiques (textes, images, etc.)
- prenez garde à bien faire des blancs tournants (le même espace autour d'un objet tel qu'un logo dans un coin)
- se souvenir de la règle des 2/3-1/3 : deux fois plus d'espace au-dessus d'un titre qu'entre le titre et le texte auquel il correspond
- faites un pdf et pas seulement un ppt, parce que dans le passé, il y a eu des problèmes avec des ppt qui ne s'affichaient pas.
28. Puis, lorsque vous montrerez les diapositives, ne bougez pas vos mains de façon erratique.
Mettez plutôt vos doigts -fixement- sur chaque objet que vous décrivez verbalement. Oui, touchez le tableau, en mettant votre doigt sur chaque objet que vous décrivez (et s'il vous plaît, ne le déplacez pas tant que vous restez sur le même objet.
De même, si vous utilisez un pointeur, évitez absolument de le déplacer, en le faisant tourbillonner, car c'est pénible ! Vous pouvez aussi tenir un stylo, par exemple, pour éviter de faire des gestes insignifiants (règle générale : TOUT doit avoir un sens... Puisqu'il s'agit de communication).
29. Soyez LENT, et mieux encore, soyez MÊME PLUS LENT que lent.
Rien de pire que des gens qui disent à toute vitesse des expressions très difficiles ( > 3 syllabes) comme "systèmes mobiles interconnectés complexes polydispersés" : vous pouvez dire cela à une vitesse de parole ordinaire... mais il faudra des dizaines de secondes avant que votre public ne comprenne ce que cela signifie, car il devra traduire lentement, dans son esprit, ce que cela signifie... de sorte qu'il sera perdu parce que, entre-temps, vous serez passé à un autre sujet, dont il aura manqué le début.
J'insiste : ne parlez pas trop vite : rappelez-vous que nous sommes tous des esprits lents, et qu'il est inutile de faire des discours rapides que personne ne comprend.
Et j'insiste encore : allez-y LENTEMENT : rappelez-vous que la clarté (c'est-à-dire être capable de comprendre, de l'autre côté) est la politesse de ceux qui parle en public ; soyez poli.
30. Et cela m'amène à ce conseil principal : pendant toute votre présentation, gardez à l'esprit ce "La clarté est la politesse de ceux qui parlent en public".
31. J'insiste : vous ne parlez pas à vous-même, mais aux autres. Nous nous moquons que vous parliez ; en revanche, le point essentiel est que votre audience (tous, et pas seulement certains) DOIT comprendre... sinon votre discours est un échec. Tiens, un bon conseil : faites l'hypothèse que le public ne sait rien du sujet.
32. Dans un souci de clarté, expliquez lentement tout ce que vous montrez dans les figures.
33. J'étais prêt à écrire "Ne lisez pas le texte sur les diapositives : commentez, expliquez"... mais si vous appliquez la règle 14, il n'y a rien à lire !
34. Dans les diapositives, mais aussi dans votre discours, chassez les adverbes et les adjectifs parce que ce n'est pas scientifique : répondez plutôt à la question "combien".
35. Enfin, n'oubliez pas que votre devoir est de rendre vos amis heureux, et non pas ennuyeux. Si vous êtes positivement intéressé par ce que vous montrez, c'est mieux.
Making a scientific oral presentation
All what follows is based on mistakes that my young colleagues make almost always!
The goal, here, is to help you avoiding them, and this is simple: yo will usimply need to
- read slowly what I am explaining
- follow the rules one by one.
Let's begin now:
1. You have to make an oral scientific presentation. Don't dive into the ppt immediately !
2. Because there is a difference to make between:
- the content of the talk (science, technology)
- the way the content is communicated.
3. And you cannot make a good communication if what you have to tell is not well defined, if the scientific/technologic content is not clear.
In other words, you CANNOT explain what you don't understand yourself.
4. This is the major mistake usually done: too many people just copy and paste information that they found, and when it is done, they don't ask themselves what it means really, so that when they are lecturing, the describe something that they don't understand.
Let's put it this way: describing something vaguely is not understanding it, and even less explaining it to others.
5. A second pitfall is when there is too much to say in too short a time: to take comparisons, don't try to put 1 L of water into 1 cm3, because it will not fit; don't try to go through the wall, because you will hurt yourself...
6. This is why a rule is often given (I am sure that you heard it before): 20 minutes, 20 slides including the title, the table of content, and the reference list in the end.
Please, don't try to escape this rule, and do not apply it is a bad way, i.e., in putting too many things in each slide (we shall see later that each slide should contain only one title, and one graph or picture).
