mardi 26 septembre 2023

Les fibrés

De quoi s'agit-il ? Ce "fibré" est une matérialisation artificielle de la formule des viandes, avec des fibres jointives contenant un gel (le cytosol, pour les cellules vivantes). On peut matérialiser la même formule D1(W)/D3(S) de bien des façons. Par exemple, vous pourriez faire un fagot de haricots verts alignés, chacun fourré d'une purée de foie gras. Ou bien découper des tubes dans un morceau de gruyère et y fourrer de l'oeuf battu, avant de cuire



 

lundi 25 septembre 2023

Plus sur la vulgarisation scientifique

Aucun de mes billets n'a suscité autant de discussions que celui qui concernait la vulgarisation scientifique, une indication qu'il y avait là une préoccupation commune. Il faut donc y revenir. 

Ayant largement propagé l'idée selon laquelle la cuisine est d'abord du lien social, puis de l'art, puis de la technique, et ayant généralisé cet idée à l' enseignement, notamment l'enseignement des sciences, je ne peux évidemment pas proposer une méthode unique pour la vulgarisation, puisqu'il s'agit de littérature, d'art, donc. 

Or l'art, par définition, échappe aux règles. Tout est d'exécution, et il n'y a pas un une méthode meilleure de vulgarisation. Autrement dit, toute analyse qui conclurait avec des recommandations serait fautive par principe. 

Il faut donc le répéter, le répéter encore : l'art de la vulgarisation est un art, en cela qu'il doit vraiment produire de l'émotion. Ou, plus exactement, on peut sans doute faire de la vulgarisation artisanale, pour laquelle des canons techniques devront être respectés, et de la vulgarisation artistique, pour laquelle la technique est importante bien sûr, mais pas primordiale. 

Je m'explique : si Rembrandt n'avait pas évité les coulures de la peinture sur ses toile, il n'aurait jamais fait oeuvre d'art, de sorte que l'artiste devait être un bon technicien. En revanche, éviter les coulures n'était pas son principal objectif, mais seulement une technique à l'appui d'une idée. Idem pour Proust, Mozart, Rabelais... 

Tout cela étant dit, je me laisse maintenant aller à une analyse : je propose de bien repérer les moments de la science quantitative, en vue de chercher des méthodes de vulgarisation (de la technique, donc). 

Je crois avoir bien identifié que les temps essentiels de la recherche scientifique sont :
l'observation du phénomène,
sa caractérisation quantitative,
la réunion des données en équations synthétiques,
la recherche de mécanismes, par induction, à partir de ces équations, qui cadrent les divagations,
la recherche de déductions à partir de la théorie en vue d'identifier un aspect que l'on pourrait tester,
et le test expérimental de cette conclusion ;
puis, on repart à l'infini, en focalisant de plus en plus. 

Si l'on admet la description précédente, donc -et je n'ai entendu de contradicteurs-, alors on voit le grain que la vulgarisation doit moudre tient dans les temps identifiés : observation des phénomènes, caractérisations quantitatives, réunion des données en lois, etc. 

De ce fait, on est conduit à penser que, s'il y a vulgarisation, il y a présentation d'un travail scientifique, de sorte que chaque aspect peut être montré... ce qui conduit à identifier des vulgarisations concernant les divers temps de la science quantitative. Evidemment on peut mêler des explications de plusieurs d'entre eux ! 

Faut-il que le discours vulgarisateur soit divisé en autant de parties qu'il ya de temps dans la science ? La réponse a été donnée plus haut : s'il y a art, chacun fait comme il veut... mais l'ouvrier sera finalement jugé à son ouvrage. 

En tout cas, je ne fais pas preuve d'originalité en maintenant que ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, de sorte que je ne crois pas inutile d'avoir tenu le raisonnement précédent. Certes, un grand artiste, un grand orfèvre n'a pas besoin de conseils élémentaires, mais je connais bien peu de telles personnes, de sorte que je ne saurais trop, au moins pour moi-même, utiliser le précédent raisonnement. 

