Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mardi 3 septembre 2019
A propos de l'enseignement de la physique et de la chimie
Le moi est haïssable, mais l'analyse des erreurs personnelles permet parfois de mieux comprendre les choses. Pardon, donc, si j'évoque mon cas personnel, mais il est éclairant, dans le débat actuel sur l'enseignement de la physique et de la chimie, dans l'Education nationale (collèges, lycées, voire enseignement supérieur).
A chaque réforme de l'enseignement de la physique et de la chimie au lycée, il y a de l'émoi. En gros, "on supprime des heures" ; que deviendra le "niveau" ? Comme notre monde ne cesse de s'effaroucher, dans une sorte de cacophonie de revendications contradictoires, il faut être prudent, et attendre un peu de voir les effets, pour corriger si besoin.
Après plusieurs mois de mise en application d'une des dernières réformes, les associations d'enseignants et la Société française de physique se sont effrayés en voyant les résultats du changement : il n'est pas certain que ces changements aient été bénéfiques. Plus exactement, on a vu que la filière S (scientifique), choisie par les meilleurs élèves, ne conduisait plus nécessairement à des élèves destinés à devenir des scientifiques ou des ingénieurs, comme le voulait la logique de cette orientation. Or un pays, au milieu de tous les autres pays, n'est pas une île où l'on peut légiférer comme l'on voudrait, et nos ingénieurs et scientifiques sont en "concurrence" avec ceux des autres pays, car nos entreprises (on rappelle que ce sont elles qui font l'emploi et le commerce extérieur, lequel permet des importations de produits que notre pays n'a pas) sont elles-mêmes en concurrence avec des entreprises des autres pays.
Bref nos sociétés et associations ont demandé à rencontrer d'urgence le ministre, et j'ai publié leur lettre ouverte au ministre sur un de mes blogs. Simultanément j'ai également écrit aux signataires de cette lettre ouverte :
Chers Collègues
J'ai diffusé hier votre lettre au ministre, notamment à la presse, mais aussi, très largement, dans la communauté scientifique.
N'ayant pas participé à vos travaux, je n'en connais pas le détail, mais je sais essentielle votre phrase que vous écrivez "de nombreux étudiants se montrent déçus quand ils constatent la nécessité de mettre en œuvre de véritables outils formels et de pratiquer des démarches scientifiques rigoureuses".
Personnellement, j'ai une passion pour la chimie, la physique et les mathématiques depuis l'âge de six ans, et, malgré un grand amour des mathématiques, j'ai failli me réfugier dans une chimie technicienne, et non scientifique, parce que je ne "voulais pas faire des maths en chimie". Quelle naïveté navrante.
Pour aider les élèves, je propose de distinguer les mathématiques et le calcul... et de bien distinguer aussi la science et la technologie. C'est en tout cas mon combat personnel, depuis des décennies, ce qui a motivé la publication de mon livre "Sciences, technologie, technique (culinaires) : quelles relations?".
Dans un mouvement positif de réforme, je propose de bien situer la technique, la technologie, la science.
Bien à vous, vive l'Etude !
Ma réponse était un peu elliptique, parce que c'était le début d'une correspondance. Elle mérite ici des explications.
Commençons par ma phrase la phrase que vous écrivez "de nombreux étudiants se montrent déçus quand ils constatent la nécessité de mettre en œuvre de véritables outils formels et de pratiquer des démarches scientifiques rigoureuses" est essentielle.
C'est là que mon cas personnel me semble intéressant, non pas parce qu'il est personnel, mais parce que mon cas particulier est celui de nombreux élèves.
Passionné par les sciences, les mathématiques, la technologie et les techniques chimiques depuis l'âge de six ans, je ne faisais pas de différences entre ces activités. Il y avait à la fois l'émerveillement de phénomènes remarquables (l'électrolyse de l'eau, la précipitation du carbonate de calcium, de l'iodure de plomb...) et un goût pour les nombres et le calcul, voire pour les mathématiques.
Etonnamment, alors que j'étais émerveillé par quelques résultats mathématiques (le crible d'Eratosthène, la démonstration du fait qu'il n'existe pas de plus grand nombre premier, plus tard le théorème d'Ostrogradsky, le théorème de Guldin, le calcul de l'intégrale de l'exponentielle d'un carré, le wronskien...), je mettais une sorte de barrière entre les mathématiques, d'une part, et l'expérimentation, d'autre part. Comme si l'émerveillement des phénomènes pouvait être dérangé par l'introduction du formalisme.
