Il faut quand même que les contribuables sachent que les laboratoires de recherche scientifique ne sont pas des tours d'ivoire peuplées d'individus qui ignorent d'où viennent leurs financements.
Au contraire, ce sont souvent des individus très concernés, très responsables de l'argent public. Et ils ont à coeur de faire le mieux possible, leur métier difficile.
Pour autant, il y a des laboratoires plus actifs que d'autres, des individus plus ou moins bons scientifiques, des structures de recherche plus ou moins bien gérées. Et c'est le rôle de la structure nationale nommée HCERES (Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur) que d'évaluer la recherche scientifique en France. Inutile de dire que tout est très rigoureusement encadré, que ces évaluations sont codifiées à la fois par la loi et par des réglements intérieurs variés. Des "comités de visite" sont nommés, et ils ont des mission précisément orchestrées, qui vont des visites de laboratoire aux entretiens avec les personnes des laboratoires.
Cela étant, ces comités de visite sont composés d'humains, avec leurs caractères variés, leurs idiosyncrasies, et la responsabilité du président du comité de visite est lourde, puisqu'il s'agit de ne jamais outrepasser ses droits. Tout comme le rapporteur d'une publication scientifique, au fond.
Dans les deux cas, il s'agit de s'assurer que les personnes que l'on rencontre agissent conformément à la mission qui leur a été confiée. Difficile tâche, sachant qu'il s'agit de recherche scientifique, et que l'on n'oubliera pas l'histoire d'Andrew Wiles, que voici.
De la conjecture au théorème
Le théorème doit son nom au mathématicien français Pierre de Fermat, qui l'énonce en marge d'une traduction (du grec au latin) des Arithmétiques de Diophante, en regard d'un problème ayant trait aux triplets pythagoriciens : « Au contraire, il est impossible de partager soit un cube en deux cubes, soit un bicarré en deux bicarrés, soit en général une puissance quelconque supérieure au carré en deux puissances de même degré : j'en ai découvert une démonstration véritablement merveilleuse que cette marge est trop étroite pour contenir ».
Ce texte nous est parvenu par une transcription réalisée par son fils Samuel, qui a publié une réédition du Diophante de Bachet augmentée des annotations de son père cinq ans après la mort de celui-ci. On n'a pas d'autre description de l'exemplaire portant les annotations de Fermat, qui a été perdu très tôt, peut-être détruit par son fils pour cette édition.Et aucune démonstration ou tentative de démonstration n'a été retrouvée.
Jusqu'à quelques années, on parlait donc de la conjecture de Fermat, qui s'énonçait comme suit :
Il n'existe pas de nombres entiers non nuls x, y et z tels que : x^n+y^n = z^n;
dès que n est un entier strictement supérieur à 2.
Depuis Fermat, nombre de mathématiciens, des plus obscurs aux plus grands, se sont essayés à retrouver la démonstration, sans y parvenir. De belles mathématiques ont été produites chemin faisant, mais pour la démonstration, rien !
Et c'est alors que vient le moment qui doit interroger les comités de visite HCERES : en Grande Bretagne, le mathématicien Andrew Wiles était connu, mais il n'avait pas de fait d'armes extraordinaire à son actif. A un moment de sa carrière, il a cessé d'aller au laboratoire pour se retirer chez lui et chercher à démontrer la conjecture. Pendant huit ans, soit deux périodes d'évaluation, il a été absent de son laboratoire, a travaillé dans le secret le plus complet. Puis, en juin 1993, en conclusion d'une conférence de trois jours, il annonce que le grand théorème de Fermat est un corollaire de ses principaux résultats exposés. C'est un événement mondial !
Dans les mois qui suivent, la dernière mouture de sa preuve est soumise à une équipe de six spécialistes (trois suffisent d'habitude) : chacun doit évaluer une partie du travail. Parmi eux figurent Nick Katz et Luc Illusie, que Katz a appelés en juillet pour l'aider ; la partie de la preuve dont il a la charge est en effet très compliquée. Font aussi partie des jurés Gerd Faltings, Ken Ribet et Richard Taylor. On travaille dans la plus grande confidentialité, l’atmosphère est tendue, le poids du secret est lourd à porter. Après que Katz a transmis à Wiles quelques points à préciser, que celui-ci clarifie rapidement, les choses commencent à se gâter : Nick Katz et Luc Illusie finissent par admettre qu'on ne peut pas établir dans la preuve, pour l’appliquer ensuite, le système d'Euler, alors que cet élément est considéré comme vital pour la faire fonctionner. Peter Sarnak, que Wiles avait mis dans la confidence de sa découverte avant la conférence de juin, lui conseille alors de se faire aider par Taylor. Les tentatives pour combler la faille se révèlent pourtant de plus en plus désespérées, et Wiles, maintenant sous le feu des projecteurs, vit une période très difficile, il est à bout de forces, il pense qu'il a échoué et se résigne. Ce n’est que neuf mois plus tard que se produira le dénouement.
