lundi 9 décembre 2013

Bientôt !

Bientot, nous lançons le Second Concours International de Cuisine Note à Note !!!!!!!

Préparons-nous !

Prochain séminaire de gastronomie moléculaire le 16 décembre

Chers Amis

Je suis heureux de vous signaler que notre prochain séminaire de gastronomie moléculaire se tiendra le lundi 16 décembre. Conformément aux votes des participants du séminaire N-1 (novembre), nous explorerons  la question suivante :

Le sel sur la levure l'empêche-t-elle de faire lever les pâtes ?
On explorera de l'eau avec de la levure (fraîche ou lyophylisée), de la pâte à pain (de seigle pour accompagner les huîtres), de la pâte à brioche.

Au plaisir de vous y retrouver.
Séminaire de gastronomie moléculaire
c/o Ecole supérieure de cuisine française, Centre Jean Ferrandi de la Chambre de commerce de Paris
26 bis rue de l'abbé Grégoire, 75006 Paris
De 16 à 18 heures.

Vive la physico-chimie !  (voir http://hervethis.blogspot.fr/2013/02/quest-ce-que-

dimanche 8 décembre 2013

Retour sur la question du calcul



Dans des billets précédents, j'ai discuté la question du calcul, mais je propose de reformuler un peu différemment la chose.
Considérons un phénomène du monde, par exemple le changement de couleur de framboises mises au contact d'une casserole étamée. Pourquoi ce phénomène ?
Le poète imaginera des affinités sensibles entre le fruit et le métal, et il produira un discours poétique ; le géographe discutera l'origine du métal, la qualité du sol où poussent les fruits, et il aura un récit descriptif ; l'historien regardera comment la choses a été décrite dans le passé, et verra des liens à travers les siècles, dans un discours rétrospéctif, qui ne dit rien du futur, en réalité  ; le botaniste examinera des questions de répartition des diverses variétés de framboises dans les territoires, et il ne pourra rien dire du phénomène, mais posera des questions utiles au physico-chimiste ...
Pour ce dernier, le « changement de couleur » aura d'abord été exploré quantitativement, ce qui aura produit une foules de données : des spectres d'absorption de la lumière, des tables de composition... et c'est au terme d'un parcours jugé parfois excessivement long (par le public qui paye l'activité scientifique, ignorant ou oubliant que c'est la base de toute innovation industrielle et de tout progrès intellectuel) que l'on pourra proposer que les ions métalliques se lient aux électrons délocalisés des cycles aromatiques des anthocyanes. C'est là un récit, certes, mais pas du même ordre que ceux des autres professions, parce que ce récit aura été encadré par les données quantitatives. Mieux encore, les sciences quantitatives qui ne sont pas des simulacres de telles activités (OK, la tournure est alambiquée : elle signifie que, parfois, des sciences de l'homme et de la société singent les sciences quantitatives) poursuivront le travail en allant chercher des réfutations de ce récit, sachant qu'on ne réduit pas le réel à un récit, que la « vérité » est inaccessible aux sciences quantitatives (mais encore plus aux autres activités!).
Insistons un peu sur le mot « vérité » : certains épistémologues (de pacotille, donc) critiquent les sciences quantitatives en leur prêtant l'idée de chercher la vérité. C'est faire preuve de la dernière des ignorances des sciences quantitatives. Leur procès d'intention est aussi malvenu que leur ignorance, et, si l'on ne voulait pas y perdre son temps, on chercherait à comprendre leurs motifs... mais on aura compris à ma phrase que ce serait vraiment du gâchis. Bref, en science, pas de vérité, certes, mais une adéquation des récits au nombre ! Seules les sciences quantitatives se donnent cette obligation, qui est en réalité terrible ! En un mot, les sciences quantitatives n'ont rien de commun avec les autres savoirs, et l'on ne sort guère convaincu des critiques qui ont été portées à l'encontre de la méthode les sciences quantitatives par quelques roquets, qui avaient sans doutes des idées « politiques » (piètre politique).
Certes, c'est un acte de foi de penser que le monde soit écrit en langage mathématique, mais un acte de foi font très dynamisant.

Luttons contre l'ignorance (mais positivement)

J'avais décidé que ce blog ne serait que positif, et que je réserverai à mon blog "Vigilance intellectuelle" mes quelques aigreurs.

J'ai donc fait un billet que je crois utile sur  la question des mots du goût, mais dans la mesure où il est utile, et où il donne des informations utiles, je vous le redonne ici :



8 décembre 2013 : Le goût et ses modalités

J'y reviens, parce que l'on m'a offert un livre sur les épices. J'en tairai le titre et les auteurs, parce que je ne veux pas faire la promotion d'un livre que je vais critiquer, et que je ne veux pas attrister les auteurs du livre, qui sont des personnes amicales.
Le livre contient des recettes, mais il est fondé sur une idée très fausse, à savoir une confusion entre goût et saveur. En soi, ce n'est pas grave, mais n'est-ce pas une obligation de personnes qui veulent rayonner que de proposer de la bonne « qualité » ? En réalité, il faut quand même considérer que les auteurs sont marchands d'épices, et que leur livre est, d'une façon ou d'une autre, une propagande commerciale.
Mais passons.
La question est surtout que ces auteurs confondent goût, odeur, saveur, arôme... Et leur livre est une voix de plus dans la cacophonie. J'y vois plus positivement une possibilité de redire des choses simples et justes.
Observons tout d'abord que Brillat-Savarin confondait goût et saveur, mais que cet homme était un avocat, qui ne connaissait donc pas la science. Ne lui attribuons donc pas des connaissances qu'il n'avait pas !
Vers 1282, on nommait « goût » le « sens par lequel on discerne les saveurs » (Gouvernement des rois, 30, 32). A l'époque régnait donc la confusion. Et ce n'est donc pas dans l'histoire que l'on peut trouver sans effort supplémentaire une justification des définitions à retenir. Ce qui est clair, toutefois, c'est que l'on ne dira pas que l'on a de la saveur pour quelque chose, mais du goût pour cette chose. Le goût est donc quelque chose de plus général que la saveur, et voilà pourquoi les spécialistes de physiologie, depuis déjà longtemps, ont décidé de considérer le goût comme la sensation synthétique que l'on a en mangeant un aliment.

Pour résumer ce premier point : le goût est la sensation synthétique que l'on a quand on met un aliment en bouche.

Poursuivons, maintenant : le goût, sensation synthétique, est fondé sur des perceptions différentes, à savoir :
  • la saveur : par les récepteurs des papilles, qui devraient donc plutôt être nommées papilles sapictives
  • l'odeur, anténasale (quand l'aliment arrive à la bouche, passant devant le nez, où il libère des molécules qui sont « odorantes », puisqu'elles ont la capacité de se lier à des récepteurs olfactifs, directement ou non
  • l'odeur rétronasale, quand des molécules odorantes remontent vers le nez par les fosses rétronasales, à l'arrière de la bouche
  • des sensations trigéminales (piquants, frais...), quand des molécules se lient à des récepteurs spécifiques du nerf trijumeau
  • des sensations thermiques
  • des sensations tactiles (la consistance des aliments est perçue lors de la mastication, et donne lieu à la sensation de texture)
  • etc.
Pourquoi « etc. » ? Parce que l'inventaire ne semble pas être complet : on a découvert il y a moins de vingt ans que des acides gras insaturés à longue chaîne avaient des récepteurs spécifiques, dans les papilles, et que la sensation donnée par cette interaction n'était pas une saveur, mais de nature différente.
Enfin, terminons ce billet en signalant que la théorie des 4 saveurs (salé, sucré, acide, amer) est connue fausse depuis des décennies par les physiologistes et tous ceux qui se renseignent un peu, au lieu de répéter paresseusement des choses fausses : la réglisse n'est ni salée, ni acide, ni amère, ni sucrée, mais réglisse ; l'éthanol a une saveur particulière, tout comme le bicarbonate, tout comme... mille composés. Et l' « umami » est un vaste baratin, mais je vous renvoie à un billet antérieur, sur ce point particulier.

Je reviens donc au livre... qui inverse les mots pour « saveur » et « goût » ! Non, la saveur N'EST PAS la sensation donnée par les odeurs ! Non, le goût N'EST PAS la sensation ressentie par les papilles ! Non, notre langue ne reconnaît pas six goûts, donc le piquant serait l'un d'entre eux (à quoi sert que les physiologistes travaillent, pour que des ignorants publient des erreurs réfutées il y a plus de 50 ans?).

Finalement, faut-il instaurer un « permis d'écrire des livres » ? Je ne le crois pas, pour mille raisons qu'il serait trop long de discuter ici, mais quel dommage que la données des références de ce livre risque d'en faire une publicité imméritée !



jeudi 5 décembre 2013

Merveilleux !

