samedi 5 août 2023

Quel est le statut d'une expérience qui rate ?

 Quel est le statut d'une expérience qui rate ?  La question a été rarement posée, alors qu'elle est sur toutes les lèvres, dans les laboratoires : certains se plaignent que les collègues qui publient aillent jusqu'à indiquer des expériences qui "ne marchent pas", incriminant souvent la malhonnêteté des auteurs. 

On trouvera dans l'article Célébrons Diderot (L'Actualité chimique, janvier 2014, pp. 7-10) une discussion de cette question, inspirée du livre Cours de gastronomie moléculaire N°2 : les précisions culinaires (Editions Quae/Belin, 2012). 

Toutefois, ici, cela vaut la peine de raconter une histoire vraie, éclairante... et qui ne résout évidemment pas la question. Cela s'est passé dans les années 1980, lors d'un séminaire que j'avais été invité à faire dans le Laboratoire de physique thermique de l'ESPCI. Je présentais alors la gastronomie moléculaire, en même temps que je faisais des expériences illustratives. Notamment je discutai ce jour-là la question de "comment faire un oeuf dur à la sauce mayonnaise avec un seul oeuf" : l'idée était de prélever une goutte de jaune d'oeuf à la seringue, à cuire le reste de l'oeuf, tandis que l'on faisait une sauce mayonnaise à partir de la goutte de jaune, laquelle contient assez de composés tensioactifs pour faire la sauce. 

Plus exactement, sachant qu'il est toujours bon de ne jamais être en position de faire en public une expérience qui peut rater, je faisais faire les expériences à des auditeurs, me réservant le soin de discuter les opérations... et de rattraper les expériences éventuellement ratées. 

Or c'est un fait que, ce jour-là, mon collègue qui avait accepté de faire l'expérience la rata. Qu'à cela ne tienne : j'analysais publiquement la chose, et, repartant de la sauce ratée, je la fis réussir, en décantant d'abord l'huile qui surnageait dans un autre récipient, avant de l'ajouter à nouveau au culot, en fouettant vigoureusement. 

Je ne dis pas cela pour apparaître tel un Sauveur, mais seulement pour donner les circonstances exactes de l'événement... et faire comprendre pourquoi son souvenir est si proche : dans ces cas-là, on ne se sent pas bien. 

La sauce rattrapée, il fallut discuter ce qui s'était passé : la plupart du temps, c'est que l'on met trop d'huile au début, ce qui contrarie la géométrie de l'émulsion qui se fait bien avec les tensioactifs présents, à savoir que ces derniers, qui courbent l'interface eau/huile vers une émulsion huile dans eau, ne stabilisent que mal une émulsion eau dans huile. 

Bref, l'émoi passé, je proposais une discussion sur le statut des expériences qui ratent : une expérience qui rate n'est rien d'autre qu'une expérience qu'on n'a  pas réussi ! De même, un château de cartes qui s'écroule ne condamne pas le principe des châteaux de carte, mais seulement le doigté insuffisant de l'exécutant.

On peut continuer à gloser à l'infini, mais voici en tout cas un sain début : il y a des recettes qui ratent parce que la latitude expérimentale n'est pas grande. Ce n'est pas une question de méconnaissance théorique, mais simplement d'organisation du monde : parfois, il y a des chemins de crête, et non de larges avenues. Pour les emprunter, il faut éviter d'aller trop sur les côtés.

Qu'est-ce qu'une thèse ?

 
Qu'est-ce qu'une thèse ? C'est une proposition ou théorie que l'on tient pour vraie et que l'on soutient par une argumentation pour la défendre contre d'éventuelles objections. 

Les ministres et leurs administrations auront beau édicter des lois, qui encadrent les moments de recherche nommés thèse (et qui ne sont que des préparations de thèse, ou travaux en vue d'une soutenance de thèse), il n'en restera pas moins que l'on aura raison de se raccrocher à la définition de la thèse, définition que l'on peut expliciter ainsi : soit on a une idée initiale que l'on passe trois ans à étayer, soit on obtient une telle idée après trois ans de travail ; peu importe, ce qui compte, c'est que l'on fasse état d'un travail, sous la forme d'une « thèse que l'on soutient ». 

Tout en découle naturellement : ayant cette idée, il s'agira de montrer en quoi les travaux l'ont étayée, par exemple. Cela se fera par écrit, et par oral. 

Par écrit, tout d'abord : le document de thèse est une façon de démontrer à l'Université que l'impétrant est capable d'accéder à l'enseignement supérieur, qu'il sait écrire un document d'un peu d'ampleur, un livre. 