7. But when I say that, I am slightly misleading you, because it is in the communication domain.
The idea is simply that, BEFOREHAND, you have to decide ONE idea that you are going to develop.
Hence a good advice: why wouldn't you simply ask ONE question ? (for example: how to increase the viscosity of oil using polyphenols (answer: make a gel)? Or why does stale bread soften when heated in an oven (glassy state, crystallization, ...) And your talk would be organized around answering this question.
8. By the way, a good advice is to make the oral presentation using FIRST a doc file, with 20 lines (numbered 1 to 20): you write in each what will be the content of the slide (and this will make the title of the slide).
I show how it has to be done :
Slide
Content
1
titre of the presensation, logos, authors, date
2
table of content : tell how the question will be discussed
3
The question given (if it is not the title of the ppt), or explained
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Conclusions and perspectives :
1. for conclusions, very few, but strong ; it can be the answer to the question given in the introduction, the most important ideas/concepts to remember
2. Prefer Perspectives to conclusions: you have to open, not to close !
And please, no "thank you for your attention" (they were sleeping and you will make them uncomfortable)
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References : please be sure that you give only good references !
In the alphabetical order
And of course all with the same format :
Author I. Year. Title of the paper, Title of the journal, 5(2), 23-29.
9. Now, of course, in a scientific presentation, one has to explain results only for experiments that are given before, for example. In other words, nobody can understand results of an experiment that is not given.
10. Keep in mind the simple presentation:
- one (structuring) question
- the context : why it is interesting to consider this question; here you will probably have to explain what are the objects that you are discussing (for example, if you speak of gels, why not giving the IUPAC definition of a gel? of if you speak of surface tension, give the definition very clearly... to the others and to yourself)
- how it was studied experimentally (the general strategy of the study)
- the Materials and Methods (the detailed experiments)
- the results
- the discussion of the results
11. Now, also positively, a good advice : don't try to be too general at the beginning, because your audience will not understand anything. Begin with one good example, and give the generalities later.
For example, if you have to deal with surface tension, take the example of a board (area A) at the surface on a liquide (viscosity η) of thickness e, with an applied force F.
12. Be quantitative, fix ideas with equations and numerical applications (the equivalent of small exercises to test the theoretical knowledge after learning a general important law; e.g. calculating the force needed to move a board 1 m2 at the surface of water, by 1 m in 1 s).
And remember that in science, adjectives and adverbs are "forbidden": they should be replaced by the answer to the question "how much?"
13. Start from the known before moving toward the unknown: remember that discovering a new field of knowledge (your audience) is like discovering a new country: you have to follow a way (or road, lane...) without jumps. In other words, you and your audience will have to make all steps (I mean, putting one foot in front of the other and again).
14. Let's now move to the communication part.
Please DO NOT use the templates given by the ppt software, because they are pushing you to the mistake, containing unsignificant objects, such as colored bars that prevent you to put the references at the bottom, large colored area that takes space that you need for your own content !
For each slide, make simply:
- one title (at the top of the slides, always in the same position, at the left or at the center)
- one picture (photo, graph, equation, sequence of equations...)
- a reference in small letters at the bottem of the slide, in small size, either in full or abbreviated (in this second case, write simply "Author, year", or "Author1 and Author2, year", or "Author1 et al., year").
15. About the characters : please, only one type (font) ! And only two sizes: one for the title of the slide, and one for comments.
16. NEVER write sentences that you would have to say (your audience will try to read it, and when they read, they will not be able to hear you).
If you really need to have text that can help you to present orally, put it in the "comments" part below (not displayed)... but then, no full sentences, only keywords to guide you.
17. Of course, the graph should have the axes given: what it is, units, etc.
The size of the objects that you describe has to be given, and, more generally, numerical information can be given (for example, in a microscopic picture).
Don't add a caption since it should be the title of the slide (only the reference from the graph/picture is compulsory).
18. If you take a picture from someone (and you have to), it should:
- be from a good paper (please see "How to recognize bad from good papers")
- be along with a credit ("From Author, year", if it was modified, or simply "Author, year" if it unchanged).
19. In order to make the discussion/questions easier, number the slides at the bottom right...
20. Because remember (and apply) this rule: everybody reads from left to right, and from top to bottom.
21. Don't forget to always show the chemical formulas of compounds of which you say the name (and discuss the reactivity of the compounds)
22. For definitions, use always the internationally accepted one (or say that this is very idiosyncratic from the author of an article that you quote).
23. The next seems a detail, but it is indeed very important, because one recognizes the scientific quality after details: remember that oils and fats are not made of fatty acids, but of triglycerides; and proteins are not made of amino acids, but of aminoacid residues; don't speak of glucose, but of D-glucose ; and when you draw chemical formula, use always the same representation.
