Faire une présentation scientifique orale ? Appliquez une à une toutes les règles qui suivent
Hervé This
Octobre 2020
Tout ce qui suit est fondé sur l'analyse des erreurs que mes jeunes collègues commettent presque toujours. Il faut en finir, en vous donnant des conseils très clairs. Le but, ici, est de vous aider à éviter les fautes que vous risquez quasi immanquablement de faire, et c'est simple : vous devrez simplement
- lire lentement ce que j'explique
- suivre les règles une par une.
Commençons maintenant :
1. Vous vous préparez à faire une présentation scientifique orale. Ne plongez pas immédiatement dans la réalisation d'un document powerpoint !
2. Parce qu'il y a une différence essentielle à bien faire entre :
- le contenu de l'exposé (science, technologie)
- la manière dont le contenu est communiqué.
3. Et vous ne pouvez PAS faire une bonne communication si ce que vous avez à dire n'est pas bien défini, si le contenu scientifique/technologique n'est pas initialement clair.
En d'autres termes, vous ne pouvez pas expliquer ce que vous ne comprenez pas vous-même.
4. L'erreur majeure qui est commise est la suivante : trop d'étudiants se contentent de copier et de coller les informations qu'ils ont trouvées (dans des articles scientifiques, par exemple), et lorsque cela est fait, ils ne se demandent pas ce que cela signifie réellement, de sorte que lorsqu'ils font leur présentation orale, ils décrivent quelque chose qu'ils ne comprennent pas.
Disons-le ainsi : décrire quelque chose vaguement, ce n'est pas le comprendre, et encore moins l'expliquer aux autres.
5. Un deuxième écueil : vouloir trop en dire en trop peu de temps.
Pour faire des comparaisons, n'essayez pas de mettre 1 L d'eau dans 1 cm3, car cela ne tiendra pas ; n'essayez pas de passer à travers le mur, car vous n'y parviendrez pas, et vous vous ferez mal...
6. C'est pourquoi une règle est souvent donnée (je suis sûr que vous l'avez déjà entendue) : pour 20 minutes de présentation, limitez-vous à 20 diapositives comprenant le titre, la table des matières et la liste des références à la fin (voir plus loin).
N'essayez pas d'échapper à cette règle, et ne cherchez pas des façons de la contourner : c'est toujours très mauvais de mettre trop de choses dans une diapositive (nous verrons plus tard que chaque diapositive ne doit contenir qu'un titre, et un graphique ou une image).
7. Mais quand je dis cela, je vous induit légèrement en erreur, car j'ai déjà versé dans le domaine de la communication, alors que, à ce stade de la discussion, il faut se limiter au contenu.
L'idée est simplement que, AVANT de le faire, vous devez décider UNE idée que vous allez développer.
D'où un bon conseil : pourquoi ne pas simplement poser UNE question ? (par exemple : comment augmenter la viscosité de l'huile en utilisant des polyphénols (réponse : faire un gel) ? Ou pourquoi le pain rassis ramollit-il lorsqu'il est chauffé au four (état vitreux, cristallisation, ...). Et votre exposé s'organiserait autour de la réponse à cette question, qui suscite l'envie d'avoir la réponse (surtout si elle est bien posée : pensez à des polars).
8. Au fait, un bon conseil est de faire la présentation orale en utilisant en PREMIER lieu un fichier de traitement de texte (.doc, .txt, etc.), de 20 lignes (numérotées de 1 à 20) : vous écrivez dans chacune ce que sera le contenu de la diapositive (et cela fera le titre de la diapositive).
Je montre comment cela doit être fait, en utilisant un tableau, parce que je préfère toujours structurer :
Slide
Content
1
titre de la présensation, logos, auteurs, date
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sommaire : il s'agit de dire comment la question sera étudiée
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La question posée (quand ce n'est pas le titre de la présentation), les raisons pour laquelle elle est intéressante (contexte)
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Conclusions et perspectives :
1. pour les conclusions: peu, mais vigoureuses ; cela peut être la réponse à la question posée en introduction, ou les idées /concepts dont il est utile de se souvenir
2. Préférez de toutes façons des perspectives à des conclusions: il faut ouvrir, pas refermer !
Et surtout, pas de ce conventionnel et un peu idiot "Merci pour votre attention" (n'oubliez pas que beaucoup dorment, ou font autre chose que vous écouter, pendant votre présentation, et vous risqueriez de les vexer)
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Références : surtout, assurez vous bien de ne donner que de bonnes références, car donner une mauvaise référence, c'est être soi-même mauvais.
Donnez les dans l'ordre alphabétique, pour faciliter la lecture de vos amis.
Et, bien sûr, toutes dans un même format :
Author I. Year. Title of the paper, Title of the journal, 5(2), 23-29.