Bien sûr, c'était enfantin, car les phénomènes sont encore plus beaux quand on les voit suivre des "lois" quantitatives, quand on découvre que non seulement, la matière se transforme, mais, mieux encore, qu'elle se transforme selon des règles qui sont formelles (pour ne pas dire "mathématiques" : je distingue les mathématiques, activité dont le calcul est le coeur et la finalité, et les calculs, sont l'utilisation des outils formels). Galilée disait ainsi "le monde est écrit en langage mathématique", et il est vrai que cet acte de foi, fondé sur l'observation des phénomènes, est un extraordinaire mystère ! Comment se fait-il que le monde soit ainsi si bien décrit par des lois mathématiques simples ? A la réflexion, même si je sais que je fus un élève "absent" (réfugié dans la chimie, le calcul, la littérature), je ne crois pas que quiconque m'ait exposé ce mystère, car j'aurais sans doute été encore plus fasciné que je ne l'étais.
Pour en revenir à la phrase "de nombreux étudiants se montrent déçus quand ils constatent la nécessité de mettre en œuvre de véritables outils formels et de pratiquer des démarches scientifiques rigoureuses", il y a d'abord à dire à nos jeunes amis que les sciences sans les calculs ne sont pas des sciences, de sorte que l'exposition des matières sans les calculs est une tromperie de la part du système de formation et de la vulgarisation, qui délivrent trop souvent des discours sans les calculs ; la physique "avec les mains", par exemple, c'est merveilleux, à condition de bien être certain que les explications données soient justes, avec une justesse qui n'est assurée que par le calcul. Il est effectivement désastreux d'attirer des élèves vers les sciences en leur montrant seulement les phénomènes, sans l'outil formel, car l'introduction de cet outil ultérieurement n'est pas dans le contrat. Il ne s'agit donc pas de déception, comme le disent nos collègues, mais de tromperie.
Et c'est sans doute la raison -disons une des raisons- pour lesquelles de nombreux élèves des filières dites scientifiques se réfugient dans la chimie ou la biologie, où s'imposent l'expérience et où le calcul est (trop souvent) réduit à sa plus simple expression
En passant, je critique l'usage du mot "véritable" : il n'y a pas des outils formels d'un côté, et des "véritables outils formels" de l'autre. Quant aux démarches scientifiques rigoureuses, c'est un pléonasme si le mot "science" désigne les sciences de la nature. Mais je répète ici que les sciences de la nature ne gagnent rien à confisquer le mot "science", sous peine de confusion. L'expression "sciences de la nature" est plus longue... mais elle est plus juste, moins ambiguë, et puisqu'il s'agit de faire un contrat pédagogique clair, soyons clairs !
Surtout, l'idée que je propose, c'est de bien montrer ce que sont la science, la technologie, la technique. Sans les confondre, puisque ce sont des activités séparés. Montrons honnêtement aux élèves de quoi il s'agit, montrons les beautés de chaque champ, et invitons nos jeunes amis à choisir leur voie en connaissance de cause !
lundi 2 septembre 2019
En quoi le numérique change-t-il façon de travailler, en termes de diffusion des savoirs en termes de pratiques pédagogiques
Le numérique et les études ? Cela fait plusieurs billets que je discute l'intérêt des méthodes modernes pour étudier, mais je ne suis pas rentré dans le détail de cette proposition, et il faut que j'y vienne maintenant.
D'abord à propos des documents que l'on utilise pour étudier : on n'est plus obligé d'aller en bibliothèque sauf si on cherche de la tranquillité, et l'on peut trouver des livres que l'on n'aurait jamais obtenu autrement, de sorte que l'on peut étudier de façon parfaitement autonome.
Mais on peut aussi trouver des vidéos ou des podcast audio par des spécialistes parmi les plus grands, qui, souvent, notamment en science, mais pas seulement, sont extrêmement généreux et désireux de partager leur connaissance. Un étudiant à Paris peut ainsi suivre sans difficulté une conférence de Jean-Marie Lehn à Strasbourg, de Feringa à Genève ou de Stoddart à Northwestern University dans l'Illinois.
Mais la question d'ailleurs est plutôt celle de l'embarras du choix et le professeur retrouve donc là une fonction importante, à savoir de guider les jeunes collègues vers les pépites qu'il ne connaissent pas. Cette exploration des connaissances peut se faire à n'importe quel moment du jour ou de la nuit, ce qui permet aux jeunes collègues de travailler quand ils en ont envie, mais cela permet aussi à de jeune collègue de pays moins favorisés que le nôtre d'accéder à des connaissances.
À propos de compétences, il en va presque de même, sauf pour les compétences pratiques, mais on trouve en ligne également des exercices, des problèmes, et même des exercices et des problèmes corrigés.