Rien que du bonheur, aujourd'hui... alors que la journée ne fait que commencer :

1. Des étudiants de Master 2 veulent que je leur dédicace des livres (cela, ce n'est rien, et pire, cela fait penser à Gilderoy Lockhart, dans Harry Potter), et, surtout, me demandent si je les autorise à donner mes cours (pdf) aux étudiants qui les suivent, en Master 1. Evidemment !

2. Ma collègue Roisin Burke, au Dublin Institute of Technology, m'envoie deux photos d'étudiants en train de préparer des plats note à note.

mercredi 4 décembre 2013

Qu'est-ce qu'une thèse ?



Qu'est-ce qu'une thèse ? 

La « vraie » acception est : c'est une proposition ou théorie que l'on tient pour vraie et que l'on soutient par une argumentation pour la défendre contre d'éventuelles objections. 
 
Les ministres ont beau édicter des lois qui encadrent les moments de recherche nommés thèse, il n'en restera pas moins que l'on aura raison de se raccrocher à la définition que j'ai rappelée plus haut. 
Soit on a une idée initiale que l'on passe trois ans à étayer, soit on obtient une telle idée après trois ans de travail, peu importe. Ce qui compte, c'est que l'on fasse état d'un travail, sous la forme d'une « thèse que l'on soutient ». 
 
Tout en découle naturellement : ayant cette idée, il s'agira de montrer en quoi les travaux l'ont étayée, par exemple. Cela se fera par écrit, et par oral.
Par écrit, tout d'abord : le document de thèse est une façon de démontrer à l'Université que l'impétrant est capable d'accéder à l'enseignement supérieur, qu'il sait écrire un livre.
Par oral : il s'agit cette fois de faire une « leçon », en soutenant oralement la thèse, c'est-à-dire en la présentant clairement, et en sachant répondre aux questions que le jury posera. 

Que dites vous de cela ? Merci de ne pas me laisser dans l'erreur. Comme disait Rostand, je ne suis pas insensé au point d'être assuré de mes propres certitudes.  

samedi 30 novembre 2013

De Montréal, Québec, Canada

Chers Amis

Vous trouverez quelques mots à http://www.scilogs.fr/vivelaconnaissance/ma-version-des-faits/


vive l'Etude !

vendredi 22 novembre 2013

En mémoire de notre ami disparu Georges Bram


JOURNEE GEORGES BRAM
-
2014
13
ème
journée de Conférences
en Histoire des Sciences et Epistémologie
OUVERTE A TOUTE PERSONNE INTÉRESSÉE
DANS LA LIMITE DES PLACES DISPONIBLES
Vendredi 17 janvier 2014
Ecole Normale Supérieure, 45 rue d’Ulm, Paris
Salle Dus
sane
Les conférences seront de 45 minutes, suivies d’un débat
de 20 minutes.
Chercher aux frontières
9h30
-
10h15
Ludovic Jullien
,
Professeur, université Paris 6
Expériences d'interdisciplinarité
s
10h35
-
10h45 Pause café
10h45
-
11h30
Frédéric Darbellay
,
Professeur associé en Inter
-
et Transdisciplinarité à l'Institut Universitaire Kurt Bösch (IUKB)
L'interdisciplinarité : innover au
-
delà des frontières disciplinaires
11h50
-
14h30 Pause déjeuner
14h30
-
15h15
Laurence Lestel
,
Chercheur CNRS
L'environnem
ent, un terrain propice aux interfaces disciplinaires
15h30
-
17h30
Atelier débat
Qu'est
-
ce que chercher aux frontières :
contraintes, atouts, enjeux
?
Organisation
: Clotilde Policar, département chimie de l’ENS
Pour s’y rendre : RERB, arrêt Luxem
bourg
Bus 38, arrêt Auguste Comte
Bus 21 ou 27
arrêt Feuillantines
Bus 47, arrêt Place Monge
Métro Ligne 7, arrêt Place Monge
Renseignements
: Clotilde Policar, clotilde.policar@ens.fr

lundi 18 novembre 2013

Questions d'enseignement des sciences

Les collègues de la région Centre ont filmé la conférence qu'ils m'avaient invité à faire à Orléans, en ouverture du Congrès national de l'Union des professeurs de physique et de chimie :

http://www.udppc.asso.fr/orleans2013/programme/lundi-28-octobre-centre-de-conferences-dorleans/

dimanche 17 novembre 2013

Les MOOC : n'ayons pas peur, et travaillons !

Les Massive Open Online Courses sont là, et une partie du système universitaire français s'émeut. Car la concurrence semble devenir rude, les plus grandes universités américaines proposant des cours par centaines, par milliers... Parfois, les cours sont  payants ; parfois ils sont gratuits, et seul le diplôme est payant. Une masse considérable de données est réunie, et pas seulement sous la forme écrite, mais aussi visuelle, sonore, animée...
Le phénomène remettra-t-il en cause la pédagogie de l'enseignement supérieur ? Remettra-t-il en cause l'enseignement supérieur, même ?  L'usage de l'internet rend-il l'étudiant plus actif ? Les enseignants doivent-ils apprendre le théâtre, pour produire des prestations attrayantes ? Faut-il fermer les amphithéâtres ? Et les universités doivent-elles  se transformer en studios de télévision ?
Poser une question n'est pas toujours poser une bonne question, et il on aurait raison de bien regarder le passé, pour ne guère s'émouvoir du présent ou du futur (amusant, ce sont toujours les mêmes qui ont peur). Mieux, ne pourrait-on pas profiter des évolutions, quand on a la chance d'en voir, pour faire évoluer les choses du bon côté ?
Commençons par voir pourquoi rien n'a vraiment changé, et pourquoi les MOOC ne sont peut-être pas l'Innovation que l'on annonce. Pour ce qui concerne les étudiants, cela fait longtemps que certains restent dans leur environnement proche (pour mille raisons, bonnes ou mauvaises), mais que d'autres n'hésitent pas à traverser le monde pour rejoindre les systèmes d'enseignement les plus « réputés », les « professeurs » les plus remarquables. Et l'on a toujours vu,  à côté d'une masse qui « suit les cours », quelques Jean-Marie Lehn, qui dès les années 1960, sèchent les cours pour aller en bibliothèque « produire le cours » à partir d'ouvrages à leur disposition.
Observons que les cours en ligne ou les livres dans les bibliothèques ne diffèrent guère. Ceux qui suivaient les cours suivront sans doute les cours, et ceux qui voudront aller en « e-bibliothèque » iront, parce qu'ils ont de la curiosité et de l'autonomie. Et relisons l'introduction de Richard Feynman, dans ses Cours de physique : « The question, of course, is how well this experiment has succeeded. My own point of view – which however does not seem to be shared by most of the people who worked with the students- is pessimistic. I don’t think I did very well by the students. When I look at the way the majority of the students handled the problems on the examinations, I think that the system is a failure. Of course, my friends point out to me that there were one or two dozens of students who –very surprisingly- understood almost everything in all of the lectures, and who were very active in working with the material and worrying about the many points in an excited and interested way. These people have now, I believe, a first-rate background in physics –and they are, after all, the ones that I was trying to get at. But then, « The power of instruction is seldom of much efficacy except in those happy dispositions where it is almost superfluous. » (Gibbons).
D'autre part, du côté des enseignants, il y a toujours eu des enseignants de diverses qualités. Et il y a toujours eu, même sans l'Internet, quelques très grands enseignants, qui attiraient à leurs cours des étudiants de partout, en raison d'une « beauté intellectuelle » très particulière, d'une avancée intellectuelle, de capacités d'acteur qui rendent les cours vivants, que sais-je. Pas de changement, non plus, donc... et l'on doit même s'interroger si l'e-learning ne va pas, au contraire, emplir les salles de cours, au lieu de les vider : les personnalités attirantes attirent !
Oh, et puis j'y pense : il y a, certes, beaucoup de vidéos en ligne... mais la question est de connaître leur « qualité » ; le nombre n'est pas tout !
Surtout la question des relations entre enseignement et communication n'est pas neuve, et l'on aurait lieu de s'interroger mieux sur la différence entre connaissances et compétences. Les MOOC sont l'occasion de se demander à nouveau quel est le rôle de l' « enseignant », du « professeur », de l' « étudiant » (Michel Eugène Chevreul, âgé de 100 ans, se disait le doyen des étudiants de France). Quelle est la différence entre un article ou une vidéo de vulgarisation, d 'un côté,  et un cours de l'enseignement supérieur, de l'autre ?
Et puis, pourquoi sélectionne-t-on les enseignants chercheurs par leur recherche ? Parce que c'est là un moyen, si les enseignants chercheurs enseignent ce qu'ils viennent de produire, de conduire directement les étudiants à la pointe du savoir actuel ? Je crois que les enseignants de l'enseignement supérieur n'ont pas, comme dans l'enseignement secondaire, à tenir la main des étudiants pour aider ces derniers à gravir lentement les pentes du savoir accumulé ; ils ont la mission d'enseigner ce qu'ils produisent, et de proposer une vision unique du bout de connaissance qu'ils ont défriché.
Profitons de l'arrivée des MOOC pour nous demander s'il est légitime d'accueillir dans des amphithéâtres, pour des cours de physico-chimie, des étudiants qui ignorent le théorème de Gauss, qui trouvent difficilement des primitives de fonction simples, qui croient que les cycles aromatiques comportent des doubles liaisons ? Faut-il vraiment prolonger un interminable enseignement supérieur, ou faut-il plutôt conduire rapidement vers l'autonomie qui doit être celle de la fin du master ?
Enfin, l'enseignement universitaire, c'est de la recherche... et ce n'est pas une nouveauté que la recherche scientifique  doit être de qualité, MOOC ou pas !  Par ailleurs, n'oublions pas de faire savoir ce que nous faisons si nous le faisons bien : une belle idée dans un tiroir fermé à clé, ce n'est pas une idée ; c'est rien !

