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samedi 13 juillet 2019

Quel dialogue entre professeurs et jeunes collègues (i.e. étudiants)


J'ai longtemps hésité à publier ce billet, parce que je n'avais pas trouvé comment être positif, et que la question que j'examine est terrible... le simple fait de la poser conduit à y répondre positivement, comme on le verra.

Fréquentant de nombreux "collègues" inscrits à l'université en licence  ou en mastère (on se souvient que je nomme "collègues" ce que d'autres nomment des étudiants), je m'aperçois très régulièrement que des notions étudiées les années précédentes, voire au lycée, sont oubliées). Par exemple, je n'ai que très rarement de réponse à la question : quelle est l'idée de la théorie de l'évolution (niveau collège) ? Ou à la question : de combien l'Amérique et l'Europe se séparent-elles (encore collège) ? Ou  : avec quel verbe doit s'accorder un participe présent ?(école) Même ce qui a fait l'objet d'étude, l'année précédente, est oublié, soit parce que cela a été appris en vue de l'examen seulement, soit parce que cela n'a pas été appris (les fameuses "impasses").
Et, finalement je m'étonne que l'on apprenne pour ne pas savoir ? A quoi bon tout ce temps passé (pour certains) ?

Il faut envisager la chose sans naïveté, et  reconnaître que les jeunes collègues ne sont pas tous dans l'objectif d'apprendre, et que ce ne sont donc pas en réalité des "collègues"  : oui, certains individus ne viennent à l'université que pour avoir un diplôme dont ils pourront faire état et trouver du travail. Et c'est sans doute une des raisons pour lesquelles ils oublient rapidement ce qu'ils ont appris auparavant, une des raisons du "bachotage", qui conduit à avoir une note suffisante aux examens pour passer dans l'année d'après, sans considérer que c'est le contenu des études qui est primordial.

Oui, pour certains étudiants, l'objectif  n'est pas d'apprendre et de retenir, mais seulement d'avoir des notes suffisantes aux examens, et un professeur trop rigoriste (ayant notamment oublié quel étudiant il fut) risque de considérer qu'il s'agit d'une sorte de malhonnêteté : s'il voit l'insuffisance des étudiants étant comme une sorte de torchon rouge que l'on agite devant le taureau,  tout comme maladie l'est pour un médecin ou la fuite pour le plombier, il est amené à considérer que ces étudiants vont lui faire perdre du temps et de l'énergie.

Là, nous sommes sur le versant descendant de la discussion. Reprenons-nous, en faisant aux autres la politesse de l'optimisme. Remontons la pente en considérant que les étudiants dans cet état d'esprit déplorable ne sont pas la majorité, qu'ils sont à plaindre, qu'il faut leur faire comprendre leur erreur. Considérons aussi que ces étudiants-là sont peu nombreux, que la majorité  sont des collègues qui ont envie d'apprendre, même s'ils sont empêtrés dans toutes les contradictions des jeunes adultes, avec des contraintes matérielles, sociales, intellectuelles... J'en vois qui ont du mal à étudier, parce qu'ils sont caissiers dans des supermarchés ou manutentionnaires pendant la nuit ; j'en vois qui ont du mal à étudier parce que leurs parents se déchirent ; j'en vois qui ont du mal à étudier parce que leur "milieu" ne les pousse guère à cela ; j'en vois qui ont du mal à étudier parce ques les hormones les travaillent  ; j'en vois qui ont du mal à étudier parce qu'ils sont en peine de socialisation... Bref, il y a toutes les causes matérielles et intellectuelles qui les gênent, et cela doit être pris en considération par le corps professoral. Mieux, tout cela peut être discuté ouvertement avec les jeunes collègues, en vue de les aider, au delà des points techniques qu'ils devront apprendre. D'où ma conclusion positive  : ne devons-nous pas discuter de tout avec nos jeunes collègues, et non seulement d'équations, de thermodynamique, de chimie quantique, d'analyse chimique ?