Certains veulent que l'Ecole soit réformée, en vue d'aider les élèves les plus fragiles, parce que les bons s'en tireraient toujours, et que l'efficacité du système serait due à un entraînement des moins bons par les bons. On a largement entendu le discours. D'autres opposent qu'il ne faut pas "niveler par le bas", que l'Ecole doit avoir de l'ambition pour les citoyens. Là encore, on a bien entendu le raisonnement.
Dans cette discussion, les noms d'oiseaux viennent vite, et les "progressistes" pour certains sont des "idéalistes inconscients" pour les autres, tandis que les "réalistes" pour un bord, sont "conservateurs" ou "réactionnaires" pour l'autre bord. On passera sur cette division manichéenne, donc simpliste et bête. Ce qui est dommageable, surtout, c'est que le débat actuel ne vise pas la construction d'un système d'enseignement vraiment meilleur, mais plutôt la mise en oeuvre d'une idéologie.
Pour ce qui concerne l'Ecole, regardons la loi du 8 juillet 2013 dite de "refondation de l’école" : elle se fixe l’objectif de "diviser par deux la proportion des élèves qui sortent du système scolaire sans qualification et [d'] amener tous les élèves à maîtriser le socle commun de connaissances, de compétences et de culture […] ; conduire plus de 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat et 50 % d'une classe d'âge à un diplôme de l'enseignement supérieur".
Diviser par deux la proportion d'élèves qui finissent sans qualification ? C'est évidemment louable. Amener tous les élèves à maîtriser le socle commun de connaissances, compétences et culture ? C'est également très bien... à condition de bien définir ce socle commun : là est un grave point de débat. Conduire toute une tranche d'âge au baccalauréat ? Bien sûr, tout le monde est d'accord... à condition de bien savoir ce qu'est le baccalauréat : si c'est seulement de savoir lire, on y arrivera. Si c'est de savoir résoudre une équation aux dérivées partielles, on aura plus de difficultés. Autrement dit, les déclarations grandiloquentes sont diaboliques dans le détail. C'est lui qui doit être discuté.
Oui, dans un monde de plus en plus technologique, où les machines se sont imposées, l'"ouvrier" qui entrait en masse dans les usines et les mines a de moins en moins de place. Oui, le pays gagne à être composé de citoyens éclairés, capables de s'adapter rapidement à des changements techniques (le fabricant de machines à écrire n'a plus sa place ; l'informaticien trouve la sienne). Oui, l'Ecole n'a pas pour mission de faire de la "chair à canon", mais doit se donner comme objectif de former des citoyens éclairés, responsables, soucieux du bien collectif, et non des individus égoïstes que gave une certaine presse (on n'est pas sorti du panem et circenses ; pardon pour le latin, objet de discussions dans le débat sur l'Ecole) et que flatte démagogiquement un certain politique.
Tout cela étant dit, il y a la question du diplôme, baccalauréat ou autre. Pour faire avancer le débat, il est bon de rappeler (principe de réalité) que notre pays n'est pas isolé du monde, et que nos entreprises (grosses, moyennes, petites, artisanat...) sont dans un monde très large, où ceux qui produiraient encore des machines à vapeur péricliteraient. L'innovation est la clé, et l'avancée technologique est essentielle, quel que soit le champ d'activités : qu'il s'agisse de produits agricoles ou d'avions, nous devons produire des objets techniquement avancés ; qu'il s'agisse de médecine, d'enseignement, de culture, nous devons faire du mieux que nous pouvons, le mieux étant évalué à une échelle internationale. Nous pouvons refuser les organismes génétiquement modifiés, nationalement, mais nous devrons in fine comparer nos rendements avec ceux d'autres pays qui les acceptent... parce que nos végétaux sont comparés à d'autres, sur les marchés internationaux ; oui, nous pouvons décider de travailler d'une certaine façon, mais nous devrons finalement comparer les prix des produits fabriqués à ceux d'entreprises présentes dans d'autres pays où le travail se fait autrement. On ne peut à la fois vouloir un "village global", en termes humanitaires, et un "marché" isolé en termes économiques.
Pour nos diplômes, baccalauréat ou enseignement supérieur, il en va de même : nos étudiants sont comparables aux étudiants d'autres pays, et il faut s'étonner que le débat sur l'Ecole discute si peu ce point, ainsi que le numérique, qui, pour l'enseignement supérieur international, est en plein bouleversement, avec l'apparition des MOOC, ces cours que chacun peut trouver en ligne, en n'importe quel point du monde. Notre Ecole n'est pas isolée du monde, il faut le redire.
Nous avons donc deux points fixés : le point de départ, avec l'enfant qui ne sait ni lire, ni écrire, ni compter (pour simplifier : la vie est faite de bien d'autres compétences, tel que vivre en société, avoir une morale, etc.), et le point d'arrivée, qui est la seconde année du Master, à l'Université.
