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samedi 13 juillet 2019

Quel dialogue entre professeurs et jeunes collègues (i.e. étudiants)


J'ai longtemps hésité à publier ce billet, parce que je n'avais pas trouvé comment être positif, et que la question que j'examine est terrible... le simple fait de la poser conduit à y répondre positivement, comme on le verra.

Fréquentant de nombreux "collègues" inscrits à l'université en licence  ou en mastère (on se souvient que je nomme "collègues" ce que d'autres nomment des étudiants), je m'aperçois très régulièrement que des notions étudiées les années précédentes, voire au lycée, sont oubliées). Par exemple, je n'ai que très rarement de réponse à la question : quelle est l'idée de la théorie de l'évolution (niveau collège) ? Ou à la question : de combien l'Amérique et l'Europe se séparent-elles (encore collège) ? Ou  : avec quel verbe doit s'accorder un participe présent ?(école) Même ce qui a fait l'objet d'étude, l'année précédente, est oublié, soit parce que cela a été appris en vue de l'examen seulement, soit parce que cela n'a pas été appris (les fameuses "impasses").
Et, finalement je m'étonne que l'on apprenne pour ne pas savoir ? A quoi bon tout ce temps passé (pour certains) ?

Il faut envisager la chose sans naïveté, et  reconnaître que les jeunes collègues ne sont pas tous dans l'objectif d'apprendre, et que ce ne sont donc pas en réalité des "collègues"  : oui, certains individus ne viennent à l'université que pour avoir un diplôme dont ils pourront faire état et trouver du travail. Et c'est sans doute une des raisons pour lesquelles ils oublient rapidement ce qu'ils ont appris auparavant, une des raisons du "bachotage", qui conduit à avoir une note suffisante aux examens pour passer dans l'année d'après, sans considérer que c'est le contenu des études qui est primordial.

Oui, pour certains étudiants, l'objectif  n'est pas d'apprendre et de retenir, mais seulement d'avoir des notes suffisantes aux examens, et un professeur trop rigoriste (ayant notamment oublié quel étudiant il fut) risque de considérer qu'il s'agit d'une sorte de malhonnêteté : s'il voit l'insuffisance des étudiants étant comme une sorte de torchon rouge que l'on agite devant le taureau,  tout comme maladie l'est pour un médecin ou la fuite pour le plombier, il est amené à considérer que ces étudiants vont lui faire perdre du temps et de l'énergie.

Là, nous sommes sur le versant descendant de la discussion. Reprenons-nous, en faisant aux autres la politesse de l'optimisme. Remontons la pente en considérant que les étudiants dans cet état d'esprit déplorable ne sont pas la majorité, qu'ils sont à plaindre, qu'il faut leur faire comprendre leur erreur. Considérons aussi que ces étudiants-là sont peu nombreux, que la majorité  sont des collègues qui ont envie d'apprendre, même s'ils sont empêtrés dans toutes les contradictions des jeunes adultes, avec des contraintes matérielles, sociales, intellectuelles... J'en vois qui ont du mal à étudier, parce qu'ils sont caissiers dans des supermarchés ou manutentionnaires pendant la nuit ; j'en vois qui ont du mal à étudier parce que leurs parents se déchirent ; j'en vois qui ont du mal à étudier parce que leur "milieu" ne les pousse guère à cela ; j'en vois qui ont du mal à étudier parce ques les hormones les travaillent  ; j'en vois qui ont du mal à étudier parce qu'ils sont en peine de socialisation... Bref, il y a toutes les causes matérielles et intellectuelles qui les gênent, et cela doit être pris en considération par le corps professoral. Mieux, tout cela peut être discuté ouvertement avec les jeunes collègues, en vue de les aider, au delà des points techniques qu'ils devront apprendre. D'où ma conclusion positive  : ne devons-nous pas discuter de tout avec nos jeunes collègues, et non seulement d'équations, de thermodynamique, de chimie quantique, d'analyse chimique ?

lundi 8 juillet 2019

Contextualiser les cours ?