9. Dans une présentation scientifique, il ne faut évidemment présenter des résultats expérimentaux que pour des expériences qui auront été expliquées auparavant. Je me répète un peu : personne ne peut comprendre les résultats d'une expérience qui n'est pas donnée.
10. Essayez toujours de faire des présentations très simples, lisibles, claires :
- une question (structurante)
- le contexte : pourquoi il est intéressant de considérer cette question ; ici vous devrez probablement expliquer quels sont les objets dont vous parlez (par exemple, si vous parlez de gels, pourquoi ne pas donner la définition de l'IUPAC d'un gel ? ou si vous parlez de tension superficielle, donnez la définition très clairement... aux autres et à vous-même)
- la manière dont la question a été étudiée expérimentalement (la stratégie générale de l'étude)
- les matériaux et les méthodes (le détail des expériences)
- les résultats
- la discussion des résultats
11. Un bon conseil : ne soyez pas général d'emblée, car votre public ne comprendra rien. Commencez par un bon exemple, et donnez les généralités plus tard.
Par exemple, si vous devez traiter de la viscosité, prenez l'exemple d'une planche (aire A) à la surface d'un liquide (viscosité η) d'épaisseur e, avec une force appliquée F.
12. Soyez quantitatif : fixez les idées avec des équations, des nombres, et des applications numériques (l'équivalent de petits exercices pour tester les connaissances théoriques après avoir appris une loi générale importante ; par exemple, calculer la force nécessaire pour déplacer une planche de 1 m2 à la surface de l'eau, de 1 m en 1 s).
Et n'oubliez pas qu'en science, les adjectifs et les adverbes sont "interdits" : ils doivent être remplacés par la réponse à la question "combien ?
13. Partez du connu avant d'aller vers l'inconnu : souvenez-vous que découvrir un nouveau domaine de connaissance, c'est comme découvrir un nouveau pays : faites parcourir à votre audience un chemin (ou une route, une voie...). Il faudra faire tous les pas, sans sauts : mettre un pied devant l'autre et ainsi de suite.
14. Passons maintenant à la partie communication.
N'utilisez PAS les masques de diapositives donnés par le logiciel PowerPoint (ou équivalent), car ils vous poussent à l'erreur, en contenant des objets sans sens, tels que des barres colorées qui vous empêchent de mettre les références en bas, des grandes zones colorées qui prennent l'espace dont vous avez besoin pour votre propre contenu !
Pour chaque diapositive, faites simplement :
- un titre (en haut des diapositives, toujours à la même position, à gauche ou au centre)
- une image (photo, graphe, équation, séquence d'équations...)
- une référence, en petit au bas de la diapositive : soit complète, soit abrégée (dans ce deuxième cas, il suffit d'écrire "Auteur, année", ou "Auteur1 et Auteur2, année", ou "Auteur1 et al., année").
15. A propos des caractères : s'il vous plaît, un seul type de police ! Et seulement deux tailles : une pour le titre de la diapositive, et une pour les commentaires.
16. N'écrivez JAMAIS de phrases que vous auriez à lire (votre public essaiera de le lire, et quand il le lira, il ne pourra pas vous entendre).
Si vous avez vraiment besoin d'un texte qui peut vous aider à présenter oralement, mettez-le dans la partie "commentaires" qui apparaît sous les diapositives (non affichée) ou sur un papier sur le pupitre. Et surtout pas de phrases complètes ; seulement des mots-clés pour vous guider.
17. Bien sûr, les graphes doivent avoir les axes bien précisés : ce que c'est, les unités, etc.
Sur les images, la taille des objets que vous décrivez doit être indiquée, et, plus généralement, des informations numériques peuvent être données (par exemple, dans une image microscopique).
N'ajoutez pas de légende, car elle doit être le titre de la diapositive (seule la référence du graphique ou de l'image est obligatoire).
18. Si vous prenez une photo ou un schéma dans un document qui n'est pas de vous (et c'est bien ce que vous devez faire), ils doivent :
- être tirés d'un bon article (voir "Comment reconnaître les mauvais papiers")
- être accompagnés d'un crédit ("De l'auteur, année", s'il a été modifié, ou simplement "Auteur, année" s'il est inchangé).
19. Afin de faciliter la discussion/les questions, numérotez les diapositives en bas à droite.
20. Car rappelez-vous (et appliquez) cette règle : tout le monde lit de gauche à droite, et de haut en bas.
Cette règle essentielle s'applique non seulement pour la numérotation, mais à tout le contenu des diapositives.
21. N'oubliez pas de toujours montrer les formules chimiques des composés dont vous dites le nom (et de discuter de la réactivité des composés)
22. Pour les définitions, utilisez toujours celles qui sont acceptées au niveau international (ou dites que c'est très particulier de la part de l'auteur d'un article que vous citez).
