lundi 16 décembre 2013

Questions du jour


1) Dans la cuisine traditionnelle, plusieurs allergies à différents produits ont été jusque-là recensés (allergie au gluten, au blanc d’oeuf, au lactose, etc..). Est-ce que de nouvelles allergies ont été trouvées après l’utilisation de la cuisine moléculaire, avec l’ajout des nouveaux types de produits tels que l'alginate de sodium, les gélifiants (agar-agar, carraghénanes)… ?


Je ne suis pas certain que la question ait un sens (pardonnez moi), car la définition de la cuisine moléculaire, c'est « de la cuisine avec des ustensiles rénovés » (siphons, etc.). De ce fait, pourquoi y aurait-il des allergies ?
Cela étant, oui, les gélifiants et épaississants auraient pu en produire... mais ces produits sont utilisés par l'industrie depuis déjà longtemps (par exemple, les fourrages d'olives d'apéritif, etc.)... et par  les Asiatiques depuis des millénaires, parfois. A ma connaissance, il n'y a pas plus de Chinois allergiques que nous.



2) Avez-vous été inspiré des différents procédés de cuisine des cultures des pays étrangers dans l’élaboration de vos recherches ?   


Pardonnez moi de toujours bien lire les questions que l'on me pose, avant d'avoir quelques chances de répondre correctement. Vous me parlez ainsi de "l'élaboration de mes recherches"  : de quoi s'agit-il ? Si vous m'aviez dit "dans vos recherches", j'aurais mieux compris.
Cela étant, je crains que vous ne confondiez mon travail, et mon action politique.

Si vous parlez de mon action politique, tout d'abord, alors je n'ai pas besoin de faire de recherches pour proposer, jour après jour, une modernisation de la cuisine, pour proposer que l'on nomme physico-chimie la science de la chimie, et « sciences quantitatives » ces sciences que sont la physique la biologie, pour proposer que "le summum de l'intelligence est la bonté et la droiture", pour rappeler que l'alimentation est parfaitement artificiellee, contrairement à ce que prétend malhonnêtement une certaine industrie, qui ment pour vendre ses produits, pour rappeler que ce n'est pas la peine de vouloir manger sainement si l'on fume, si l'on boit de l'alcool et si l'on mange des viandes cuites au barbecue, si l'on mange du chocolat, etc.  Assez d'ignorance assortie de mauvaise foi ! Assez de ces marchands de peur, qui veulent (pourquoi  : vous l'êtes vous demandé ?) nous faire croire que notre alimentation est pleine de poisons !!!!! Je n'ai pas assez de guillemets pour dénoncer des malhonnêtés intellectuelles.

En revanche, si vous parlez de mes recherches, cela n'a rien à voir avec la cuisine moléculaire, comme cela est expliqué presque à chaque mot dans mon site. Mes recherches, c'est de la physico chimie la plus fondamentale possible : il s'agit de découvrir les mécanismes du monde, en partant de phénomènes que j'observe initialement dans la cuisine. Mais plus le temps passe, et plus je m'éloigne de la cuisine. Par exemple, vous verrez dans le prochain numéro de l'Actualité chimique un article que j'ai fait, sur des gels. Oui, il y a des gels en cuisine, mais aussi dans toutes les industries de la formulation. Alors la cuisine, dans mes travaux scientifiques...  m'est presque étrangère.
J'ajoute que, au laboratoire, nous ne cuisinons pas  : nous produisons des systèmes expérimentaux que nous analysons par spectroscopie de résonance magnétique nucléaire ou par chromatographie en phase gazeuse avec spectrométrie de masse, par exemple, nous résolvons des équations aux dérivées partielles. Alors vous comprenez bien que la cuisine des pays étrangers... ;-)


3) Selon vous la cuisine moléculaire pourrait-elle être une future mondialisation d’une méthode de travail culinaire ?


Je vous ai déjà répondu que la cuisine moléculaire va mourir, et que seule la cuisine note à note va s'imposer.
Cela dit, la cuisine moléculaire est déjà partout : la plupart des pays ont déjà transformé leur cuisine, introduit basse température (les oeufs à 6X°C, par exemple), les "chocolat chantilly", les sipons.
Cela étant, j'ai encore du mal avec votre phrase "la cuisine moléculaire serait une mondialisation d'une méthode de travail culinaire". Voulez vous dire "la cuisine moléculaire serait une technique culinaire employée dans le monde entier" ? Pardonnez moi, mais il suffit de dire "il pleut", plutôt que "l'eau du ciel descend sous la forme de gouttelettes sous l'action de la gravité", quand on veut être compris. Mehr Licht !


4) La cuisine moléculaire intègre-t-elle le fait de préserver au maximum les valeurs nutritionnelles des aliments ? Et peut-elle répondre aussi bien que la cuisine traditionnelle aux besoins nutritionnels nécessaires au corps humain ?