jeudi 14 novembre 2013

Faut-il numéroter les diapositives, dans une présentation orale ?

La question se pose largement (à ceux qui se posent des questions), et la réponse n'est pas simple (mais pas "complexe" non plus).
Ne pourrions nous pas penser que tout dépend de l'intention, du contexte, etc.

Commençons par analyser qu'un powerpoint, par exemple, peut-être un support de présentation orale. Dans ce cas là, c'est l'oral qui compte.
Un récit ? Pensons à un conte qu'on nous dirait ? Le plus souvent, le récit sera structuré, et l'on aura en tête des épisodes. Pas besoin de "numéroter les pages". Et puis, de même que le mangeur veut du rêve, et se moque de la liste des ingrédients du mets (sauf  quand ils font rêver), on veut l'histoire, pas la transpiration.
D'ailleurs, si le récit est bon, quel dommage de savoir qu'on arrive à la fin ! Et si le récit est mauvais, quel désastre de voir qu'on n'en est qu'aux deux tiers !

Pour un document, ou un exposé didactique, c'est bien différent : les numéros de page permettent de se repérer, pour retrouver ensuite un passage. Cela dit, un numéro n'est pas un "signet", qui, lui, est "signifiant". Donc il vaut mieux des onglets plus intelligents que des numéros de page.

Pour des documents destinés à être examinés plus calmement, étudiés, les choses sont différentes, parce que des documents powerpoint sont alors comme des pages d'un textes. Et les numéros de pages peuvent être utiles... mais c'est alors de la communication écrite, et non de la communication orale.

Bref, tout est question d'intention, de contexte !



L'obscurité des textes

On me donne le lien http://www.fabula.org/atelier.php?COMMENT_RENDRE_UN_TEXTE_INCOMPREHENSIBLE, où l'auteur explique que Lacan et d'autres sont obscurs. C'est une belle question, mais j'ai deux arguments :
1. je me souviens de Jean Largeault, qui était une « belle personne », droite, honnête intellectuellement, cultivée (ô combien!). Un jour, Jean m'avait offert un de ses livres érudits parus chez Vrin (je crois que c'était celui où il discutait les philosophies de la nature), et, évidemment, je me devais
  • de le lire
  • de lui en faire commentaire
Je commençai donc la lecture, lentement, attentivement, comme l'auteur du texte qui figure dans le lien plus haut... et je bloquais à la page 17. Je reprenais à zéro, et, à nouveau, je bloquais, toujours au même endroit.
Pendant quelques semaines, j'évitais Jean, jusqu'à ce que je ne puisse plus, et qu'il me demande ce que je pensais de son livre. Je lui avouais mon incompréhension de la page 17, et nous en parlâmes ouvertement : « Ah, mais c'est parce que vous ne savez pas que Saint Anselme a écrit, dans l'oeuvre xxx, que yyy ! »
Oui, j'ignorais ce texte de Saint Anselme, et, muni de ce texte, je pus poursuivre. Moralité : attention à ne pas projeter nos insuffisances dans les textes des penseurs.
2. Imaginons, maintenant (cela m'est arrivé) que je fasse un texte où j'utilise des notions neuves (supramolécularité, donneur, accepteur, dynamères, statgels...) : comment penser que mes lecteurs pourrront me suivre s'ils n'ont pas étudié ces notions ? Il ne s'agirait pas pour moi d'être incompréhensible ou obscur volontairement, mais de discuter les questions, avec les mots appropriés aux concepts nouveaux. Bref, il y a une différence entre la vulgarisation qui explique, et la science qui avance.
Le malheur, c'est que nous voudrions avoir tout de suite la notion, sans faire le chemin qui y mène. Désolé, il y a du travail à faire, et cette idée égalitaire d'un langage de la rue pour des idées techniques est très fausse !
Pis, je crois que je n'ai quasiment jamais réussi à parler un vrai langage à des collègues, et je me résous, la mort dans l'âme, à ne faire que des conférences de vulgarisation, parce que je sais que mon savoir (petit) est très idiosyncratique, et que je ne peux faire l'hypothèse que mes auditeurs me comprendront. Quel dommage ! (et, inversement, quel bonheur quand je rencontre quelqu'un à qui je n'ai pas à expliquer les choses).

mardi 12 novembre 2013

Prochain séminaire

Chers Amis

Je suis heureux de vous rappeler que notre prochain séminaire de gastronomie moléculaire se tiendra le lundi 16 novembre (lundi prochain, donc), au 28 bis rue de l'Abbé Grégoire, 75006 Paris, dans l'amphithéâtre de l'Ecole supérieure de cuisine française, de 16 à 18 heures.
Le thème sélectionné par les participants du dernier séminaire sera :

Pour un sauté de volaille ou de porc, le matériau du sautoir est-il important ?
(pour nos expériences, nous ferons sauter du bœuf et procéderons au glaçage de petits oignons).

Au plaisir de retrouver ceux qui veulent+peuvent.
Vive la physico-chimie !  (voir http://hervethis.blogspot.fr/2013/02/quest-ce-que-la-chimie-suite.html)

vendredi 8 novembre 2013

Et aujourd'hui, la boule de neige roule !

C'est en anglais, toutefois : http://www.huffingtonpost.com/2013/11/07/herve-this-molecular-gastronomy_n_4234423.html

Apprendre la science ?

Vendredi 8 novembre 2013 :  Comment apprendre la science ?
Apprendre la science ? La question est légitime, et on se propose de décortiquer un peu la chose.

1. La science, mais c'est quoi ?
La question est complexe, et il faudrait connaître bien la science pour répondre à la question (pardon, je fais ici état de mes insuffisances, mais ce n'est pas de la fausse modestie).
Commençons par reconnaître que ici, par "science", on entend "science quantitative" (physique, physico-chimie, biologie....). C'est évidemment un abus, car on parle de science pour désigner les savoir : au siècle passé, il y avait des livres intitulés « La science du maître d'hôtel ».  Le plus possible, dans ce qui suit, je fais donc attention à la confusion possible, et je propose de considérer la question de l'apprentissage des sciences quantitatives seulement.
Apprendre la science quantitative signifie donc apprendre à effectuer une recherche scientifique (quantitative), c'est-à-dire soit  (1) se poser des questions de stratégie scientifique (qu'explorer si l'on a l'objectif de faire des découvertes ?) ; soit(2) apprendre à mettre en oeuvre la méthode scientifique, décrite ailleurs [].
En réalité, l'étudiant qui m'a interrogé pensait moins à "apprendre la science" qu'à apprendre des résultats des sciences, et, plus particulièrement, à appendre des résultats de physico-chimie.
Comment savoir que la tension superficielle est la dérivée de l'enthalpie libre par rapport à l'aire ? Ou comment "apprendre" ce qu'est l'effet Marangoni ?