De jeunes collègues (que d'aucuns nomment "étudiants" critiquent les enseignements qu'ils reçoivent, et font des propositions :

Tout d’abord, problématiser les cours et les remettre dans un contexte défini (en somme, expliciter clairement leur utilité), seraient un moyen assez simple de les rendre plus vivants et moins rébarbatifs.

 Mes collègues plus âgés ne devraient pas avoir de difficultés à régler cette question, car si un cours a été choisi par l'institution, c'est que cette dernière a jugé qu'il était important : sauf au Collège de France, où la liberté d'exposition est complète, les cours des professeurs s'inscrivent dans des cursus bien discutés.
Donc dire pourquoi on fait ce cours-là est pas un autre. Cela mérite d'être dit, et redit... au point que ceux qui verront mes "Cours en ligne", et plus particulièrement celui celui que je fais pour les collègues du Master Erasmus Mundus Plus "Food Innovation and Product Design", seront amusés de voir que tout exercice se termine par : "Deviner pourquoi cette question est essentielle dans le contexte du master". Et cela date d'avant que je reçoive le message des jeunes collègues que j'évoque plus haut.
De même, ceux qui liront mon "Comment déterminer de la matière séchée" seront heureux de discuter précisément cette question : les convergences de série sont utiles pratiquement. Bien plus généralement, il y  mille occasions où l'on se sert des mathématiques, de la physique, de la chimie... pour peu que l'on décide de s'en servir, et la liste des utilités complètes serait à la fois fastidieuse... et nuisible.

Un exemple amusant : quand j'étais élève à l'ESPCI Paris, nous avions un projet qui consistait à faire léviter une bille dans l'entrefer d'un aimant, en jouant de rétroactions. Quel intérêt ? Vingt ans après, l'un de mes camarades réalisa un type nouveau de microscope à force atomique en faisant léviter une bille sur des surfaces. Imprévisible, non ?
Ou encore, l'excellent ouvrage de Nicolas Piskounov intitulé Calcul différentiel et intégral contient un petit segment consacré à un changement de variable un peu amusant, dû à Clairaut, et qui consiste à utiliser comme nouvelle variable la dérivé de la fonction précédemment considérée. On voit rarement l'utilité... mais un jour, voulant calculer l'effet "radiateur" d'une petite cuiller dans une tasse de café, j'ai (enfin) vu pourquoi ce changement de variable était utile.
Plus généralement, ne devrions-nous pas inviter nos jeunes collègues à imaginer des utilisations  de ce qui est  discuté par les professeurs ? On m'objectera que cela justifierait toutes les dérives possibles de la part des professeurs... mais je reviens à une discussion faite ailleurs : à quoi servent les "cours" ?  Je maintiens que l'on ne peut pas enseigner, mais seulement aider les étudiants à apprendre, quand ils le souhaitent. De sorte qu'ils auront la responsabilité de leurs études... Mais pourquoi ne pas dire, aussi, que si les "cours" sont un guide, alors c'est précisément le choix des matières qui peut être discuté en chaire ?

J'arrive maintenant à la lettre elle-même du message envoyé. Notamment , il y a ce mot "utilité", qui est terrible. Évidemment nos jeunes collègues, s'ils se destinent à des carrières d'ingénieurs, ont raison de se poser la question, mais s'ils se destinent à des sciences de la nature ?
Puis  nos amis évoquent des cours "vivants" : de quoi s'agit-il vraiment ? De professeurs qui font du cirque, de l'humour ? De séances de théâtre où les professeurs manifesteraient de la passion pour les sujets traités ? J'ai des amis dont la sobriété apparente est parfaite, et la beauté intellectuelle superbe : ils paraissent glacés à ceux qui ne voient pas cette beauté, laquelle n'est pas "vulgaire", ne s’embarrasse pas d'effets de manche. Alors ?
Enfin, il y a le mot "rébarbatif" : là encore, ne pouvons-nous pas considérer qu'est rébarbatif un sujet dont nous ne voyons pas la beauté, par notre faute ? Bien sûr, vox populi vox dei : si tous les étudiants d'une promotion sont rebutés par un cours, il y a lieu de s'interroger.
Mais c'est là ma conclusion : quel que soit l'accueil fait par des collègues, il y a TOUJOURS lieu de s'interroger. Et les jeunes collègues comme les collègues plus vieux. Soyons tous dans un mouvement collectif et individuel d'amélioration !





