Je viens de comprendre que je n'explique parfois pas suffisamment. Considérons l'exemple de l'éthanol, dont je me suis souvent limité à dire que c'était l'alcool des eaux-de-vie ou du vin. Je ne suis pas sûr que cette indication suffise à bien faire comprendre, et je me demande s'il n'est pas préférable de créer un faisceau d'informations qui constitue progressivement le dossier dont on a besoin.
L'expérience fondatrice, pour ce qui concerne l'éthanol, c'est la distillation, et, mieux, la distillation d'une solution sucrée qui aurait fermenté. Mais il y a pour l'instant trop de syllabes pour que ce soit compréhensible, et le recours à l'expérience, réelle ou décrite, s'impose.
Commençons donc par prendre de l'eau, et dissolvons-y du sucre.
Regardons au microscope : nous ne voyons rien, le sucre étant dissous, et la solution formée étant transparente.
Puis ajoutons un peu de levure, ce que l'on achète chez le boulanger sous forme d'une espèce de pâte très friable. On agite un peu pour disperser la pâte dans la solution sucrée... et cette fois, si l'on regarde au microscope, on voit de petites formes rondes, qui flottent dans l'eau. Si nous sommes patients, nous les voyons libérer des bulles de gaz, grossir et se diviser en deux. En effet, les levures sont des organismes vivants, unicellulaires puisque réduit à une sorte de sac vivant. Laissons-les s'activer un moment, en protégeant le récipient des courants d'air ; puis, à titre expérimental, posons une allumette enflammée juste au-dessus du liquide : l'allumette s'éteint, alors qu'elle resterait allumée si on la mettait au-dessus d'une solution d'eau et de sucre. C'est l'indication que le gaz formé par les levure me permet pas la combustion et, de fait, ce gaz est du dioxyde de carbone.
Si nous goûtons la solution, nous constatons qu'elle est alcoolisés. Filtrons pour éliminer les levures... et nous récupérons une solution parfaitement transparente au microscope : les molécules qui donnent ce goût alcoolisé, comme les molécules qui donnaient la saveur sucrée, sont bien trop petites pour être visibles avec un microscope.
Faisons donc différemment : distillons.
En pratique, c'est tout simple, puisqu'il suffit de chauffer et de conduire ensuite les vapeurs dans un système qui les refroidit, les recondense en un liquide. Si nous laissons refroidir ce liquide distillé et que nous le goûtons, nous n'avons plus aucune saveur sucrée, mais, en revanche, il y a un goût brûlant, alcoolisé, comme pour une vodka très forte.
Cette fois, la solution est quasi exclusivement composée de molécules d'eau et de molécules d'éthanol, de l' "alcool" qui a été formé par la fermentation du sucre par les levures.
Distillons à nouveau le distillat, et sa teneur en alcool augment. Bien sûr, il reste un peu d'eau, mais qu'importe : le produit que nous avons obtenu, c'est ce qui fut nommé de l'alcool.
Pourquoi avons-nous évoqué l'éthanol, et parler maintenant d'alcool ? Parce que d'autres procédé conduisent à des composés très voisins de celui que nous venons de préparer. Par exemple, quand on chauffe du bois à sec, on obtient un autre alcool qui a pour nom méthanol, ce que l'on nommait naguère esprit de bois, alors que l'alcool obtenu par fermentation était nommé esprit de vin.
Quand la chimie progressa et qu'elle découvrit l'existence des atomes et des molécules, vers la fin du 19e siècle, les chimistes arrivèrent progressivement à comprendre que l'eau est faite de molécules d'eau, des objets résultant de l'assemblage d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène. Ils comprirent aussi que les molécule d'éthanol était faites d'un premier atome de carbone liés à trois atomes d'hydrogène et lié à un autre atome de carbone, qui est lui-même lié à deux atomes d'hydrogène et a un atome d'oxygène lié un atome d'hydrogène. Le méthanol, lui, est d'un seul atome de carbone lié à trois atomes d'hydrogène et à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène. Progressivement, les chimistes comprirent que la liaison d'un atome de carbone à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène donnait des propriétés chimiques particulières, et les composés ayant ces propriétés (et cette constitution chimique) furent nommés "alcools".
Mais pour revenir à nos vins ou eaux-de-vie, ce sont des solutions aqueuses qui contiennent des teneurs différentes en cet alcool particulier qu'est l'éthanol : il y en a un peu plus de 10 pour cent dans les vins, et environ 40 à 50 pour cent dans les eaux-de-vie (je donne des ordres de grandeur). A noter que l'on dose de l'éthanol dans les fruits ou légumes... mais en très petite quantité.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
lundi 11 novembre 2019
dimanche 10 novembre 2019
Cuisinons des protéines
Alors que j'organisais un concours de cuisine note à note, des amis se sont inquiétés de l'usage des protéines... J'interprète qu'ils ne comprenaient pas bien ce dont il s'agissait. Oui, quand on n'est pas chimiste, il est légitime de s'interroger : des "protéines", c'est quoi ?
Le recours à l'expérience est quand même la meilleure des explications, et j'en propose plusieurs successives, ici.
La première consiste à cuire une viande, ou bien des pattes de poules, des pieds de veau ou de porc, dans l'eau pendant quelques heures, ce qui procure un bouillon qui gélifie en refroidissant.