Entre ces deux points, il y a diverses étapes, divers diplômes... qui sont moins utiles en tant que diplômes qu'en tant que compétences pour vivre dans le monde actuel. Là est l'essentiel : ne pas confondre diplôme et compétences ! Bien loin sont les arguments selon lesquels l'Ecole serait actuellement conçue pour les bons élèves, écrémerait année après année ceux qui ne peuvent pas suivre, sans beaucoup se soucier des plus en difficultés. Et c'est en vertu de cette observation que certains en viennent à proposer qu'"il faut s'attacher aux élèves les plus en difficultés et aux décrocheurs, et non pas donner plus d’école à ceux qui sont déjà au niveau".
Je suis (hélas ?) de ceux pour qui les clivages politiques passent toujours derrière l'analyse des faits. Commençons par rappeler un principe qui fonde notre société française : l'Ecole est pour tous. Et elle ne doit donc pas être "en priorité" pour les plus faibles, ni d'ailleurs pour les plus forts. Ensuite, on n'attaquera jamais assez cette idée comtienne idiote selon laquelle il y aurait une hiérarchie de savoirs, avec les mathématiques au sommet, puis la physique, puis la chimie, puis la biologie, et ainsi de suite. Idée idiote et pernicieuse, puisqu'elle conduit à comparer des activités qui n'ont rien de commun (les pommes sont-elles meilleures que les poires ?), et à dévaloriser des savoirs... qui sont en réalité principaux, puisque indispensables à la bonne marche d'un pays. On ne dira jamais assez qu'il n'y a pas de hiérarchie entre technique, technologie et sciences de la nature ! Un bon technicien est mieux qu'un scientifique médiocre, et vice versa (pardon d'utiliser du latin, objet actuel de litiges).
Le baccalauréat (par exemple), dans cette affaire ? Pourquoi vouloir à toute force conduire au baccalauréat des élèves qui voudraient se lancer dans la plomberie ? La question est celle de l'âge à partir duquel on peut travailler. Entre les enfants employés dans des usines avant dix ans et des individus ne commençant à travailler qu'à la majorité, il y a un intervalle terrible qui doit être considéré... avec un espace de liberté donné au citoyen ! Notre pays crève de règles, de lois... Et si, au lieu de discuter des questions techniques (le français, l'histoire, la géographie, les mathématiques, les langues vivantes ou mortes...), nous discutions d'abord les questions de fond, à l'Ecole ? Il est étonnant de constater que les amphithéâtres des universités sont emplis d'étudiants qui ne savent pas ce qu'ils feront plus tard ! On a compris qu'ils misent sur l'éducation supérieure pour avoir du choix, mais ne serait-il pas meilleur, pour notre collectivité, que cette question soit prise plus tôt ? Ne devrions-nous pas, très tôt, montrer les métiers, non pas de façon abstraite, mais dans le quotidien ?
D'autre part, il est remarquable d'observer (on constate que je donne ici des faits) que les élèves et étudiants ne savent jamais ce qui est requis, dans les diplômes, et qu'ils se contentent de "suivre" les études où ils sont engagés. Ne serait-il pas bon que les "compétences" requises soient clairement définies, dans des contrats d'enseignement ? Pourquoi, par exemple, ne pas remettre des listes de compétences, explicites, afin que chacun ait sous les yeux un bilan réactualisable de ce qu'il ou elle sait vraiment ? Qu'il ou elle puisse se situer par rapport à des diplômes ?
Et puis, il y a la question de l' "enseignement". Parler d'enseignement, c'est mettre d'abord en avant l'enseignant, au lieu de mettre l'apprenant. On comprend bien que les partis politiques y aient intérêt (les enseignants sont des électeurs, contrairement aux élèves), mais on comprend aussi que le vrai débat est mort-né si l'on ne place pas la question de l'apprentissage d'abord. La question n'est pas que les enseignants enseignent, mais que les élèves et étudiants apprennent !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
lundi 10 août 2015
Il y a égalité et équité
Trouvé dans Nietzsche (Crépuscule des idées) :
"La doctrine de l'égalité ? Mais c'est qu'il n 'y a pas de poison plus toxique : c'est qu'elle semble prêchée par la justice même, alors qu'elle est à la fin de toute justice... "Aux égaux, traitement égal ; aux inégaux traitement inégal" : telle serait la vraie devise de la justice. Et ce qui en découle : ne jamais égaliser ce qui est inégal."