samedi 6 juillet 2019

Certains professeurs se sont arrêtés au Moyen-Âge, ou, pire, au mandarinat chinois ! Qu'ils se méfient de la révolution culturelle...


Je lis sous la plume d'étudiant  : "Nous savons que certains enseignants sont opposés au partage des supports de cours".

Là je tombe des nues !  Comment vouloir limiter ses enseignements à ceux que l'on a en face de soi ? Ne voulons-nous pas diffuser la "bonne parole", partager notre enthousiasme urbi et orbi ? Et, d'ailleurs, pourquoi des étudiants ne partageraient-ils pas avec des collègues plus jeunes, ou plus vieux, qui n'ont pas eu la chance de recevoir cet enseignement ? Si nous faisons un travail de qualité, pourquoi donc voudrions-nous le cacher ?
Bien sûr, on peut imaginer que des professeurs privés puissent souhaiter que la rémunération se fasse à chaque utilisation, mais dans l'enseignement public, ne devons-nous pas distribuer nos enseignements à tous les contribuables ?
J'entends aussi, en filigrane, le fait que des collègues puissent vouloir attirer les étudiants dans leurs cours par ce moyen de ne pas partager les supports de cours... mais ces supports ne pourraient-ils pas, au contraire, attirer des étudiants dans leurs cours, s'ils sont bons ? Ne peut-on pas imaginer des étudiants émerveillés par des supports qu'ils ont reçus, et qui sécheraient d'autres cours pour aller assister aux cours du professeur auteur des supports merveilleux ?
Bref, pourquoi hésiterions-nous à diffuser le plus largement possible  nos supports de cours?
Et puis, les cours doivent-ils répéter les supports ? Ou dire tout autre chose ?
Bref, je crois me retrouver alors que étudiants alors que 1968 avait eu bien du mal à dépoussiérer l'université et à mettre à l'écart les mandarins. Avec des réactions telles que celle que je découvre aujourd'hui, je me vois revenu au Moyen-Âge du point de vue pédagogique !

mardi 11 juin 2019

De l'enseignement "matriciel" ?


On me connaît : j'ai parfois de grandes crises de ce que je nomme du "réalisme naïf", à  propos du fonctionnement du monde, et, notamment, de ce qui est nommé "enseignement".
Tiens, quelques faits qui vous étonneront - j'espère- autant que moi:
1. nos "collègues plus jeunes" (ma nouvelle terminologie pour "étudiants") ont des formations variées, des niveaux variés quand ils arrivent dans nos cursus, et même si nous faisons des "mises à niveau" ;
2. nos collègues plus jeunes ont des objectifs variés (souvent ils n'en ont d'autre que de suivre les cursus que nous organisons, sans savoir ce qu'ils en feront), qui imposent, donc, des formations variées (je rappelle que, pour être "capable" d'avoir une activité pour laquelle nous sommes rétribués, nous devons avoir des connaissances et des compétence spécifiques)
3. nous proposons des enseignements dans des disciplines particulières (avec l'espoir que celles-ci feront des connaissances et des compétences utiles
4. si tous les collègues plus jeunes suivent les mêmes cours, certains perdront leur temps, soit parce qu'ils seront perdus, soit parce qu'ils s'ennuieront, soit parce que les disciplines particulières que nous proposons n'entrent pas bien dans leur projet professionnel