Si l on prend cette gelée et qu'on la sèche, alors on obtient une matière transparente et craquante... comme des feuilles de gélatine... Et, d'ailleurs, c'est ainsi que l'on produit la gélatine ;-).
Si l'on regarde cette matière solide avec un microscope extraordinairement puissant, alors on voit un enchevêtrement de "fils" : ce sont des molécules de gélatine. Et la gélatine est une protéine, parce que si l'on y regarde d'encore plus près, on voit que ces fils sont des enchaînements de groupes d'atomes que les chimistes reconnaissent comme des parties de molécules qu'ils connaissent bien et qu'ils ont nommées des acides aminés.
D'ailleurs, si l'on chauffe longtemps de la gélatine en milieu un peu acide (ajoutons du vinaigre blanc dans de l'eau où l'on chauffe la gélatine), alors les molécules de gélatine (les "fils") perdent de leurs morceaux élémentaires, et le liquide s'enrichit d'acides aminés.
Une deuxième expérience, maintenant : prenons un blanc d’œuf, ce liquide jaune et transparent, et laissons-le sécher à l'air libre : il ne pourrira pas parce qu'il est protégé par une... protéine nommée lysozyme, et, après un séchage de plusieurs jours, on obtiendra -à nouveau- une matière transparente et dure, cassante : ce sont les protéines du blanc d’œuf. D'ailleurs, le blanc d’œuf, qui pèse pas loin de 30 grammes, est fait de 90 pour cent d'eau (environ 27 grammes) et 10 % de protéines (3 grammes). Dans ce cas, il y a plusieurs protéines dans le résidu solide.
A noter que, pour la gélatine en feuille ou le blanc d’œuf séché, on peut avoir des feuilles, mais aussi des poudres, ou des liquides. Pensons à des matières comme la farine ou le sucre en poudre, notamment. Et ajoutons que l'on peut retrouver des solutions en leur ajoutant de l'eau.
Le problème de l'apparence étant réglé, considérons maintenant la question de l'usage.
Une première particularité des protéines, c'est qu'elles n'ont pas de goût quand elles sont pures. Et, d'ailleurs, elles n'ont pas de couleur non plus : dans le blanc d’œuf, la couleur est due à de petites quantités d'un composé coloré nommé riboflavine... qui est une vitamine (B2)... utilisée comme colorant alimentaire sous le numéro E101(i).
Comme l'amidon, les protéines sont de longues molécules qui se dispersent dans l'eau et qui peuvent conduire à des gélifications, quand elles se lient. Par exemple quand on chauffe du blanc d’œuf, on obtient le blanc d' œuf cuit, gélifié ce qui signifie que l'eau présente ne coule plus, et c'est bien le cas quand on considère un blanc d’œuf cuit : le durcissement ne résulte pas de l'évaporation de l'eau, mais cette dernière est restée piégée dans une espèce de réseau, d'échafaudage formée par les protéines qui se sont liées.
D'autres gélifications peuvent avoir lieu avec d'autres protéines. Par exemple avec de la gélatine dissoute dans l'eau et que l'on refroidit : cette gélification-là se fait à froid, non pas à chaud.
Ou encore, dans les yaourts : les protéines du lait forment un gel quand des micro-organismes transforment le sucre du lait -le lactose- en acide lactique, qui acidifie le lait.
Ou encore un autre type de gélification se produit lors de la fabrication des fromages, et cette fois ce n'est ni la chaleur ni l'acidification qui agissent mais plutôt des enzymes, c'est-à-dire des protéines qui sont actives même en toute petite quantité : il suffit de quelques gouttes de "présure" pour faire coaguler une grande quantité de lait.
Mais prenons une perspective un peu plus historique à propos des transformations des protéines que l'on fait ou que l'on peut faire en cuisine.
Quand on cuit de la viande, on provoque les protéines de la viande. De même pour le poisson et pour l'œuf. Là, on ne voit pas les protéines, qui ne sont pas extraite des ingrédients initiaux, mais le résultat résulte quand même de leurs modifications chimiques.
Avec des protéines à l'état pur, on reproduit cela de façon bien plus contrôlée, et c'est en quelque sorte ce qu'ont appris les cuisinier quand ils font des flans par exemple, où les protéines de l' œuf provoquent la gélification de l'appareil, ou dans les aspics, quand les protéines extraites classiquement du pied de veau permettent la gélification.
Cela dit, extraire la gélatine du pied de veau, et la purifier, cela s'apparente à extraire le sucre de la canne à sucre ou de la betterave : pourquoi le faire soi-même ? De même que nous n'allons plus arracher les plumes des canards, les tailler en pointe, faire bouillir de l'écorce d'arbre avec du fer rouillé pour faire nous-même notre encre, je vois mal pourquoi nous serions condamnés à revenir des décennies ou des siècles en arrière et pourquoi nous n'utiliserions pas directement des protéines que l'industrie a extraites à beaucoup plus grande échelle, beaucoup plus efficacement que nous, et certainement avec des degré de pureté que nous n'obtiendrions jamais dans nos cuisines.
Bref, cuisinons des protéines !
Le recours à l'expérience est quand même la meilleure des explications, et j'en propose plusieurs successives, ici.