2. Apprendre, savoir...
Commençons par observer que, dans ces deux questions, il y a une fois le mot "savoir", et une fois le mot "apprendre". Apprendre conduit-il à savoir ? Qu'est-ce qu'apprendre ? Qu'est-ce que savoir ?
Au premier abord, il y a la notion, le phénomène, décrit par des mots : par exemple, les spins des noyaux de protons, dans un champ magnétique externe, sont soit dans l'état "haut", soit dans l'état "bas". C'est un savoir supplémentaire que de connaître la proportion de spins dans chacun des deux états. Notons d'ailleurs que ce savoir là est plus "scientifique", puisque la science quantitative va de pair avec le nombre, le calcul, lequel fait du "récit scientifique" un discours
tout à fait à part, tout à fait différent des explications du monde données par
d'autres disciplines (histoire, géographie, poésie...).
Cela étant, dire que l'on sait quelque chose est fait une déclaration très osée, car on peut savoir plus ou moins profondément, plus ou moins en détail. Par exemple, les étudiants qui viennent en stage dans notre groupe de recherche me disent "savoir peser", mais ils ne savent souvent que tarer la balance avant de poser sur celle-ci l'objet dont ils veulent déterminer la masse ; ils ignorent qu'ils doivent préalablement vérifier que la balance a été vérifiée, vérifier le centrage de la bulle dans le niveau, vérifier la balance à l'aide d'un étalon tertiaire, peser trois fois et savoir pourquoi il faut peser trois fois  au minimum... Bref, qui d'entre nous peut "savoir" ? Cet exemple conduit à penser qu'il vaudrait  mieux, humblement, poser la question d'apprendre plutôt que la question de  savoir.

3. Connaissances et compétences
Avançons dans notre analyse en observant que la question initiale rejoint celle  qu'avait posée un autre étudiant, qui réclamait des "exercices", à l'appui des  cours -pourtant détaillés et, j'espère, bien faits- que je lui avais donnés.
Certes, les exercices sont "classiques", dans les cours, et l'on ménage d'ailleurs des séances de "travaux dirigés" afin d'explorer les cours à l'aide d'exercices et de problèmes. Mais sont-ils nécessaires ? Sont-ils utiles ? Ne peut-on travailler seul ? Apprendre seul ? Et comment ?
Nous voilà donc revenus à la question initiale, après avoir frôlé la discussion  de la différence entre connaissance et compétence, et qui doit être clairement discutéee. Imaginons que, suivant un texte que je cherche à comprendre pas à pas, j'en viens à lire la loi d'Einstein à propos de la viscosité d'une dispersion diluée de particules solides (ce serait l'occasion de me demander pourquoi j'ai retenu que η = η0 (1 + 2.5 φ). C'est une connaissance. Puis, le livre fermé, je redémontre cette loi : c'est une compétence. Comment passer de la connaissance à la compétence ? Dans cette affaire, il y a une question de mémorisation, et une question de compréhension... et de savoir.
Mémoriser : on aurait intérêt à s'intéresser aux méthodes des universitaires, de l'Antiquité au Moyen Âge, quand, sans papier, on devait mémoriser beaucoup. Nos prédécesseurs ont mis au point des méthodes, à
commencer par celle qui consistait à se construire une "maison intérieure", que l'on parcourait par la pensée en déposant des idées dans les pièces, afin de les retirer ensuite. On doit observer que cette mémorisation ne conduit pas à la compréhension, et, donc, à la compétence. Par exemple, si je connais la loi
d'Einstein mais que j'ignore si la définition de la fraction volumique de la phase dispersée, la connaissance de la loi est inutile. Certainement un exercice me fera passer du temps sur la question, et me montrera ce que j'ai besoin de savoir pour mettre en oeuvre la connaissance : cela semble montrer que les exercices sont utiles pour transformer les connaissances en compétences.
Cela étant, suis-je un utilisateur de voiture ou un garagiste ? Dans les deux cas, ma connaissance est différente, et ma compétence doit l'être aussi. Le fait est que nombre d'amis scientifiques de ma connaissance sont des garagistes, et qu'ils ne supporteront pas de connaître la loi d'Einstein, qu'ils voudront être
capables de la retrouver par eux-mêmes, afin d'être certain d'en avoir la connaissance intime qui leur permettra d'en explorer les limites.
Certains réécrivent les cours, ou les publications, prennent des notes. D'autres se contentent de lire lentement. D'autres encore font des exercices. D'autres encore... Là, je n'ai pas vu de méthode unique... de sorte que je suis bien désemparé, pour répondre à l'étudiant qui m'interrogeait.

4. Une proposition
Et si l'on créait une "banque de méthodes", afin de les analyser, et de retenir la ou les plus efficaces ? N'hésitez pas à laisser des commentaires, et à décrire votre propre façon d' « apprendre la science ». Si, en plus, vous pouvez justifier sans mauvaise foi pourquoi cette méthode est bonne, c'est encore mieux !

dimanche 3 novembre 2013

La notion d'innovation


Dans un cours de master que j'ai donné à l'Ecole des Mines, la question de l'innovation m'a été posée, et  comme omnia definitio pericoloso est (toute définition est dangereuse), j'ai répondu en questionnant le mot, en disant que je n'étais pas bien certain de l'acception qu'il fallait lui donner, partagé entre la tentation de désigner ainsi la nouveauté technique et la proposition faite par d'autres de nommer ainsi l'objet qui « réussit ».
Oui, j'ai bien lu quelque part cette définition : une innovation serait une nouveauté qui réussit. Elle ne me va guère, car qu'est ce que « « réussir » ? S'imposer comme un produit marchand ? A ce compte, on reconnaîtrait au football à la télévision des vertus que je ne vois guère ! La notion de réussite me gênee considérablement, car je ne suis pas sûr de partager les critères qui sont proposés.
Oublions donc ce mercantilisme un peu bête, et cherchons mieux. Un collègue intéressant m'a dit un jour : l'innovation, c'est faire bien, faire mieux, faire autrement, faire autre chose. Pourquoi pas... mais pourquoi ?
Comme souvent, je propose de revenir au mot, à son étymologie, son histoire. Que signifie « innovation » ?
S'agirait-il de produire du nouveau ? L''utilisation du formalisme des systèmes dispersés (DSF, voir Hervé This, Formulation and new dishes, Cahiers de Formulation, vol. 16, EDP Science/Société des chimistes français, pp. 5-21. ), comme toute algèbre, conduit à l'introduction d'un nombre infini d'objets nouveaux, de sorte que, manifestement, la production de nouveauté n'a guère d'intérêt non plus. Insistons un peu, en fixant les idées par une image. Si nous produisons mécaniquement un nombre infini d'objets nouveaux, si nous les posons devant nous sur la table, la question n'est plus de produire un objet en plus ou en moins, mais plutôt de sélectionner des objets ainsi produits. Lesquels ? Cette fois, des critères (de choix) s'imposent.
En cuisine, un critère (technique) est le soin, lequel n'a rien à voir avec la nouveauté. Un autre critère est le bon, soit le beau à manger, et là encore, mille artistes différents produiront mille représentations personnelles de la Vierge à l'Enfant. Un troisième critère est le « je t'aime », et là encore, d'autres choix seront sélectionnés (bien que des recouvrements soient possibles).
Bref, la question se retourne donc vers ceux qui me la posent : quels sont vos critères ?
Mes collègues de l'Ecole des Mines, comme moi, hésitent à employer le mot d'innovation, le sachant... miné. Ils parlent de conception. Pourquoi pas, mais où s'arrête la conception ? Les parents qui conçoivent l'enfant : que font-ils ? La conception est étymologiquement la représentation par la pensée. Les parents conçoivent l'enfant en le pensant, et ce n'est qu'une conséquence que la réunion de deux semences dont l'union est fructueuse. Dans cette acception, la conception est  un acte formel, qui doit faire l'objet de nos soins, et non une matérialisation qui s'apparenterait à toute la période de la grossesse, à la transformation  de l'ovule fécondée en enfant. Dans cette acception là, il faudrait se préoccuper des règles formelles qui permettent au programme de s'exécuter, en supposant que l'épigénétique, c'est-à-dire l'influence de l'environnement sur le déroulement particulier du programme, n'a pas d'effet. Ce serait dommage de se priver de cette source de variabilité et... d'innovation !

vendredi 11 octobre 2013

Prochain séminaire

Chers Amis

C'est le 21 que nous pourrons nous retrouver dans le cadre des Séminaires de gastronomie moléculaire (à l'ESCF, 28 bis rue de l'Abbé Grégoire, 75006 Paris, de 16 à 18 heures).
Nous y testerons l'utilisation de feuilles de figuiers pour l'attendrissement putatif de daubes !
Au plaisir de vous y retrouver, si vous pouvez+voulez


Vive la physico-chimie !  (voir http://hervethis.blogspot.fr/2013/02/quest-ce-que-la-chimie-suite.html)

La gastronomie moléculaire : une discipline scientifique qui fait monter l'aliment à la tête


La gastronomie moléculaire :
une discipline scientifique qui fait monter l'aliment à la tête

Hervé This


C'est un fait que notre enseignement scientifique universitaire, ou même du Second Degré, est souvent considéré comme abstrait par les élèves, qui voient parfois mal l'intérêt (quel est l'intérêt de la musique ? de la littérature ?) des « mathématiques », confondant les mathématiques et les calculs qui sont indispensables pour l'exercice des sciences (il y a une différence entre mathématiques et calcul, évidemment : les mathématiques sont une exploration des structures... mathématiques, alors que les calculs font usage des outils forgés par les mathématiciens).
Souvent les élèves ayant un goût pour les « sciences » (ou disant avoir un tel goût : beaucoup ignorent ce dont il s'agit, et d'autres confondant science - « inutile »- et technologie) se réfugient dans la chimie ou la biologie, où ils croient que l'expérimentation suffira, que, contrairement à ce qu'ils nomment la « physique », ils n'auront pas à calculer. La situation est paradoxale du début à la fin. Comment en est-on arrivé à faire détester le calcul, alors que le formalisme (des mathématiques, de la chimie...) a été précisément introduit "pour soulager les opérations de l'esprit" ? Et pour ceux qui se dirigent vers les sciences, comment se fait-il que de nombreux étudiants veuillent éviter le calcul, ne comprenant pas que la méthode scientifique (hélas souvent mal nommée "méthode expérimentale"), impose le calcul comme pierre de touche des "théories" ?