La conclusion s'impose : il faut changer tout cela. Comment ? Je propose de considérer des "enseignements matriciels", avec en colonne les collègues plus jeunes (toujours partir d'eux, toujours !) et en ligne des connaissances et des compétences, éventuellement groupées en "cours" ou en disciplines.
Bien sûr, il y a des indispensables, obligatoires en quelque sorte, mais aussi des choix, des options, en nombre important.
Comment mettre cela en oeuvre alors que le temps des professeurs (je me refuse absolument à utiliser le terme jargonisant d' "enseignant") est compté ? Je crois que si des cours ex cathedra sont utiles pour donner de l'enthousiasme, de la perspective, du recul, sont utiles, il faut des travaux personnels, ce qui implique que les professeurs seront souvent des tuteurs, avec une organisation des tutorats qui doit être intelligemment faite.

Mais c'est là plutôt une question qu'une affirmation !

dimanche 24 février 2019

Pourquoi des savoirs hasardeux ? Egalement parce que les professeurs étaient pour le moins approximatifs


On peut se demander pourquoi certains étudiants manipulent mal, calculent mal, écrivent mal, voire pensent mal. Bien sûr, il y a les insuffisances individuelles, le manque de soin, le temps passé à étudier insuffisant... mais il y a aussi la responsabilité des professeurs.
 Je ne sors pas indemne d'un examen de conscience, puisque j'ai enseigné une explication fautive de la raison pour laquelle l'huile ne se dissout pas dans l'eau, mais quand même : j'ai rappelé les étudiants à qui j'avais enseigné cette idée fautive, et je les ai priés de m'excuser. Si l'huile ne se dissout pas dans l'eau, c'est une question d'entropie, et pas d'enthalpie.

Mais, là, je viens de voir le pire : dans un document relatif à la sécurité dans les laboratoires de chimie, il y avait ce schéma :




Les erreurs sont de gravités variées  :
1. il  manque une potence pour tenir le haut de la colonne à reflux : cela n'est pas grave si l'ensemble est bien organisé
2. le tube en caoutchouc inférieur est trop proche de la source chaude : cela n'est pas parfaitement grave, mais négligent
3. le liquide dans le chauffe ballon est un niveau supérieur au niveau de chauffe : c'est quand même parfois un détail

Mais :
4. il n'y a pas de colliers pour bien tenir les tuyaux en caoutchoux et les empêcher de glisser, ce qui mettrait de l'eau partout
5. il n'y a pas de clips, pour tenir ensemble les éléments
6. il manque absolument une garde, avec du coton de verre et un desséchant

Et le pire :   le support élévateur n'est pas déplié, de sorte qu'en cas d'incident, on ne pourrait pas couper le chauffage !

Oui, montrons ce schéma extrait d'un manuel, mais pour bien montrer ce qu'il ne faut pas faire !

jeudi 7 février 2019

A propos d'organisation des études : quel contenu retenir ?

Dans ma vision des études supérieures, je vois donc des professeurs qui sont chargés (1) de professer et (2) de contribuer à  l'orchestration des études, l'organisation des diplomations.

La question du choix des matières, des référentiels d'examen est essentielle, puisque l'université doit trancher en matière de diplômes. Que retenir dans l'immensité des possibles ?  Observons que même si on limite un champ (par exemple, la technologie des aliments), il faut mille connaissances, qui vont de la microbiologie à la physique la plus avancée (pour les nanoparticules), par exemple.
Le choix ne peut pas être arbitraire, alors comment peut-il être ?

D'autre part, j'observe que le contrat doit être clair, et que, souvent, en France, il  ne l'est pas : lors de mes études supérieures, je ne me souviens pas avoir eu de référentiel explicite des matières à connaître, et, au contraire, j'ai eu des professeurs qui punissaient l'absence à leurs cours par la donnée, lors des examens, de questions qui n'étaient pas stipulées dans les polycopiés : minable attitude de ceux qui veulent un public captif pour le gaver, non ?