À l’automne, Taylor suggère de reprendre la ligne d’attaque utilisée trois ans auparavant. Wiles, bien que convaincu que ça ne marcherait pas, accepte, mais surtout pour convaincre Taylor qu'elle ne pourrait pas marcher. Wiles y travaille environ deux semaines et soudain, le 19 septembre 1994 : « En un éclair, je vis que toutes les choses qui l’empêchaient de marcher, c’était ce qui ferait marcher une autre méthode (théorie d’Iwasawa) que j’avais travaillée auparavant. » Le 25 octobre 1994, deux manuscrits sont diffusés, et un document final est publié en 1995.
Une moralité à chercher absolument
Quelle aurait été la position d'un comité de visite HCERES face à un Wiles absent du laboratoire depuis sept ans, sans motif (puisque sa recherche était secrète) ? Qu'auraient pensé les contribuables ? Qu'aurait pensé un directeur de laboratoire voyant un membre de son équipe qui ne venait jamais, ne participait à aucune de ces animations de laboratoire que ledit directeur se sent obligé d'organiser ?
Je propose que l'on n'oublie pas cet épisode, en se souvenant aussi que Wiles a plus fait pour les mathématiques que nombre de ses collègues qui ont mené la vie régulière que l'on attendait d'eux. Au fond, l'institution scientifique veut surtout des Wiles, mais se donne-t-elle vraiment les moyens d'en avoir ?
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
samedi 29 décembre 2018
vendredi 28 décembre 2018
Et pour cuire des coings
Les coings sont des fruits étranges : très durs, mais d'un parfum envoûtant, notamment.
Les cuire ? Avec de l'eau, la cuisson dure longtemps... mais faut-il vraiment que nous nous comportions comme il y a des siècles, en cuisine ? Pourquoi n'utiliserions pas des ressources modernes ?
En l'occurrence, ce moyen "moderne", cela peut être le "bicarbonate", que les chimistes désignent plus justement sous le nom d'hydrogénocarbonate de sodium. C'est un composé basique, le "contraire" d'un composé acide, qui fait des merveilles, même en très faibles quantités.
Mettons-en une pincée dans une casserole où cuisent des quartiers de coing, et l'on voit parfois une petite mousse apparaître. Cela n'est rien d'important, mais seulement le fait que le bicarbonate réagit avec des acides du fruit. Surtout, la cuisson est considérablement accélérée, au point qu'il faut se méfier si l'on ne veut pas récupérer une purée.
Evidemment, le goût du bicarbonate est "savonneux", mais une fois la cuisson faite, une fois les fruits amollis, il suffit de rectifier le goût avec un acide, tel le jus de citron... ou l'acide citrique, à volonté. On en met un peu, on goûte, et l'on s'arrête dès que le goût nous convient. Ah, j'y pense : en milieu acide, les coings rougissent, que l'on ait ou non joué au jeu du bicarbonate et de sa neutralisation.
Et c'est ainsi que la chimie est belle, non ?
Les cuire ? Avec de l'eau, la cuisson dure longtemps... mais faut-il vraiment que nous nous comportions comme il y a des siècles, en cuisine ? Pourquoi n'utiliserions pas des ressources modernes ?
En l'occurrence, ce moyen "moderne", cela peut être le "bicarbonate", que les chimistes désignent plus justement sous le nom d'hydrogénocarbonate de sodium. C'est un composé basique, le "contraire" d'un composé acide, qui fait des merveilles, même en très faibles quantités.
Mettons-en une pincée dans une casserole où cuisent des quartiers de coing, et l'on voit parfois une petite mousse apparaître. Cela n'est rien d'important, mais seulement le fait que le bicarbonate réagit avec des acides du fruit. Surtout, la cuisson est considérablement accélérée, au point qu'il faut se méfier si l'on ne veut pas récupérer une purée.