Par oral : il s'agit cette fois de faire une « leçon », en soutenant oralement la thèse, c'est-à-dire en la présentant clairement, et en sachant répondre aux questions que le jury posera. Là encore, il y a clairement une relation avec l'enseignement supérieur, avec l'université. 

 

Vous soutenez bientôt votre thèse : quelle est cette thèse ?

vendredi 4 août 2023

Des questions de daube.

 
C'est de la daube. » Le mot « daube » est souvent utilisé pour désigner de mauvais produits, alors que la cuisson à l'étouffée peut devenir une extraordinaire opération culinaire, à condition d'être bien comprise. 

 

Comme souvent, c'est le pire qui est éclairant : ici, le pire consiste à mettre de la viande et de l'eau dans un récipient fermé et à chauffer très fort, et peu de temps. Avec cette manière, on obtient une viande bouillie et dure, un liquide bien triste, bref un désastre.

Analysons : on comprend d'abord que le liquide ajouté ne doit certainement pas être de l'eau pure, et, d'ailleurs, dans le passé, il s'agissait plutôt de vin rouge. Evidemment, il y a vin et vin... mais c'est une question de goût, souvent, et ne voulant pas empiéter sur vos choix esthétiques, je vous laisse décider lequel vous utiliserez. Cela dit, le vin n'est pas suffisant, et il vaut mieux lui ajouter nombre d'ingrédients qui corseront l'affaire, tels l'ail, le laurier... 

Le cas du liquide étant considéré, passons à la viande : si c'est une viande un peu dure, à braiser, il faudra la braiser, en quelque sorte. Même si la cuisson à l'étouffée n'est pas exactement un braisage, il y a lieu de reprendre les mêmes idées, à savoir que la cuisson à basse température (entre 60 et 100 degrés) permet l'attendrissement de la viande quand la cuisson est prolongée, parce que, alors, le tissu collagénique qui fait les viandes dures se désagrège, libérant des acides aminés sapides, qui donnent beaucoup de saveurs au plat. 

Autrement dit, il faudra cuire non pas la viande complètement immergée dans le liquide mais juste les pieds dans l'eau, et cuire longuement, à basse température. 

Reste la question du « pot » que l'on utilise pour cette cuisson. Les cuisiniers savent bien que la réduction donne souvent de bons résultats, en termes gustatifs, parce que, alors, les concentrations en composés sapides et odorants, notamment, sont augmentées. Or, dans un récipient parfaitement hermétique, la réduction n'aurait pas lieu. En revanche, dans un pot en terre pas très bien fermé, il y aura juste la bonne réduction, correspondant à une cuisson très longue. Et c'est ainsi que l'on récupérera une sauce courte, avec beaucoup de goût. 

Comment faire si la sauce est trop longue en fin de cuisson ? Pas de drame : versons la sauce dans une autre casserole et terminons la réduction sur feu vif. D'ailleurs, il y aurait lieu de poursuivre les expériences pour savoir si les réductions à feu vif ou à feu lent donnent des résultats différents : malgré des annotations de certains cuisiniers, tel Jules Gouffé, les résultats à ce jour manquent de certitude. 

Un mot pour terminer au cas où vous utiliseriez de l'eau pour votre daube, plutôt que du vin rouge. Des expériences sur l'influence de la qualité de l'eau sur la confection du bouillon de viande ont montré que les résultats étaient gustativement différents. Autrement dit, quand on parle d'eau, et puisque cette eau n'est jamais pure, mais chargée de sels minéraux sapides, il vaut mieux bien la choisir.

jeudi 3 août 2023

A propos de réactions de glycation et d'enseignement !

 
Ce soir, une question : 

 

Formatrice en sciences appliquées je me posais une question, ainsi que mes collègues, sur le brunissement du rotissage ou braisage des viandes. Nous voyons souvent dans les manuels que la réaction de Maillard en est la cause. Mais quel est le sucre réducteur qui est responsable ?
Et si ce n'est pas la réaction de Maillard, a quoi est dû ce brunissement ?

 

Merci de la question, et cela pour plusieurs raisons. 

D'abord -pardonnez-moi d'être hors sujet-, les "sciences appliquées" ne peuvent pas exister : Louis Pasteur est un de ceux qui ont bien expliqué qu'il y a la science, et les applications de la science. Si la science est appliquée, ce n'est plus de la science, mais de la technologie, ou de la technique. Il faut donc absolument militer pour changer cette terminologie fautive : aidez-moi s'il vous plaît, militez avec moi. La science, c'est la science ! 