Puisque la bonne idée est de responsabiliser les "collègues plus jeunes" (ma façon de désigner ce que beaucoup nomment des étudiants), ne pourrions-nous pas avoir, en début d'année universitaire, une réunion qui mêlerait toutes les parties en présence, afin que les professeurs exposent leurs vues, les confrontent, devant des jeunes collègues qui pourraient discuter les arguments. Chaque professeur dirait des connaissances et des compétences qu'il utilise dans l'exercice de son métier, et sur la longue liste établie, on retiendrait en priorité les informations, notions, concepts, méthodes qui apparaîtraient le plus souvent ? 

On obtiendrait alors une  liste qui serait un document fondateur, et le repère constant que professeurs et collègues plus jeunes utiliseraient au cours du cursus considéré.


dimanche 29 avril 2018

Ma proposition affinée

Après environ deux ans de billets dispersés à propos de ce que je refuse désormais de nommer "enseignement", au profit d'"études", je crois qu'il est bon de faire une synthèse, car ces nombreux billets ont été parfois hésitants, voire contradictoires : quand je les ai produits,  je n'avais pas encore analysé complètement la question et je n'étais pas arrivé à la proposition parfaitement claire à laquelle je suis arrivé.

Tout part du constat que personne ne peut apprendre à la place d'un étudiant. Chaque étudiant ne peut apprendre qu'en étudiant, et puisque nos systèmes d'études supérieures (les autres aussi) visent à faire que les étudiants apprennent, il faut donc mettre les étudiants au coeur du dispositif, et déduire les caractéristiques de celui-ci de l'objectif très clair que je viens d'énoncer : les étudiants doivent apprendre.

Il y a donc l'étudiant qui doit étudier, et le système universitaire (j'y mets les grandes écoles d'ingénieur, indispensables dans le paysage français, parce qu'il y est admis de sélectionner les compétences) qui doit créer les conditions d'études efficaces.
Ces connaissances peuvent être "pures" (comprendre pour comprendre mieux le monde où l'on vit), car il y a de la vertu à apprendre pour apprendre (je passe sur de longues discussions à ce propos), mais j'observe (sans prendre parti, sans juger) que les systèmes universitaires se modifient depuis quelques décennies en vue de former à des activités professionnelles, en vue de l'exercice de métiers, de sorte que  l'université semble aujourd'hui avoir à organiser l'attribution de diplômes qui reconnaissent aux étudiants un niveau de connaissances et de compétences, de savoir-faire, de savoir-être clairement définis, qui garantissent donc à des sociétés qu'elles pourront embaucher des personnels qualifiés.
A ce stade, nous voyons donc deux facettes :
 - d'abord, l'organisation de l'apprentissage (le substantif correspondant au verbe "apprendre"),
 - et, ensuite, l'organisation de l'évaluation, la « diplomation ».
Évidemment il y a une relation entre les deux, car c'est l'apprentissage des savoirs et des compétences décidés pour chaque niveau d'études que l'université doit organiser et reconnaître.
Autrement dit, dans la logique universitaire actuelle, il y a donc lieu de commencer par établir des référentiels d'évaluation, qui se fondent sur les métiers vers lesquels les étudiants se dirigeront. Cela signifie dresser une liste des savoirs, des compétences, des savoir-faire et des savoir-être qui seront évalués en vue de l'attribution des diplômes.