"La doctrine de l'égalité ? Mais c'est qu'il n 'y a pas de poison plus toxique : c'est qu'elle semble prêchée par la justice même, alors qu'elle est à la fin de toute justice... "Aux égaux, traitement égal ; aux inégaux traitement inégal" : telle serait la vraie devise de la justice. Et ce qui en découle : ne jamais égaliser ce qui est inégal."
jeudi 6 août 2015
Réponse à un correspondant
Ce matin, je reçois ce message :
Décidément, le journal xxxxx s'intéresse à la santé. Je ne sais si vous avez vu l'article sur le thème de la cuisine moléculaire. Il est sévère quant aux risques, et aux incidents "d'empoisonnement" réels survenus en nombre chez les "chefs" célèbres.
En fin d'article, H. Thys est cité, d'une façon tout à fait neutre, comme le précurseur scientifique sur les travaux duquel cette forme de cuisine est assise.
Il me semble qu'il y ait là une image d'un problème réel : le passage de la science à la technique et sa diffusion, puis de cette diffusion sans compétence au marketing et à la communication.
Est aussi soulevé l'hyper-spécialisation du jugement sur les techniques ; ici, on cuisine "à froid" , mais on ne veille pas au développement des bactéries qui se multiplient en toute liberté, et les médias sont aveuglés.
Cordialement.
CB
Comme d'habitude, je réponds publiquement, puisque je n'ai rien à vendre, rien à cacher... sauf le nom du journal où figure l'article désigné : l'article étant un torchon, le journal qui l'a publié n'est pas d'une honnetêté parfaite, de sorte que je me refuse à faire de la publicité... tout comme je ne cite pas les journalistes auteurs de l'article, parce que je ne parle pas aux roquets.
Phrase à phrase, maintenant, voici la réponse à mon correspondant :
1. Oui, le journal xxx s'intéresse à la santé. D'ailleurs, tous les journaux s'intéressent à la santé. Le palmarès des hopitaux, le scandale des honoraires des médecins, les déserts médicaux, le coût des mutuelles... C'est de l'ordre du marronnier.
2. Oui, j'ai vu l'article sur la cuisine moléculaire... et ce qui est amusant, c'est qu'il ressemble comme deux gouttes d'eau à un article des mêmes journalistes il y a deux ans, et que, comme ces articles, il est plein d'erreurs. Par exemple, il ne dit pas que, pour ce qui concerne Heston Blumenthal, l'enquête des services vétérinaires avait finalement établi que tout était venu des huîtres ! L'article confond donc tout, de la cuisson basse température avec les additifs, oubliant que le braisage est une cuisson à basse température, et que le caramel est un additif. Bref, un article minable, par des journalistes pas complètement honnêtes (rien que la "généralisation" est une faute).
Cela étant, cela fait longtemps que j'ai signalé aux chefs qu'il était dangereux de cuire à des températures trop basses (par exemple 65 °C), et je ne cesse de signaler des risques de tous ordres, les pires étant sans doute les métabolites secondaires des végétaux. Et cela, ce n'est pas de la cuisine moléculaire ! Je m'inquiète, par exemple, de voir la peau des pommes de terre servie avec les tubercules, alors qu'une étude récente a montré que le seuil de toxicité en glycoalcaloïdes est atteint au Pakistan, pour la cuisine de rue (ces alcaloïdes résistent très bien aux températures de friture par exemple). Par exemple, je m'inquiète de voir des infusions d'estragon dans l'alcool (le méthyl chavicol est soluble dans l'éthanol, et très toxique), ou des macérations de grappes de tomates dans l'huile (ce qui extrait un composé toxique), sans parler des plantes dont on ne sait pas bien la toxicité.
Ces pratiques "traditionnelles" ne justifient pas, évidemment, les mauvaises pratiques de cuisine moléculaire, mais c'est moins le principe que son application qui est en cause : un steak trop salé, cela ne condamne pas le steak grillé en général, mais un steak trop salé en particulier.
Donc, pour terminer : "incidents d'empoisonnement réels", c'est discutable ! Sans parler du fait que l'on ne mets pas ces incidents en face de ceux qui ont lieu soit à domicile (personne n'en fait un article), soit dans des restaurants moins célèbres.
3. Mon nom n'est pas H. Thys, mais H. This. Et oui, je suis bien à l'origine de la cuisine moléculaire, cuisine dont je rappelle la définition "cuisiner avec des ustensiles modernes".
4. "Il me semble qu'il y ait là une image d'un problème réel" : une image d'un problème, ou bien un problème ?
5. le passage de la science à la technique : oui, c'est toujours là une question terrible. La découverte de l'atome, et la bombe atomique ; la découverte de l'électricité et la chaise électrique ; la découverte des micro-organismes et des attaques à l'anthrax ; la découverte du feu et les incendies... Je maintiens que les responsables d'un acte condamnable sont ceux qui ont fait cet acte, et non les scientifiques qui ont fait la découverte. Pierre et Marie Curie ne sont pas responsables d'Hiroshima !