 

Post scriptum : quand aux analyses a posteriori, par les nombreux exégètes de la science, qui passent leur vie à analyser les productions des autres au lieu de produire eux-mêmes, je me souviens avec hilarité de ce très long article où l'une de ces personnes avait analysé... un de mes articles de vulgarisation. C'était dans une vie antérieure, mais je me souviens très bien comment j'avais fait l'article, levé un matin du pied droit plutôt que du pied gauche, et comment rien de ce qui était décrit ne correspondait à la réalité ! De là à généraliser au autres œuvres : littéraires, musicales...

dimanche 24 septembre 2023

Réactions de glycation : pour certains brunissements

Je suis un peu fautif, car, il y a quelques décennies, j'avais voulu dire au monde combien Louis Camille Maillard était remarquable. 

Louis Camille Maillard était un chimiste de Nancy, comme l'était mon grand-père maternel, et, ayant appris que Maillard avait découvert ce que l'on nomme fautivement aujourd'hui les réactions de Maillard, j'avais été étonné de voir que l'homme était quasi inconnu, dans sa ville comme dans son pays. 

J'ai donc écrit des lignes vibrantes d'indignation, pour dire combien Maillard était, tel un Parmentier ou un Appert, un bienfaiteur de l'humanité. 

Mon militantisme a fait le reste, et le monde de la cuisine ne parle plus que des réactions fautivement de Maillard, au point que certains cuisiniers voudraient presque m'enseigner ce que sont les réactions fautivement dites de Maillard et que l'on devrait nommer réactions de glycation ou réactions amino-carbonyle. 

 

Et c'est la que cela coince, parce que les cuisiniers disent, hélas très souvent, que les réactions de Maillard ne se font qu'à haute température. 

Je viens d'apprendre que cela est même enseigné dans un cursus un peu étrange de Harvard, un bizarre mélange de science et de cuisine dont on ne sait pas très bien s'il s'agit de sciences ou s'il s'agit de cuisine, et dont on ne sait pas très bien non plus si les enseignants de science sont des cuisiniers et les enseignants cuisine sont des scientifiques. 

Bref, il est dit que les réactions de Maillard (traduisons : de glycation) ne se feraient qu'à haute température, et cela est faux, archifaux ! 

Les réactions de glycation se font à température ambiante, comme à haute température. 

 

Bien sûr, pas à la même vitesse dans tous les cas : les réactions de glycation se font plus lentement à basse température qu'à haute température.
En chimie physique, une règle approximative dit que la vitesse d'une réaction double quand on augmente la température de 10 °C. 

Faisons donc un calcul d'ordres de grandeur. Supposons que les réactions de glycation se fassent en 10 minutes à 180 °C. Elles se feraient donc en 20 minutes à 170 °C, en 40 minutes à 160 °C, et ainsi de suite. 

Je vous laisse calculer combien de temps il faudra pour que ces réactions se fassent à la température du corps humain (environ 40 °C)... et vous comprendrez pourquoi les personnes souffrant de diabète ont le cristallin qui s'opacifie. 

Oui, vous avez bien deviné : il s'agit des réactions de glycation, dues à la forte concentration en glucose, en présence de protéines. Il y faut une vie, environ, mais les réactions de glycation sont en causes, comme pour le durcissement des viandes, chez les animaux âgés. 

A ce stade de l'explication, mes interlocuteurs me demandent souvent si les viandes bruniraient à 40 °C. La réponse est non, car les réactions de glycation ne sont que des condensations entre sucres et acides aminés. C'est ensuite, qu'il peut avoir d'autres réactions, réarrangements, dégradations de Strecker, pyrolyses... qui font le brunissement. 

Il y a deux questions séparées, et l'on aurait bien raison de séparer. Oui Maillard fit un travail remarquable, et ce chimiste de Nancy ne méritant pas d’avoir été oublie. Pour autant, il n'est pas nécessaire de prétendre qu'il soit partout en cuisine ! Je suis bien confus, donc, et vous invite plutôt à retenir ce mot : « pyrolyse ».

Remplacer la viande par les protéines végétales ?

 
Remplacer la viande par les protéines végétales ? La chose paraît simple, puisqu'il s'agirait d'extraire des protéines de végétaux, et de les ajouter à des plats classiques ou de les utiliser en remplacement des viandes : on mêlerait les protéines végétales à de l'eau, et l'on cuirait comme l'on cuit une omelette. 