Tous les savoirs et les savoir faire énoncés dans le référentiel associé à un diplôme particulier (licence, maîtrise) doivent être obtenus par les élèves qui prétendent à ce diplôme, et je suis très mécontent quand on impose les circonstances particulières d'apprentissage -des obligations de moyens-  pour reconnaître l’obtention de ces savoir et compétences, ce qui correspond à une obligation de résultat. Je réclame l'entière liberté des moyens, et un stricte application de l'obligation de résultats (sans quoi nous dévalorisons les diplômes).
D'autre part, je ne vois pas de raison de limiter dans le temps l'apprentissage des éléments des référentiels :  pourquoi les étudiants ne pourraient-ils pas obtenir leur diplôme le jour - et seulement ce jour là- où ils ont validé tous les savoirs, compétences, savoir-faire et savoir-être qui sont requis ? Pourquoi n'iraient-ils pas à leur rythme ? En revanche, ce "droit", cette liberté associée à la suppression de l'obligation de moyens, me semble devoir aller avec une obligation de résultats : un étudiant doit pouvoir valider un savoir ou un savoir faire  à tout moment, mais c'est seulement le jour où l’ensemble des savoirs et compétences du référentiel est obtenu que le diplôme est délivré.

Soient donc des objectifs d'étude fixés, venons en aux études elles-mêmes.
Les nombreux billets que j'ai précédemment consacrés à ces dernières convergent vers une proposition qui tient essentiellement dans ce que je ne crois pas bon que les encadrants de nos étudiants soient des « enseignants » ; on verra, en revanche, que je ne crois pas mauvais que nos systèmes d'études incluent des "professeurs". En effet, il est bien inutile d'enseigner quelque chose à quelqu'un qui ne l'apprend pas, et ma proposition se focalise sur l'apprenant, l’étudiant, qui doit donc étudier.
Que doit-il étudier ? Les éléments du référentiel. Comment ? Comme il veut, car  il a une obligation de résultats, et non une obligation de moyens. En revanche, on imagine bien que le personnel universitaire puisse avoir pour mission de faciliter l'accès à ces savoirs et compétences. Il doit donc être présent aux côtés des étudiants pour les guider, leur signaler des ensembles de données mieux faits que d'autres, diviser le chemin en petites étapes.
Je vois que cette métaphore du chemin est vraiment bonne, et, clairement, il y a lieu de dessiner de tels chemins, c'est-à-dire d'identifier les étapes nécessaires pour arriver à un point particulier, mais je me répète : il n'y a qu'une obligation de résultats, et si des étudiants particuliers sont en retard sur le référentiel, s'ils n'ont pas des notions particulières qui se révèlent indispensables pour comprendre un savoir ou un savoir-faire conformément au chemin déterminé, alors on comprend que la mission universitaire soit d'indiquer à ces étudiants  des études particulières qu'ils doivent faire. Mieux encore, puisque les études supérieures doivent conduire à des professionnels autonomes à la fin de la seconde année de mastère, on comprend aussi que le personnel universitaire ne doit pas bercer les étudiants dans leur lit, mais les entraîner à apprendre, à apprendre par eux-mêmes, voire à tracer leur propre chemin. Je crois que c'est un mauvais conseil que de pallier cette incapacité… d'autant que la chose est très simple. Je vois bien le professeur comme un tuteur qui indique aux étudiants des cours de bonne qualité, qui peut en faire lui-même (des cours parfaitement facultatifs, puisque l'étudiant n'a qu'une obligation de résultats), qui débloque un étudiant à qui il manque une notion indispensable, qui orchestre la transformation des savoirs en compétences, discutant la résolution des exercices, des problèmes… En conclusion de cette première partie, on voit que c'est bien l’identification des savoirs et compétences requis qui doit faire l'objet du travail du personnel universitaire (expression un peu longue mais qui ne préjuge pas de la suite, où je discute la différence entre professeurs et enseignants).