Au-delà tout ça, on voit encore mieux à savoir des films incroyables tel que celui que l'on trouvera ici : https://www.youtube.com/watch?v=cThvGD-o_90
Jamais par le passé on aurait imaginé pouvoir montrer ainsi le mouvement des molécules d'eau à des étudiants.
La question des savoir-vivre et des savoir-être ? Au fond, il y a nombre de vidéos qui discutent cela, de sorte que si on a pas l'exemple physique d'une personne admirable, on a toutefois la possibilité de voir le fonctionnement d'une telle personne et souvent, même, de communiquer avec elle par des forum.
Que manque-t-il alors pour sortir de devant son écran ? La libération d'endorphines dans le cerveau quand nous sommes en groupes ? La possibilité de confronter des idées en direct ? Je connais au moins deux collègues qui m'ont dit qu'ils aiment faire cours et, sans critiquer aucunement leur goût, je peux toutefois les interroger : l'un vient de me répondre que la confrontation des idées avec des jeunes collègues était son moteur. Dont acte, mais organise-t-on les études pour les professeurs ou pour les jeunes collègues ?
D'abord à propos des documents que l'on utilise pour étudier : on n'est plus obligé d'aller en bibliothèque sauf si on cherche de la tranquillité, et l'on peut trouver des livres que l'on n'aurait jamais obtenu autrement, de sorte que l'on peut étudier de façon parfaitement autonome.
Mais on peut aussi trouver des vidéos ou des podcast audio par des spécialistes parmi les plus grands, qui, souvent, notamment en science, mais pas seulement, sont extrêmement généreux et désireux de partager leur connaissance. Un étudiant à Paris peut ainsi suivre sans difficulté une conférence de Jean-Marie Lehn à Strasbourg, de Feringa à Genève ou de Stoddart à Northwestern University dans l'Illinois.
Mais la question d'ailleurs est plutôt celle de l'embarras du choix et le professeur retrouve donc là une fonction importante, à savoir de guider les jeunes collègues vers les pépites qu'il ne connaissent pas. Cette exploration des connaissances peut se faire à n'importe quel moment du jour ou de la nuit, ce qui permet aux jeunes collègues de travailler quand ils en ont envie, mais cela permet aussi à de jeune collègue de pays moins favorisés que le nôtre d'accéder à des connaissances.
À propos de compétences, il en va presque de même, sauf pour les compétences pratiques, mais on trouve en ligne également des exercices, des problèmes, et même des exercices et des problèmes corrigés.
Au-delà tout ça, on voit encore mieux à savoir des films incroyables tel que celui que l'on trouvera ici : https://www.youtube.com/watch?v=cThvGD-o_90
Jamais par le passé on aurait imaginé pouvoir montrer ainsi le mouvement des molécules d'eau à des étudiants.
La question des savoir-vivre et des savoir-être ? Au fond, il y a nombre de vidéos qui discutent cela, de sorte que si on a pas l'exemple physique d'une personne admirable, on a toutefois la possibilité de voir le fonctionnement d'une telle personne et souvent, même, de communiquer avec elle par des forum.
Que manque-t-il alors pour sortir de devant son écran ? La libération d'endorphines dans le cerveau quand nous sommes en groupes ? La possibilité de confronter des idées en direct ? Je connais au moins deux collègues qui m'ont dit qu'ils aiment faire cours et, sans critiquer aucunement leur goût, je peux toutefois les interroger : l'un vient de me répondre que la confrontation des idées avec des jeunes collègues était son moteur. Dont acte, mais organise-t-on les études pour les professeurs ou pour les jeunes collègues ?
dimanche 1 septembre 2019
Passionnantes études
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
Dans mes discussions sur l'enseignement et ce que je préfère nommer des études (on peut professer, mais il est bien impossible d'enseigner), j'ai préservé la fonction des professeurs et je me demande si même celle-ci ne doit pas être discutée.
On parlait jadis de travailler sous la férule du maître : il y avait une baguette pour vous taper sur les doigts et vous remettre dans le droit chemin tel le bâton qui garde les oies... Cela semble évidemment tout à fait contre-productif, car on ne peut passer du temps sur des études que si l'on est dans un état d'esprit extrêmement positif, si l'on envie d'apprendre. Si le professeur ne parvient pas à donner (en supposant qu'ils ne l'aient pas déjàà aux collègues plus jeunes l'envie d'étudier, alors l'étude sera toujours un pensum, condamnée à l'échec.