24. Be sure that your audience knows enough mathematics: gradient, for example. Don't hesitate to explain them.
25. No vague sketch when discussing chemistry: we need the exact object, with all atoms (except perhaps some H), so that we can see the electrons in excess).
26. References should ALWAYS be good ones. And from scientific journals, not popularization internet sites, for example. And figures as well.
27. Details about layout :
- Spelling !
- Alignments
- Turning spaces (the same space around an object such a a logo in a corner)
- remember the 2/3-1/3 rule : twice the space over a title than between the title and the text to which it corresponds
- make a pdf and not only ppt, because in the past, there were problems.
28. When showing the slides, don't move your hands erratically. Instead put your fingers on each object that you are describing verbally. Yes, touch the board, putting your finger on each object that you discuss (and please don't move it while you remain on the same object; also if using a pointer, avoid absolutely moving it around, swirling! You can also hold a pen, for example, in order to avoid making unsignificant gestures).
29. Be SLOW, and even better, be EVEN SLOWER than slow.
Nothing worse than people saying very difficult expressions ( > 3 syllabes) such as "complexe polydispersed interconnected moving systems" : you can say that at ordinary speech velocity... but it will take dozens of seconds before your audience can understand what it means: they will have to translate slowly, in their mind, what it means... so that they are lost because you moved in the meantime.
I insist: don't speak too fast : remember that we are all slow minds, and it is useless to make fast speech that nobody understand.
And I insist again : go SLOWLY: remember that clarity (i.e. being able to understand, on the other side) is the politeness of who speaks in front of an audience ; be polite !
30. And this leads me to this main advice: remember the "being clear is the POLITENESS that you should have when you speak in front of an audience".
31. I insist: you don't speak to yourself, but to others. We don't care that you speak; on the other hand, the main point is that THEY HAVE to understand... otherwise your speech is a failure. Assume the audience knows nothing about the topic.
32. In view of being clear, explain slowly all what we see in the figures.
33. I was ready to write "Don't read text on the slides: comment it, explain it"... but if you applied one of the above rules, there is nothing to read !
34. In the slide, but also in your speech, chase adverbs and adjectives because this is unscientific: instead, answer to the question "how much"
35. Finally, remember that your duty is to make your friends happy, not boring. If you are positively interested in what you show, it's better.
mardi 6 octobre 2020
On m'interroge sur ma manière d'écrire
On m'interroge sur ma manière d'écrire
1. Oui, de plus en plus, mes textes sont structurés bizarrement, en très petits paragraphes (jusqu'à une seule phrase), séparés par une ligne de blanc, et numérotés. Pourquoi ?
2. Parce que j'ai été sensible à des remarques d'amis qui me disaient qu'ils avaient du mal à lire des paragraphes volumineux.
3. Parce que, ainsi, on voit mieux les enchaînements logiques... et je les fais d'ailleurs également mieux.
4. Parce que, à l'ère du numérique, on n'est plus à une ligne près. Ce qui faisait l'objet de réglages très fins de la part des maquettistes devient plus facile, avec la même fonction littéraire.
5. Et bien d'autres raisons, mais discutons la numérotation : s'impose-t-elle vraiment ? Non, en réalité, mais elle ne gêne pas. Et elle facilite la discussion avec mes amis, tout comme numéroter des diapositives d'une présentation powerpoint ou d'un rapport permet de se repérer pour discuter de points particuliers.
6. Reste la coquetterie du &, qui était jadis utilisé dans les livres : il est exact que le "et" revient souvent, de sorte que le besoin de le représenter n'a pas changé. De même pour "ss", que l'on peut utilement remplacer par un β, comme en allemand.
7. Mais, en tout cas, l'objectif est d'être efficace, parfaitement compris, en vue d'un dialogue intellectuel constructif.
lundi 5 octobre 2020
A propos de transitions en cuisine
science/études/cuisine/politique/Alsace/émerveillement/gratitude
1. On m'interroge pour savoir si l'on parviendrait à cuire des spaghettis en les stockant longtemps dans l'eau froide, et cette question m'arrive alors je reçois une autre question sur la cuisson des oeufs, où mon interlocuteur cherche (pourquoi ?) à optimiser l'énergie dépensée pour la cuisson, en faisant séjourner également les oeufs dans l'eau froide après avoir stoppé la cuisson plus tôt.