La première consiste à cuire une viande, ou bien des pattes de poules, des pieds de veau ou de porc, dans l'eau pendant quelques heures, ce qui procure un bouillon qui gélifie en refroidissant.
Si l on prend cette gelée et qu'on la sèche, alors on obtient une matière transparente et craquante... comme des feuilles de gélatine... Et, d'ailleurs, c'est ainsi que l'on produit la gélatine ;-).
Si l'on regarde cette matière solide avec un microscope extraordinairement puissant, alors on voit un enchevêtrement de "fils" : ce sont des molécules de gélatine. Et la gélatine est une protéine, parce que si l'on y regarde d'encore plus près, on voit que ces fils sont des enchaînements de groupes d'atomes que les chimistes reconnaissent comme des parties de molécules qu'ils connaissent bien et qu'ils ont nommées des acides aminés.
D'ailleurs, si l'on chauffe longtemps de la gélatine en milieu un peu acide (ajoutons du vinaigre blanc dans de l'eau où l'on chauffe la gélatine), alors les molécules de gélatine (les "fils") perdent de leurs morceaux élémentaires, et le liquide s'enrichit d'acides aminés.
Une deuxième expérience, maintenant : prenons un blanc d’œuf, ce liquide jaune et transparent, et laissons-le sécher à l'air libre : il ne pourrira pas parce qu'il est protégé par une... protéine nommée lysozyme, et, après un séchage de plusieurs jours, on obtiendra -à nouveau- une matière transparente et dure, cassante : ce sont les protéines du blanc d’œuf. D'ailleurs, le blanc d’œuf, qui pèse pas loin de 30 grammes, est fait de 90 pour cent d'eau (environ 27 grammes) et 10 % de protéines (3 grammes). Dans ce cas, il y a plusieurs protéines dans le résidu solide.
A noter que, pour la gélatine en feuille ou le blanc d’œuf séché, on peut avoir des feuilles, mais aussi des poudres, ou des liquides. Pensons à des matières comme la farine ou le sucre en poudre, notamment. Et ajoutons que l'on peut retrouver des solutions en leur ajoutant de l'eau.
Le problème de l'apparence étant réglé, considérons maintenant la question de l'usage.
Une première particularité des protéines, c'est qu'elles n'ont pas de goût quand elles sont pures. Et, d'ailleurs, elles n'ont pas de couleur non plus : dans le blanc d’œuf, la couleur est due à de petites quantités d'un composé coloré nommé riboflavine... qui est une vitamine (B2)... utilisée comme colorant alimentaire sous le numéro E101(i).
Comme l'amidon, les protéines sont de longues molécules qui se dispersent dans l'eau et qui peuvent conduire à des gélifications, quand elles se lient. Par exemple quand on chauffe du blanc d’œuf, on obtient le blanc d' œuf cuit, gélifié ce qui signifie que l'eau présente ne coule plus, et c'est bien le cas quand on considère un blanc d’œuf cuit : le durcissement ne résulte pas de l'évaporation de l'eau, mais cette dernière est restée piégée dans une espèce de réseau, d'échafaudage formée par les protéines qui se sont liées.
D'autres gélifications peuvent avoir lieu avec d'autres protéines. Par exemple avec de la gélatine dissoute dans l'eau et que l'on refroidit : cette gélification-là se fait à froid, non pas à chaud.
Ou encore, dans les yaourts : les protéines du lait forment un gel quand des micro-organismes transforment le sucre du lait -le lactose- en acide lactique, qui acidifie le lait.
Ou encore un autre type de gélification se produit lors de la fabrication des fromages, et cette fois ce n'est ni la chaleur ni l'acidification qui agissent mais plutôt des enzymes, c'est-à-dire des protéines qui sont actives même en toute petite quantité : il suffit de quelques gouttes de "présure" pour faire coaguler une grande quantité de lait.
Mais prenons une perspective un peu plus historique à propos des transformations des protéines que l'on fait ou que l'on peut faire en cuisine.
Quand on cuit de la viande, on provoque les protéines de la viande. De même pour le poisson et pour l'œuf. Là, on ne voit pas les protéines, qui ne sont pas extraite des ingrédients initiaux, mais le résultat résulte quand même de leurs modifications chimiques.
Avec des protéines à l'état pur, on reproduit cela de façon bien plus contrôlée, et c'est en quelque sorte ce qu'ont appris les cuisinier quand ils font des flans par exemple, où les protéines de l' œuf provoquent la gélification de l'appareil, ou dans les aspics, quand les protéines extraites classiquement du pied de veau permettent la gélification.
Cela dit, extraire la gélatine du pied de veau, et la purifier, cela s'apparente à extraire le sucre de la canne à sucre ou de la betterave : pourquoi le faire soi-même ? De même que nous n'allons plus arracher les plumes des canards, les tailler en pointe, faire bouillir de l'écorce d'arbre avec du fer rouillé pour faire nous-même notre encre, je vois mal pourquoi nous serions condamnés à revenir des décennies ou des siècles en arrière et pourquoi nous n'utiliserions pas directement des protéines que l'industrie a extraites à beaucoup plus grande échelle, beaucoup plus efficacement que nous, et certainement avec des degré de pureté que nous n'obtiendrions jamais dans nos cuisines.