D'autre part, il y a des brunissements de très nombreuses sortes, comme je crois l'expliquer bien dans mon Traité élémentaire de cuisine. Par exemple, quand vous mettez dans de l'eau un sucre nommé acide galacturonique (un "maillon" des molécules de pectine) et quand vous chauffez cette solution limpide et incolore... vous obtenez un brunissement terrible, en quelques heures, alors qu'il n'y a qu'un sucre. Pas d'acides aminés ! Pas de protéines ! A
utre exemple : quand vous coupez une pomme, elle brunit... mais là encore, il ne s'agit pas de réactions de glycation, ce que vous nommez "réactions de Maillard" mais dont il faut changer le nom. Les réactions de glycation, donc, ont été galvaudées à l'infini, par des gens (y compris des auteurs de manuels : d'ailleurs, où est la preuve de leur compétence, à part leur prétention à enseigner aux autres ?) qui ont souvent été bien ignorants... ... et je suis partiellement responsable, parce qu'il est vrai que, dans les années 1980, j'ai popularisé les réactions de glycation, qui étaient méconnues. Mais, depuis, je rencontre des cuisiniers qui vont même jusqu'à me donner des cours... d'erreurs. 

Par exemple, il n'est pas vrai que les réactions de glycation se font seulement à haute température : la preuve est que l'opacification du cristallin des personnes diabétiques est le résultat de réactions de glycation... qui se font à 37 degrés. Où est la haute température ? 

Je terminerai en disant que, le plus  souvent, à haute température, les réactions  de brunissement sont des "pyrolyses" (il existe une journal scientifique international tout entier consacré à ce sujet). Ce ne sont pas les seules, comme je vous l'ai indiqué avec le brunissement de l'acide galacturonique : il y a des oxydations, des hydrolyses, des "déshydratations", des pyrolyses, des réactions de glycation, des foules de réactions possibles, qui conduisent à des brunissements, notamment d'un rôti. 

Et pour en revenir à l'enseignement, il faut donc se poser la question de savoir ce que l'on veut enseigner : si l'on dit au jeunes que le brunissement des viandes résulte de réactions de glycation, ou de pyrolyses, à quoi cela leur servira-t-il ? La question était au coeur de mon Traité élémentaire de cuisine, écrit spécifiquement pour les professeurs et les élèves, au moment de la réforme du CAP. Je sais que quelques vieux professeurs ou professionnels résistent à la vérité, mais je crois que nos jeunes méritent mieux. Je reste atterré, par exemple, de voir des cuisiniers étoilés confondre les mousses et les émulsions. Voilà un combat bien plus important, je crois, que de nommer les réactions du brunissage des viandes lors d'un rôtissage. On demande à l'inspecteur général d'organiser des états généraux de l'enseignement culinaire ?

Quelle différence entre un outil et un ustensile ?

Le monde technique fait-il usage d'outils ? d'ustensiles ? On parle effectivement d'ustensiles de cuisine, n'est-ce pas ? 

 

Pour des questions terminologiques si fines, rien ne vaut l'étymologie, et notamment celle qui est colligée par le Trésor de la langue française informatisé. 

 

Et c'est ainsi que l'on trouve : 

 ustensiles :  Tout ce qui est nécessaire dans une maison (meubles, outils, objets domestiques).  Objet ou accessoire de conception simple, à usage domestique, servant en particulier à la cuisine.
 

Avec l'étymologie suivante : 