A l'analyse, je m'aperçois que nous avons des moyens pour donner aux collègues plus jeunes l'envie d'étudier et notamment la socialité, moteur extraordinairement puissant au point de réunir des milliers de personnes dans les stades. Ne pourrions-nous pas l'utiliser mieux pour aider nos amis à étudier ?
Je suis d'accord pour observer que cet argument serait extrinsèque et non pas intrinsèque, de sorte que je ne répond pas vraiment à la question que je pose. Il y a lieu de trouver dans les études sa propre beauté, et nous avons j' donc là la tâche prioritaire : montrer la beauté des études pour la tendre à ceux qui viennent apprendre près de nous. Tout doit y passer : la beauté, l'élégance, l'efficacité,
D'ailleurs, je suis moins pour parler moins d'un gai savoir que d'une amusante étude.
Dans mes discussions sur l'enseignement et ce que je préfère nommer des études (on peut professer, mais il est bien impossible d'enseigner), j'ai préservé la fonction des professeurs et je me demande si même celle-ci ne doit pas être discutée.
On parlait jadis de travailler sous la férule du maître : il y avait une baguette pour vous taper sur les doigts et vous remettre dans le droit chemin tel le bâton qui garde les oies... Cela semble évidemment tout à fait contre-productif, car on ne peut passer du temps sur des études que si l'on est dans un état d'esprit extrêmement positif, si l'on envie d'apprendre. Si le professeur ne parvient pas à donner (en supposant qu'ils ne l'aient pas déjàà aux collègues plus jeunes l'envie d'étudier, alors l'étude sera toujours un pensum, condamnée à l'échec.
A l'analyse, je m'aperçois que nous avons des moyens pour donner aux collègues plus jeunes l'envie d'étudier et notamment la socialité, moteur extraordinairement puissant au point de réunir des milliers de personnes dans les stades. Ne pourrions-nous pas l'utiliser mieux pour aider nos amis à étudier ?
Je suis d'accord pour observer que cet argument serait extrinsèque et non pas intrinsèque, de sorte que je ne répond pas vraiment à la question que je pose. Il y a lieu de trouver dans les études sa propre beauté, et nous avons j' donc là la tâche prioritaire : montrer la beauté des études pour la tendre à ceux qui viennent apprendre près de nous. Tout doit y passer : la beauté, l'élégance, l'efficacité,
D'ailleurs, je suis moins pour parler moins d'un gai savoir que d'une amusante étude.
samedi 31 août 2019
Des écoles "généralistes"
AgroParisTech est une école dite parfois "généraliste", mais de quoi s'agit-il ?
Si l'on regarde avec un peu de recul, on s'aperçoit que, au contraire, AgroParisTech n'est pas une école de chimie, pas une école de mécanique, pas une école de physique... mais c'est quand même une école où le vivant est omniprésent ! Le vivant ? La biologie, aujourd'hui, c'est du système, de la physique et de la chimie, avec des applications dans l'alimentation, dans l'agriculture ou l'agronomie, dans l'environnement... Et c'est ainsi que le vrai nom complet d'AgroParisTech est parfaitement choisi : Institut des sciences et technologies du vivant et de l'environnement.
Pour explorer ces champs de science et de technologie, il y a la nécessité de disposer d'outils théoriques fondamentaux, bien maîtrisés. De façon moderne, par exemple, les statistiques "qui ont été découvertes en classe préparatoire" sont utilement épaulées par la chimiométrie, par exemple. Dans le champ de l'alimentation, les connaissances de chimie organique doivent-être maintenant reprises pour ce qui concerne l'alimentation, avec les grandes classes de composés alimentaires, la réactivité de ces composés au cours de la production des aliments...
Et puis, physique, chimie et végétal : voilà un champ extraordinaire qu'il faut développer ! Et les nanoparticules : voilà un champ extraordinaire pour ceux qui s'intéressent plutôt à la technologie qu'à la science .
Bref, il y a 1000 études passionnantes à faire pour les élèves d'AgroParisTech, qui, je le répète, ne sont pas dans une école si généraliste que cela.
Du point de vue théorique, à la base, il y a des matières fondamentales, qui ont beaucoup progressé depuis le 19e siècle. De la thermodynamique classique, on est d'abord passé à la thermodynamique statistique, puis à des thermodynamiques hors d'équilibre, par exemple. Croire que les étudiants ont reçu en classe préparatoire la totalité des outils théoriques indispensables à la recherche scientifique ou la technologie est une grave erreur, car le monde évolue sans cesse, et l'on ne fera pas croire que les étudiants puissent arriver en deux ans de classe préparatoire à la totalité du savoir moderne. D'ailleurs, il y a des prix Nobel tous les ans, et c'est une tâche merveilleuse que de mettre en lumière des avancées extraordinaires de la science moderne.
