mardi 31 mai 2022

La crème, pour des émulsions


On m'interroge à propos de crème, pour des sauces.

Et là, il est bon de savoir que le lait et la crème sont déjà des émulsions, avec une "phase aqueuse" (de l'eau, où sont dissoutes des molécules de divers composés, tel le lactose), et avec des gouttelettes de matière grasse émulsionnées par des protéines.

Au fond, si l'on ajoute de la matière grasse en fouettant, c'est comme si l'on ajoute de l'huile, en fouettant, à un début de mayonnaise : l'émulsion continue de se faire, tant qu'il y a des composés tensioactifs en suffisance, pour enrober les gouttelettes de matière grasse, et tant qu'il y a suffisamment d'eau pour accueillir les nouvelles gouttelettes.

Oui, donc, on peut parfaitement ajouter de l'huile, du  beurre fondu, du chocolat fondu, du foie gras fondu, etc. à de la crème ou à du lait.  Et c'est ainsi que se constituent des sauces émulsionnées.  

vendredi 27 mai 2022

Encore une question de "sucres"


Dans les questions que je reçois, il y a celles qui concernent les "sucres". Quelle différence entre le glucose, le fructose, le saccharose, par exemple ?

Commençons par dire que le mot "sucre" est un mot chimique qui désigne les "monosaccharides" et les "oligosaccharides", des composés dont les molécules contiennent quelques atomes de carbone liés à de nombreux groupes "hydroxyle", avec un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène (on note cela -OH).

Dans le glucose, ou plus exactement le D-glucoe, qui se présente habituellement sous la forme d'une poudre blanche (en solution, cela fait un "sirop", mais attention à ne pas confondre avec les sirops qui contiennent à la fois D-glucose et D-frucsos), les molécules ont six atomes de carbone, et autant de groupes hydroxyles.

Historiquement, comme on avait identifié autant d'atomes d'oxygène que d'atomes de carbone, et le double d'atomes d'hydrogène, on avait cru que le carbone était "hydraté"... d'où le nom fautif qui avait été donné "hydrate de carbone" : oublions ce nom, sans quoi nous replongeons dans le passé périmé de la chimie !

Le goût du D-glucose ? Un peu doux, beaucoup de longueur en bouche !

Pour le D-fructose, mêmes nombres d'atomes de carbone, oxygène et hydrogène, mais organisés différemment. Et la saveur est deux fois et demie plus sucrée que celle du saccharose (le sucre de table).

Le saccharose, enfin, est le composé qui fait l'essentiel du sucre de table blanc (plus de 99 pour cent). La molécule résulte de la réaction de D-glucose et de D-fructose : des atomes sont perdus, de sorte que, dans la molécule de saccharose, il n'y a pas de glucose et de fructose, mais un résidu de glucose lié à un résidu de fructose.

Et il faut ajouter que la molécule de saccharose est la même, qu'elle soit extraite de la betterave, de la canne à sucre, d'un oignon, d'une carotte, etc.
D-glucose, D-fructose et saccharose sont des "saccharides", famille dont le membre le plus simple est le glycérol, avec trois atomes de carbone (et autant de groupes hydroxyle), le composé qui fait la "glycérine".

Mais il y a de nombreux saccharides.

Parmi les sucres : arabinose, galactose, ribose, acide galacturonique, etc.

Parmi les "polysaccharides", les amylose, amylopectines des amidons, la chitine des champignons ou carapaces de crustacés, les pectines des parois végétales de tous les végétaux, la cellulose, qui est le polymère le plus abondant sur la terre.

lundi 23 mai 2022

Lait et alcool



On me dit d'abord que de l'alcool dans du lait fait trancher ce dernier.

Quand je fais l'expérience d'ajouter de l'eau de vie à du lait, je ne vois aucun effet, même avec 4 volumes d'alcool pour 1 volume de lait.

Puis on me dit que c'est l'ajout de lait dans de l'alcool qui ferait de l'effet et effectivement on m'envoie une photo où le lait a tranché c'est-à-dire qu'une apparence granuleuse est apparue. 




Là, il n'y a guère de difficulté pour interpréter, car les protéines, solubles dans l'eau du lait, ne le sont pas dans l'alcool.