Bref, cuisinons des protéines !
samedi 9 novembre 2019
A propos de boissons gazeuses
On m'interroge à propos de boissons gazeuses, effervescentes, et je donne ici les explications demandées.
La question initiale portait sur l'eau pétillante, qui, comme chacun sait, n'est pas effervescente quand la bouteille est fermée, mais où des bulles de gaz apparaissent quand on ouvre la bouteille qu'on verse de l'eau dans un verre.
Pourquoi ?
Commençons par examiner un verre d'eau, un liquide donc transparent.
Si l'on regarde à la loupe on ne voit encore qu'un liquide de
transparent, mais si l'on prenait une espèce d'hyper-microscope
extraordinairement grossissant, alors on verrait des objets tous
identiques qui bougent en tous sens : on les a nommés des molécules
d'eau.
Et entre les molécules ? Rien, du vide.
Au-dessus du verre ? Là, si l'on regarde à des distances de l'ordre de celles qui séparent les molécules d'eau, on voit également du vide mais si l'on prend une perspective plus large, alors on peut voir d'autres objets se déplacer, cette fois plutôt en ligne droite, jusqu'à ce qu'ils heurtent quelque chose. Ces objets-là n'ont pas la même constitution que les molécules d'eau et, pour ce qui concerne l'air, on voit principalement des molécules de deux sortes : des sortes d'haltères nommées molécules de diazote et d'autres sortes d'haltères nommées molécules de dioxygène. Dans les molécules de diazote, il y a deux atomes d'azote attaché entre eux, et pour les molécules de dioxygène, il y a deux atomes d'oxygène. Tout simple non ?
Quand il y a de l'air au-dessus de l'eau, les molécules de diazote et de dioxygène vont toutes les directions, mais certaines vont en direction de l'eau, et quand elles atteignent les molécules d'eau, certaines s'immiscent entre elles : on dit qu'il y a du diazote ou du dioxygène dissout dans l'eau.
Cette dénomination est légitime, car le phénomène est tout à fait analogue à celui que l'on aurait si l'on ajoutait un cristal de sucre, formé d'un empilement régulier de molécule de saccharose, dans de l'eau : les molécule de saccharose se disperseraient entre les molécules d'eau, et l'on obtiendrait du saccharose dissout dans l'eau.
Pour en revenir à l'eau et l'air, il y a un équilibre qui s'établit : si on met de l'eau à l'air libre, les molécules d'eau vont finir par s'évaporer et, au bout de quelques jours, il n'y aura plus d'eau dans le verre, pas plus qu'il n'y a d'eau sur la route quelques heures après la pluie, surtout s'il y a du vent. Mais si l'on enferme de l'eau avec de l'air dans une bouteille, alors il y aura des molécules d'eau qui iront dans l'air, faisant une certaine humidité, tout comme il y aura des molécules d'air qui iront dans l'eau s'y dissoudre.
Supposons maintenant que l'on presse l'air au-dessus de l'eau : alors on augmente la densité de molécule de diazote et dioxygène de l'air et l'on peut dissoudre davantage de ces molécules dans l'eau. Mais si l'on supprime rapidement la pression de l'air, alors ces molécules en surnombre, qui se sont dissoutes dans l'eau, vont en sortir, et c'est là qu'elles feront des bulles d'air, ces bulles qui font l'effervescence de nos boissons gazeuses.
La question initiale portait sur l'eau pétillante, qui, comme chacun sait, n'est pas effervescente quand la bouteille est fermée, mais où des bulles de gaz apparaissent quand on ouvre la bouteille qu'on verse de l'eau dans un verre.
Pourquoi ?
Commençons par examiner un verre d'eau, un liquide donc transparent.
Et entre les molécules ? Rien, du vide.
Au-dessus du verre ? Là, si l'on regarde à des distances de l'ordre de celles qui séparent les molécules d'eau, on voit également du vide mais si l'on prend une perspective plus large, alors on peut voir d'autres objets se déplacer, cette fois plutôt en ligne droite, jusqu'à ce qu'ils heurtent quelque chose. Ces objets-là n'ont pas la même constitution que les molécules d'eau et, pour ce qui concerne l'air, on voit principalement des molécules de deux sortes : des sortes d'haltères nommées molécules de diazote et d'autres sortes d'haltères nommées molécules de dioxygène. Dans les molécules de diazote, il y a deux atomes d'azote attaché entre eux, et pour les molécules de dioxygène, il y a deux atomes d'oxygène. Tout simple non ?
Quand il y a de l'air au-dessus de l'eau, les molécules de diazote et de dioxygène vont toutes les directions, mais certaines vont en direction de l'eau, et quand elles atteignent les molécules d'eau, certaines s'immiscent entre elles : on dit qu'il y a du diazote ou du dioxygène dissout dans l'eau.
Cette dénomination est légitime, car le phénomène est tout à fait analogue à celui que l'on aurait si l'on ajoutait un cristal de sucre, formé d'un empilement régulier de molécule de saccharose, dans de l'eau : les molécule de saccharose se disperseraient entre les molécules d'eau, et l'on obtiendrait du saccharose dissout dans l'eau.