Bref, je ne suis pas d'accord : AgroParisTech n'est pas une école généraliste.
Si l'on regarde avec un peu de recul, on s'aperçoit que, au contraire, AgroParisTech n'est pas une école de chimie, pas une école de mécanique, pas une école de physique... mais c'est quand même une école où le vivant est omniprésent ! Le vivant ? La biologie, aujourd'hui, c'est du système, de la physique et de la chimie, avec des applications dans l'alimentation, dans l'agriculture ou l'agronomie, dans l'environnement... Et c'est ainsi que le vrai nom complet d'AgroParisTech est parfaitement choisi : Institut des sciences et technologies du vivant et de l'environnement.
Pour explorer ces champs de science et de technologie, il y a la nécessité de disposer d'outils théoriques fondamentaux, bien maîtrisés. De façon moderne, par exemple, les statistiques "qui ont été découvertes en classe préparatoire" sont utilement épaulées par la chimiométrie, par exemple. Dans le champ de l'alimentation, les connaissances de chimie organique doivent-être maintenant reprises pour ce qui concerne l'alimentation, avec les grandes classes de composés alimentaires, la réactivité de ces composés au cours de la production des aliments...
Et puis, physique, chimie et végétal : voilà un champ extraordinaire qu'il faut développer ! Et les nanoparticules : voilà un champ extraordinaire pour ceux qui s'intéressent plutôt à la technologie qu'à la science .
Bref, il y a 1000 études passionnantes à faire pour les élèves d'AgroParisTech, qui, je le répète, ne sont pas dans une école si généraliste que cela.
Du point de vue théorique, à la base, il y a des matières fondamentales, qui ont beaucoup progressé depuis le 19e siècle. De la thermodynamique classique, on est d'abord passé à la thermodynamique statistique, puis à des thermodynamiques hors d'équilibre, par exemple. Croire que les étudiants ont reçu en classe préparatoire la totalité des outils théoriques indispensables à la recherche scientifique ou la technologie est une grave erreur, car le monde évolue sans cesse, et l'on ne fera pas croire que les étudiants puissent arriver en deux ans de classe préparatoire à la totalité du savoir moderne. D'ailleurs, il y a des prix Nobel tous les ans, et c'est une tâche merveilleuse que de mettre en lumière des avancées extraordinaires de la science moderne.
Bref, je ne suis pas d'accord : AgroParisTech n'est pas une école généraliste.
vendredi 30 août 2019
L'enseignement en école d'ingénieur, continuation des études de classes préparatoires ?
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dasn ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
Certains étudiants des écoles d'ingénieurs reprochent à certains cours de faire double emploi avec leurs cours de classes préparatoires, et cela est évidemment gênant, car les professeurs des études supérieures ont la mission de produire un savoir moderne et par conséquent de donner des éclairages nouveaux de ces matières qui sont universelles.
Cela ne me choque pas que l'on étudie la thermodynamique en classe préparatoire et encore en école d'ingénieur, mais évidemment c'est le traitement qui doit changer, car je rappelle ma métaphore de la montagne du savoir : le savoir s'est accumulé depuis le début des sciences de la nature modernes, formant une montagne, et les étudiants doivent arriver au sommet, qu'ils se destinent à la recherche scientifique ou à la technologie. S'ils deviennent scientifiques, alors ils devront chercher de faire grandir la montagne, ce qui leur impose de la faire grandir du sommet, et s'ils deviennent ingénieurs, alors ils auront pour mission de chercher les applications technologiques des connaissances moderne.
Dans cette vision, le rôle des professeurs est d'épargner aux élèves toutes les strates périmés pour les aider à arriver directement au sommet : inutile, si l'on veut aller vite, de passer par toutes les errances du passé... ce qui ne revient d'ailleurs pas à dire que l'histoire des sciences est inutile, bien au contraire !
Mais bref, cela ne me choque pas que les cours des écoles d'ingénieur prolongent ceux des classes préparatoires : la science est une.
Certains étudiants des écoles d'ingénieurs reprochent à certains cours de faire double emploi avec leurs cours de classes préparatoires, et cela est évidemment gênant, car les professeurs des études supérieures ont la mission de produire un savoir moderne et par conséquent de donner des éclairages nouveaux de ces matières qui sont universelles.