Voir la définition plus haut.
Cela dit, la cuisine moléculaire est une technique, tout comme le fait de poser les doigts sur les notes d'un piano. Avant de décider quels doigts on pose, il faut savoir quelle musique on veut jouer. De même en cuisine : ce n'est pas la technique qui détermine le résultat, mais l'intention de celui ou celle qui utilise la technique. Si un cuisinier moléculaire veut se préoccuper de la "valeur nutritionnelle", il peut le faire ; s'il ne veut pas s'en préoccuper, il a le droit, ça le regarde.
Cela dit, arrêtons de répéter des mots vides : c'est quoi "la valeur nutritionnelle des aliments" ? Dans notre groupe de recherche, je répète aux étudiants que, au delà de trois syllabes, je ne comprends plus rien, et que je me mets à soupçonner qu'on me mente ou qu'on veuille me vendre un produit ou de l'idéologie ! Les mots compliqués, les expressions alambiquées sont toujours la porte ouverte aux malversations des malhonnêtes, des autoritaires, des paresseux...


5) Comment l’usage de la cuisine moléculaire pourrait-il progresser au sein des foyers français ?

Elle progresse sans cesse : la Redoute vend des siphons, et les gélifiants sont dans des coffrets pour enfant à Noël ! Mais je vais tout faire pour que la cuisine moléculaire meure... afin de faire advenir la cuisine note à note dont nous avons le plus grand besoin : que mangerez vous, quand il y aura 11 milliards d'humains sur la terre ? Moi, je m'en moque, d'un certain point de vue, puisque je serai mort, mais vous ?


6) Vos nouvelles méthodes pour cuisiner ont elles contribuées à l’élaboration de nouveaux ustensiles, avez-vous été contacté par des fabricants et peut-on encore aujourd’hui espérer voir du matériel révolutionnaire ?

Oui, il y a une gamme tout entière de produits, mais attendez vous surtout à des kits de cuisine note à note, puisque j'essaie de faire mourir la cuisine moléculaire.
Cela dit, la cuisine moléculaire voulait introduire des nouveaux ustensiles en cuisine : c'est la définition ! Et les ustensiles étaient dans les laboratoires. Ils sont nouveaux pour la cuisine, mais ancien pour les laboratoires !
Et il reste plein de choses à faire !
Oui, j'ai été contacté par de nombreux fabricants, et des fours sont déjà issus de nos propositions.


7) La cuisine moléculaire permet par exemple d’éviter les réactions de Maillard néfastes à la santé. Connaissez-vous d’autres effets de la cuisine traditionnelle mauvais pour la santé de l’Homme qui pourraient être évités grâce à la cuisine moléculaire ?

Les réactions de Maillard sont peut être néfastes... mais les causes essentielles de cancer sont le tabac et l'alcool : je me préocccuperai des réactions de Maillard le jour où le public cessera de fumer et de boire !
Et puis, le chocolat : 50 % de gras et 50 % de sucre ! On ne me fera pas croire que c'est bon pour la santé.
Plus généralement, les questions de santé m'énervent considérablement, parce que nous faisons le contraire de ce qui serait bon pour notre santé.  Alors pourquoi être hypocrite ? Et pourquoi voudriez vous que je perde mon temps à m'intéresser à la "santé" si le public fait le contraire de ce qu'il sait qu'il devrait faire ?
En revanche, plus positivement, je milite quotidiennement, dans mes sites et blogs, pour faire comprendre ce que nous mangeons. Après, chacun décidera en son âme et conscience.


8) J’ai remarqué en faisant quelques essais de recettes en cuisine moléculaire, qu’il fallait suivre la technique à la lettre, et être très strict et vigilant dans les quantités et les temps de cuisson donc avoir de la rigueur dans sa façon de travailler pour arriver à un travail satisfaisant (comme toute sciences d’ailleurs !). Vous parlez à juste titre de robustesse d’une recette. Alors que dans la cuisine traditionnelle, ce manque de rigueur ne fait moins barrière à un résultat satisfaisant, La cuisine traditionnelle semblerait donc laisser plus de liberté d’expression au niveau artistique à un cuisinier pour élaborer des recettes (je ne parle pas ici de la recherche de nouvelles recettes où là au contraire, une plus large palette de possibilités s’ouvre au cuisinier en cuisine moléculaire). Quel est votre avis sur le sujet ?

En pâtisserie, il faut être précis, aussi. Et  en cuisine aussi : si vous faites sauter une coquille Saint Jacques, vous avez intérêt à bien surveiller  ! Idem pour un steak, qui risque de se transformer en semelle. Voir à ce sujet un des séminaires de gastronomie moléculaire, où nous avions comparé cuisine et pâtisserie (dans les milieux traditionnels, on dit que les cuisiniers sont moins précis que les pâtissiers), et où nous avions conclu expérimentalement que les on dit étaient faux.
Bref on ne peut pas généraliser : pour l’utilisation d'un siphon, par exemple, c'est très facile et il n'y a aucune précision nécessaire. Pour de l'azote liquide aussi. Pour une sonde à ultrason pour faire une émulsion aussi.
SVP, ne généralisez pas le petit cas des gélifiants à l'ensemble de la cuisine moléculaire.