Toutefois il y a des roues dans les roues, comme disait le prophète Ezéchiel, et il faut savoir qu'une bonne partie de la France est en sub-carence en fer.
Or le fer des végétaux est mal assimilé, contrairement au fer des viandes. Lors d'un remplacement, il y a fort à parier que la sub-carence deviendrait une carence, s'accompagnant de nombreux troubles sanitaires, à l'échelle de la population. 

Pour remplacer la viande par les protéines végétales, il faudra donc tenir compte de cette question de l'assimilation du fer, et rien ne vaudra une bonne analyse de la différence entre le fer des végétaux, et le fer des animaux. 

Une telle analyse est déjà bien entamée, et il apparaît que le fer des viandes est bien assimilé, parce qu'il est présent au sein d'un groupe chimique nommé « hème », mot que l'on retrouve dans « hémoglobine ». 

Une solution consisterait donc, par exemple, à ajouter du fer dans un tel groupe, mais il y a d'autres solutions peut être plus simples, telle l'administration de fer en présence de vitamine C, puis qu'il a été montré que l'assimilation se fait alors bien mieux. Et il y a aussi toutes les solutions que mes jeunes collègues trouveront : un merveilleux chantier...

samedi 23 septembre 2023

L'oeuf à la coque pour les débutants



Dans la série des préparations que l'on peut vouloir apprendre pour commencer à cuisiner, il y a l'oeuf à la coque.

On commencera par sourir un peu en observant qu'il y a des guerres à leur propos, avec notamment les gros bout-istes et les petits bout-istes, respectivement ceux qui mangent leur œuf à la coque en mettant le gros bout dans la partie supérieure du coquetier, ou d'autres en mettant le petit bout.

Mais au-delà de cette bout... ade, il y a aussi la question de la cuisson, et si certains aiment les oeufs à la coque cuits pendant 3 minutes exactement, d'autres préférent des œufs moins cuits, ou plus cuits, et il faut d'abord observer que leur goût  est parfaitement légitime, respectable.

Ne supportons jamais en matière culinaire que d'autres nous imposent leur goût : 3 minutes de cuisson pour l'oeuf à la coque, ou bien 10 minutes pour l'œuf dur, ou bien encore les pâtes al dente, et cetera. C'est notre goût qui doit décider, et lui-même et d'ailleurs ce goût peut changer selon les jours, selon le temps, etc.

En conservant à l'idée qu'il y a quand même des faits, que le canon absolu de l'oeuf mollet est une cuisson de 5 minutes 15, sans quoi ce n'est plus un œuf mollet mais un autre œuf qui ne mérite pas le nom d'œuf mollet. De même, les oeufs parfaits sont ceux qui sont cuits exactement à 65 degrés. Je ne dis pas que des œufs cuit à 64 degrés ou à 66 degrés ne soit pas bons (et d'ailleurs je préfère sans doute les oeufs à 66,6 °C), mais je dis surtout que la définition de l'oeuf parfait est 65 °C. On a le droit de cuire des œufs à une autre température, mais ils ne sont pas des oeufs parfaits.

Revenons à notre œuf à la coque : on comprend que si on part avec l'œuf dans l'eau froide et que l'on chauffe, alors on contrôlera moins bien la température que si l'on a préchauffé l'eau d'abord, qu'elle bout et que c'est seulement à ce moment-là que l'on y met les œufs. Car dans l'eau qui bout, la température sera exactement de 100 degrés et si l'on cuit pendant 3 minutes, ce sera exactement 3 minutes de cuisson à 100 degrés, alors que si on met l'eau froide, on aura commencé la cuisson avant d'atteindre l'ébullition et, comme les systèmes de chauffage ont des puissances très différentes, il sera très difficile d'arriver à déterminer le point exact de cuisson que l'on souhaite.

Supposons que l'on soit comme moi et que l'on aime les oeufs cuits pendant 3 minutes de cuisson à l'eau bouillante, alors la recette consiste à prendre une casserole, à y mettre de l'eau suffisamment pour que les oeufs soient couverts, puis, à chauffer avec un couvercle pour économiser de l'énergie et quand l'eau bout, on y plonge l'oeuf et donc exactement 3 minutes.
On prépare un coquetier afin que tout soit prêt pour la consommation ;  on a juste le temps de tailler les mouillettes et de les beurrer, et quand les 3 minutes sont écoulées, on mange l'oeuf, sans attendre.

Comment éviter l'huile dans les frites ?