Vient donc maintenant la raison pour laquelle je récuse la notion d'enseignant, et, de ce fait, pourquoi je propose celle de professeur.
Classiquement, dans une vision périmée et mauvaise des études, les cours oraux sont des discours qui occupent la totalité du temps des étudiants. Ces cours sont inutiles pour de nombreuses raisons, la première étant que tous les étudiants ne comprennent pas au même rythme, de sorte que ce rythme est nécessairement soit trop rapide, soit trop lent ; s'il est trop rapide, les étudiants décrochent, mais s'il est trop lent, ils décrochent aussi, par ennui. Bref, l'étudiant est mieux avisé d'étudier dans des supports écrits, ou dans des supports vidéo pré enregistrés. Aujourd'hui, le numérique a périmé l'idée classique de l'enseignement.
Cela étant, les cours classiques des bons professeurs ont des caractéristiques qu'il est bon de bien analyser. Notamment on peut observer qu'ils contiennent -explicitement ou non-  des informations, des notions et des concepts, des méthodes, des anecdotes, des valeurs. Les informations ? On peut le trouver n'importe où, de sorte que professer, ce n'est certainement pas emplir des cruches avec des informations. Les notions et concepts ? Ils ne s'imposent, dans un cours, que si ce cours est l'endroit unique où l'on peut les trouver facilement : c'est ainsi qu'Emile Borel faisait sa recherche pendant ses cours, confiant à des étudiants le soin de consigner les avancées du travail, en vue de faire des livres qu'il consignait avec ses étudiants.
Aujourd'hui, les étudiants feront mieux de trouver en ligne ces données chez des professeurs qui sont peut-être à l'autre bout du monde. Et là, j'insiste un peu : pourquoi se limiter aux professeurs -pas tous excellents- que nous avons physiquement sous la main, alors qu'il s'en trouve de meilleurs ailleurs, rendus accessibles par le numérique ? Idem pour les méthodes, qui sont, à mon avis, le coeur des études. Enfin, les valeurs : là, c'est bien la marque d'un bon professeur que de donner cet enthousiasme qui conduit les étudiants à apprendre. Et comme la moralité ne passe pas, on peut donner à ces dernières un peu de chair, les enchâsser dans des anecdotes. De même pour les méthodes, dont la transmission explicite est bien rare, et qui méritent d'être incarnées.

Cette grille d’analyse montre bien la proposition que je fais pour l’orchestration des études. Pour la France, on aura raison d'observer que nous sommes retardataires par rapport à certains pays scandinaves dont l'efficacité est meilleure que la nôtre. Ici, nous bourrons les emploi du temps au lieu de donner du temps pour étudier par soi-même, nous couvons au lieu de promouvoir l'autonomie...

dimanche 14 mai 2017

Est-il vraiment utile que les professeurs rédigent des éléments de cours ?

Souvent, les professeurs des universités ou des écoles d'ingénieur écrivent des cours. Ils en font des livres, des polycopiés, des documents en ligne.
Est-ce utile ?

Nous partons ici de l'hypothèse selon laquelle il est inutile que les enseignants enseignent, et qu'il faut, en revanche, que les étudiants apprennent, étudient.

Une conséquence de cette hypothèse semble être que les professeurs ont pour mission principale d'aider les étudiants à identifier les connaissances et les compétences dont ils auront besoin, afin que ces derniers aillent apprendre, tout en apprenant à apprendre, surtout dans les études supérieures : bientôt autonomes, je propose que ce soit à eux d'aller chercher le savoir et de transformer les connaissances en compétences.

Chercher le savoir ? Aujourd'hui, ce savoir est en ligne, et n'importe qui trouve des cours à foison sur n'importe quel sujet, mais c'est un fait, aussi, que tous les cours en ligne ne se valent pas, et, mieux encore, il y a beaucoup de très mauvais.
Récemment, par exemple, alors que j'explorais (pour répondre à des étudiants dans l'optique que je discute ici) la méthode d'analyse chimique des ajouts dosés, j'ai vu apparaître en première ligne des documents très mal faits, et l'on peut donc imaginer qu'un professeur soucieux d'éviter aux étudiants de perdre du temps sur de tels documents veuille préparer lui-même des documents qu'il pourrait remettre.
Ce faisant, il y aurait donc une transformation du système d'éducation : les professeurs ne devraient plus passer oralement du temps sur ces documents préparés, mais plutôt préparer ces documents, afin que les étudiants passent ensuite du temps à bien les comprendre. Dans la foulée, comme il faut une transformation des connaissances en compétences, on peut imaginer que le professeurs qui rédigent des éléments de cours aient la volonté de donner des compétences, ce qu'ils pourraient faire en incluant des exercices des problèmes bien gradués.
A ce propos, on n'oubliera pas d'évoquer ici la collection de livre {Schaum} (MacGraw Hill), où précisément les cours étaient faits d'exercices. On observera d'ailleurs aussi que ces livres ont été très inégaux... ce qui est en quelque sorte rassurant : cela montre que tous les professeurs ne se valent pas, et que leur travail fait la différence. Oui, il y a de bons livres, et de mauvais livres ; de bons professeurs et de mauvais professeurs, et je ne parviens pas à penser que cela ne soit pas corrélé à leur travail.