Pour en revenir à l'eau et l'air, il y a un équilibre qui s'établit : si on met de l'eau à l'air libre, les molécules d'eau vont finir par s'évaporer et, au bout de quelques jours, il n'y aura plus d'eau dans le verre, pas plus qu'il n'y a d'eau sur la route quelques heures après la pluie, surtout s'il y a du vent. Mais si l'on enferme de l'eau avec de l'air dans une bouteille, alors il y aura des molécules d'eau qui iront dans l'air, faisant une certaine humidité, tout comme il y aura des molécules d'air qui iront dans l'eau s'y dissoudre.
Supposons maintenant que l'on presse l'air au-dessus de l'eau : alors on augmente la densité de molécule de diazote et dioxygène de l'air et l'on peut dissoudre davantage de ces molécules dans l'eau. Mais si l'on supprime rapidement la pression de l'air, alors ces molécules en surnombre, qui se sont dissoutes dans l'eau, vont en sortir, et c'est là qu'elles feront des bulles d'air, ces bulles qui font l'effervescence de nos boissons gazeuses.
vendredi 8 novembre 2019
Surimis et diracs fibrés
Comme dit dans d'autres billets, il y a lieu d'être particulièrement prudent à propos de dénomination de produits alimentaires, car leur commercialisation ne doit jamais conduire à de la déloyauté.
Ici, la question est de nommer des produits qui auraient la texture de surimis sans en être.
Mais avant d'en décider, il faut que je présente les deux protagonistes de l'alternative terminologique dont il est question maintenant.
D'une part, les surimis sont des produits traditionnels dans certaines parties de l'Asie, qui sont fait à partir de poisson broyé, d'amidon (pensons à de la sauce blanche) et de matière grasse, la pâte ainsi constituée est striée par passage sous un peigne, et les feuillets striés sont cuits, puis roulés sur eux-mêmes en bâtonnets, colorés avec du paprika et reçoivent une dispersion d'un aromatisant qui rappelle le goût du crabe, par exemple.
Qu'en dit la réglementation ? Les surimis font l'objet d'une norme d’application volontaire, numérotée NF V45-068, qui encadre les conditions d’usage du mot « surimi » et la composition de ces petits bâtonnets et de leurs dérivés. Ce document a été élaboré par des représentants des industriels, des distributeurs, des autorités réglementaires (dont la DGCCRF et le Service commun des laboratoires, SCL), des centres techniques, des laboratoires d’analyses et des organismes de certifications. Ils font partie de la commission de normalisation AFNOR / V45C « Produits transformés issus de la pêche et de l’aquaculture ».
La norme volontaire indique que le produit surimi doit contenir au minimum 30 % de chair de poisson ou de céphalopode. Elle autorise aussi l’ajout d’ingrédients pour aromatiser ou valoriser le surimi. Si l’ingrédient d’origine aquatique (poissons, crustacés, mollusques, algues, etc.) représente plus de 5 % – en poids – du produit fini, la norme autorise le fabricant à le mentionner sur l’emballage, avec une phrase-type telle que « surimi à xxx », ou « surimi de chair de poisson à xxx ». Pour les autres ingrédients, qu’ils soient d’origine terrestre (chorizo, lard fumé, etc.), végétale (fruits, légumes, épices, aromates, etc.) ou comportant de l’alcool (mirin, vin, etc.), la norme volontaire ne fixe pas de pourcentage minimal ou maximal. Concernant les aromatisants, additifs et colorants, la norme rappelle la nécessité de respecter les réglementations concernées, mais proscrit les additifs à usage de blanchiment. Elle autorise l’usage de liants (lait, dérivés de lait, farines), d’huiles et graisses végétales (hormis certaines, comme l’huile de palme), d’huiles d’animaux aquatiques, des fibres végétales, de l’eau, du sucre et du sel.
D'autre part, il y a très longtemps, j'ai nommé diracs ces préparations qui reproduisent des tissus musculaires (viandes, poissons), pour ce qui concerne la composition chimique, à savoir environ 70 % d'eau, 20 % de protéines et 10 % de matière grasse. Et c'est ainsi que l'on obtient une sorte de steak quand on mélange 7 cuillerées d'eau, 2 cuillerées de protéines coagulables (par opposition à la gélatine qui coagule pas à la chaleur) et une cuillerée d'huile. Un tel dirac est très élémentaire, mais on peut en produire de nombreuses versions : on peut émulsionner plus d'huile pour obtenir un dirac émulsionné, on peut foisonner afin d'obtenir un dirac mousseux, foisonné. On peut aussi l'étaler en couches très minces superposées pour faire des dirac feuilletés... et l'on peut enfin le strier, un fois en couche mince, pour obtenir un diras fibré.
Et puis, on peut aussi mélanger lla pâte faite de protéines, d'eau et de lipides, avec une sauce blanche, et l'on retrouve alors une composition analogue à celle du surimi, avec la même consistance. Pour le goût et la couleur, on met ce que l'on veut et l'on obtient tout aussi bien des diracs striés bleus, ou rouges, ou jaunes, ou verts, avec des goûts de poire, de rhum, de poisson, le citron...
D'où la question : un dirac fibré serait-il un surimi ? Vu la norme volontaire actuelle, ce serait abusif, car le surimi est aujourd'hui connu pour être un produit délimité tel que je l'ai expliqué plus haut, même si la norme volontaire peut évoluer.
Bref, finalement, je crois qu'un dirac fibré doit être nommé dirac fibré.