Étymol. et Hist. 1. a) 1374 utencilles plur. « ensemble des objets servant à l'usage domestique » (Ordonnance au sujet des finances du duc de Bourbon ds HAVARD: tous les utencilles de linge de table, de vaisseaulx de cuisine, d'eschansonnerie); 1389-92 utenciles d'ostel (Registre criminel du Châtelet, éd. Duplès-Agier, t. 2, p. 259), a désigné également les objets servant à l'exercice d'un métier (1407, Chartes confisquées aux bonnes villes du Pays de Liège, publ. par Em. Fairon, p. 307 1508, Comptes de Dépenses de la construction du château de Gaillon, éd. A. Deville, p. 520), empl. dans lequel il a été évincé par outil* (a. fr. ostil); les formes utencile, utensile, parfois fém. (v. FEW t. 14, p. 87) sont att. jusqu'au mil. du XVIIIe s. (Trév. 1740); b) fin du XVIe s. fig. (DESHOULIÈRES, Poesies, t. 1, p. 82 ds LITTRÉ: Grands savantas, nation incivile, Dont Calepin est le seul ustensile); c) 1610 sens grivois (BÉROALDE DE VERVILLE, Moyen de parvenir, éd. H. Moreau, A. Tournon, p. 133); d) 1881 « maîtresse d'un souteneur » (RIGAUD, Dict. arg. mod.); 2. a) 1472 (en parlant de soldats en garnison dans une ville) paier les ustencilles « payer les dépenses de leur entretien quotidien » (Lettre de Louis XI, éd. J. Vaesen et E. Charavay, t. 5, p. 77); b) 1636 (MONET: Utansiles de gens de guerre [...] que l'hote leur fournit tant qu'il les loge); cf. 1680 être obligé à la fourniture de l'ustencile (RICH.). Utensile empr. au lat. utensilia, mot de la lang. parlée (v. ERN.-MEILLET) « objets nécessaires, meubles, ustensiles », plur. neutre de utensilis « dont on peut faire usage » (dér. de uti « user, se servir de, employer »); ustensile p. altér. de utensile d'apr. user*, v. aussi outil. Fréq. abs. littér.: 335. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 543, b) 500; XXe s.: a) 417, b) 442.

Pour les outils, on a :
outils : Objet fabriqué, utilisé manuellement, doté d'une forme et de propriétés physiques adaptées à un procès de production déterminé et permettant de transformer l'objet de travail selon un but fixé.
 

Puis vient l'étymologie : 

Étymol. et Hist.1. Début du XIIe s. ustilz «équipement, objets nécessaires qu'on embarque pour un voyage» (S. Brendan, éd. I. Short et Br. Merrilees, 179); 2. 1174 «objet fabriqué qui sert à faire un travail» (GUERNES DE PONT-SAINTE-MAXENCE, S. Thomas, 5408 ds T.-L.); 3. XIIIe s. «membre viril» (Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t.1, p.235); 4. av. 1272 fig. «moyen d'action» (JEAN BRETEL, Jeux-partis, éd. A. Långfors, 41, 45); 5. av. 1615 «personne qui sert d'instrument, d'exécutant à une autre» (E. PASQUIER, Recherches de la France, 396, 412); 6. 1808 «personne maladroite, inefficace» (HAUTEL). Du b. lat. *, sing. de *, plur. neutre, altération du lat. class. «objets nécessaires, meubles, ustensiles», dér. de «se servir de, employer». Un croisement de avec «employer» (v. user) rend compte du -s- de *, mais le passage reste inexpliqué (cf. cependant FOUCHÉ, pp.184-185). Les formes b. lat. en os- sont att. dès le VIIIe-IXe s., v. FEW t.14, p.88a. Fréq. abs. littér.: 1188. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 712, b) 1746; XXe s.: a) 1653, b) 2514. Bbg. COMTE (H.). Philos. de l'outil. Thèse, Paris-Sorbonne, 1980, pp.38-44.

 

Et l'on comprend ainsi mieux : l'outil, c'est l'objet technique, et il n'y a d'ustensiles de cuisine que dans la mesure où certains objets ne sont pas d'abord des outils, mais utilisés comme des outils. 

 Corollaire : quand on parle d'objets techniques, en cuisine, on parlera plutôt d'outils que d'ustensiles. 

mercredi 2 août 2023

"Recherche culinaire"...


Aujourd'hui,  un correspondant me signale vouloir faire de la "recherche culinaire". 

 

Très bien, mais de quoi s'agit-il ? 

 

J'ai proposé d'analyser les faits culinaires en distinguant trois composantes : une composante technique, une composante artistique, une composante sociale. 

De ce fait, la recherche culinaire peut être une recherche technique : par exemple, chercher les conditions de meilleur gonflement d'un soufflé ; explorer des conditions de rôtissage d'une volaille en vue d'obtenir une couleur jugée désirable... A ce stade, une première question s'impose : qui paiera cette recherche ? Dans la pratique, les cuisiniers professionnels me signalent manquer de temps au point de ne pas pouvoir explorer les techniques... d'où l'intérêt du séminaire de gastronomie moléculaire, payé par l'Etat, donc les contribuables, qui fait ces études pour eux, et, mieux, qui montre la rigueur nécessaire en vue d'obtenir des résultats fiables... mais on pourrait imaginer une société de conseil qui vende de telles études, l'Etat ayant fait sa mission en créant le mouvement. 