D'ailleurs, cet effet se rencontre avec d'autres protéines que celles du lait. Par exemple, on pourra faire l'expérience amusante d'ajouter une solution de gélatine à un alcool et on verra un trouble blanc apparaître, quand la gélatine (une matière protéique) précipite.

Ainsi, la question initiale, imprécise,  m'a conduit donc à faire une expérience quia ouvert de nouveaux horizons.

Maintenant, il faudrait systématiquement explorer le phénomène et chercher la proportion d'éthanol dans l'eau à partir de laquelle les protéines ne sont plus solubles.

En tout cas, le phénomène initialement prétendu est faut dans sa grande généralité.

dimanche 22 mai 2022

A propos des composés du goût

 

Une question, à propos des "molécules du goût" :

Connaissez-vous un livre mettant en corrélation les sols, les molécules des goûts, les molécules identiques identifiées dans plusieurs catégories de plantes. Et en 2 un livre avec des goûts ne pouvant pas se mélanger

 

La question est venue sur Twitter, et j'ai répondu, toujours sur Twitter, mais en quelques dizaines de caractères seulement.
Or j'ai compris qu'il fallait prendre le temps de faire mieux, parce que la question était symptomatique.

 

La réponse ici : https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/a-propos-des-composes-du-gout/

 

vendredi 20 mai 2022

A propos de tranchage du lait

 Le tranchage du lait, c'est quand le lait grumelle, soit qu'il soit "passé", soit qu'on lui ait ajouté des ingrédients qui le "déstabilisent".

Oui, qui le déstabilisent, parce que le lait est notamment une "solution", une "suspension" et une "émulsion" :
- une solution, parce que l'eau qui fait l'essentiel du lait dissout un sucre nommé lactose, et aussi diverses protéines solubles ;
- une suspension : dans l'eau qui constitue l'essentiel du lait, il y a de petits solides, à savoir des "micelles de caséines", des agrégats de protéines et de minéraux (phosphate, calcium) :
- une émulsion : dans le lait, il y a de la matière grasse, qui est sous la forme de petites gouttelettes, dispersées grâce à des composés variés, notamment les protéines.

Et les possibilités de déstabilisation sont nombreuses :

 

 

La suite ici : https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/des-questions-de-tranchage-du-lait/

samedi 14 mai 2022

Je vous présente l'aspartame

Allez, pour répondre à des questions de e-correspondants, j'examine ici la question "qui fâche" de l'aspartame.

En commençant par dire que je me fonde sur des sources fiables, et pas sur des lubies, des baratins comme en propagent ceux qui vendent "de la nature", en produits ou en idéologie, ni par ceux qui veulent faire croire à des complots empoisonneurs d'une industrie alimentaire toute diabolisée, ou par... bien d'autres.

 

Et c'est à ce titre que je reprends de larges paragraphes des sites de l'Anses ou de l'Efsa

Commençons par dire que l’aspartame est un composé dont la saveur très sucrée fut découverte en 1965.

A l'état pur (qu'on n'utilise pas en cuisine), il se présente, dans les conditions ambiantes (température de 20 degrés, pression de une atmosphère) sous la forme d'une poudre blanche.

Ce composé n'a pas d'odeur, il apport très peu d'énergie... mais sa saveur est environ 200 fois plus sucrée (avec une différence de goût) que celle du saccharose, dont le sucre de table blanc est composé à plus de 99 pour cent.

Et ses propriétés en font un "édulcorant intense" : associé à un excipient, il permet de sucrer les aliments avec très peu d'apport d'énergie.

Sa molécule ? L'aspartame est un ester méthylique de l'aspartyl-phénylalanine ; on peut aussi dire un dipeptide composé d'un résidu d'acide L-aspartique et d'un résidu de L-phénylalanine.


Les tribulation de l'aspartame

La première autorisation de mise sur le marché de cet édulcorant a été accordée aux Etats-Unis par la Food and Drug Administration (FDA) en 1974.
Après avoir suspendu cette autorisation quelques mois plus tard, au motif que les effets toxiques et cancérogènes sur le cerveau de ce composé ou de ses métabolites étaient mal appréciés au cours des études expérimentales, la FDA a de nouveau accordé l’autorisation de mise sur le marché de l’aspartame en 1981 dans les aliments solides, après réévaluation des études sur animaux de laboratoire et examen de nouvelles données (dont une étude de cancérogenèse chez le rat).
En 1983, cette autorisation a été étendue aux boissons gazeuses et comme édulcorant général en 1996.
En France, l’aspartame a été autorisé à partir de 1988 et son emploi en tant qu’édulcorant est autorisé depuis 1994 par la directive 94/35/CE relative aux édulcorants destinés à être employés dans les denrées alimentaires. 