6. Pour la partie diffusion, marketing, communication, c'est un trop gros morceau, et cette partie de la lettre est trop floue pour que je réponde quelque chose de raisonnable, en peu de mots.
7. "l'hyperspécialisation du jugement sur les techniques" : je ne sais pas ce que cela signifie, donc je ne peux pas répondre.
8. on "cuisine à froid, mais on ne veille pas au développement des bactéries : à noter qu'une salade de carottes, c'est cuisiner à froid, donc rien de nouveau sous le soleil, de ce point de vue. En revanche, les professionnels doivent faire attention, et c'est la raison pour laquelle l'Education nationale promeut la méthode HACCP.
9. les médias sont aveuglés : que cela signifie-t-il ?
Voilà, j'espère avoir répondu correctement, mais si je ne suis pas clair, merci de me le dire, pour que j'ajoute des explications.
Décidément, le journal xxxxx s'intéresse à la santé. Je ne sais si vous avez vu l'article sur le thème de la cuisine moléculaire. Il est sévère quant aux risques, et aux incidents "d'empoisonnement" réels survenus en nombre chez les "chefs" célèbres.
En fin d'article, H. Thys est cité, d'une façon tout à fait neutre, comme le précurseur scientifique sur les travaux duquel cette forme de cuisine est assise.
Il me semble qu'il y ait là une image d'un problème réel : le passage de la science à la technique et sa diffusion, puis de cette diffusion sans compétence au marketing et à la communication.
Est aussi soulevé l'hyper-spécialisation du jugement sur les techniques ; ici, on cuisine "à froid" , mais on ne veille pas au développement des bactéries qui se multiplient en toute liberté, et les médias sont aveuglés.
Cordialement.
CB
Comme d'habitude, je réponds publiquement, puisque je n'ai rien à vendre, rien à cacher... sauf le nom du journal où figure l'article désigné : l'article étant un torchon, le journal qui l'a publié n'est pas d'une honnetêté parfaite, de sorte que je me refuse à faire de la publicité... tout comme je ne cite pas les journalistes auteurs de l'article, parce que je ne parle pas aux roquets.
Phrase à phrase, maintenant, voici la réponse à mon correspondant :
1. Oui, le journal xxx s'intéresse à la santé. D'ailleurs, tous les journaux s'intéressent à la santé. Le palmarès des hopitaux, le scandale des honoraires des médecins, les déserts médicaux, le coût des mutuelles... C'est de l'ordre du marronnier.
2. Oui, j'ai vu l'article sur la cuisine moléculaire... et ce qui est amusant, c'est qu'il ressemble comme deux gouttes d'eau à un article des mêmes journalistes il y a deux ans, et que, comme ces articles, il est plein d'erreurs. Par exemple, il ne dit pas que, pour ce qui concerne Heston Blumenthal, l'enquête des services vétérinaires avait finalement établi que tout était venu des huîtres ! L'article confond donc tout, de la cuisson basse température avec les additifs, oubliant que le braisage est une cuisson à basse température, et que le caramel est un additif. Bref, un article minable, par des journalistes pas complètement honnêtes (rien que la "généralisation" est une faute).
Cela étant, cela fait longtemps que j'ai signalé aux chefs qu'il était dangereux de cuire à des températures trop basses (par exemple 65 °C), et je ne cesse de signaler des risques de tous ordres, les pires étant sans doute les métabolites secondaires des végétaux. Et cela, ce n'est pas de la cuisine moléculaire ! Je m'inquiète, par exemple, de voir la peau des pommes de terre servie avec les tubercules, alors qu'une étude récente a montré que le seuil de toxicité en glycoalcaloïdes est atteint au Pakistan, pour la cuisine de rue (ces alcaloïdes résistent très bien aux températures de friture par exemple). Par exemple, je m'inquiète de voir des infusions d'estragon dans l'alcool (le méthyl chavicol est soluble dans l'éthanol, et très toxique), ou des macérations de grappes de tomates dans l'huile (ce qui extrait un composé toxique), sans parler des plantes dont on ne sait pas bien la toxicité.
Ces pratiques "traditionnelles" ne justifient pas, évidemment, les mauvaises pratiques de cuisine moléculaire, mais c'est moins le principe que son application qui est en cause : un steak trop salé, cela ne condamne pas le steak grillé en général, mais un steak trop salé en particulier.
Donc, pour terminer : "incidents d'empoisonnement réels", c'est discutable ! Sans parler du fait que l'on ne mets pas ces incidents en face de ceux qui ont lieu soit à domicile (personne n'en fait un article), soit dans des restaurants moins célèbres.