Evidemment, le goût du bicarbonate est "savonneux", mais une fois la cuisson faite, une fois les fruits amollis, il suffit de rectifier le goût avec un acide, tel le jus de citron... ou l'acide citrique, à volonté. On en met un peu, on goûte, et l'on s'arrête dès que le goût nous convient. Ah, j'y pense : en milieu acide, les coings rougissent, que l'on ait ou non joué au jeu du bicarbonate et de sa neutralisation.
Et c'est ainsi que la chimie est belle, non ?
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jeudi 27 décembre 2018
Une expérience pour l'enseignement
Mettant en ligne des précisions culinaires, je tombe sur cette note, prise dans La cuisine en six leçons, un livre publié par Edouard de Pomiane en 1926 : page 52, il dit que "les grains d’amidon mettent 15 minutes à gonfler dans une sauce qu’on lie".
Pourquoi s'intéresser à cette phrase en apparence anodine? Parce qu'elle est sans doute fausse, et que je crois utile de montrer aux plus jeunes que tout ce qui est écrit n'est pas juste, notamment en cuisine, où parole de chef vaut presque plus que d’Évangile !
Commençons par l'auteur de la phrase : Edouard de Pomiane était un Polonais émigré, dont le nom Pojerski est sans intérêt, puisqu'il ne l'utilisait pas.
Il était microbiologiste à l'Institut Pasteur, mais, surtout, il devint progressivement "le" scientifique qui s'intéressait publiquement à la cuisine. Plus exactement, il s'intéressait à la cuisine en tant qu'amateur de cuisine, plutôt qu'en tant que scientifique. Si son esprit relativement rationnel lui permit d'analyser une partie de ce qu'il faisait, il ne parvint pas à pénétrer les mystères des transformations culinaires, lesquelles sont de nature physique ou chimique plutôt que biologique, et c'est ainsi qu'il ne dépassa souvent pas le simple bon sens rationnel.
Certes, il ne versait pas dans des élucubrations quasi mystiques, mais il n'alla jamais jusqu'à comprendre les phénomènes des transformations culinaires, contrairement à certains remarquables scientifiques du passé tels Lavoisier, Chevreul, Parmentier, et quelques autres.
Pomiane fut l'ami de journalistes et de gastronomes de son temps, à savoir plutôt la première moitié du vingtième siècle, et il fut l'auteur de nombreux ouvrages de cuisine, souvent amusant. Par exemple, pour un laboratoire pharmaceutique qui vendait des médicaments antigoutteux, il publia Vingt plats qui donnent la goutte, et, quand vint le rationnement de la guerre, il fit un "La goutte au compte goutte".
Intelligent, plein d'humour, il fit la première émission de cuisine à la radio, sous le titre Radio cuisine.
Mais il n'était pas physicochimiste, et cela se perçoit quand on le lit ! Par exemple, il écrivit qu'il fallait une bassine en cuivre et un fouet en fil de fer pour monter les blancs d'oeufs en neige... parce que cela aurait fait un effet de "pile". S'il est exact que deux métaux différents, plongés dans une même solution aqueuse conductrice (tel le blanc d'oeuf), peuvent réagir chimiquement, il faut qu'un métal soit oxydé pour être réduit... et de toute façon, cet effet n'a rien à voir avec le battage des blancs en neige, où il s'agit tout simplement d'introduire des bulles d'air dans ce liquide qu'est le blanc d'oeuf. Un autre exemple : il écrit que, pour ne pas pleurer quand on coupe des oignons, il faudrait mordre une cuiller en bois. C'est ce que j'ai testé, et j'ai pleuré comme quand je n'avais pas la cuiller en bois dans la bouche.
Bref, il y a des raisons de se méfier de ce qu'écrit Pomiane.
Et pour l'amidon ?
Quand on dispose d'un liquide, tel un bouillon de viande ou un fumets de poisson, il arrive souvent qu'on veuille la lier, c'est-à-dire l'épaissir. Et il y a divers moyens classiques, tel l'ajout de jaune d'oeuf, ou encore l'émulsion de matière grasse. Mais une manière très ancienne consiste à utiliser de la farine et à faire un "roux" : on cuite une cuillerée à soupe de farine avant autant de beurre, jusqu'à observer un léger changement de couleur (ça blondit). Puis on ajoute le liquide et l'on chauffe, et l'on voit alors le liquide épaissir.
Car il y a dans la farine de petits grains arrondis, les grains d'amidon, qui "s'empèsent", à savoir qu'ils laissent partir dans le liquide des molécules analogues à des fils (des molécules d'amylose), tandis que l'eau entre dans les grains et les fait gonfler. Et c'est parce que le liquide est encombré par ces grains gonflés qu'il prend de la viscosité.