D'autre part, une recherche culinaire peut être artistique : là, n'est-ce pas le travail de tous les cuisiniers, au quotidien ? N'est-ce pas leur compétence, de faire "bon" ? Peut-on imaginer un "conseil en art culinaire" ? Pourquoi pas... Et faut-il habiller cette activité sous le nom de recherche culinaire ? C'est précis, mais peut-être  un peu pléonastique ; à réfléchir... 

Enfin il y a la composante du lien social, car il faut répéter qu'un plat n'est bon que s'il est communiqué dans des conditions humaines, sociales, bien précises. Là  aussi, il y a une recherche culinaire à  faire. Une recherche passionnante... et que tous les cuisiniers font empiriquement. Mais, évidement on peut aussi imaginer de la consultance. 

 

Derrière tout cela, on a vu que j'ai éludé la discussion du mot "recherche", qui est terrible parce que connoté, et souvent vaguement confondu avec la "recherche scientifique" ; j'ajoute d'ailleurs que le mot "science," dont je fais ici un adjectif, est également ambigu, en ce qu'il confond les sciences de la nature, et les sciences humaines et sociales... ou les autres savoirs. Il y a une recherche en science de la nature, à  propos de la cuisine, et elle se nomme "gastronomie moléculaire". 

Là , l'objectif est de chercher les mécanismes des phénomènes, et non pas de cuisiner, de sorte que mon interlocuteur serait bien déçu de faire cette activité qui l'éloignerait des  casseroles, dont son fantasme personnel veut le rapprocher. 

Entre la science de la nature et la technique, il y a la technologie, le travail de l'ingénieur, et il est bon de rappeler que la technologie n'est pas la technique, et que, de ce fait, mon interlocuteur ne cuisinera pas, au sens de donner à  manger aux autres, puisqu'il devra chercher des améliorations soit techniques, soit artistiques, soit sociales. 

En écrivant cela, je vois notamment la question de la technologie artistique, qui est très intéressante ; je vois aussi que la technologie passe probablement par la production d'aliments, puisqu'il est vrai qu'il faudra comparer des aliments améliorés à  des aliments de référence. Bref, il y a du travail à faire, et du travail passionnant. 

Toutefois la question que je pose, après avoir essayé de faire un peu d'ordre dans toute cette affaire est la suivante  :  de quoi me parle-t-on,  et qui le paiera ?

mardi 1 août 2023

Je ne suis pas bon à... Non : ce n'est pas une question de don, mais de travail !


La semaine dernière, j'ai proposé à un  groupe d'étudiants de Master de se noter eux-mêmes, ou, plus exactement, de proposer leur évaluation, pour une unité d'enseignement de la gastronomie moléculaire. 

N'est-ce pas un bon exercice que d''apprendre à mieux apprécier comment les autres (l'institution, les collègues, etc.) vous apprécient ? Et une façon d'apprendre à mieux appréhender les règles de la vie en société ? 

En tout cas, au lieu d'apparaître comme un "salaud de patron" face aux "gentils ouvriers", au lieu de pérenniser cette lutte des classes qui plombe les rapports entre enseignants et étudiants, je crois bon de brouiller un peu les rôles : de mettre chacun en face de ses responsabilités, sans trop de mauvaise foi. 

Les règles avaient été annoncées clairement : on avait dit qu'une présentation orale sur un thème du choix des étudiants serait fortement critiquée, mais pas évaluée, et que l'on évaluerait ensuite une seconde présentation orale du même sujet, en donnant du temps pour travailler à l'amélioration. 

 

Une (bonne) étudiante me dit ce matin : "je ne suis pas bonne en présentation orale". Et je lui réponds évidemment que cette réponse n'est pas admissible. Si elle n'est pas bonne, c'est principalement parce qu'elle n'a pas travaillé la chose. 

Ce qui me conduit aussitôt à répéter la merveilleuse histoire (vraie) du merveilleux Michael Faraday, qui, nommé directeur de la Royal Institution of London, DUT se mettre à faire des conférences, les Friday Evening Lectures, afin de financer l'institution. Faraday se mit à analyser la question, et il a consigné ses analyses dans un texte merveilleux. Il considère tout : le maintien, les intonations, la nature du discours, l'appui des expériences, la construction de la salle... Tout  ! 

Et c'est ainsi que, ayant travaillé à devenir bon conférencier, Faraday attira les foules pendant des décennies. 

 

Bref, quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a travaillé, et qui a donc appris, n'est-ce pas ?