3. Mon nom n'est pas H. Thys, mais H. This. Et oui, je suis bien à l'origine de la cuisine moléculaire, cuisine dont je rappelle la définition "cuisiner avec des ustensiles modernes".
4. "Il me semble qu'il y ait là une image d'un problème réel" : une image d'un problème, ou bien un problème ?
5. le passage de la science à la technique : oui, c'est toujours là une question terrible. La découverte de l'atome, et la bombe atomique ; la découverte de l'électricité et la chaise électrique ; la découverte des micro-organismes et des attaques à l'anthrax ; la découverte du feu et les incendies... Je maintiens que les responsables d'un acte condamnable sont ceux qui ont fait cet acte, et non les scientifiques qui ont fait la découverte. Pierre et Marie Curie ne sont pas responsables d'Hiroshima !
6. Pour la partie diffusion, marketing, communication, c'est un trop gros morceau, et cette partie de la lettre est trop floue pour que je réponde quelque chose de raisonnable, en peu de mots.
7. "l'hyperspécialisation du jugement sur les techniques" : je ne sais pas ce que cela signifie, donc je ne peux pas répondre.
8. on "cuisine à froid, mais on ne veille pas au développement des bactéries : à noter qu'une salade de carottes, c'est cuisiner à froid, donc rien de nouveau sous le soleil, de ce point de vue. En revanche, les professionnels doivent faire attention, et c'est la raison pour laquelle l'Education nationale promeut la méthode HACCP.
9. les médias sont aveuglés : que cela signifie-t-il ?
Voilà, j'espère avoir répondu correctement, mais si je ne suis pas clair, merci de me le dire, pour que j'ajoute des explications.
mercredi 5 août 2015
Les applications techniques
Je n'ai guère de temps pour aller relire tout ce que j'ai écrit, mais je crains que l'expression "applications technologiques" ne soit apparue fautivement sous ma plume. C'est la raison pour laquelle je présente ici des excuses publiques, et j'insiste un peu pour donner une proposition d'expression correcte.
Les sciences de la nature sont les sciences de la nature. Ces dernières produisent des connaissances nouvelles, et l'activité nommée technologie en cherche des applications. Signalons d'ailleurs que la pédagogie aussi, puisque l'on cherche à enseigner des choses justes, et que, donc, les dernières révélations de la science sont celles qui doivent être retenues.
Mais revenons à la technologie et la technique. La technologie est l'étude de la technique, et la technique est le faire. De ce fait, les sciences de la nature ont moins des applications technologiques que des applications techniques. Elles n'ont d'applications technologiques que dans la mesure où elles contribuent à améliorer les technologies, et non seulement les techniques
Bref, les sciences peuvent avoir des applications technologiques ou techniques, mais le plus souvent, quand on considère les applications de la sciences, il s'agit bien d'applications techniques, et c'est ainsi que je propose de bien choisir ses mots sous peine de ne pas être bien certain de ce que l'on dit, et de voir laisser les autres interpréter nos propos incohérents.
Pardon pour mes erreurs. Dans la plupart des cas, parlons d'applications techniques des sciences !
Les sciences de la nature sont les sciences de la nature. Ces dernières produisent des connaissances nouvelles, et l'activité nommée technologie en cherche des applications. Signalons d'ailleurs que la pédagogie aussi, puisque l'on cherche à enseigner des choses justes, et que, donc, les dernières révélations de la science sont celles qui doivent être retenues.
Mais revenons à la technologie et la technique. La technologie est l'étude de la technique, et la technique est le faire. De ce fait, les sciences de la nature ont moins des applications technologiques que des applications techniques. Elles n'ont d'applications technologiques que dans la mesure où elles contribuent à améliorer les technologies, et non seulement les techniques
Bref, les sciences peuvent avoir des applications technologiques ou techniques, mais le plus souvent, quand on considère les applications de la sciences, il s'agit bien d'applications techniques, et c'est ainsi que je propose de bien choisir ses mots sous peine de ne pas être bien certain de ce que l'on dit, et de voir laisser les autres interpréter nos propos incohérents.
Pardon pour mes erreurs. Dans la plupart des cas, parlons d'applications techniques des sciences !
Juge et partie
Il en va des préceptes comme des proverbes : tout et son contraire. A "tel père tel fils" répond "A père avare fils prodigue", par exemple.
Juge et partie : ce serait très mal ? Les déclarations de ce type méritent analyse. Surtout, ne peut-on imaginer un individu droit, intègre, qui, mis dans la position d'être juge alors qu'il est partie, exerce loyalement la position de juge ?