 Les frites sont un mets merveilleux, bien sûr, mais elles sont déconseillées quand on fait un régime, parce qu'il est souvent bien difficile d'éviter l'huile qui les accompagne. 

Or dans un régime, la matière grasse est vraiment à éviter : c'est le composé le plus énergétique de notre alimentation, et, pis encore, plus on en mange, mieux on la stocke dans nos tissus adipeux. 

 

Combien y a-t-il d'huile dans les frites ? 

 

Essayons de le savoir par une expérience. 

Taillons un bâtonnet de pomme de terre et plaçons-le dans de l'huile très chaude, par exemple à la température de 180 degrés Celsius. Immédiatement, nous voyons des bulles sortir du bâtonnet, avec un bruit de crépitement qui correspond à l'éclatement des bulles. 

Si nous plaçons un verre froid dans la fumée blanche qui s'élève au-dessus de l'huile, nous voyons la fumée se condenser, former une buée sur le verre, un liquide, et nous pouvons, en goûtant, nous assurer que c'est bien de l'eau. Autrement dit, la chaleur évapore l'eau des pommes de terre, et parce que un gramme d'eau fait environ un litre de vapeur, le volume considérable de la vapeur formée éjecte les bulles en dehors du bâtonnet de pomme de terre, ce qui repousse l'huile. 

Autrement dit, pendant la cuisson, l'huile n'entre pas dans les frites. On peut corroborer cette observation avec l'enregistrement de la pression dans une frite : on voit la pression augmenter lentement, et, quand on sort la frite du bain, la pression cesse d'augmenter, avant de diminuer, après une minute environ. 

Diminuer ? Cela signifie donc que la vapeur se recondense, de sorte que la frite absorbe alors certainement l'huile qui adhère à la pomme de terre, en surface. 

D'où l'expérience qui consiste à prendre un des bâtonnets de pomme de terre, à les mettre dans l'huile chaude, puis à cuire comme on cuirait des frites.
Quand elles sont cuites, on les sort de l'huile et on les divise en deux lots.
L'un des lots est laissé en l'état, tandis que l'on éponge soigneusement les frites de l'autre lot, afin d'éliminer l'huile en surface.
A la suite de quoi on pèse... et l'on s'aperçoit que la quantité d'huile en plus ou en moins, est de 25 g pour 100 g de pommes de terre ! 

Vous avez bien lu : un quart de la masse des frites est de l'huile ! Décidément, il est judicieux d'éponger les frites au sortir du bain. Et nous savons maintenant que nous avons une minute pour le faire.

vendredi 22 septembre 2023

A propos de sauce matelote

 

La sauce matelote  se fait avec du fumet de poisson, de la crème et du beurre.

Dans cette sauce, on fait cuire le poisson, ou plus exactement on fait cuire les poissons les uns à la suite des autres, puisque la vraie belle matelote se fait avec plusieurs poissons tels que brochet, cendre, perche, truite, anguille.

Ces différents poissons cuisant pendant des temps différents, un vrai cuisinier spécialiste de matelote les fera cuire séparément, les uns à la suite des autres, et il les réunira ensuite à la sauce qui se sera embellie des jus de cuisson.

La question est donc de préparer un bon fumet de poisson avant de le réduire. Et les meilleures sauces matelote sont ainsi limitées à fumet de poisson, de la crème et  du beurre.

Mais certains utilisent un roux, c'est-à-dire de la farine cuite dans un peu de beurre, afin d'épaissir leur sauce.
Ce n'est plus alors une sauce matelote mais une sauce matelote bâtarde,  et il faut bien signaler que, même si cette dernière est faite avec délicatesse, elle ne vaut pas la véritable sauce matelote, où c'est la réduction de la crème et du fumet qui donne la consistance, au lieu que ce soit de l'amidon empesé de la farine.

Je propose que la réglementation impose de bien distinguer la sauce matelote bâtarde de la sauce matelote.

Je rappelle en effet  que, de tout temps, on a nommé sauces bâtardes ces sauces  qui sont liées à la farine :  il peut ainsi y avoir une sauce béarnaise bâtarde, une sauce civet bâtarde, etc.
Ce n'est pas mauvais, mais c'est différent et cette consistance particulière doit être reconnue par utilisation du mot bâtarde. C'est une question de loyauté.