Combien de temps faut-il pour que les grains gonflent? Je propose d'en faire une expérience à l'école. Pour cela, il suffit d'un microscope très simple, d'une casserole, d'eau et de farine.
Mettons d'abord de la farine dans l'eau, puis prenons une goutte de ce liquide, après l'avoir agité, et l'on voit alors des grains d'amidon.
Puis chauffons le liquide avec l'amidon, et toutes les minutes, prélevons un peu du liquide, et observons les grains.
Alors, voyez vous que Pomiane a raison ou qu'il a tort ?
Pourquoi s'intéresser à cette phrase en apparence anodine? Parce qu'elle est sans doute fausse, et que je crois utile de montrer aux plus jeunes que tout ce qui est écrit n'est pas juste, notamment en cuisine, où parole de chef vaut presque plus que d’Évangile !
Commençons par l'auteur de la phrase : Edouard de Pomiane était un Polonais émigré, dont le nom Pojerski est sans intérêt, puisqu'il ne l'utilisait pas.
Il était microbiologiste à l'Institut Pasteur, mais, surtout, il devint progressivement "le" scientifique qui s'intéressait publiquement à la cuisine. Plus exactement, il s'intéressait à la cuisine en tant qu'amateur de cuisine, plutôt qu'en tant que scientifique. Si son esprit relativement rationnel lui permit d'analyser une partie de ce qu'il faisait, il ne parvint pas à pénétrer les mystères des transformations culinaires, lesquelles sont de nature physique ou chimique plutôt que biologique, et c'est ainsi qu'il ne dépassa souvent pas le simple bon sens rationnel.
Certes, il ne versait pas dans des élucubrations quasi mystiques, mais il n'alla jamais jusqu'à comprendre les phénomènes des transformations culinaires, contrairement à certains remarquables scientifiques du passé tels Lavoisier, Chevreul, Parmentier, et quelques autres.
Pomiane fut l'ami de journalistes et de gastronomes de son temps, à savoir plutôt la première moitié du vingtième siècle, et il fut l'auteur de nombreux ouvrages de cuisine, souvent amusant. Par exemple, pour un laboratoire pharmaceutique qui vendait des médicaments antigoutteux, il publia Vingt plats qui donnent la goutte, et, quand vint le rationnement de la guerre, il fit un "La goutte au compte goutte".
Intelligent, plein d'humour, il fit la première émission de cuisine à la radio, sous le titre Radio cuisine.
Mais il n'était pas physicochimiste, et cela se perçoit quand on le lit ! Par exemple, il écrivit qu'il fallait une bassine en cuivre et un fouet en fil de fer pour monter les blancs d'oeufs en neige... parce que cela aurait fait un effet de "pile". S'il est exact que deux métaux différents, plongés dans une même solution aqueuse conductrice (tel le blanc d'oeuf), peuvent réagir chimiquement, il faut qu'un métal soit oxydé pour être réduit... et de toute façon, cet effet n'a rien à voir avec le battage des blancs en neige, où il s'agit tout simplement d'introduire des bulles d'air dans ce liquide qu'est le blanc d'oeuf. Un autre exemple : il écrit que, pour ne pas pleurer quand on coupe des oignons, il faudrait mordre une cuiller en bois. C'est ce que j'ai testé, et j'ai pleuré comme quand je n'avais pas la cuiller en bois dans la bouche.
Bref, il y a des raisons de se méfier de ce qu'écrit Pomiane.
Et pour l'amidon ?
Quand on dispose d'un liquide, tel un bouillon de viande ou un fumets de poisson, il arrive souvent qu'on veuille la lier, c'est-à-dire l'épaissir. Et il y a divers moyens classiques, tel l'ajout de jaune d'oeuf, ou encore l'émulsion de matière grasse. Mais une manière très ancienne consiste à utiliser de la farine et à faire un "roux" : on cuite une cuillerée à soupe de farine avant autant de beurre, jusqu'à observer un léger changement de couleur (ça blondit). Puis on ajoute le liquide et l'on chauffe, et l'on voit alors le liquide épaissir.
Car il y a dans la farine de petits grains arrondis, les grains d'amidon, qui "s'empèsent", à savoir qu'ils laissent partir dans le liquide des molécules analogues à des fils (des molécules d'amylose), tandis que l'eau entre dans les grains et les fait gonfler. Et c'est parce que le liquide est encombré par ces grains gonflés qu'il prend de la viscosité.