2. Bon, pourquoi ne pas répondre... mais pour moi qui ne cesse de réclamer un objectif avant d'emprunter un chemin, j'hésite quand même:
1. car pourquoi vouloir mettre des spaghettis dans l'eau froide, alors qu'il suffit de quelques minutes dans l'eau chaude pour les cuire ?
2. et pourquoi gagner des quantités d'énergies minimes, quand les mêmes roulent dans de grosses voitures, et gaspillent l'énergie à qui mieux mieux ?
3. Pour sûr, l'innovation ne vient pas de la répétition, et c'est quand on fait "autrement" que l'on peut trouver d'autres manières de faire.
4. Mais il ne s'agit pas de faire tout et n'importe quoi au hasard, sans quoi on fait de l'empirisme.
5. Or on sait combien la cuisine a peu progressé de cette manière : la mayonnaise n'a été découverte que vers le début du 19e siècle, et des préparations comme le "chocolat chantilly" n'ont été inventées (par moi, en l'occurrence) qu'en 1995. Oui, l'empirisme a été balayé par la physico-chimie, et, plus précisément, par la science de la nature nommée "gastronomie moléculaire".
6. Pour les spaghettis et l'oeuf, il y a quelque chose en commun, à savoir des phénomènes qui découlent d'échauffements.
7. Or les chimistes savent bien qu'il y a des réactions qui se font plus ou moins rapidement, selon la température. Et une règle approximative dont ils usent est que la même réaction double de vitesse tous les 10 degrés supplémentaires.
8. C'est hélas le cas des réaction de glycation (entre des sucres et des protéines), qui sont responsables de l'opacification du cristallin des personnes qui souffrent de diabète : c'est qui explique que réaction de glycation, fautivement nommée réaction de Maillard par ceux qui ne savent pas assez de chimie, se font en 10 minutes à 200 degrés mais en une vie à la température du corps c'est-à-dire de 37 degrés.
9. Mais je propose de ne pas oublier qu'il existe aussi des transitions qui, elles, ne doivent rien au temps, mais tout à la température Par exemple, si on prend de la glace à moins 10 degrés Celsius, on aura beau attendre des millions d'années, elle ne fondra pas, parce qu'on n'a pas atteint la température de zéro degré. De même, si on prend de l'eau liquide, il n'y aura pas d'ébullition tant qu'on aura pas atteint 100 degrés. Certes, il y aura de l'évaporation, mais pas d'ébullition, laquelle est caractérisée par une transition brusque.
10. La physique est intéressée depuis longtemps à cette question des transitions : transitions de phase par exemple.
11. Pour la coagulation, heureusement qu'il y a une température de transition ! Car sinon, nous cuirions à ce feux doux qu'est la température de 37 degrés Celsius. En effet notre corps contient des protéines qui coagulent, et il y a une température à laquelle cela se produit. La coagulation est, heureusement, un phénomène qui dépend de la température, non du temps.
12. Comme pour le blanc d'oeuf : on peut le chauffer aussi longtemps que l'on veut ; il ne coagulera que si l'on dépasse 62 degrés Celsius.
13. Pour les spaghettis, il y a deux questions : l'hydratation des spaghettis, et l'hydratation des grains d'amidon. Voici ce que l'on obtient si l'on fait tremper quelques jours des spaghettis dans l'eau froide (20 degrés Celsius).
D'une part, les spaghettis s'hydratent, mais la question n'est pas là : dans la mesure où les spaghettis sont faits de grains d'amidon, la question est de savoir si ces grains sont, eux, empesés... sans oublier que la cuisson rend l'amidon digeste en le dissociant chimiquement (et cela m'étonnerait bien qu'il le soit dans l'eau froide).
dimanche 4 octobre 2020
Les compotes de prunes rougissent
1. Je m'étonnais, il y a quelques semaines, de voir des compote de prunes qui rougissaient progressivement, dans mon réfrigérateur. Pourquoi ce phénomène ?
2. On sait que dans les raisins noirs, les pigments qui font le vin rouge sont extraits des peaux, notamment quand la fermentation commence et qu'un peu d'alcool vient s'ajouter à l'eau, ce qui facilite la dissolution des composés phénoliques qui donnent la couleur. Et s'il en était de même pour les prunes ?
3. L'expérience n'a pas été difficile à faire : j'ai cuit des prunes coupées en deux : certaines moitiés avec leur peau et, d'autre part, les autres moitiés sans leur peau. J'avais mis du sucre comme pour faire une compote puisque c'est là que j'avais initialement observer le phénomène.
4. Puis j'ai laissé les deux lots dans mon réfrigérateur... et ça n'a pas manqué : les moitiés avec les peaux ont rougi : c'était donc bien la peau qui était responsable du changement de couleur, libérant ses pigments nommés "anthocyanines".