En sciences de la nature, en tout cas, nous sommes sans cesse dans cette double position. En tant que rapporteur d'article, en tant qu'évaluateur de projets, en tant que membre de commission de spécialistes... Le cercle est si petit qu'il est inévitable que nous soyons dans cette position, et il faut donc considérer que l'institution a statué : les scientifiques sont (en moyenne) de si "belles personnes" qu'on peut les mettre en position d'être juge et partie. Bien sûr, il y a cette proportion de gens moins droits que les autres, mais elle est de toute façon inévitable.
Alors, juge et partie. A nous de mériter la confiance que l'institution nous fait.
Juge et partie : ce serait très mal ? Les déclarations de ce type méritent analyse. Surtout, ne peut-on imaginer un individu droit, intègre, qui, mis dans la position d'être juge alors qu'il est partie, exerce loyalement la position de juge ?
En sciences de la nature, en tout cas, nous sommes sans cesse dans cette double position. En tant que rapporteur d'article, en tant qu'évaluateur de projets, en tant que membre de commission de spécialistes... Le cercle est si petit qu'il est inévitable que nous soyons dans cette position, et il faut donc considérer que l'institution a statué : les scientifiques sont (en moyenne) de si "belles personnes" qu'on peut les mettre en position d'être juge et partie. Bien sûr, il y a cette proportion de gens moins droits que les autres, mais elle est de toute façon inévitable.
Alors, juge et partie. A nous de mériter la confiance que l'institution nous fait.
Le naturel ?
Une certaine industrie alimentaire vend de façon contestable des produits "naturels", et une certaine réglementation démagogique accepte cette entorse à la pensée.
Contestable ? Entorse ? Oui, car est "naturel", en français, ce qui n'a pas fait l'objet d'une transformation par l'être humain. Nos aliments ne sont pas naturels, car ils ont été cuisinés. Et très peu de nos ingrédients alimentaires sont naturels, car même le sel, tiré de la mer ou des mines, a été extrait, purifié, raffiné. On ignore souvent que le sel est amendé avec de l'iode, par exemple, ou que nos fruits et légumes, qui semblent pousser tout seuls, ont en réalité été sélectionnés depuis des générations. Les arbres ont été greffés, la sélection a opéré, et nos pommes modernes n'ont plus rien des pommes sauvages, ni les carottes des carottes sauvages.
Bref, nous ne mangeons pas de produits naturels, et c'est une étrange idée que de le croire. Mais c'est un fait que même des individus qui savent lire, écrire et compter, parlent de produits naturels.
Récemment, lors de l'enregistrement d'une émission de télévision, il m'est venu qu'il est facile de montrer à nos interlocuteurs leurs contradictions. Cela s'est passé alors que je discutais avec une journaliste qui avait prononcé le mot "naturel". Naturel ? Je lui demandai d'abord si le sucre était naturel, et elle tomba dans le piège, puisqu'elle répondit que oui. Les protéines du lait ? Oui, l'acide tartrique, lequel est au fond des bouteilles de vin blanc ? Oui. L'huile ? Oui... Alors le "faux fromage" qu'elle voulait "dénoncer" était naturel, puisqu'il était fait de ces matières (j'abrège la liste et la démonstration).
Par la même technique, à peu près tous nos aliments sont naturels, sauf quand certains ingrédients ont été synthétisés, telle la vanilline des "vanilles artificielles".
Mais nous sommes bien d'accord : ce n'est pas charitable d'agir comme je le fais ! Et il n'est pas juste de dire que nos aliments sont naturels : en réalité, ils sont tous parfaitement artificiels, parce qu'ils ont été préparés. Et des cuisiniers qui parleraient d'une cuisine naturelle seraient dans l'erreur, même si le Michelin leur a donné des étoiles !
Contestable ? Entorse ? Oui, car est "naturel", en français, ce qui n'a pas fait l'objet d'une transformation par l'être humain. Nos aliments ne sont pas naturels, car ils ont été cuisinés. Et très peu de nos ingrédients alimentaires sont naturels, car même le sel, tiré de la mer ou des mines, a été extrait, purifié, raffiné. On ignore souvent que le sel est amendé avec de l'iode, par exemple, ou que nos fruits et légumes, qui semblent pousser tout seuls, ont en réalité été sélectionnés depuis des générations. Les arbres ont été greffés, la sélection a opéré, et nos pommes modernes n'ont plus rien des pommes sauvages, ni les carottes des carottes sauvages.
Bref, nous ne mangeons pas de produits naturels, et c'est une étrange idée que de le croire. Mais c'est un fait que même des individus qui savent lire, écrire et compter, parlent de produits naturels.