Combien de temps faut-il pour que les grains gonflent? Je propose d'en faire une expérience à l'école. Pour cela, il suffit d'un microscope très simple, d'une casserole, d'eau et de farine.
Mettons d'abord de la farine dans l'eau, puis prenons une goutte de ce liquide, après l'avoir agité, et l'on voit alors des grains d'amidon.
Puis chauffons le liquide avec l'amidon, et toutes les minutes, prélevons un peu du liquide, et observons les grains.
Alors, voyez vous que Pomiane a raison ou qu'il a tort ?
mardi 25 décembre 2018
Que faire des recettes que l'on trouve en ligne ?
Je ne sais plus sur quel site j'ai trouvé cela, mais je crois me souvenir qu'il s'agissait de la partie cuisine d'une grande revue féminine. Et je ne me souviens plus de quelle recette il s'agissait, mais peu importe : la question est, surtout, que l'image suivante démontre que ce site est pourri.
Mettre de la viande dans une casserole avec de l'eau froide et porter à ébullition n'est pas une pratique anormale, certes.
Et pocher la viande se fait sans problème, bien que l'on puisse s'interroger sur le terme "pocher", qui semble mal utilisé : pocher, selon les bons dictionnaires, c'est plutôt cuire à température proche de l'ébullition, et non partir à l'eau froide. Mais c'est là un détail par rapport à la suite, qui évoque des "impuretés" et de l'amidon.
Des impuretés ? La viande la plus saine n'est pas "impure", et, pourtant, elle libère une écume que l'on retire, quand on veut un consommé clair. Il est vrai que l'on nomme "écume" une mousse engendrée par des "impuretés", mais je crois savoir que ces prétendues impuretés sont en réalité des protéines coagulées, peut-être avec des composés du sang : rien d'impur, dans tout cela, sinon l'apparence de la chose.
Mais le pire, c'est l'amidon. Car il n'y a pas d'amidon dans la viande ! L'amidon, c'est une matière faite de "granules", composés de "polysaccharides" de deux types, amylose ou amylopectine. C'est une matière de réserve des végétaux : la sève brute qui est montée dans les feuilles s'y enrichit de glucose, de fructose et de saccharose, qui sont redescendus dans les racines, où ces molécules s'assemblent notamment en amidon.
Dans les organismes animaux, rien de semblable : les animaux ne sont pas des végétaux ! Ce qui me conduit à m'interroger : en supposant que la recette considérée soit "correcte" d'un point de vue pratique, ou d'un point de vue artistique, on serait en droit de ne pas croire à ses commentaires ignares. Mais la recette tout entière n'est-elle pas entachée de cette ignorance prétentieuse qui consiste à expliquer ce que l'on ne sait pas ?
Je vous laisse y penser.
Mettre de la viande dans une casserole avec de l'eau froide et porter à ébullition n'est pas une pratique anormale, certes.
Et pocher la viande se fait sans problème, bien que l'on puisse s'interroger sur le terme "pocher", qui semble mal utilisé : pocher, selon les bons dictionnaires, c'est plutôt cuire à température proche de l'ébullition, et non partir à l'eau froide. Mais c'est là un détail par rapport à la suite, qui évoque des "impuretés" et de l'amidon.
Des impuretés ? La viande la plus saine n'est pas "impure", et, pourtant, elle libère une écume que l'on retire, quand on veut un consommé clair. Il est vrai que l'on nomme "écume" une mousse engendrée par des "impuretés", mais je crois savoir que ces prétendues impuretés sont en réalité des protéines coagulées, peut-être avec des composés du sang : rien d'impur, dans tout cela, sinon l'apparence de la chose.
Mais le pire, c'est l'amidon. Car il n'y a pas d'amidon dans la viande ! L'amidon, c'est une matière faite de "granules", composés de "polysaccharides" de deux types, amylose ou amylopectine. C'est une matière de réserve des végétaux : la sève brute qui est montée dans les feuilles s'y enrichit de glucose, de fructose et de saccharose, qui sont redescendus dans les racines, où ces molécules s'assemblent notamment en amidon.
Dans les organismes animaux, rien de semblable : les animaux ne sont pas des végétaux ! Ce qui me conduit à m'interroger : en supposant que la recette considérée soit "correcte" d'un point de vue pratique, ou d'un point de vue artistique, on serait en droit de ne pas croire à ses commentaires ignares. Mais la recette tout entière n'est-elle pas entachée de cette ignorance prétentieuse qui consiste à expliquer ce que l'on ne sait pas ?