Ici, la question est de nommer des produits qui auraient la texture de surimis sans en être.
Mais avant d'en décider, il faut que je présente les deux protagonistes de l'alternative terminologique dont il est question maintenant.
D'une part, les surimis sont des produits traditionnels dans certaines parties de l'Asie, qui sont fait à partir de poisson broyé, d'amidon (pensons à de la sauce blanche) et de matière grasse, la pâte ainsi constituée est striée par passage sous un peigne, et les feuillets striés sont cuits, puis roulés sur eux-mêmes en bâtonnets, colorés avec du paprika et reçoivent une dispersion d'un aromatisant qui rappelle le goût du crabe, par exemple.
Qu'en dit la réglementation ? Les surimis font l'objet d'une norme d’application volontaire, numérotée NF V45-068, qui encadre les conditions d’usage du mot « surimi » et la composition de ces petits bâtonnets et de leurs dérivés. Ce document a été élaboré par des représentants des industriels, des distributeurs, des autorités réglementaires (dont la DGCCRF et le Service commun des laboratoires, SCL), des centres techniques, des laboratoires d’analyses et des organismes de certifications. Ils font partie de la commission de normalisation AFNOR / V45C « Produits transformés issus de la pêche et de l’aquaculture ».
La norme volontaire indique que le produit surimi doit contenir au minimum 30 % de chair de poisson ou de céphalopode. Elle autorise aussi l’ajout d’ingrédients pour aromatiser ou valoriser le surimi. Si l’ingrédient d’origine aquatique (poissons, crustacés, mollusques, algues, etc.) représente plus de 5 % – en poids – du produit fini, la norme autorise le fabricant à le mentionner sur l’emballage, avec une phrase-type telle que « surimi à xxx », ou « surimi de chair de poisson à xxx ». Pour les autres ingrédients, qu’ils soient d’origine terrestre (chorizo, lard fumé, etc.), végétale (fruits, légumes, épices, aromates, etc.) ou comportant de l’alcool (mirin, vin, etc.), la norme volontaire ne fixe pas de pourcentage minimal ou maximal. Concernant les aromatisants, additifs et colorants, la norme rappelle la nécessité de respecter les réglementations concernées, mais proscrit les additifs à usage de blanchiment. Elle autorise l’usage de liants (lait, dérivés de lait, farines), d’huiles et graisses végétales (hormis certaines, comme l’huile de palme), d’huiles d’animaux aquatiques, des fibres végétales, de l’eau, du sucre et du sel.
D'autre part, il y a très longtemps, j'ai nommé diracs ces préparations qui reproduisent des tissus musculaires (viandes, poissons), pour ce qui concerne la composition chimique, à savoir environ 70 % d'eau, 20 % de protéines et 10 % de matière grasse. Et c'est ainsi que l'on obtient une sorte de steak quand on mélange 7 cuillerées d'eau, 2 cuillerées de protéines coagulables (par opposition à la gélatine qui coagule pas à la chaleur) et une cuillerée d'huile. Un tel dirac est très élémentaire, mais on peut en produire de nombreuses versions : on peut émulsionner plus d'huile pour obtenir un dirac émulsionné, on peut foisonner afin d'obtenir un dirac mousseux, foisonné. On peut aussi l'étaler en couches très minces superposées pour faire des dirac feuilletés... et l'on peut enfin le strier, un fois en couche mince, pour obtenir un diras fibré.
Et puis, on peut aussi mélanger lla pâte faite de protéines, d'eau et de lipides, avec une sauce blanche, et l'on retrouve alors une composition analogue à celle du surimi, avec la même consistance. Pour le goût et la couleur, on met ce que l'on veut et l'on obtient tout aussi bien des diracs striés bleus, ou rouges, ou jaunes, ou verts, avec des goûts de poire, de rhum, de poisson, le citron...
D'où la question : un dirac fibré serait-il un surimi ? Vu la norme volontaire actuelle, ce serait abusif, car le surimi est aujourd'hui connu pour être un produit délimité tel que je l'ai expliqué plus haut, même si la norme volontaire peut évoluer.
Bref, finalement, je crois qu'un dirac fibré doit être nommé dirac fibré.
Un dirac strié replié sur lui-même, réalisé à l'Institut technique d'hôtellerie du Québec en 2012. |
jeudi 7 novembre 2019
Dépassons les corrélations
La science est la recherche des mécanismes de phénomène, ce qui passe bien souvent par la recherche de relations entre des séries de mesures : ayant identifié un phénomène, on le caractérise quantitativement, et vient ensuite, à partir de toutes les données, de chercher des équations à partir de séries de données. Les données sont "ajustées", ce qui ne signifie pas que l'on trafique quoi de quoi que ce soit , mais plutôt que l'on cherche des variations d'une variable en fonction d'une autre. Par exemple, quand on s'intéresse à la résistance électrique, on cherche les variations de l'intensité du courant en fonction de la différence de potentiel.
Et c'est là que survient la question de la causalité, si bien décrite par Émile Meyerson dans son Du cheminement de la pensée. La question est de savoir si deux variables varient régulièrement l'une en fonction de l'autre parce qu'il y a causalité, ou bien si elles varient simplement simultanément, peut-être même par hasard, ce qui relève d'une corrélation sans causalité. Pour expliquer la différence, j'aime cette observation d'attroupements sur le quai des gares avant que les trains arrivent. Si l'on est Martien et que l'on ignore tout du phénomène, on peut donc mesurer le nombre de personnes sur le quai en fonction du temps, d'une part, et l'heure d'arrivée des trains, d'autre part, mais il serait insensé de considérer que les attroupements sont la cause de l'arrivée des trains, car c'est en réalité l'inverse.
