dimanche 8 décembre 2013

Retour sur la question du calcul



Dans des billets précédents, j'ai discuté la question du calcul, mais je propose de reformuler un peu différemment la chose.
Considérons un phénomène du monde, par exemple le changement de couleur de framboises mises au contact d'une casserole étamée. Pourquoi ce phénomène ?
Le poète imaginera des affinités sensibles entre le fruit et le métal, et il produira un discours poétique ; le géographe discutera l'origine du métal, la qualité du sol où poussent les fruits, et il aura un récit descriptif ; l'historien regardera comment la choses a été décrite dans le passé, et verra des liens à travers les siècles, dans un discours rétrospéctif, qui ne dit rien du futur, en réalité  ; le botaniste examinera des questions de répartition des diverses variétés de framboises dans les territoires, et il ne pourra rien dire du phénomène, mais posera des questions utiles au physico-chimiste ...
Pour ce dernier, le « changement de couleur » aura d'abord été exploré quantitativement, ce qui aura produit une foules de données : des spectres d'absorption de la lumière, des tables de composition... et c'est au terme d'un parcours jugé parfois excessivement long (par le public qui paye l'activité scientifique, ignorant ou oubliant que c'est la base de toute innovation industrielle et de tout progrès intellectuel) que l'on pourra proposer que les ions métalliques se lient aux électrons délocalisés des cycles aromatiques des anthocyanes. C'est là un récit, certes, mais pas du même ordre que ceux des autres professions, parce que ce récit aura été encadré par les données quantitatives. Mieux encore, les sciences quantitatives qui ne sont pas des simulacres de telles activités (OK, la tournure est alambiquée : elle signifie que, parfois, des sciences de l'homme et de la société singent les sciences quantitatives) poursuivront le travail en allant chercher des réfutations de ce récit, sachant qu'on ne réduit pas le réel à un récit, que la « vérité » est inaccessible aux sciences quantitatives (mais encore plus aux autres activités!).
Insistons un peu sur le mot « vérité » : certains épistémologues (de pacotille, donc) critiquent les sciences quantitatives en leur prêtant l'idée de chercher la vérité. C'est faire preuve de la dernière des ignorances des sciences quantitatives. Leur procès d'intention est aussi malvenu que leur ignorance, et, si l'on ne voulait pas y perdre son temps, on chercherait à comprendre leurs motifs... mais on aura compris à ma phrase que ce serait vraiment du gâchis. Bref, en science, pas de vérité, certes, mais une adéquation des récits au nombre ! Seules les sciences quantitatives se donnent cette obligation, qui est en réalité terrible ! En un mot, les sciences quantitatives n'ont rien de commun avec les autres savoirs, et l'on ne sort guère convaincu des critiques qui ont été portées à l'encontre de la méthode les sciences quantitatives par quelques roquets, qui avaient sans doutes des idées « politiques » (piètre politique).
Certes, c'est un acte de foi de penser que le monde soit écrit en langage mathématique, mais un acte de foi font très dynamisant.

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