Un exemple pour rendre les choses concrètes. Imaginons que l'on cherche à connaître les mécanismes de la confection d'un simple bouillon de carottes. Passons sur l'intérêt d'une telle étude (qui est considérable, mais ce serait trop long de développer ce point), et commençons simplement par dire que, si nous parvenons à doser les saccharides (glucose, fructose, saccharose) présents dans le tissu végétal, nous devrons rapporter la masse de chaque composé à la masse de matière fraîche.
Il faut donc commencer par peser... et apprendre à le faire. Pour peu que la balance soit précise (par exemple à 10-5 g), on devra peser trois fois, calculer une moyenne et un écart-type. Tiens, pourquoi ce n-1 au dénominateur de la formule de l'écart-type, parfois, alors que la formule "normale", celle qui est la moyenne des carrés des écarts par rapport à la valeur moyenne, s'écrit, elle, normalement, avec un n au dénominateur (une moyenne sur n individus : on divise par n) ? Et pourquoi trois pesées ?
Passons à la matière sèche, qu'il faudra ensuite déterminer. C'est là que la question devient passionnante, car les meilleurs des étudiants mettent à l'étuve, et attendent que la masse se stabilise... oubliant qu'il existe des phénomènes très lents, avec des incréments minuscules, mais des sommes considérables (la somme des 1/k tend vers l'infini). Moralité : pour faire une expérience aussi simple qu'une détermination de matière sèche, il vaut mieux avoir des idées claires sur la convergence des séries, par exemple. Dans un article publié il y a quelques années, j'entre dans les détails relatifs à l'usage du calcul pour une opération aussi simple que la détermination d'une masse de matière sèche, mais, ici, je voudrais simplement faire observer que la discipline scientifique nommée gastronomie moléculaire a l'intérêt de faire apparaître très rapidement des situations où le calcul s'impose. Calculs de pH, calculs différentiels, intégrations...
Autrement dit, les étudiants sont attirés par la « cuisine », une activité dont ils n'ont d'ailleurs pas toujours bien évalué la nature (soit technique, soit artistique, soit de type social), et la « science », une activité qu'ils ne connaissent pas bien, notamment parce qu'ils ont été trompés par l'enseignement secondaire, et ils se retrouvent en position de vouloir explorer le champ « science et cuisine », ou gastronomie moléculaire. Là, ils sont dans l'obligation de calculer... mais ils voient l'intérêt de leurs calculs.
L'aliment, du ventre, passe à la tête.

mardi 1 octobre 2013

Cuisine et musique

Je compare souvent la cuisine note à note à la musique électroacoustique, et, dans un catalogue d'une exposition sur cette musique, je trouve ce paragraphe :


One of the earliest documented musical instruments
based upon electronic principles was the Clavecin Électrique
designed by the jesuit priest Jean-Baptiste Delaborde in
France, 1759. The device used a keyboard control based upon
simple electrostatic principles.

dimanche 29 septembre 2013

La bien difficile question de l'enseignement

Dès le matin, aujourd'hui, un message très intéressant reçu par email, en réponse à un billet de blog où je discutais la confection des pâtes à choux, alors que l'on me posait des questions techniques. J'avais terminé mon billet en posant moi-même des questions, afin d'inviter mes interlocuteurs à faire des expériences (remplacer le jaune d'oeuf, qui contient des protéines coagulantes, par du poisson ou de la viande broyés). Evidemment, j'ai fait l'expérience, mais il me semblait que ce serait une bonne chose que d'inviter mes amis internautes à reproduire l'expérience. Bref, voici le message reçu :

 "Mais moi aussi j'ai une question à vous poser: pourquoi vous répondez toujours avec d'autres questions? Il y a des personnes dont le métier est de chercher, étudier, et d'autres qui n'ont tout simplement pas le temps, ou la capacité, pour effectuer de telles études. 
 A force de toujours laisser les questions en suspense, vous finissez par vous aliéner l'intérêt que certaines personnes "simples" pourraient porter à vos travaux et à votre message. Si de temps en temps vous leur dévoiliez vos solutions, plutôt que de leur dire « cherchez tous seuls », non seulement vous leur feriez gagner un temps précieux, mais vous leur donnerez aussi, peut-être, envie d'en savoir plus, d'aller plus loin, de chercher autrement.. 
Il y a presque 20 ans, j'ai commencé à m'intéresser aux pourquoi de la cuisine grâce à quelqu'un qui m'a montré une solution à un problème. S'il m'avait dit 'cherche tout seul', moi qui travaillais 16 heures par jour 6 jours sur 7 j'aurais envoyé la question balader et serais probablement resté toujours dans l'ignorance. 
 Il y a une différence entre dire « cherche toi-même » à un enfant, et le dire à un adulte qui vous approche humblement. 
Ne vous dites pas « j'ai raison de le faire », respirez un grand coup, ouvrez votre esprit à la possibilité d'avoir tout faux et réfléchissez-y, éventuellement avec des gens qui vous connaissent et en qui vous avez confiance, s'il vous plaît. J'espère que vous ne prendrez pas ces lignes comme une attaque : je vous considère un grand homme, qui a juste une certaine tendance à être agaçant, parfois.. Et je pense qu'il vaut la peine d'expliquer ses raisons à quelqu'un qu'on apprécie, quand on pense qu'il a tort.

Ce message est évidemment essentiel, et, après mûre réflexion, j'ai répondu ceci :
Bonjour et merci de votre message. En réalité, je crois trop au bonheur que donne une expérience simple pour le "voler" aux autres. Les expériences que j'ai proposées à propos de pâte à choux sont élémentaires, d'une part, et c'est un amusement, d'autre part.

Au laboratoire, de même, je mets les étudiants sur la piste de la découverte, afin de leur offrir le plaisir d'avoir découvert eux-mêmes, au lieu de me placer au dessus d'eux comme une chape de plomb qui leur dit tout.
Plus exactement, je m'efforce à  donner à chaque étudiant la quantité d'autonomie dont je crois qu'ila  besoin, chacun de façon particulière. J'essaye d'enseigner à nager sans laisser se noyer les étudiants se noyer, et c'est bien difficile. 
Surtout, j'ai cette idée que les "maitres" sont quelque chose de terrible, que je déteste, et je propose que chacun apprenne à apprendre.  Tous les enseignements que je construits sont ainsi faits, et je ne me résous jamais à considérer des êtres humains comme des machines dont on commanderait le fonctionnement.

Votre argument des 16 heures par jour 6 jours sur 7 ne me convainc qu'à moitié, moi qui travaille 105 heures par semaine... sans avoir aucunement le sentiment d'être un "grand homme"... mais seulement un travailleur.

Pour la question des questions, je crois que les poser bien, c'est le résoudre. Et je dis parfois même que je suis payé pour poser des questions !
Mais c'est peut-être une erreur et votre message est un vrai cadeau, qui me force  à réfléchir.  Sincères mercis.

mercredi 25 septembre 2013

A quoi servent les académies ?