Récemment, lors de l'enregistrement d'une émission de télévision, il m'est venu qu'il est facile de montrer à nos interlocuteurs leurs contradictions. Cela s'est passé alors que je discutais avec une journaliste qui avait prononcé le mot "naturel". Naturel ? Je lui demandai d'abord si le sucre était naturel, et elle tomba dans le piège, puisqu'elle répondit que oui. Les protéines du lait ? Oui, l'acide tartrique, lequel est au fond des bouteilles de vin blanc ? Oui. L'huile ? Oui... Alors le "faux fromage" qu'elle voulait "dénoncer" était naturel, puisqu'il était fait de ces matières (j'abrège la liste et la démonstration).
Par la même technique, à peu près tous nos aliments sont naturels, sauf quand certains ingrédients ont été synthétisés, telle la vanilline des "vanilles artificielles".
Mais nous sommes bien d'accord : ce n'est pas charitable d'agir comme je le fais ! Et il n'est pas juste de dire que nos aliments sont naturels : en réalité, ils sont tous parfaitement artificiels, parce qu'ils ont été préparés. Et des cuisiniers qui parleraient d'une cuisine naturelle seraient dans l'erreur, même si le Michelin leur a donné des étoiles !
La publicité que je fais aux actions que je crois utile est gratuite
Alors qu'une certaine presse réactionnaire (seulement certains journalistes ; ceux qui sont honnêtes ne se lancent pas dans des attaques de ce genre) semble commencer à réagir, face à la cuisine note à note (pourquoi ? vendre du papier ? de l'idéologie ?), il me semble important de dire -parce que je suis en mesure de le faire, parce que c'est vrai- que j'ai déjà souvent annoncé publiquement que je ferai gratuitement la publicité de ceux qui permettent aux cuisiniers de se procurer des produits, en vue de cuisiner note à note.
Je l'ai annoncé, je le fais, je le ferai.
En effet, pour cette cuisine, les cuisiniers ont besoin de composés
- qui font les consistances
- qui font les couleurs
- qui font les odeurs
- qui font les sensations trigéminales
- qui font les propriétés nutritionnelles...
C'est ainsi que, pour les Concours internationaux de cuisine note à note, les "partenaires" industriels n'ont versé aucune somme ni à moi-même, ni à mon laboratoire. Ils ont seulement fourni les produits que nous avons envoyé gratuitement aux concurrents, et des prix.
Cela étant, je déplore encore de ne pas être aujourd'hui en mesure de faire la publicité -gratuite : vous voyez que j'insiste- pour des personnes ou des sociétés qui vendraient des composés odorants purs en solution (les composés purs peuvent s'aquérir, mais le monde culinaire a besoin de solution prêtes à l'emploi) : de telles sociétés n'existent pas encore, hélas.
Nous sommes bien d'accord : certains des composés que je promeus ont aujourd'hui le statut d'additifs ou d'arômes, mais on devra surtout considérer que je cherche à supprimer ces catégories : quand on n'utilise que des composés pour faire un mets, la notion d'additif s'évanouit. De même, quand on utilise des composés odorants pour faire l'odeur d'un mets, on n'utilise pas un "arôme", mot d'ailleurs employé actuellement très fautivement, puisque l'arôme est l'odeur d'un aromate (j'ai proposé que les mélanges de composés odorants à usage alimentaire soient plus justement nommés "compositions" ou "extraits").
J'entends donc quelques journalistes ou quelques individus dire que je suis "vendu" à l'industrie des arômes ou des additifs... et je suis très heureux de dire par anticipation que cela est faux : l'enjeu est si important qu'il est hors de question que je m'enrichisse personnellement dans cette aventure. Certains ont dit ou écrit, par exemple, que j'étais conseiller d'un gros groupe d'arômes... mais ils ont menti : je n'ai aucune relation avec la société en question.
J'oeuvre gratuitement, parce que je crois que la cuisine française a tout à gagner à se lancer dans des innovations, sans perdre sa force historique, traditionnelle ; je crois que la gourmandise vaut des études de la cuisine note à note par des cuisiniers de talents ; je crois que nos successeurs doivent explorer des voies nouvelles, en vue de se nourrir, quand la population du monde aura augmenté.
Et puis, d'ailleurs, puisqu'il est question de cuisiniers, j'ajoute que j'ai également décidé de faire la publicité pour les cuisiniers-pionniers qui se lancent dans la cuisine note à note. Et cela sans aller parasiter leur restaurants, parce que... j'ai du travail au laboratoire.
Bref, c'est pour les citoyens que j'oeuvre, d'une façon que j'espère utile. Je n'oppose pas l'innovation à la tradition, parce que je crois que nous avons besoin des deux, mais j'aimerais que la France ne soit pas en retard sur d'autres pays, comme elle l'a été pour la cuisine moléculaire, proposée pourtant en France.