Je vous laisse y penser.
samedi 22 décembre 2018
Comment rédiger la conclusion d'une thèse
Il y a un bon conseil à donner pour les rédactions... qui est en réalité un mauvais conseil : si l'on manque de temps, peaufiner le début et la fin, parce que ces deux parties sont les plus lues.
Bien sûr, c'est un encouragement au vice, donc à ne pas faire. Mais de cette pensée médiocre, fondée toutefois sur une vision réaliste de l'humanité, on peut tirer une idée plus belle, et plus intelligente : puisque c'est un fait que les évaluateurs d'un rapport, ou d'une thèse, liront plutôt l'introduction et la conclusion, il faut surtout en tirer l'idée que la conclusion doit être parfaitement intelligente... comme le reste du texte.
M'étant débarrassé de ces boutades, je vais essayer d'être maintenant plus sérieux, en reprenant une analyse sérieuse de la question. Le document de doctorat est donc un texte qui vise à établir une thèse : la question doit être annoncée en introduction, puis les travaux effectués doivent progressivement établir l'idée annoncée. Vient la conclusion, qui peut, donc, ... conclure : dire que la thèse est établie.
Mais on sait que les démonstrations n'existent qu'en mathématiques, de sorte que, pour des sciences de la nature, il y a lieu de penser différemment, et de s'interroger sur le bien fondé de l'établissement de la thèse. Cette analyse rétrospective est évidemment l'occasion de prendre de la hauteur, et d'insuffler de l'intelligence dans toute cette discussion.
Bien sûr, il y a une question de rhétorique, puisque le document de doctorat est un texte, et, à ce titre, dans la monstration que l'on fait finalement, on aura intérêt à donner d'abord les arguments opposés à la thèse, avant de donner ceux qui sont en sa faveur, car il a été mesuré que l'être humain sera plus influencé par les derniers arguments donnés.
Mais on retombe là dans de la communication, de l'habillage, et l'on n'est plus dans le contenu. Le contenu, c'est aussi de ne pas penser que le document clot le débat, mais, surtout, montrer qu'il l'ouvre. Et ainsi que cette partie mériterait toujours d'être intitulée "Conclusions et perspectives" : s'il est bon de montrer que l'on a fait du chemin, il est sans doute encore mieux de montrer que l'on est arrivé à une étape où de multiples choix apparaissent... et de discuter les stratégies pour la poursuite du chemin.
Tout cela étant dit, il y a évidemment des questions de style, et c'est un style particulier que je montre quand je propose, dans la conclusion, la possibilité de considérer tout résultat comme un cas particulier de cas généraux qu'il faut maintenant inventer.
Tout cela étant dit, je n'ai fait qu'effleurer un sujet difficile... et, puisque j'ai commencé par une boutade de rhétoricien superficiel, je termine de la même façon en signalant que la conclusion doit rendre le travail mémorable, et qu'il y a une façon d'y parvenir, à savoir de placer, dans la conclusion, une "phrase magique" : une phrase que l'on cherche longtemps, et qui résonnera en chacun, une phrase qui sera une perche tendue que tous prendront, une phrase si intelligente qu'elle semblera l'étoile du berger dans la nuit qui n'a pas encore cédé la place au jour.
Bien sûr, c'est un encouragement au vice, donc à ne pas faire. Mais de cette pensée médiocre, fondée toutefois sur une vision réaliste de l'humanité, on peut tirer une idée plus belle, et plus intelligente : puisque c'est un fait que les évaluateurs d'un rapport, ou d'une thèse, liront plutôt l'introduction et la conclusion, il faut surtout en tirer l'idée que la conclusion doit être parfaitement intelligente... comme le reste du texte.
M'étant débarrassé de ces boutades, je vais essayer d'être maintenant plus sérieux, en reprenant une analyse sérieuse de la question. Le document de doctorat est donc un texte qui vise à établir une thèse : la question doit être annoncée en introduction, puis les travaux effectués doivent progressivement établir l'idée annoncée. Vient la conclusion, qui peut, donc, ... conclure : dire que la thèse est établie.
Mais on sait que les démonstrations n'existent qu'en mathématiques, de sorte que, pour des sciences de la nature, il y a lieu de penser différemment, et de s'interroger sur le bien fondé de l'établissement de la thèse. Cette analyse rétrospective est évidemment l'occasion de prendre de la hauteur, et d'insuffler de l'intelligence dans toute cette discussion.