Dans un précédent billet, j'ai discuté la question des académies, et, notamment, l'utilité -que je crois considérable, et je m'en suis expliqué - de l'Académie d'agriculture de France. Cette académie a de nombreuses fonctions, comme toute organisation qui mérite de subsister, mais l'une d'elles ne semble essentielle : publier les comptes rendus de ses séances publiques, et aussi des articles qui relèvent de son objet, de ses travaux. Chaque mercredi, l'Académie d'agriculture de France organise effectivement une séance publique, gratuite, sur un thème relevant des travaux de l'une de ses dix sections (la section 8 s'intéresse à l'alimentation humaine). Lors de ces séances, après une introduction du président, un académicien ouvre la séance en présentant l'importance et l'intérêt du thème considéré, en posant des questions qui sont essentielles à notre collectivité, également. Puis, le plus souvent, trois conférenciers disposent chacun de 20 minutes, pour discuter un apport, une réflexion, une contribution à la résolution des questions essentielles qui concernent nos collectivités, à la lueur de leur compétence très particulière. Après quoi un autre membre de l'Académie (le plus souvent) tire des conclusions. Il propose des pistes de travail, des réflexions, invite à la création de groupes de travail et de discussions, car il est bien rare que, pour les questions difficiles concernées, un individu isolé puisse résoudre tous les problèmes. Un exemple : le froid actuel est-il durable ? Si l'on prend la question par le petit bout la lorgnette, cela revient à se demander s'il est possible que nous ayons longtemps chacun un réfrigérateur à domicile. Pourquoi ne pas avoir un réfrigérateur à domicile ? Parce que les fluides réfrigérants ne sont pas anodins pour l'environnement, parce que les réfrigérateurs particuliers consomment beaucoup d'énergie, et que, de même que nous n'avons pas chacun une centrale électrique pour produire l'énergie dont nous avons besoin, il n'est peut-être pas nécessaire d'avoir chacun un réfrigérateur. On pourrait penser à l'équivalent du chauffage central, mais pour le froid. Cela n'est qu'un exemple et l'on peut se demander si les considérations environnementales ne vont pas pousser nos sociétés à édicter des lois très strictes sur l'usage du froid. Ce n'est pas pour demain, mais probablement pour après-demain, et il n'a pas une minute à perdre : des experts, des spécialistes, des techniciens, des technologues, des scientifiques doivent s'interroger, doivent travailler pour un résoudre ce problème. En attendant il est tout à fait essentiel qu'une institution mette la question sur la place publique, fasse partager les préoccupations, afin que le public (dont je suis !) comprenne l'importance de ces travaux et que, et ce même public, qui est le contribuable et qui, donc, finance les recherches, décide (ou non) de soutenir les travaux engagés... afin que nous ne soyons pas démunis demain sur les grandes question relatives par exemple à l'environnement, mais aussi à l'alimentation, l'agriculture, aux forêts... Vive l'Académie d'agriculture de France, n'hésitez pas à lire ses Comptes rendus !

dimanche 22 septembre 2013

Nous pouvons savoir, nous saurons

Et si nous étions des nains sur les épaules de géants ? Le mathématicien David Hilbert était un des géants de l'histoire des mathématiques. Au tournant du siècle, il proposé des questions qui semblaient essentielles, ce qui fit un programme que suivirent nombre d'autres mathématiciens. Avec Henri Poincaré, il fut -dit-on- l'un des derniers mathématiciens à pouvoir comprendre toutes les mathématiques. Sur ta tombe est écrit : « Wir müssen wissen, wir werden wissen ». Nous devons savoir, nous saurons... La phrase est souvent citée... mais convient-elle ? Pourquoi cette obligation de savoir ? Oui, savoir, c'est sans doute bien, quoi que... toujours ? Il faudrait y penser plus que durant une vie humaine. Ne pourrions pas plutôt dire : nous pouvons savoir, nous saurons ? C'est ma proposition. Je ne souhaite pas être enterré avec elle (j'ai mieux à proposer), mais je compte me servir du temps qui me reste pour la diffuser largement. A commencer par aujourd'hui !

jeudi 19 septembre 2013

Mercredi 19 septembre 2013 : La beauté est dans l’oeil de celui qui regarde.

Je viens de passer devant le 16 de la rue Claude Bernard, à Paris. Il y a un grand bâtiment en brique, celui de l'Institut des sciences et technologies du vivant et de l'environnement, AgroParisTech. A priori, rien de particulier ; un bâtiment comme les autres, en brique rouge. Pourtant, à l'intérieur, que de fourmillement intellectuel, que de beautés de l'esprit ! AgroParisTech, c'est l' « Agro », cette école qui, depuis plus d'un siècle, forme les élèves ingénieurs agronomes, et, plus généralement, les spécialistes des sciences et des technologies du vivant et de l'environnement. Le titre ne ment pas : ces élèves sont sélectionnés sur un concours difficile, et ils sont donc parmi les meilleurs. Pendant trois ans, ils suivent ici des cours donnés par des enseignants chercheurs qui, eux-mêmes, doivent être les meilleurs. Tout y passe, de la physique, de la chimie, de la biologie, mais aussi de l'agronomie, de l'économie... On le voit, il y a donc bien plus que des briques rouges, au 16 de la rue Claude Bernard, mais laissez-moi vous dire aussi qu'il y a toute une histoire derrière ces murs. Après la guerre de 1870, alors que les engrais s'introduisaient en agriculture, augmentant les rendements, indispensables pour nourrir les populations, le chimiste Charles Adolphe Würtz, de Strasbourg, s'efforça de créer l'Institut national agronomique, qui était l'ancêtre d'AgroParisTech. Cette école était donc une école de chimie, puisque la chimie était la clé des développements agricoles de l'époque. Pour autant, Würtz n'était pas un esprit obtus, et c'est un ensemble pédagogique cohérent qu'il contribua à bâtir : la chimie avait sa place, mais elle n'était pas isolée. L'institut fut donc créé dans un triangle, au coin de la rue de l'arbalète et de la rue Claude Bernard. Ce triangle, auparavant, était occupé par la faculté de pharmacie, qui avait là ses « simples », les herbes médicinales indispensables à la préparation des remèdes. Tout cela pour quelques briques rouges !

dimanche 8 septembre 2013

L'année passe...

L'année 2013 s'écoule, et je m'aperçois que j'ai insuffisamment célébré l'anniversaire de la naissance de Denis Diderot.
Allons, pour aujourd'hui, une citation que j'aurais dû donner depuis longtemps, tirée des Pensées sur l'interprétation de la nature (1754) :

« Jeune homme, prends et lis. Si tu peux aller jusqu'à la fin de cet ouvrage, tu ne seras pas incapable d'en entendre un meilleur. Comme je me suis moins proposé de t'instruire que de t'exercer, il m'importe peu que tu adoptes mes idées ou que tu les rejettes, pourvu qu'elles emploient toute ton attention. Un plus habile t'apprendra à connaître les forces de la nature ; il me suffira de t'avoir fait essayer les tiennes. »

Tout Diderot est là, avec l'idée de la Raison... plus une touche d'humour qu'il sut faire fleurir dans Jacques le Fataliste, ou dans les Bijoux indiscrets... et, en fait, dans toutes ses oeuvres, car, à le lire, on voit bien cet oeil malicieux qui regarde par dessus les pages, non?