Et je déplore l'obscurantisme ! Je propose à tous de se souvenir que l'on avait annoncé que les trains feraient tourner le lait des vaches, ou que le plus lourd que l'air ne pourrait jamais voler. Bien sûr, la technique ne vaut que par l'usage qu'on en fait, et technique sans conscience n'est que ruine de l'âme, mais ne pourrions-nous pas, aussi, réfléchir à des usages utiles à tous : des aliments qui ne soient pas allergènes, la lutte contre le gaspillage alimentaire ou énergétique, une régularisation des cours des denrées alimentaires (des cours qui fluctuent nuisent toujours aux producteurs, en l'occurrence agriculteurs et éleveurs)...
Vive la cuisine note à note : voilà le cri de celui qui n'a rien à gagner dans l'affaire, ni argent, ni notoriété.
Ce qui me conduit à vous poser la question : dans ces conditions, pourquoi pensez-vous que je promeuve cette cuisine ?
Je l'ai annoncé, je le fais, je le ferai.
En effet, pour cette cuisine, les cuisiniers ont besoin de composés
- qui font les consistances
- qui font les couleurs
- qui font les odeurs
- qui font les sensations trigéminales
- qui font les propriétés nutritionnelles...
C'est ainsi que, pour les Concours internationaux de cuisine note à note, les "partenaires" industriels n'ont versé aucune somme ni à moi-même, ni à mon laboratoire. Ils ont seulement fourni les produits que nous avons envoyé gratuitement aux concurrents, et des prix.
Cela étant, je déplore encore de ne pas être aujourd'hui en mesure de faire la publicité -gratuite : vous voyez que j'insiste- pour des personnes ou des sociétés qui vendraient des composés odorants purs en solution (les composés purs peuvent s'aquérir, mais le monde culinaire a besoin de solution prêtes à l'emploi) : de telles sociétés n'existent pas encore, hélas.
Nous sommes bien d'accord : certains des composés que je promeus ont aujourd'hui le statut d'additifs ou d'arômes, mais on devra surtout considérer que je cherche à supprimer ces catégories : quand on n'utilise que des composés pour faire un mets, la notion d'additif s'évanouit. De même, quand on utilise des composés odorants pour faire l'odeur d'un mets, on n'utilise pas un "arôme", mot d'ailleurs employé actuellement très fautivement, puisque l'arôme est l'odeur d'un aromate (j'ai proposé que les mélanges de composés odorants à usage alimentaire soient plus justement nommés "compositions" ou "extraits").
J'entends donc quelques journalistes ou quelques individus dire que je suis "vendu" à l'industrie des arômes ou des additifs... et je suis très heureux de dire par anticipation que cela est faux : l'enjeu est si important qu'il est hors de question que je m'enrichisse personnellement dans cette aventure. Certains ont dit ou écrit, par exemple, que j'étais conseiller d'un gros groupe d'arômes... mais ils ont menti : je n'ai aucune relation avec la société en question.
J'oeuvre gratuitement, parce que je crois que la cuisine française a tout à gagner à se lancer dans des innovations, sans perdre sa force historique, traditionnelle ; je crois que la gourmandise vaut des études de la cuisine note à note par des cuisiniers de talents ; je crois que nos successeurs doivent explorer des voies nouvelles, en vue de se nourrir, quand la population du monde aura augmenté.
Et puis, d'ailleurs, puisqu'il est question de cuisiniers, j'ajoute que j'ai également décidé de faire la publicité pour les cuisiniers-pionniers qui se lancent dans la cuisine note à note. Et cela sans aller parasiter leur restaurants, parce que... j'ai du travail au laboratoire.
Bref, c'est pour les citoyens que j'oeuvre, d'une façon que j'espère utile. Je n'oppose pas l'innovation à la tradition, parce que je crois que nous avons besoin des deux, mais j'aimerais que la France ne soit pas en retard sur d'autres pays, comme elle l'a été pour la cuisine moléculaire, proposée pourtant en France.
Et je déplore l'obscurantisme ! Je propose à tous de se souvenir que l'on avait annoncé que les trains feraient tourner le lait des vaches, ou que le plus lourd que l'air ne pourrait jamais voler. Bien sûr, la technique ne vaut que par l'usage qu'on en fait, et technique sans conscience n'est que ruine de l'âme, mais ne pourrions-nous pas, aussi, réfléchir à des usages utiles à tous : des aliments qui ne soient pas allergènes, la lutte contre le gaspillage alimentaire ou énergétique, une régularisation des cours des denrées alimentaires (des cours qui fluctuent nuisent toujours aux producteurs, en l'occurrence agriculteurs et éleveurs)...
Vive la cuisine note à note : voilà le cri de celui qui n'a rien à gagner dans l'affaire, ni argent, ni notoriété.
Ce qui me conduit à vous poser la question : dans ces conditions, pourquoi pensez-vous que je promeuve cette cuisine ?
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