5. J'ai parlé d'anthocyanines, mais j'aurais pu parler de composés phénoliques, car les anthocyanines sont bien des composés phénoliques. On pourra entendre parler, aussi, d'anthocyanidines, dans ces discussions à propos de la couleurs des tissus végétaux, et qu'il me suffise de signaler que les anthocyanines sont bien des pigments des tissus végétaux (avec les chlorophylles, les caroténoïdes, les bétalaïnes), et que les anthocyanidines sont des anthocyanines qui ont perdu un sucre, qui était dans la molécule.
6. Et à ce propos, il faut discuter ce "est dans la molécule" : le sucre qui est perdu n'était pas simplement collé à l'anthocyanidine, juxtaposé. Non, il était lié chimiquement, et sa perte correspond à des réorganisations des atomes de l'anthocyanine.
7. Ce point a été essentiel dans l'histoire de la chimie, quand Michel Eugène Chevreul étudia les graisses : c'est bien lui qui découvrit que les "acides gras" et le glycérol n'étaient pas simplement juxtaposés, mais avaient réagi pour faire des triglycérides. Et c'est bien pour cette raison qu'il est faux de dire qu'il y aurait des acides gras dans l'huile. On peut détacher des acides gras des triglycérides, mais il n'y a pas d'acides gras dans l'huile, ni dans les triglycérides.
Une réaction chimique ne correspond pas à une juxtaposition ; elle est une réorganisation d'atomes.
Quand le tout est plus que la somme des parties !
Je suis en train de faire quelque chose de passionnant : je reprends les comptes rendus de nos séminaires de gastronomie moléculaire, et je fais une liste des résultats. Ce n'est pas fini, mais ça sera utile à tous !
Voici le début :
Septembre 2020 : pour peler des tomates, c'est 20 secondes dans l'eau bouillante, avec si possible un bac d'eau froide derrière
Février 2020 : pour des sabayons, nous avons fouetté 1 jaune jusqu'à 160 g d'eau, et l'on a obtenu une mousse abondante dans ce dernier cas. L'eau peut être remplacé par tout autre liquide : café, thé, bouillon, jus, vin...
Janvier 2020 :
1. L'huile d'olive a pénétré dans les frites autant qu'une huile de tournesol.
2. Des frites lavées sont plus claires, et un aspect plus régulier, mais pas de différences gustatives.
Décembre 2019 :
1. aucun effet de bouchons de liège sur la cuisson des poulpes
2. les bouchons de liège n'évitent pas que les haricots blancs éclatent ou se fissurent.
Novembre 2019 :
1. pas de différence d'odeur entre du persil ciselé au ciseau ou coupé au couteau
2. du persil broyé au mortier et pilon a plus d'odeur que du persil ciselé
3. une sauce blanche qui a bouilli n'a pas un goût de colle
Octobre 2019 : on reconnaît au gout des pâtes sablées qui ont été peu travaillées ou beaucoup travaillées ; la pâte la moins travaillée semble « plus croustillante », et le prétendu « brûlé » n'est pas si terrible que cela !
Septembre 2019 :
1. en travaillant du jaune d'oeuf avec du beurre, on obtient une merveilleuse préparation qui n'a rien à voir avec une béarnaise, mais qui ressemble à une crème au beurre ; on peut l'avoir salée
2. pour un beurre noir : la préparation où le vinaigre a été ajouté au beurre est trouble, alors que la préparation où le beurre a été ajouté au vinaigre est limpide ; il y a plus d'odeur et de goût de vinaigre pour les préparations où le vinaigre a été ajouté au beurre. Inversement, quand le beurre a été ajouté au vinaigre, on ne sent plus l'acidité.
Juin 2019 :
1. la béchamel additionnée de Roquefort se liquéfie un peu ; toutefois que le Roquefort a apporté environ 2/3 d'eau, de sorte que l'on ajoute, dans cette béchamel beurrée, une quantité d'eau correspondant à celle qui était présente dans le Roquefort, et l'on observe alors la même fluidification que pour la béchamel au Roquefort.
2. De la crème bouillie avec le jus d'un 1/2 citron épaissit et ne tranche pas (on a presque la viscosité de béchamel!).
3. De la crème bouillie, épaissie, puis additionnée de vinaigre (3 cuillerées à soupe environ) se liquéfie un peu mais ne tranche pas. Elle brille bien, très acide.
4. Du lait chauffé tranche quand on lui ajoute le jus d'un demi citron.
5. Du lait bouilli ne tranche pas quand on lui ajoute un peu de jus de citron, après avoir ajouté de la crème ; mais le vinaigre fait trancher.