9)  Avez-vous entendu parler de la cuisine moléculaire au naturel ? Si oui, pensez-vous qu’elle puisse être la continuité de la cuisine moléculaire ?

Pardon, mais « cuisine naturelle », ou cuisine au naturel, c'est une impossibilité : est naturel ce qui ne fait pas l'objet d'une transformation par l'être humain. Or la cuisine EST une transformation par l'être humain. La cuisine est donc ARTIFICIELLE. Ne vous laissez pas embobiner par une certaine industrie, qui fait du green washing.
Il n'y aura jamais de naturel dans l'alimentation humaine !
Et, je le répète, la cuisine moléculaire va mourir, et c'est la cuisine note à note qui s'imposera... et commence déjà à se développer de façon explosive dans le monde. D'ailleurs, la cuisine note à note n'est pas moins naturelle que la cuisine classique (ici, j'avais écrit "traditionnel"... mais c'était une bêtise : dans la mesure où vos traditions auvergnates ne sont pas les miennes, alsaciennes, la cuisine traditionnelle n'existe pas). Pensez par exemple au sucre de table, le saccharose, composé pur extrait des betteraves. Ou à l'huile (mélange de triglycérides) obtenu par pressage de graines... Ou au sel, produit par évaporation d'eau de mer. Ou à la gélatine obtenue par cuisson du pied de veau. Ou au vin, obtenu par fermentation de jus de raisin pressé.
Que l'on presse, que l'on filtre, que l'on évapore... ou que l'on distille, que l'on sépare sur membranes d'osmose.. Tout cela est bien pareil, non ?

2 commentaires:

  1. "Avez-vous été inspiré des différents procédés de cuisine des cultures des pays étrangers"
    Votre principale argument pour la cuisine note à note, est de faire éviter de transporter les tomates dans des camions... La semaine dernière j'ai découvert les litchis séchés. Mais la cuisine asiatique, en matière de produits déshydratés, ils ont l'air d'avoir de l'avance non ?
    Bon donc cet argument de déshydratation est insuffisant, surtout que dans l'industrie on trouve beaucoup de 'concentré' divers, et pas seulement le bien connu concentré de tomate. Jus d'orange à base de concentré etc. D'ailleurs dans l'industrie agro alimentaire le siphon (produit le plus connu de l'approche moléculaire selon vos dire puisque vendu par La redoute) aussi était bien connu pour faire les mousse sous pression dans l'industrie agro alimentaire.
    Alors, quel est le second argument pour laisser croire que la cuisine note à note est une solution d'avenir (avec un argument macro économique ou autre) ? Autrement dit, quel est, mis à part la "fraction" déshydraté discuté plus haut, l'ingrédient/procédé/idée utilisée dans l'industrie agroalimentaire qui correspond à une approche 'note à note' et qui ne soit pas dors et déjà dans les mains du grand public ?

    RépondreSupprimer
  2. Non, mon principal argument n'est pas d'éviter le transport de l'eau. Cet argument est un parmi des dizaines, que j'expose dans un livre (un billet, c'est vraiment trop court). Et le séchage est un procédé médiocre, d'autre part, quand il existe des procédés de fractionnement membranaire, sans parler des techniques modernes de craquage.
    Il ne s'agit pas de "laisser croire" : dans cette affaire, rappelez-vous que je n'ai rien à gagner, ni popularité, ni argent. Il s'agit simplement de préparer le futur, et de réfléchir à ce que nous mangeons, à chercher un peu plus de rationalité dans nos actes.
    Quelle la part que nous n'ayons pas ? Encore une fois, j'en ai fait un livre entier, mais, par exemple (un parmi des millions) : avez vous du méthional en solution dans l'huile ? et de l'octénol en préparation diluée ? et avez vous déjà goûté des conglomèles ? des fibrés ? Bref, je vous invite à découvrir recettes et, surtout, les questions posées par la cuisine note à note autrement que dans un petit billet... qui était une réponse à des questions particulières.
    Ah, un argument d'autorité (pardon) : certains collègues, des académies, semblent avoir compris l'enjeu, puisque m'est demandé de constituer un programme de recherche, du champ à l'assiette, sur le "projet note à note".
    J'insiste : cela n'est pas mon travail scientifique, mais du temps pris sur mes activités scientifiques pour contribuer au collectif. Joyeux Noel

    RépondreSupprimer

Un commentaire? N'hésitez pas!
Et si vous souhaitez une réponse, n'oubliez pas d'indiquer votre adresse de courriel !