Bien sûr, il y a une question de rhétorique, puisque le document de doctorat est un texte, et, à ce titre, dans la monstration que l'on fait finalement, on aura intérêt à donner d'abord les arguments opposés à la thèse, avant de donner ceux qui sont en sa faveur, car il a été mesuré que l'être humain sera plus influencé par les derniers arguments donnés.
Mais on retombe là dans de la communication, de l'habillage, et l'on n'est plus dans le contenu. Le contenu, c'est aussi de ne pas penser que le document clot le débat, mais, surtout, montrer qu'il l'ouvre. Et ainsi que cette partie mériterait toujours d'être intitulée "Conclusions et perspectives" : s'il est bon de montrer que l'on a fait du chemin, il est sans doute encore mieux de montrer que l'on est arrivé à une étape où de multiples choix apparaissent... et de discuter les stratégies pour la poursuite du chemin.
Tout cela étant dit, il y a évidemment des questions de style, et c'est un style particulier que je montre quand je propose, dans la conclusion, la possibilité de considérer tout résultat comme un cas particulier de cas généraux qu'il faut maintenant inventer.
Tout cela étant dit, je n'ai fait qu'effleurer un sujet difficile... et, puisque j'ai commencé par une boutade de rhétoricien superficiel, je termine de la même façon en signalant que la conclusion doit rendre le travail mémorable, et qu'il y a une façon d'y parvenir, à savoir de placer, dans la conclusion, une "phrase magique" : une phrase que l'on cherche longtemps, et qui résonnera en chacun, une phrase qui sera une perche tendue que tous prendront, une phrase si intelligente qu'elle semblera l'étoile du berger dans la nuit qui n'a pas encore cédé la place au jour.
jeudi 20 décembre 2018
Je suis partagé
Récemment, lors d'une rencontre scientifique, j'ai entendu des enchaînements de mots de plus de trois syllabes où les termes d'excellence, de multi-échelles ou de champs thématiques se tiraient la bourre avec des communautés de travail, des impactages environnementaux, bien sûr des durabilités et des forts potentiels, sans compter les positionnements, des plus-values de regroupement ou des intégration des données assorties de couplages... Quel jargon !
Pour autant, que l'on me comprenne bien : je milite pour une terminologie scientifique précise, et c'est de ce point de vue que je propose de parler plutôt de "traitement thermique en phase aqueuse" que de cuisson de bouillons, de parler de tissus végétaux ou animaux que de légumes, fruits, viandes ou poissons... En science, chaque terme utilisé doit s'adresser à l'ensemble de la communauté, sans ambiguïté. Oui, on peut parler de torréfaction, mais à condition d'avoir dit ce dont il s'agissait. Oui, on peut utiliser des acronymes, mais à condition de les avoir définis.
Mais alors, le jargon que j'avais entendu lors de la rencontre était-il justifié ? Je ne crois pas, car, en réalité, la communauté ne s'entend pas sur des terminologies telles qu'"effet de matrice", ou de "multi-échelles" : il y a autant d'acception que de chercheurs, et cela ajoute à la confusion. Ce qui me fait penser à la terminologie du goût, avec cette "flaveur" que j'ai souvent dénoncée, pour ne désigner que le goût, ces confusions -jusque chez les "spécialistes" !- entre la saveur, le goût, l'odeur, l'arôme et les autres... sensations ou perceptions ? Je pose exprès la question... parce que le travail scientifique doit être si précis que l'un des deux termes seulement peut être légitimement utilisé !
Pour autant, que l'on me comprenne bien : je milite pour une terminologie scientifique précise, et c'est de ce point de vue que je propose de parler plutôt de "traitement thermique en phase aqueuse" que de cuisson de bouillons, de parler de tissus végétaux ou animaux que de légumes, fruits, viandes ou poissons... En science, chaque terme utilisé doit s'adresser à l'ensemble de la communauté, sans ambiguïté. Oui, on peut parler de torréfaction, mais à condition d'avoir dit ce dont il s'agissait. Oui, on peut utiliser des acronymes, mais à condition de les avoir définis.
Mais alors, le jargon que j'avais entendu lors de la rencontre était-il justifié ? Je ne crois pas, car, en réalité, la communauté ne s'entend pas sur des terminologies telles qu'"effet de matrice", ou de "multi-échelles" : il y a autant d'acception que de chercheurs, et cela ajoute à la confusion. Ce qui me fait penser à la terminologie du goût, avec cette "flaveur" que j'ai souvent dénoncée, pour ne désigner que le goût, ces confusions -jusque chez les "spécialistes" !- entre la saveur, le goût, l'odeur, l'arôme et les autres... sensations ou perceptions ? Je pose exprès la question... parce que le travail scientifique doit être si précis que l'un des deux termes seulement peut être légitimement utilisé !
samedi 15 décembre 2018
En chimiste, pas en tant que chimiste !