Cela ne me choque pas que l'on étudie la thermodynamique en classe préparatoire et encore en école d'ingénieur, mais évidemment c'est le traitement qui doit changer, car je rappelle ma métaphore de la montagne du savoir : le savoir s'est accumulé depuis le début des sciences de la nature modernes, formant une montagne, et les étudiants doivent arriver au sommet, qu'ils se destinent à la recherche scientifique ou à la technologie. S'ils deviennent scientifiques, alors ils devront chercher de faire grandir la montagne, ce qui leur impose de la faire grandir du sommet, et s'ils deviennent ingénieurs, alors ils auront pour mission de chercher les applications technologiques des connaissances moderne.
Dans cette vision, le rôle des professeurs est d'épargner aux élèves toutes les strates périmés pour les aider à arriver directement au sommet : inutile, si l'on veut aller vite, de passer par toutes les errances du passé... ce qui ne revient d'ailleurs pas à dire que l'histoire des sciences est inutile, bien au contraire !
Mais bref, cela ne me choque pas que les cours des écoles d'ingénieur prolongent ceux des classes préparatoires : la science est une.
A propos de notre alimentation : l'Ecole doit jouer un rôle essentiel !
Je reviens sur notre Grand livre de notre alimentation récemment paru (Editions Odile Jacob).
Sur Twitter, j'ai émis un message libellé à peu près ainsi : "A votre avis, pourquoi pensez-vous que 25 membres de l'Académie d'agriculture de France, qui sont des gens très occupés, ont accepté de prendre sur leur temps pour produire un livre assez gros, qui donne des faits à propos de l'alimentation, et tout cela sans toucher un seul centime (puisque les droits d'auteur sont versés à l'Académie) ?".
Ici, j'insiste un peu, car la question n'est pas rhétorique, mais vraiment posée à mes amis : je vous invite à réfléchir à cette question. Car ce que je dis est juste : aucun des auteurs ne touche un centime de cette affaire, malgré le travail important, le temps considérable passé à concevoir, préparer, réaliser l'ouvrage. Car il ne s'agit pas seulement de rédiger des chapitres, mais préalablement de faire une recherche bibliographique fouillée, experte, afin d'être capable d'écrire les articles. Quant à écrire les articles eux-mêmes, il ne s'agissait pas de redonner le libellé exact des informations trouvées par la bibliographie, mais de donner la teneur exacte sous une forme qui soit efficace du point de vue de la communication, à savoir compréhensible par tous tout en restant parfaitement juste. Bref, il y a donc eu du travail et il faut effectivement se demander pourquoi des personnalités ont accepté de faire cela en plus des tâches qu'ils ont par ailleurs, sachant que nombre des auteurs sont en parfaite activité professionnelle (ce n'est pas une "académie vieillissante", bien au contraire), avec des postes de responsabilité souvent très importants.
Mais on comprend aussi qu'il y avait urgence, face à une situation publique dégradée, les citoyens étant exposés sans cesse à des messages toxiques par des marchands de cauchemars variés, dans la presse ou dans le monde politique : les personnes qui vendent du papier ou de l'idéologie font beaucoup de mal à notre collectivité nationale, ce sont en réalité des fléaux qu'il faut combattre, tout en évitant à notre collectivité nationale de s'engager dans des voies irrationnelles extrêmement coûteuses.
Bref, il y a cette mission indispensable de l'Académie d'Agriculture de France, qui est de donner des bases solides pour un débat public cohérent. Nous n'en pouvons plus des mensonges énoncés publiquement toutes ces dernières années à propos de l'alimentation. Il faut répéter ce message sans relâche : nous sommes la première génération de l'histoire de l'humanité à ne pas avoir connu de famine et jamais notre alimentation n'a été si encadrée si saine. Ne soyons pas les enfants gâtés de l'alimentation, mais sachons le bonheur d'avoir celle d'aujourd'hui. Je ne dis évidemment pas que l'on ne peut pas faire encore mieux, mais je dis quand même que l'on fera difficilement mieux, et que tout progrès risque de coûter plus que nous ne pouvons dépenser. Bien sûr, on peut imaginer que des réglementations nouvelles, plus contraignante donc, mais si des industriels bien équipés technologiquement peuvent s'adapter à des réglementations très strictes, il n'est pas certain que les artisans puissent le faire, et nous risquons de pénaliser une partie importante de notre économie nationale, voir dégrader la qualité de notre alimentation... alors que les bases scientifiques pour le faire manquent encore. Surtout, je vois que l'accumulation des lois et des règlements n'est pas ce que je souhaite, parce que je crois que ce n'est pas efficace, pas intelligent : je crois plus à l'émulation qu'à la punition ; je crois plus à l'envie de faire qu'à la règle qui tape sur les doigts d'élèves qui ne se corrigeront pas pour autant.