6. De la crème bouillie et épaissie ne tranche pas avec du vinaigre.
7. la crème ne tranche pas quand on fait bouillir ; elle prend de l'épaisseur, jaunit, mais on n'a pas vu de tranchage !
Mai 2019 :
1. Les artichauts ne prennent pas de saveur amère quand on coupe la queue au couteau.
2. Il n'est pas vrai que des asperges seront plus fermes si elles sont cuites, puis séchées, puis plongées à nouveau dans l'eau chaude.
Avril 2019 :
Il n'est pas vrai qu'une sauce liée avec de la fécule ne puisse pas être réchauffée sous peine de se refluidifier (ni à la fécule, ni à la farine)
Il n'est pas vrai que l'on puisse reconnaître des sauces (liées à la farine) trop salées à de petits points brillants.
Mars 2019 :
1. Pour une sauce liée à la farine, il y a un goût "farineux" quand le roux n'est pas bien cuit
2. les roux très cuits font un épaississement moindre que des roux légers.
Février 2019 : il y a des différences notables, pour la confection des sauces hollandaises, selon que l'on fait ou non un sabayon initialement.
Janvier 2019 : nous n'observons pas l'ajout d’huile dans la pâte à friture rende celle-ci croustillante.
Décembre 2018 :
1. on obtient bien une émulsion quand on ajoute de l'huile à de l'oeuf dur (sauce tartare)
2. on obtient une sauce qui s'apparente à la hollandaise en utilisant de l'oeuf dur au lieu de jaune d'oeuf cru.
3. en aveugle, on distingue une solution d'acide citrique dans l'eau et un jus de citron.
4. en aveugle, on distingue une solution d'acide citrique et une solution d'acide tartrique
Novembre 2018 :
1. pas de différence de goût entre de la pomme pelée au couteau ou pelée à l'économe
2. pour pocher des oeufs, ce n'est pas le sel qui permet d'avoir une masse rassemblée, mais le vinaigre.
3. on peut faire le ruban à partir d'oeufs qui ont été "brûlés" par le sucre, mais il y faut beaucoup d'énergie.
Octobre 2018 :
1. il n'est pas vrai que 24 heures de repos permettent l'élimination de l'odeur sulfureuse des œufs durs trop cuits.
2. un blanc congelé puis décongelé monte bien en neige, pas ferme ou ferme.
3. on obtient une émulsion à partir d'un jaune d'oeuf congelé puis décongelé
Septembre 2018 : les artichauts cuits les premiers avec l'huile d'olive sont plus blancs (légèrement vert/bleu), moins jaune que sans huile d'olive ; avec la farine et le jus de citron, les artichauts sont plus jaunes.
Juin 2018 :
1. oui, des coquilles d'oeuf clarifient le bouillon... mais c'est parce qu'il y avait du blanc adhérent
2. un fumet de poisson cuit plus de 20 minutes (40 min) n'est pas amer, et il est même jugé meilleur.
Je veux des additifs dans ma cuisine... et je dis cela sans être "vendu à l'industrie agroalimentaire", ni d'ailleurs à des industries que l'on nomme fautivement "chimiques"
Je veux des additifs dans ma cuisine... et je dis cela sans être "vendu à l'industrie agroalimentaire", ni d'ailleurs à des industries que l'on nomme fautivement "chimiques"
1. Il y a quelques jours, à l'Ecole de chimie de Paris - Chimie ParisTech"- où j'avais été invité par les étudiants (quel honneur ! quel bonheur !), ma conférence a suscité des questions, et notamment une à propos des additifs alimentaires.
2. En répondant, j'ai fait une petite erreur, parce que j'ai supposé que tous mes jeunes amis savaient ce dont il s'agit, mais, en réalité, ils sont baignés dans un discours cauchemardesque, de sorte que, même s'ils ont une vague idée de la chose, cette idée est erronée.
3. Commençons par signaler que les additifs sont des "produits" : ils sont produits par des sociétés qui les produisent... de sorte qu'ils ne sont pas plus naturels que du coq au vin ou de la choucroute : je rappelle qu'est "naturel" ce qui n'a pas fait l'objet d'une transformation par l'être humain, et est artificiel ce qui n'est pas naturel.
4. Enchaînons en signalant que ces produits peuvent être des substances, de mélanges de composés, ou bien des "composés", c'est-à-dire des groupes de molécules toutes identiques. Par exemple, la curcumine est le composé jaune majoritaire du curcuma. Dans la curcumine (E100(ii)), toutes les molécules sont ce que l'Union internationale de chimie pure et appliquée nomme justement "(1E,6E)-1,7-bis(4-hydroxy-3-méthoxyphényl)-1,6-heptadiène-3,5-dione".