Un étudiant m'interroge sur ma tenue vestimentaire : pourquoi toujours des chemises à col officier, et pourquoi suis-je en blouse sur la photo de mon blog ?
A vrai dire, je n'ai guère de coquetterie, et le fait d'avoir toujours les mêmes vêtements est surtout une façon de gagner du temps, de ne pas avoir à choisir, de ne pas me préoccuper de ce que considère (je parle pour moi, en mettant dans la balance la question du temps consacré aux travaux scientifiques) comme des futilités.
Jadis, le choix s'est fait, parce que je n'avais pas envie de porter de cravate. Aujourd'hui, personne ne porte plus cela, sauf dans des cercles très particuliers, et j'ai conservé mes chemises. Rien de très intéressant pour mes amis.
Ce qui mérite plus d'attention, c'est le port de la blouse. Car c'est un fait que, au laboratoire, à savoir l'un des plus beaux endroits du monde, j'ai toujours une blouse, dans mon bureau, et notamment parce que la propreté du lieu n'est pas absolue, ou parce qu'il ne fait pas si chaud. Mais, surtout, c'est l'habit où je me sens bien... parce que je suis chimiste, j'ai une passion pour la chimie, et j'aimerai que nous soyons encore plus nombreux à comprendre que cette science est merveilleuse (elle l'est, faites moi confiance).
Les jésuites disent : "il faut se comporter en chrétien, et non pas en tant que chrétien". Je transpose : il faut se comporter en chimiste, pas en tant que chimiste.
En tant que chimiste ? Cela signifierait porter une blouse pour ceux qui nous regardent... mais, dans mon cas, j'ai toujours une blouse, qu'il y ait des visiteurs ou pas ! Je vous ai dit que je me sentais bien au laboratoire, avec ma blouse : ce n'est pas pour autrui que je la porte, mais pour moi-même. Et ma passion pour cette science est si grande que j'en ai fait un livre, qui interroge notre manière de vivre notre science. Ce n'est pas mon meilleur livre, mais j'y explique pourquoi la chimie est une science si extraordinaire.
Oui, décidément, je ne joue pas à porter une blouse ; je la porte, parce que c'est l'habit de ma passion.
A vrai dire, je n'ai guère de coquetterie, et le fait d'avoir toujours les mêmes vêtements est surtout une façon de gagner du temps, de ne pas avoir à choisir, de ne pas me préoccuper de ce que considère (je parle pour moi, en mettant dans la balance la question du temps consacré aux travaux scientifiques) comme des futilités.
Jadis, le choix s'est fait, parce que je n'avais pas envie de porter de cravate. Aujourd'hui, personne ne porte plus cela, sauf dans des cercles très particuliers, et j'ai conservé mes chemises. Rien de très intéressant pour mes amis.
Ce qui mérite plus d'attention, c'est le port de la blouse. Car c'est un fait que, au laboratoire, à savoir l'un des plus beaux endroits du monde, j'ai toujours une blouse, dans mon bureau, et notamment parce que la propreté du lieu n'est pas absolue, ou parce qu'il ne fait pas si chaud. Mais, surtout, c'est l'habit où je me sens bien... parce que je suis chimiste, j'ai une passion pour la chimie, et j'aimerai que nous soyons encore plus nombreux à comprendre que cette science est merveilleuse (elle l'est, faites moi confiance).
Les jésuites disent : "il faut se comporter en chrétien, et non pas en tant que chrétien". Je transpose : il faut se comporter en chimiste, pas en tant que chimiste.
En tant que chimiste ? Cela signifierait porter une blouse pour ceux qui nous regardent... mais, dans mon cas, j'ai toujours une blouse, qu'il y ait des visiteurs ou pas ! Je vous ai dit que je me sentais bien au laboratoire, avec ma blouse : ce n'est pas pour autrui que je la porte, mais pour moi-même. Et ma passion pour cette science est si grande que j'en ai fait un livre, qui interroge notre manière de vivre notre science. Ce n'est pas mon meilleur livre, mais j'y explique pourquoi la chimie est une science si extraordinaire.
Oui, décidément, je ne joue pas à porter une blouse ; je la porte, parce que c'est l'habit de ma passion.
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