Il y a donc lieu d'être attentif quand on calcule des coefficients de corrélation et de bien s'empêcher de penser à des causalités quand il n'y en a pas. Ce qui doit nous conduire à réfléchir sur le statut de corrélations. D'ailleurs, il faut ajouter que des corrélations ne sont jamais parfaites, et que c'est précisément ce défaut de corrélation qui doit nous intéresser. Cette imperfection peut évidemment se mesurer par un nombre. Ainsi, quand on fait -de façon extrêmement élémentaire- des droite de régression, alors on apprend à afficher la somme des carrés des distances des points à la droite, un nombre que l'on note souvent R2. Mais c'est une façon rapide de se débarrasser du problème et elle ne dit d'ailleurs rien d'autre que ce que l'on voit.
Ce qui commence à être plus intéressant, c'est quand on calcule les résidus, c'est-à-dire quand on affiche la courbe de tous les écarts à la droite. Là, on peut commencer à se poser des questions, sur la répartition de ces résidus, aléatoire ou pas, et leur amplitude aussi, bien sûr, doit nous intéresser. Surtout, considérer les résidus au lieu de pousser la poussière sous le tapis du R2, c'est décoller de la corrélation, et plonger davantage du côté du mécanisme, ce que l'on cherche absolument.
C'est cela la direction où l'on veut aller, plutôt que le paresseux coefficient de corrélation global. Cet affichage des résidus est une bonne pratique, car c'est un fil que l'on peut être intéressé de tirer si l'on veut y passer du temps au lieu de se débarrasser rapidement du problème.
C'est là l'endroit où toute notre intelligence est nécessaire pour imaginer de véritables causes.
Et c'est là que survient la question de la causalité, si bien décrite par Émile Meyerson dans son Du cheminement de la pensée. La question est de savoir si deux variables varient régulièrement l'une en fonction de l'autre parce qu'il y a causalité, ou bien si elles varient simplement simultanément, peut-être même par hasard, ce qui relève d'une corrélation sans causalité. Pour expliquer la différence, j'aime cette observation d'attroupements sur le quai des gares avant que les trains arrivent. Si l'on est Martien et que l'on ignore tout du phénomène, on peut donc mesurer le nombre de personnes sur le quai en fonction du temps, d'une part, et l'heure d'arrivée des trains, d'autre part, mais il serait insensé de considérer que les attroupements sont la cause de l'arrivée des trains, car c'est en réalité l'inverse.
Il y a donc lieu d'être attentif quand on calcule des coefficients de corrélation et de bien s'empêcher de penser à des causalités quand il n'y en a pas. Ce qui doit nous conduire à réfléchir sur le statut de corrélations. D'ailleurs, il faut ajouter que des corrélations ne sont jamais parfaites, et que c'est précisément ce défaut de corrélation qui doit nous intéresser. Cette imperfection peut évidemment se mesurer par un nombre. Ainsi, quand on fait -de façon extrêmement élémentaire- des droite de régression, alors on apprend à afficher la somme des carrés des distances des points à la droite, un nombre que l'on note souvent R2. Mais c'est une façon rapide de se débarrasser du problème et elle ne dit d'ailleurs rien d'autre que ce que l'on voit.
Ce qui commence à être plus intéressant, c'est quand on calcule les résidus, c'est-à-dire quand on affiche la courbe de tous les écarts à la droite. Là, on peut commencer à se poser des questions, sur la répartition de ces résidus, aléatoire ou pas, et leur amplitude aussi, bien sûr, doit nous intéresser. Surtout, considérer les résidus au lieu de pousser la poussière sous le tapis du R2, c'est décoller de la corrélation, et plonger davantage du côté du mécanisme, ce que l'on cherche absolument.
C'est cela la direction où l'on veut aller, plutôt que le paresseux coefficient de corrélation global. Cet affichage des résidus est une bonne pratique, car c'est un fil que l'on peut être intéressé de tirer si l'on veut y passer du temps au lieu de se débarrasser rapidement du problème.
C'est là l'endroit où toute notre intelligence est nécessaire pour imaginer de véritables causes.
mercredi 6 novembre 2019
Il faut de l'honnêteté, en matière de commerce de denrées alimentaires ! (et pas seulement, bien sûr)
L'histoire de la tour de Babel est connue : des hommes présomptueux avaient pour projet de construire une tour si grande qu'elle attendrait le ciel, et Dieu lui-même. Celui-ci suscita les langues qui séparaient les communautés et stoppa le projet.
Les mots sont donc essentiels, et il est vrai que, en matière alimentaire, la question des mots est primordiale, ce qui est bien reconnu par la loi sur le commerce des denrées alimentaires de 1905 : les produits doivent être sains, marchands, mais aussi loyaux : du "cheval" n'est pas du "bœuf", et vice et versa.