vendredi 6 septembre 2013

A propos d'enseignement des sciences

Dans  les un collèges, dans les lycées, dans les universités et les grandes écoles,  ont enseigne « les sciences », ou, plus exactement, on prétend enseigner les sciences.
Les sciences ? Vraiment ? Considérons la physique : par exemple  les résultats d'électromagnétisme. L'activité scientifique consiste à chercher des mécanismes des phénomènes. De ce fait, un enseignement scientifique, véritablement scientifique, consiste  à enseigner aux étudiants à chercher les mécanismes, et non à gober les résultats obtenus précédemment. Un  enseignement de la science doit donc se focaliser sur les méthodes qui conduisent aux mécanismes, et non seulement aux résultats obtenus dans le passé.
On comprend donc qu'une approche historique, avec sa composante analytique, est essentielle dans un enseignement des sciences.
Supposons maintenant  que pour des raisons variées -contraintes de temps,  par exemple- on  soit conduit à n'enseigner que les résultats. Pourquoi ferait-on cela ? Parce que l'on souhaiterait,  évidemment,  que les étudiants aient la connaissance de ces résultats, sans quoi il serait bien utile de l'enseigner, vu la masse des connaissances qui méritent de l'être utilement.
Si les étudiants  doivent donc  connaître des lois, des mécanismes, c'est pour en faire usage. Non pas un usage scientifique, car là, ces résultats sont un peu inutiles, vu que, ce qui compte, c'est d'obtenir des résultats, non pas les connaître. Il faut donc conclure que, dans ce second cas, l'enseignement vise à donner une connaissance de lois qui seront appliquées, utilisées. Là,  on arrive dans la technologie. On conclut donc que, dans ce second cas, on effectue un enseignement technologique et non scientifique.
Faudrait-il donc parler de « physique pour la technologie », par exemple, ou simplement de technologie ?
Évidemment, le monde réel est plus complexe que le monde idéal, et l'on trouve dans la même classe des élèves qui se destinent à la science quantitative  et d'autres qui se destinent à la technologie, par exemple, ou à la technique, etc. Les enseignements sont donc nécessairement hybrides, mais vu le nombre de futurs scientifiques et le nombre de futurs ingénieurs, technologues, techniciens, il serait sans doute bon de ne pas être trop prétentieux, et de dire clairement que  les enseignement  que nous nommons actuellement scientifiques sont en réalité des enseignements technologiques.
Mais il y a la question politique  ! La, on tient compte de faits externes, à savoir qu'il faut renouveler les populations des scientifiques, ingénieurs, techniciens. Il y a  aussi le fait que  les étudiants aspirent à « faire carrière », à avoir des emplois auquel tous ne pourront accéder,  vu leurs « capacités ». Que l'on me comprenne bien :  je ne dis pas qu'un individu ne puisse, à force de travail, parvenir à des résultats, bien au contraire (labor improbus omnia vincit) ! Je dis seulement  que, dans la vraie vie, il y a des étudiants qui ont un véritable amour de la connaissance, d'autres qui se cultivent en vue d'obtenir une situation qui leur fera gagner beaucoup d'argent, et, donc, qui se moquent des résultats scientifiques ; il y a ceux qui, en raison de leur environnement familial, culturel, social, ont plus de facilités à se concentrer, travailler, étudier, et il y a les autres, qui ont plus de mal (je me souviens d'étudiants d'étudiants qui, devant travailler -pour payer leurs études et pour vivre- pendant la nuit, avaient du mal à ouvrir les yeux dans la journée). Je dis donc que  la vie est bien difficile, et que nos  systèmes d'enseignement, recevant des étudiants en très grand nombre, n'ont pas le temps ni les moyens  de se consacrer autant qu'ils le pourraient à l'élévation de chacun.
Inversement, je n'oublie pas non plus une certaine veulerie dont nous sommes tous plus ou moins affligés, qui consiste à regarder la télévision alors que l'on pourrait se plonger dans un livre de calcul différentiel et intégral ; je sais que, le soir, certains trouvent plus facile de lire un roman minable que d'explorer les mécanismes des réactions chimiques (et je ne suis pas blanc !). D'ailleurs, les raisons de ces comportements sont à analyser. Tout comme l'état d'esprit à propos des « vacances » : quand j'entends « je vais me vider la tête », j'ai toujours tendance à me demander s'il ne voudrait pas d'abord la remplir, et à la remplir de choses belles, de connaissances qui font grandir au lieu d'avilir.
Panem et circenses, du pain et des jeux : l'idée n'est pas nouvelle, et l'on peut sans doute considérer qu'elle perdurera. Pour autant, on peut aussi espérer que beaucoup d'enthousiasme public, manifeste, pour la connaissance permettra à un nombre croissant  d'entre nous de nous améliorer l'esprit, régulièrement.
Nous améliorer l'esprit ? Terminons ce billet en évoquant Michael Faraday, orphelin de père à 11 ans, enfant d'une famille extrêmement pauvre, qui, en plus de son travail, allait une fois par semaine dans un club d' « amélioration de l'esprit ».
Cela est possible, et les exemples de ce type doivent absolument être montrés à tous.
Ne laissons pas la poussière du monde nous ensevelir ! Vive la connaissance produite et partagée !

Euh... les questions du jour ? Evidemment, comme on ne doit pas être insensé au point d'être assuré de ses propres certitudes, je continue à m'interroger : enseignons nous vraiment les "sciences", notamment dans le Second Degré ? Faut-il continuer à nommer les enseignement : physique, chimie, biologie ?

jeudi 5 septembre 2013

La beauté est dans l'oeil de celui qui regarde : la cuisine abstraite.

Dans les courants culinaires que j'essaie de créer, il y en a un,  la cuisine abstraite, qui n'a pas encore trouvé son heure. De quoi s'agit-il ? On le comprend facilement si l'on en revient à la peinture abstraite.
Dans le temps, les peintres étaient figuratifs : ils représentaient les objets, les personnages, les montagnes ; ils peignaient  les arbres, les fleuves, les animaux... Puis, progressivement, ils apprirent plus explicitement que par le passé à projeter dans leurs représentations des idées variées. Et,  dans les années 1910, il y eut  une révolution, à savoir qu'un génie nommé Kandinsky proposa de ne plus représenter, du moins représenter tel qu'on le verrait en ouvrant simplement les yeux, de faire sentir. Des points, des lignes, des plans, du blanc, du jaune, du rouge, du bleu... Formes et couleurs... Il s'agissait utiliser ces éléments pour donner à sentir, à penser, et ce fut le grand développement de la peinture abstraite.
Et en cuisine ?
Qu'est-ce qui  retient les artistes culinaires de faire de même ? Pour l'instant, on en est resté à des idées très archaïques, exprimée par le critique culinaire Curnonsky dans cette phrase célèbre et un peu bête : « les choses sont bonnes quand elles ont le goût de ce qu'elles sont. » C'est exactement l'opposé de la cuisine abstraite, c'est du figuratisme, et c'est une règle, c'est-à-dire l'opposé de l'idée de l'art.  Avec Curnonsky, la cuisine est assignée à rester un siècle derrière la peinture.
Je propose que nous évoluions, que les jeunes cuisiniers se mettent au travail pour explorer cette cuisine abstraite. Ils devront avoir comme mission, comme idée,  de ne pas faire sentir la tomate, la courgette, l'agneau, la langoustine... Partant d'ingrédients classiques ou  modernes, ils devront susciter des sensations en évitant de donner des goûts reconnaissables. A ma connaissance, Pierre Gagnaire est le seul qui ait pratiqué cet art,  avec des recettes d'ailleurs étonnantes de simplicité, ce qui tendrait à prouver que la cuisine abstraite n'est pas difficile.
Là pourtant, je me reprends, car l'utilisation d'ingrédients classiques pour faire de la cuisine abstraite, s'apparente à la marche sur un chemin de crête aussi étroit qu'une lame de rasoir (j'exagère). Considérons par exemple un plat abstrait qui mêlerait  de la rhubarbe et des langoustines ; un peu trop de rhubarbe, et l'on sent la rhubarbe, mais un peu trop de langoustines et l'on sent la langoustine. Je n'ai pas théorisé la cuisine abstraite, mais il me semble que l'ajout d'un troisième ingrédient au moins s'impose, afin de créer une autre dimension, telle celle qui fut employée par le graveur néerlandais Maurits Escher, ou  par les musiciens Shepard et Risset.
Mais je m'arrête, car nous voulions analyser plus en détail la cuisine abstraite, il faudrait bien plus qu'un billet de blog.
Pour ceux qui sont intéressés, je signale un chapitre de mon livre à paraître très prochainement, aux éditions Belin, à propos de « l'exploration de la cuisine ».

lundi 26 août 2013

Ce matin

Ce matin, deux billets de blog :

- sur le blog Scilogs, un billet pour discuter la présence des enseignements de gastronomie moléculaire dans le Mastère "Food Innovation and Product Design"

- sur le blog "Vigilance intellectuelle et scientifique", une discussion de l'utilisation de "dioxyde de soufre liquide" pour combattre le frelon asiatique

dimanche 25 août 2013

Léonard de Vinci et les arbres


Léonard de Vinci était un être extraordinaire, complexe et merveilleux, qui, notamment, avait compris comment dessiner les arbres.

L'idée était de considérer que la sève est un liquide incompressible, dont la quantité est égale avant et après chaque embranchement du tronc. Si l'on calcule la conservation du débit, alors on est conduit à trouver une relation entre le diamètre de la branche avant l'embranchement et les diamètres des branches secondaires. L'utilisation de ce résultat conduit à des dessins plus réalistes que ceux que l'on ferait sans cette observation.

Evidemment il serait idiot de réduire Léonard de Vinci à ce résultat, et je veux surtout dire ici mon admiration pour quelqu'un qui ne s'est pas arrêté à une observation isolée.


jeudi 22 août 2013

Je rumine...

Chers Amis

Je m'essaie au nouveau blog, sur Scilogs. Ce matin, j'ai repris d'anciennes idées sur la loi de 1905, et j'ai amendé. Cela fait un peu "rumination", mais l'expérience ne prouve-t-elle pas qu'il est utile de douter de sa propre pensée ? Michel de Montaigne le disait, notamment, et je crois qu'il a raison 
http://www.scilogs.fr/vivelaconnaissance/jeudi-22-aout-2013-la-beaute-est-dans-loeil-de-celui-qui-regarde-la-loi-de-1905/

mardi 20 août 2013

Un nouveau blog

Chers Amis

J'ai beaucoup hésité, entre ce blog, le blog "gastronomie moléculaire", le blog "Vigilance intellectuelle et scientifique", et je me suis finalement décidé.