Oui je crois à la force de l'Ecole, de l'éducation nationale, qui devrait d'ailleurs être plus justement nommée instruction nationale, et qui permet de diffuser les informations juste à tous. Il me semble que en ces temps le public craint d'être empoisonné par son alimentation, il y a urgence à mettre à l'école des programmes pour enseigner aux jeunes citoyens à manger.
Oui, nous devons apprendre à manger des aliments sains, à discuter des étiquetage déloyaux, à choisir l'origine des ingrédients culinaires que l'on achète pour produire à manger soi-même, avec amour, pour les siens et pour soi-même, à choisir des produits de saison qui contribuent à rendre notre alimentation nationale durable, à choisir les ingrédients qui nous font une alimentation équilibrée...
Oui, nous avons nous devons apprendre à manger, et nous devons aider nos enfants à le faire aussi. Sans un effort d'instruction nationale, il n'y aura pas d'alimentation durable, il n'y aura pas d'harmonie nationale.
Le siècle des Lumières n'est pas terminé ; il commence à peine !
Sur Twitter, j'ai émis un message libellé à peu près ainsi : "A votre avis, pourquoi pensez-vous que 25 membres de l'Académie d'agriculture de France, qui sont des gens très occupés, ont accepté de prendre sur leur temps pour produire un livre assez gros, qui donne des faits à propos de l'alimentation, et tout cela sans toucher un seul centime (puisque les droits d'auteur sont versés à l'Académie) ?".
Ici, j'insiste un peu, car la question n'est pas rhétorique, mais vraiment posée à mes amis : je vous invite à réfléchir à cette question. Car ce que je dis est juste : aucun des auteurs ne touche un centime de cette affaire, malgré le travail important, le temps considérable passé à concevoir, préparer, réaliser l'ouvrage. Car il ne s'agit pas seulement de rédiger des chapitres, mais préalablement de faire une recherche bibliographique fouillée, experte, afin d'être capable d'écrire les articles. Quant à écrire les articles eux-mêmes, il ne s'agissait pas de redonner le libellé exact des informations trouvées par la bibliographie, mais de donner la teneur exacte sous une forme qui soit efficace du point de vue de la communication, à savoir compréhensible par tous tout en restant parfaitement juste. Bref, il y a donc eu du travail et il faut effectivement se demander pourquoi des personnalités ont accepté de faire cela en plus des tâches qu'ils ont par ailleurs, sachant que nombre des auteurs sont en parfaite activité professionnelle (ce n'est pas une "académie vieillissante", bien au contraire), avec des postes de responsabilité souvent très importants.
Mais on comprend aussi qu'il y avait urgence, face à une situation publique dégradée, les citoyens étant exposés sans cesse à des messages toxiques par des marchands de cauchemars variés, dans la presse ou dans le monde politique : les personnes qui vendent du papier ou de l'idéologie font beaucoup de mal à notre collectivité nationale, ce sont en réalité des fléaux qu'il faut combattre, tout en évitant à notre collectivité nationale de s'engager dans des voies irrationnelles extrêmement coûteuses.
Bref, il y a cette mission indispensable de l'Académie d'Agriculture de France, qui est de donner des bases solides pour un débat public cohérent. Nous n'en pouvons plus des mensonges énoncés publiquement toutes ces dernières années à propos de l'alimentation. Il faut répéter ce message sans relâche : nous sommes la première génération de l'histoire de l'humanité à ne pas avoir connu de famine et jamais notre alimentation n'a été si encadrée si saine. Ne soyons pas les enfants gâtés de l'alimentation, mais sachons le bonheur d'avoir celle d'aujourd'hui. Je ne dis évidemment pas que l'on ne peut pas faire encore mieux, mais je dis quand même que l'on fera difficilement mieux, et que tout progrès risque de coûter plus que nous ne pouvons dépenser. Bien sûr, on peut imaginer que des réglementations nouvelles, plus contraignante donc, mais si des industriels bien équipés technologiquement peuvent s'adapter à des réglementations très strictes, il n'est pas certain que les artisans puissent le faire, et nous risquons de pénaliser une partie importante de notre économie nationale, voir dégrader la qualité de notre alimentation... alors que les bases scientifiques pour le faire manquent encore. Surtout, je vois que l'accumulation des lois et des règlements n'est pas ce que je souhaite, parce que je crois que ce n'est pas efficace, pas intelligent : je crois plus à l'émulation qu'à la punition ; je crois plus à l'envie de faire qu'à la règle qui tape sur les doigts d'élèves qui ne se corrigeront pas pour autant.