L’aspartame est référencé dans l’Union Européenne par le code E 951. La dose journalière admissible (DJA) de l’aspartame avait été établie en 1980 à 40 mg/kg de poids corporel par le comité d’experts sur les additifs alimentaires de la Food and Agriculture Organization (FAO) et de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) appelé JECFA (Joint Expert Committee on Food Additives)... mais nous verrons que, après de nombreuses études, cette valeur a été conservée.


Sur quelles bases la consommation de l'aspartame est-elle fondée ? Depuis sa mise sur le marché, l’aspartame a fait l’objet de plusieurs évaluations et son innocuité a été reconnue par de nombreux organismes nationaux et internationaux.
La première évaluation de la sécurité de l’aspartame réalisée en Europe a été publiée par le Comité scientifique de l’alimentation humaine (devenu l'agence européenne de sécurité sanitaire des aliments, Efsa) en 1984.
Elle a été reconfirmée en 2002 par l’Agence française de sécurité sanitaire des sliments (Afssa, devenue l’Anses). En effet, le 16 octobre 2000, l’Afssa avait été saisie par la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (Dgccrf) sur la question d’un éventuel lien entre exposition à l’aspartame et tumeur au cerveau. Après examen d’environ 80 publications, l’Afssa a conclu que la consommation d’aspartame chez l’homme, même dans les populations particulièrement exposées comme les enfants diabétiques, ne dépassait pas la DJA de 40 mg/kg de poids corporel. En outre, les données ne permettent pas d’établir une relation entre exposition à l’aspartame et tumeur au cerveau chez l’homme.


Depuis, l'Efsa a régulièrement suivi les travaux concernant la sécurité de l’aspartame, et ses groupes scientifiques ont émis plusieurs avis scientifiques sur cet édulcorant.
En 2006, après avoir examiné une étude de 2005, dont les conclusions évoquaient une augmentation de l’incidence des lymphomes, leucémies et autres types de cancer chez les animaux exposés à l’aspartame, l’Afsa a réaffirmé  qu’aucun élément ne justifiait de mettre en cause les évaluations précédemment réalisées, ni la DJA de l’aspartame établie à 40 mg/kg de poids corporel/jour.
Ces conclusions ont été confirmées par la Food and Drug Administration (FDA) en avril 2007

A la suite d’une deuxième publication de l’Institut B Ramazzini, en 2007, qui faisait encore état d’une augmentation de l’incidence de leucémies, de lymphomes et de cancers des glandes mammaires chez les rats après l’exposition à l’aspartame in utero, l’Afsa a publié, en février 2009, deux autres avis concluant à nouveau à la sécurité de l’aspartame et affirmant que les données disponibles obtenues n’indiquaient pas un potentiel génotoxique ou cancérigène de l’aspartame après une exposition in utero. En conséquence, la DJA établie pour l’aspartame a été maintenue.


Puis, deux autres études ont remis en cause la sécurité de l’aspartame :  une étude épidémiologique danoise de juin 2010 et une étude italienne de septembre 2010. Afin d’évaluer ces études, l’Anses s’est auto saisie le 24 janvier 2011 et a publié l’avis suivant concluant que les deux nouvelles publications n’apportent pas de base scientifique suffisante pour justifier une révision de la DJA établie pour l’aspartame.
Et c'est ainsi que, en décembre 2013, l'Efsa a publié sa première évaluation complète des risques associés à l’aspartame. Cet avis conclut que l’aspartame et ses produits de dégradation sont sûrs pour la population générale (y compris les nourrissons, les enfants et les femmes enceintes).
La dose journalière acceptable (DJA) de 40 mg/kg pc/jour est considérée comme protectrice pour la population générale, et les experts ont estimé que l'exposition des consommateurs à l'aspartame si situe bien en-deçà de cette DJA. Chez les personnes souffrant de phénylcétonurie (PCU), cette DJA ne s’applique pas étant donné qu’elles doivent strictement respecter un régime alimentaire faible en phénylalanine (un acide aminé qui constitue les protéines présentes dans beaucoup d’aliments).