Les métiers du goût doivent être particulièrement vigilants sur cette question parce qu'il en va de leur image auprès du public. À une époque où des élus menacent de taxer les produits de charcuterie pour des raisons idiotes (éliminer les nitrites... qui pourtant sont utilisés pour combattre le botulisme), certains industriels finauds prévoient de contourner des réglementations ou de faire des publicités nauséeuses, par exemple en cuisant les jambons dans les bouillon de légumes qui apportent des nitrites qui ne seront donc pas déclarés sur l'étiquetage des produits, alors nous devons examiner soigneusement les dénominations des produits et militer vigoureusement pour l'application la réglementation voir sur sa définition même. Aujourd'hui, je prends l'exemple de la béarnaise, cette sauce qui, certes, a varié au cours du temps, mais qui quand même, s'est fixée à une réduction d'échalotes dans du vinaigre, de l’œuf, du beurre et de l'estragon, plus évidemment quelques constituants secondaires comme le sel et le poivre.
La question de la loyauté n'est pas facile, parce que la simple pratique culinaire, mais aussi et la recherche d'innovations, conduisent souvent à être tenté de garder les anciennes dénominations pour des préparations nouvelles. Par exemple, nous faisons aujourd'hui des crèmes anglaises avec seulement 8 jaunes d’œufs par litre de lait, alors qu'il y en avait 16 il y a un siècle : la préparation moderne n'a rien à voir. Ou encore, je me souviens avoir inventé il y a plusieurs décennies ce que j'avais nommé des mayonnaise sans œuf, et je n'avais pas compris, alors, que cela était non seulement impossible mais déloyal. Non pas qu'il soit impossible de préparer des émulsion sans œuf, et ce fut mon invention des "ollis", mais surtout que ces préparations ne sont pas des mayonnaises. Une mayonnaise sans œuf, c'est comme un carré rond... puisque la réglementation reconnaît fort heureusement qu'il faut au minimum 8 pour cent de jaune d'œuf dans une mayonnaise. Sans quoi, c'est un autre produit.
Tout comme le vin, qui est le produit de la fermentation du jus de raisin. On peut parfaitement faire des préparations synthétiques qui confondent parfaitement avec du vin, mais elles devront porter un autre nom que celui de vin.
Revenons à l'exemple de la béarnaise. Certes, Marie-Antoine Carême on donne une recette différente de celle d'aujourd'hui, et même aujourd'hui on obtient des résultats bien différents selon que l'on commence par produire un sabayon ou pas. On rappelle qu'il y a en cuisine des subtilités merveilleuse et que, par exemple, le beurre noisette versé dans du vinaigre fait un résultat bien différent de celui que l'on obtient en mettant du vinaigre dans le beurre noisette. D'ailleurs il faut ici discuter le mot différent : il peut y avoir des différences de consistances, mais les différences de goûts sont essentielles, et c'est cela qui pose problème pour les brevets : deux sauces qui ne diffèrent que par une pincée de piment de Cayenne sont en réalité différentes.
Mais quand même, comment ne pas se mettre en colère quand on voit des industriels prétendre nommer béarnaise des sauces faites à partir de matière grasse végétale, et non de beurre ? D'aromatisant estragon et pas d'estragon ? Je ne dis pas que ces sauces ne sont pas bonnes, mais je dis qu'elles sont déloyales, malhonnêtes ! Je l'avais signifié par courrier au fabricant, et ma colère s'est accrue quand j'ai reçu une lettre de réponse me disant que la pratique était parfaitement autorisée dans le cadre du Codex alimentarius.
C'est la preuve que nous n'avons pas assez milité pour des dénominations justes. Et c'est la démonstration aussi du fait que ce fabricant est un salaud, qui prend une lourde part de la responsabilité d'une sorte de nivellement par le bas de la cuisine, de sorte qu'il ne faudra pas s'étonner si plus tard, le public en vient à le critiquer pour ses pratiques.
D'ailleurs, dans toute cette affaire, je vois que les scientifiques sont en quelque sorte utilisés par le monde professionnel artisanat, car ce sont eux qui montent au créneau, alors que c'est la profession tout entière qui devrait réagir.
Et voilà pourquoi je ne cesse de réclamer la création d'académies pour chaque profession du goût : son rôle doit d'abord être de codification.
Mais revenons à notre béarnaise : on peut parfaitement faire une sauce analogue à la béarnaise, sans œuf ou sans beurre, mais ce n'est pas une béarnaise
mardi 5 novembre 2019
15e session des Hautes Etudes de la gastronomie !
Nous avons reçu, ces dernières semaines, les auditeurs de la 15e session des Hautes Etudes de la Gastronomie.
Ce programme aujourd'hui partagée entre l'Université de Reims et l'Ecole du Cordon Bleu reçoit des personnes du monde entier pour les mettre en contact avec les meilleurs des spécialistes de gastronomie : historiens, géographes, biologistes, chimistes, écrivains, économistes, toxicologues, nutritionnistes...
Deux semaines de cours intensifs terminés par un examen qui donne lieu à un diplôme universitaire, mais, surtout, qui conduisent le plus souvent à réorganiser une vie en fonction des données nouvelles qui ont été fournies. D'après les verbatim, pas un n'en sort autrement que bouleversé, ayant notamment compris que "la gastronomie est la connaissance raisonnée de tout ce qui se rapporte à l'être humain qui se nourrit".
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