Oui je crois à la force de l'Ecole, de l'éducation nationale, qui devrait d'ailleurs être plus justement nommée instruction nationale, et qui permet de diffuser les informations juste à tous. Il me semble que en ces temps le public craint d'être empoisonné par son alimentation, il y a urgence à mettre à l'école des programmes pour enseigner aux jeunes citoyens à manger.
Oui, nous devons apprendre à manger des aliments sains, à discuter des étiquetage déloyaux, à choisir l'origine des ingrédients culinaires que l'on achète pour produire à manger soi-même, avec amour, pour les siens et pour soi-même, à choisir des produits de saison qui contribuent à rendre notre alimentation nationale durable, à choisir les ingrédients qui nous font une alimentation équilibrée...
Oui, nous avons nous devons apprendre à manger, et nous devons aider nos enfants à le faire aussi. Sans un effort d'instruction nationale, il n'y aura pas d'alimentation durable, il n'y aura pas d'harmonie nationale.
Le siècle des Lumières n'est pas terminé ; il commence à peine !
jeudi 29 août 2019
Des cours "solides" ;-)
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dasn ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
De jeunes collègues revendiquent des cours de science "solides". Oui l'éthique est importante ainsi que les humanités ; oui il faut apprendre à communiquer ; oui il faut savoir parler anglais ou chinois ou espagnol, par exemple mais le socle véritable pour un ingénieur c'est quand même de maîtriser des données techniques et de savoir les orchestrer ; or pour les orchestrer, il faut les connaître. Donc je suis d'accord avec nos jeunes collègues : il faut des connaissances solides.
Cela étant, à propos de cours "solides", je ne peux m'empêcher de penser à un jeune collègue que je connais personnellement et qui, arrivant dans une institution de formation que je ne nommerai pas, a reçu dans les dents, au premier cours, la théorie de la mesure, les tribus... A apprendre pour la semaine suivante, et débrouillez vous ! C'était sans concession, un coup de poing dans le ventre, pas un gentil "bienvenue mes petits chéris".
Pour être solide, c'était solide n'est-ce pas ? Etes-vous bien certains, chers jeunes collègues, que tous vos camarades de promotion, dans toute la diversité de cette dernière, soit prête à accepter cela ? Je pressens que non !
Cela étant, puisque vous êtes responsables de vos propres études, il ne tient qu'à vous d'avoir une formation solide, si vous étudiez de façon approfondie. Et je vous appuierai pour que l'institution de formation vous dégage du temps pour cela !
Mais... solide... Le mot "solide" ne me convient pas, puisque c'est un adjectif, un mot d'une de ces catégories, avec les adverbes, que nous remplaçons par des réponses à la question "combien ?". Combien est solide la théorie de la mesure ? Avant des discussions interminables, assurons-nous des mots. De quoi parlons-nous exactement ?
De jeunes collègues revendiquent des cours de science "solides". Oui l'éthique est importante ainsi que les humanités ; oui il faut apprendre à communiquer ; oui il faut savoir parler anglais ou chinois ou espagnol, par exemple mais le socle véritable pour un ingénieur c'est quand même de maîtriser des données techniques et de savoir les orchestrer ; or pour les orchestrer, il faut les connaître. Donc je suis d'accord avec nos jeunes collègues : il faut des connaissances solides.
Cela étant, à propos de cours "solides", je ne peux m'empêcher de penser à un jeune collègue que je connais personnellement et qui, arrivant dans une institution de formation que je ne nommerai pas, a reçu dans les dents, au premier cours, la théorie de la mesure, les tribus... A apprendre pour la semaine suivante, et débrouillez vous ! C'était sans concession, un coup de poing dans le ventre, pas un gentil "bienvenue mes petits chéris".
Pour être solide, c'était solide n'est-ce pas ? Etes-vous bien certains, chers jeunes collègues, que tous vos camarades de promotion, dans toute la diversité de cette dernière, soit prête à accepter cela ? Je pressens que non !
Cela étant, puisque vous êtes responsables de vos propres études, il ne tient qu'à vous d'avoir une formation solide, si vous étudiez de façon approfondie. Et je vous appuierai pour que l'institution de formation vous dégage du temps pour cela !
Mais... solide... Le mot "solide" ne me convient pas, puisque c'est un adjectif, un mot d'une de ces catégories, avec les adverbes, que nous remplaçons par des réponses à la question "combien ?". Combien est solide la théorie de la mesure ? Avant des discussions interminables, assurons-nous des mots. De quoi parlons-nous exactement ?
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