On
me donne le lien
http://www.fabula.org/atelier.php?COMMENT_RENDRE_UN_TEXTE_INCOMPREHENSIBLE,
où l'auteur explique que Lacan et d'autres sont obscurs. C'est une
belle question, mais j'ai deux arguments :
1.
je me souviens de Jean Largeault, qui était une « belle
personne », droite, honnête intellectuellement, cultivée (ô
combien!). Un jour, Jean m'avait offert un de ses livres érudits
parus chez Vrin (je crois que c'était celui où il discutait les
philosophies de la nature), et, évidemment, je me devais
- de le lire
- de lui en faire commentaire
Je
commençai donc la lecture, lentement, attentivement, comme l'auteur
du texte qui figure dans le lien plus haut... et je bloquais à la
page 17. Je reprenais à zéro, et, à nouveau, je bloquais, toujours
au même endroit.
Pendant
quelques semaines, j'évitais Jean, jusqu'à ce que je ne puisse
plus, et qu'il me demande ce que je pensais de son livre. Je lui
avouais mon incompréhension de la page 17, et nous en parlâmes
ouvertement : « Ah, mais c'est parce que vous ne savez pas
que Saint Anselme a écrit, dans l'oeuvre xxx, que yyy ! »
Oui,
j'ignorais ce texte de Saint Anselme, et, muni de ce texte, je pus
poursuivre. Moralité : attention à ne pas projeter nos
insuffisances dans les textes des penseurs.
2.
Imaginons, maintenant (cela m'est arrivé) que je fasse un texte où
j'utilise des notions neuves (supramolécularité, donneur,
accepteur, dynamères, statgels...) : comment penser que mes
lecteurs pourrront me suivre s'ils n'ont pas étudié ces notions ?
Il ne s'agirait pas pour moi d'être incompréhensible ou obscur
volontairement, mais de discuter les questions, avec les mots
appropriés aux concepts nouveaux. Bref, il y a une différence entre
la vulgarisation qui explique, et la science qui avance.
Le
malheur, c'est que nous voudrions avoir tout de suite la notion, sans
faire le chemin qui y mène. Désolé, il y a du travail à faire, et
cette idée égalitaire d'un langage de la rue pour des idées
techniques est très fausse !
Pis,
je crois que je n'ai quasiment jamais réussi à parler un vrai
langage à des collègues, et je me résous, la mort dans l'âme, à
ne faire que des conférences de vulgarisation, parce que je sais que
mon savoir (petit) est très idiosyncratique, et que je ne peux faire
l'hypothèse que mes auditeurs me comprendront. Quel dommage !
(et, inversement, quel bonheur quand je rencontre quelqu'un à qui je
n'ai pas à expliquer les choses).
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