Mais revenons à la question : faut-il vraiment que les professeurs préparent ces éléments de cours avec exercices et problèmes ? Après tout, à propos de cette méthode des ajouts dosés, j'ai effectivement passé du temps à chercher (moins que si j'étais allé au cinéma), et, en éliminant les documents mal faits, j'ai réussi à trouver de quoi apprendre. Les étudiants ne devraient-ils pas être capables d'arriver au même résultat ?  Car, au fond, quelle capacité personnelle ai-je mise en œuvre pour y parvenir ? Celle de m'accrocher, de ne pas supporter de ne pas comprendre quelque chose qui m'était dit dans un document. Au fond, on devrait dire très tôt aux étudiants que s'ils lisent un document et qu'ils ne le comprennent pas, alors qu'ils ont lu lentement tous les mots, c'est que le document n'est pas fait pour eux, et qu'il faut vite qu'ils en changent.
J'ajoute que les étudiants doivent pouvoir  revenir vers les professeurs pour poser des questions. D'ailleurs, les professeurs qui auraient ainsi un rôle de tuteur pourraient guider vers des documents plus spécifiques : soit les étudiants sont autonomes, soit on les aide, au début, et je ne doute pas que des étudiants attentifs apprennent à se débrouiller rapidement.

Se débrouiller, autonomie  : voilà au fond un des objectifs des études, car il n'est pas suffisant d'apprendre, et il faut aussi, surtout, en vue d'une activité professionnelle, apprendre à être autonome, car viendra le temps où les étudiants ayant grandi n'auront plus de professeur.
Ma méthode me semble donc bonne. Mais en pratique ? Les étudiants disposent-ils d'assez de temps pour la mettre en œuvre ?  Je pressens l'argument qui me dira que les recherches en ligne prennent beaucoup de temps et que l'on risque un éparpillement néfaste qui empêchera d'arriver au but. Je le récuse absolument, pour plusieurs raisons. D'abord, je vois quand même que, avec le système classique, les étudiants ont beaucoup de temps dans les jardins, les bistrots, les soirées... D'autre part, je l'ai dit précédemment à propos des ajouts dosés : cela n'est pas si long que l'on pourrait le craindre.

Surtout j'ai beaucoup plus appris en mettant en œuvre cette méthode qu'en lisant un cours tout fait, tout mâché, et, de surcroît, j'ai perdu beaucoup moins de temps que dans un cours où, soit j'aurais décroché, soit je me serais ennuyé. De surcroît, si le professeur s'assure que les étudiants n'ont pas lâché prise à un moment particulier, le savoir ainsi obtenu est solide, et le socle affermi, de sorte que finalement, bâtissant sur du solide, les étudiants ont plus de facilité à augmenter leur savoir et leurs compétences.
Finalement je n'oublie pas que tout cela peut se mesurer. Au delà des modes, de pédagogie inversée ou autre, nous devons quantifier les effets de méthodes variées, car il est temps, au 21e siècle, d'arriver à un peu d'efficacité !  Technique, lien social, etc.  Il faut d'abord éclaircir la mission que nous nous sommes donnée. Mais j'y reviendrai...