Connaissez vous le Gold Book de l'IUPAC ? Et le BIPM ?
23. Le conseil suivant semble un peu accessoire, mais il est en réalité très important... car on juge les scientifiques à des détails, au soin qu'ils portent à tout leur travail : souvenez-vous que les huiles et les graisses ne sont pas faites d'acides gras, mais de triglycérides ; et que les protéines ne sont pas faites d'acides aminés, mais de résidus d'acides aminés ; ne parlez pas de glucose, mais de D-glucose ; et lorsque vous dessinez une formule chimique, utilisez toujours la même représentation.
24. Veillez à ce que votre public connaisse suffisamment les mathématiques que vous utilisez vous-même : le gradient, par exemple. N'hésitez pas à expliquer.
25. Pas de dessin moléculaire vague quand on parle de chimie : il faut l'objet exact, avec tous les atomes (sauf peut-être quelques atomes d'hydrogène H, puisqu'il est conventionnel de les omettre), pour pouvoir voir les électrons en excès).
26. Ne faites référence qu'à de très bons articles. Et provenant de revues scientifiques de bonne qualité (attention aux revues prédatrices !), et pas de sites Internet de vulgarisation, par exemple.
27. Quelques "détails importants" à propos la mise en page :
- quand la présentation est faite, vérifiez l'orthographe !
- cherchez à aligner les objects graphiques (textes, images, etc.)
- prenez garde à bien faire des blancs tournants (le même espace autour d'un objet tel qu'un logo dans un coin)
- se souvenir de la règle des 2/3-1/3 : deux fois plus d'espace au-dessus d'un titre qu'entre le titre et le texte auquel il correspond
- faites un pdf et pas seulement un ppt, parce que dans le passé, il y a eu des problèmes avec des ppt qui ne s'affichaient pas.
28. Puis, lorsque vous montrerez les diapositives, ne bougez pas vos mains de façon erratique.
Mettez plutôt vos doigts -fixement- sur chaque objet que vous décrivez verbalement. Oui, touchez le tableau, en mettant votre doigt sur chaque objet que vous décrivez (et s'il vous plaît, ne le déplacez pas tant que vous restez sur le même objet.
De même, si vous utilisez un pointeur, évitez absolument de le déplacer, en le faisant tourbillonner, car c'est pénible ! Vous pouvez aussi tenir un stylo, par exemple, pour éviter de faire des gestes insignifiants (règle générale : TOUT doit avoir un sens... Puisqu'il s'agit de communication).
29. Soyez LENT, et mieux encore, soyez MÊME PLUS LENT que lent.
Rien de pire que des gens qui disent à toute vitesse des expressions très difficiles ( > 3 syllabes) comme "systèmes mobiles interconnectés complexes polydispersés" : vous pouvez dire cela à une vitesse de parole ordinaire... mais il faudra des dizaines de secondes avant que votre public ne comprenne ce que cela signifie, car il devra traduire lentement, dans son esprit, ce que cela signifie... de sorte qu'il sera perdu parce que, entre-temps, vous serez passé à un autre sujet, dont il aura manqué le début.
J'insiste : ne parlez pas trop vite : rappelez-vous que nous sommes tous des esprits lents, et qu'il est inutile de faire des discours rapides que personne ne comprend.
Et j'insiste encore : allez-y LENTEMENT : rappelez-vous que la clarté (c'est-à-dire être capable de comprendre, de l'autre côté) est la politesse de ceux qui parle en public ; soyez poli.
30. Et cela m'amène à ce conseil principal : pendant toute votre présentation, gardez à l'esprit ce "La clarté est la politesse de ceux qui parlent en public".
31. J'insiste : vous ne parlez pas à vous-même, mais aux autres. Nous nous moquons que vous parliez ; en revanche, le point essentiel est que votre audience (tous, et pas seulement certains) DOIT comprendre... sinon votre discours est un échec. Tiens, un bon conseil : faites l'hypothèse que le public ne sait rien du sujet.
32. Dans un souci de clarté, expliquez lentement tout ce que vous montrez dans les figures.
33. J'étais prêt à écrire "Ne lisez pas le texte sur les diapositives : commentez, expliquez"... mais si vous appliquez la règle 14, il n'y a rien à lire !
34. Dans les diapositives, mais aussi dans votre discours, chassez les adverbes et les adjectifs parce que ce n'est pas scientifique : répondez plutôt à la question "combien".
35. Enfin, n'oubliez pas que votre devoir est de rendre vos amis heureux, et non pas ennuyeux. Si vous êtes positivement intéressé par ce que vous montrez, c'est mieux.
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