5. Et précisons que les additifs alimentaires ne se confondent pas avec les auxiliaires technologiques (on devrait dire "auxiliaires techniques"), ni avec les aromatisants (on voit que je ne parle pas d'arômes, et je m'en explique plus loin).
6. Un additif alimentaire est une substance (composés purs ou mélanges de composés) qui n'est pas habituellement consommée comme un aliment ou utilisée comme un ingrédient dans l'alimentation. Les additifs sont ajoutés aux denrées pour une raison technique, au stade de la fabrication, de la transformation, de la préparation, du traitement, du conditionnement, du transport ou de l'entreposage des denrées. Ils sont présents dans les produits finis.
7. Les additifs alimentaires ont des fonctions diverses, comme par exemple :
- garantir la qualité sanitaire des aliments (conservateurs, antioxydants),
- améliorer l'aspect et le goût d'une denrée (colorants, édulcorants, exhausteurs de goût),
- conférer une texture particulière (épaississants, gélifiants),
- garantir la stabilité du produit (émulsifiants, anti-agglomérants, stabilisants).
8. A noter que l'on distingue deux types d'additifs : dit "naturels" - c'est à dire obtenus à partir de micro-organismes, d'algues, d'extraits végétaux ou minéraux – et de synthèse.
C'est idiot, car les additifs qui ont été extraits... ont été extraits, et sont donc artificiels, au sens du dictionnaire, lequel est notre seul juge en matière de communication. En réalité, on veut dire que les additifs sont soit extraits, soit synthétisés.
9. La présence des additifs dans les denrées est mentionnée dans la liste des ingrédients soit par leur code (E suivi de 3 ou 4 chiffres), soit par leur nom.
10. Un additif n'est autorisé en alimentation humaine que s'il ne fait pas courir de risque au consommateur aux doses utilisées.
Et la preuve de leur innocuité ne suffit pas : pour pouvoir être utilisée, une substance doit aussi faire la preuve de son intérêt. Ainsi, les additifs alimentaires ne sont approuvés que si l'effet technique revendiqué peut être démontré et que si l'emploi n'est pas susceptible de tromper le consommateur.
11. Avant d'être autorisés par la Commission européenne, les additifs sont soumis à évaluation de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Sur cette base, la Commission établit une liste positive (on ne peut utiliser que les additifs de cette liste) d'additifs autorisés auxquels un numéro E leur est attribué en indiquant les aliments dans lesquels ils peuvent être ajoutés et les doses maximales à utiliser.
J'insiste un peu : les additifs, autorisés donc, font l'objet d'évaluations extraordinairement serrées ! Je vous invite à bien regarder ces conditions sur le site de l'Efsa.
12. Et c'est un consensus international, avec la participation de toutes les agences nationales : l’évaluation et l’autorisation des additifs alimentaires sont encadrées et harmonisées au niveau européen au sein de l’Europe par les règlements CE/1331/2008 et CE/1333/2008.
Oui, contrairement à ce que prétendent des marchands de cauchemars, on ne joue certainement pas avec la santé des citoyens. D'ailleurs, les évaluateurs sont eux-mêmes des citoyens, n'est-ce pas ? Et ils consomment ces produits, en font consommer à leur famille. Y aviez-vous pensé ?
13. Toute information scientifique et technique nouvelle relative à des additifs autorisés est examinée avec une attention particulière et leurs conditions d'emploi sont reconsidérées, si nécessaire.
Oui, il y a une veille scientifique constante, d'ailleurs un peu surabondante, avec les agences nationales (en France, l'Anses), en PLUS des agences internationales : l'Efsa en Europe, la FDA aux Etats-Unis...
14. Une réévaluation européenne systématique de l'ensemble des additifs autorisés a par ailleurs été effectuée par l'Efsa.
On ne dira jamais assez que les débats techniques des experts sont publics : libre à chacun d'y assister, preuve que tout cela se fait dans la plus grande transparence.
15. Ne pas confondre les additifs avec les "auxiliaire technologiques", "supports d'additif" ou "auxiliaires de fabrication", qui sont des substances utilisée par l'industrie agroalimentaire durant la préparation ou la transformation d'aliments, et qui peuvent s'y retrouver, mais qui ne doivent pas légalement être mentionnée dans les ingrédients. Utilisés pour permettre, faciliter ou optimiser une étape de la fabrication d'un aliment, ils n'en constituent pas un ingrédient, à l'opposé des additifs alimentaires.