La question était de savoir s'il était utile d'en ajouter un ?

Précisons tout d'abord que l'idée n'est pas le foisonnement absurde, mais, plutôt, l'adéquation à des groupes d'amis différents.

Par exemple, le blog "Vigilance intellectuelle et scientifique" est celui que j'aime le moins faire, parce qu'il est négatif : il dénonce des fautes de pensée. Par exemple, ce matin, je lisais un livre idiot, où il était écrit que les "sciences modernes" avaient une "vocation pratique". J'ai d'abord expliqué que tout ce qui est écrit n'est pas nécessairement juste, puis j'ai expliqué que "les sciences modernes" est une expression fautive, parce qu'elle confond la physique, la géographie... et la cuisine (ne parle-t-on pas depuis longtemps de la "science du cuisinier, ou du cordonnier, du maître d'hôtel, etc ?). Enfin j'ai expliqué que les "sciences quantitatives" (la terminologie que j'ai proposé pour signifier les "sciences dures") n'ont pas de "vocation" : ne confondons pas les personnes et les actions de ces dernières.

Bref, ce blog est peut-être utile (j'espère), mais bien négatif. Je préfère de loin mes autres blogs "Gastronomie moléculaire" et "Hervé This".

Dans le premier, je fais état de résultats de gastronomie moléculaire (une science quantitative à ne pas confondre avec la cuisine), je donne des informations, j'évoque des manifestations, des cours, des séminaires...
Dans le premier, je discute positivement diverses idées, je me laisse aller à essayer d'être utile.

Que reste-t-il à faire ?  Partager de l'enthousiasme, puisque "c'est une maladie qui se gagne", comme disait Voltaire dans ses Lettres philosophiques.
Et c'est pourquoi, dans le blog www.scilogs.fr/vivelaconnaissance, je propose de l'enthousiasme, de l'enthousiasme, de l'enthousiasme. D'ailleurs, n'est-ce pas de l'enthousiasme que l'on entend dans le titre de la revue "Pour la Science" ?

Les billets seront "colorés" :
Lundi : Nous sommes ce que nous faisons, voici l'agenda
Mardi : La Connaissance par la lorgnette de la gourmandise
Mercredi : J'ai lu/vu pour vous...
Jeudi : La beauté est dans l'œil de celui qui regarde
Vendredi : Des questions
Samedi : Vive les sciences quantitatives !
Dimanche : Les merveilleuses applications des sciences


Et c'est ainsi que, semaine après semaine, nous verrons la vie belle... comme elle l'est. C'est ainsi que nous chasserons les humeurs chagrines, que nous combattrons, à la manière d'un Rabelais (modestement, toutefois : sutor non supra crepidam), les pisses vinaigres, et les divers cailloux qui viennent se loger dans les chaussures de notre esprit.

Bref, vive la Connaissance produite et partagée !


PS. Dans le blog présent, je mettrai donc ce qui ne relève pas stricto sensu de la gastronomie moléculaire, ce qui n'est pas un combat intellectuel, et ce qui n'est pas la merveilleuse naïveté du nouveau blog. 

lundi 19 août 2013

Lundi 19 août 2013. L'osmose



Le mot « osmose » est facilement prononcé, mais, comme l'expression « choc thermique », il est souvent mal compris et employé à tort et à travers, notamment dans le monde culinaire. 

Il est mal compris, dans certains cas, parce que l'on nous l'explique en nous parlant de « membranes semi-perméables ». Membranes semi-perméables ? Qu'est-ce que ce truc-là ? Drôle d'enseignement que celui qui part d'une notion inconnue pour faire l'explication d'une une autre notion inconnue ! Notre ami René Descartes ne préconisait-il pas justement l'inverse ?
Pour expliquer une notion, il faut de la stratégie, avant de la tactique : il faut choisir un chemin, une méthode d'explication, avant d'élaborer cette dernière. Il y a donc la méthode qui va du connu à l' inconnu, ou celle qu'il va de l'inconnu à l'inconnu ... ou bien d'autres : par exemple, il y a la méthode qui consiste à partir des faits expérimentaux, tangibles, concrets, accessibles à tous : ne suffit-ils pas de regarder, ou d'entendre, ou de sentir ou de goûter ? Bref, il y a mille façons d'expliquer, et, comme l'enseignement est un art, toutes se valent, puisque la question n'est pas technique mais artistique. On pourrait même penser qu'un très bon enseignant réussirait à utiliser la méthode a priori étrange qui consiste à aller de l'inconnu vers l'inconnu... mais, alors, il faudrait un très bon enseignant !
Une méthode simple, efficace, consiste à partir de l'expérience, d'où le titre des « cours INRA/AgroParisTech de gastronomie moléculaire : « de l'expérience aux calculs ».
En l'occurrence, pour présenter l'osmose, une bonne expérience consiste à plonger un oeuf dans du vinaigre. Des phénomènes surviennent alors, à commencer par l'attaque de la coquille par le vinaigre, la dissolution du carbonate de calcium, qui laisse un oeuf dénudé, mais entier, avec sa forme. Ce qui est alors intéressant, c'est que si l'on met alors cet oeuf, en le manipulant délicatement, dans l'eau pure ou dans de l'eaus salée, on voit respectivement l'oeuf grossir ou se ratatiner. Manifestement, il y a donc des échanges entre l'oeuf et son environnement liquide. 
Il n'est pas difficile non plus, à l'aide d'une pointe, de voir que l'oeuf sans sa coquille est très fragile, qu'il peut crever. On s'aperçoit alors qu'il libère un liquide. Autrement dit, on voit que l'oeuf dans un liquide, c'est comme deux liquides séparés par une membrane. Cette membrane laisse sortir ou entrer du liquide, mais lequel ? Si l'on fait ensuite l'expérience (cela peut être une expérience de pensée) de mesurer le pH dans l'oeuf, on s'aperçoit que ce pH n'a pas changé quand bien même l'oeuf est dans un vinaigre de pH égal à deux. Autrement dit, on doit conclure que l'eau de l'intérieur a traversé la membrane, mais pas ce qui fait l'acidité, les ions hydrogène. De même, si l'on met un oeuf dans de l'eau très salée, on le voit se ratatiner, mais on peut alors vérifier que le sel n'entre pas dans l'oeuf. Autrement dit, la membrane n'est pas perméable à tous les composés, et c'est seulement maintenant que l'on introduit la terminologie « semi-perméable ».

Certes, le chemin est un peu plus long que si l'on avait simplement balancé le mot « semi-perméable, sans autre explication, mais la question est-elle d'être rapide ou d'être efficace ? S'agit-il de déverser les connaissances ou de proposer des explications ? 
 
J'entends des collègues me dire que les étudiants doivent travailler, et qu'ils devront chercher par eux-mêmes le sens du mot « semi-perméable ». Je ne crois pas que ce soit une bonne méthode : si le mot n'est pas compris en début de cours, tout le reste du cours est inutile, obscur, à reprendre... à moins que le cours ne consiste à transmettre autre chose que des connaissances.
Pensons stratégie. D'enseignement. Il y a une question beaucoup plus fondamentale : soit on cherche à rendre services, et il faut sans doute expliquer ; soit on considère qu'aucun savoir, qu'aucune compétence ne s'obtiennent par des professeurs, et alors les enseignants devraient sans doute se résoudre à donner aux étudiants une liste de notions, de termes, afin que ceux-ci apprennent à apprendre, fassent le travail par eux mêmes. 
 
Autrement dit, notre discussion stratégique était légèrement erronée, parce que la véritable question stratégique était plus en amont. Nous y reviendrons : faut-il que les enseignants enseignent ? La question tourne autour du mot « enseigner » : par goût personnel, j'ai l'impression que la méthode qui met les étudiants en position d'autonomie est bien meilleure que le gavage des oies, sans quoi nous serons dans le récit et non pas dans l'acquisition des compétences.
Bien sûr, de nombreux étudiants observeront qu'ils ont besoin d'aide, mais... ne devraient-ils pas travailler davantage avant de faire état de leur « assistanabilité » ? Aujourd'hui, tout est en ligne, et il suffit de chercher, mais, j'y reviens, si l'on reporte sur les étudiants la question de l'obtention du savoir, ceux-ci, à leur tour, devront se poser la question des compétences versus les connaissances. N'est-ce pas à ce point là qu'il faut les aider ? N'est-ce pas en matière de méthode d'apprentissage nous devons faire porter l'effort ?