Là, j'ai écrit "auxiliaire technologique", mais cela m'arrache la plume, car il s'agit seulement d'auxiliaire technique. La technologie, c'est une autre affaire que la technique !
16. Quant aux aromatisants, ce sont des produits destinés à être ajoutés à des denrées alimentaires pour leur conférer une odeur, c’est-à-dire une perception par voie nasale ou retro-nasale et/ou une saveur, c’est-à-dire une perception par voie linguale.
Ils font également l'objet de réglementations très strictes.
Sont exclus des aromatisant : les substances qui ont exclusivement un goût sucré, acide ou salé, parce qu’on retombe soit sur des denrées alimentaires « générales » comme le sucre ou le sel, soit sur des additifs réglementés par ailleurs, comme les acidifiants et les édulcorants, les aromates, épices et fines herbes, qui ne sont pas considérés comme des aromatisants.
17. La réglementation définit six catégories d'aromatisants, dont les préparations aromatisantes, mélanges de composés obtenus à partir de matières premières naturelles d’origine végétale ou animale par des procédés physiques d’isolement ou des procédés biotechniques, c’est-à-dire la mise en œuvre d’enzymes ou de fermentations microbiennes.
Ainsi un extrait de vanille ou une huile essentielle d’orange sont des préparations aromatisantes. Les substances aromatisantes sont au contraire des composés particuliers qui sont soit extraits, soit synthétisés (la réglementation actuelle en matière de dénomination est à revoir, parce qu'elle fait un usage trompeur du mot "naturel") ; quand il y a synthèse, on distingue des composés déjà identifiés dans la nature, et des composés jamais trouvés à ce jour.
18. Je me souviens que rien ne vaut un exemple, pour clarifier les choses. La vanille, par exemple, est la gousse fermentée d'une plante. Elle doit son goût (odeur, et pas seulement) à des composés variés, mais le principal est la vanilline, ou 4-hydroxyl-3-méthoxybenzaldéhyde.
Et, de fait, de la vanilline dans de l'eau donne un goût très semblable à la vanille. Semblable, mais moins "complexe" quand même, moins velouté, moins puissant... La vanilline est "extraite"... quand elle est extraite, mais elle peut être synthétisée, si elle est synthétisée.
Les chimistes ont découvert qu'une modification chimique minime de la vanilline permet de produire de l'éthylvanilline, qui a un goût proche de la vanilline, en bien plus puissant. L'éthylvanilline est un composé artificiel, donc, et synthétique de surcroît.
19. Tout cela étant plus clair (j'espère : n'hésitez pas à me demander des précisions, des explications, à me signaler des erreurs, des imprécisions), je me place maintenant en cuisinier, dans ma cuisine. Et là, je vois des substances qui peuvent m'être utiles.
Par exemple, quand je veux donner de la couleur, pourquoi n'utiliserai-je pas un colorant ?
Par exemple, quand je veux modifier la saveur, pourquoi n'utiliserais-je pas pas un additif modificateur de saveur ? Par exemple du bicarbonate pour combattre une acidité excessive que certains de mes convives n'aiment pas ?
Par exemple, quand je veux gélifier, pourquoi n'utiliserai-je pas un gélifiant, telle la gélatine ou l'agar-agar ?
Par exemple, pourquoi n'utiliserai-je pas l'éthylvanilline pour avoir un goût puissant qui rappelle la vanille ? Ou le 1-octène-3-ol pour donner un merveilleux goût de sous-bois, de champignon sauvage ?
20. On le voit, il ne s'agit pas d'être "un faux nez de l'industrie chimique", ou "vendu à l'industrie", mais simplement de cuisiner de façon moins archaïque qu'au Moyen-Âge.
Et je fais seulement mon devoir de citoyen en essayant d'éclairer mes amis sur des notions qui sont obscures pour eux... en les invitant à utiliser des additifs, des auxiliaires techniques ou des aromatisants. Cela fait en outre des décennies que je dis que si ces produits sont évalués, et sans risques, alors il nous les faut en cuisine !
PS. Des liens :
https://www.anses.fr/fr/content/le-point-sur-les-additifs-alimentaires
http://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/food-additives
http://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/food-additive-re-evaluations
https://www.academie-agriculture.fr/publications/publications-academie/points-de-vue/y-t-il-de-bons-et-de-mauvais-additifs-alimentaires
https://www.academie-agriculture.fr/actualites/agriculture-alimentation-environnement/colorants-edulcorants-conservateurs-tout-savoir
https://www.academie-agriculture.fr/actualites/academie/seance/academie/reevaluation-des-additifs-alimentaires-par-lefsa