Si l’aspartame est sûr, pourquoi l’Efsa a-t-elle mené une réévaluation complète de cet additif?
Il était prévu que l’Efsa devait réévaluer tous les additifs alimentaires ayant été autorisés dans l’UE avant le 20 janvier 2009, ainsi que leurs utilisations. Étant donné l’ampleur de cette tâche, la Commission européenne a fixé un calendrier des priorités pour ce programme de réévaluation systématique. La plupart des édulcorants, tels que l’aspartame, devaient normalement être réévalués vers la fin de la période de révision étant donné que leur sécurité avait été évaluée plus récemment que beaucoup d’autres additifs autorisés dans l’UE. Ainsi, les colorants et beaucoup de conservateurs et d’émulsifiants par exemple ont été considérés comme plus urgents car beaucoup de ces additifs alimentaires avaient été évalués plusieurs années avant les édulcorants. 


Le réexamen complet réalisé  a été rendu possible grâce aux résultats de deux appels publics destinés à recueillir des données sur l’aspartame. Dans le cadre de cette réévaluation, l’EFSA avait en effet lancé un appel public destiné à recueillir des données scientifiques et elle a ensuite procédé à l’examen complet de la littérature scientifique disponible.
 À la suite de cet appel, l’EFSA a eu accès à plus de 600 études et données scientifiques, déjà publiées ou inédites à ce jour. Réaffirmant son engagement pour l’ouverture et la transparence, l’Efsa a publié la liste complète de ces études scientifiques et elle a également rendu publiquement accessibles sur son site internet des données scientifiques qui n’avaient pas été publiées jusqu’alors, notamment les 112 documents originaux sur l’aspartame qui avaient été soumis dans le cadre de la procédure d’autorisation de cet additif en Europe au début des années 1980. Ces études ont été évaluées de manière critique et étayent les points de discussion abordés dans l’avis.
Lorsqu’elle évalue les risques, l’Efsa prend en considération toutes les données et toute la littérature scientifique disponible et elle tient compte de toutes les preuves générées selon des normes scientifiques internationalement reconnues. L’Autorité peut également décider au cas par cas d’exploiter des données issues d’études n’ayant pas été menées selon les normes en vigueur, lorsque les nouvelles données sont insuffisantes, à condition que ces études et les méthodes utilisées pour présenter les données soient considérées comme appropriées et solides. Ceci est valable quelle que soit la source: secteur de l’industrie, secteur public, recherches universitaires ou autres organisations scientifiques.


Les avis adoptés par le comité scientifique et les groupes scientifiques de l’Efsa sont toujours issus de décisions collectives et de délibérations collégiales. Aucun expert, pas même le président, ne peut indûment influencer les décisions des groupes scientifiques. Dans les cas où les groupes scientifiques ne parviennent pas à un consensus sur un sujet donné, les experts ont la possibilité d’exprimer des avis minoritaires qui sont consignés dans les avis scientifiques. L’Efsa demeure à tout moment vigilante pour éviter les conflits d’intérêt, tout en reconnaissant que les meilleurs experts scientifiques d’Europe ne peuvent acquérir leur expérience qu’en travaillant de manière active dans leurs domaines respectifs. L’indépendance des experts scientifiques et de toutes les personnes participant aux activités de l’Efsa est garantie par l’une des politiques sur les déclarations d’intérêts les plus strictes au monde.



vendredi 13 mai 2022

On me dit...



On me dit :  "le frasage est l’action d’entourer l’amidon contenu dans une pâte par de la matière grasse, la plupart du temps avec une matière grasse solide".

Est-ce bien sûr ?

Il y a le niveau de la pratique, et de le niveau des interprétations microscopique, nanoscopique, moléculaire. Et les praticiens qui savent la pratique seraient prudents d'en rester à la pratique... à moins qu'ils n'aient de bonnes références ou des observations qui puissent conduire prudemment à des interprétations plausibles.

Le frasage, c'est... quoi ? Lisons le dictionnaire de Joseph Favre :
FRAISER, v. a., de fresus, dérivé du passif fendere, briser. — .Action de briser, séparer la pâte en la pétrissant avec la paume de la main.
Quelques-uns disent fraser, par rapport à l'instrument de fer appelé frase, dont les boulangers se servent pour racler le pétrin. Cette appellation est impropre s'il s'agit de la pâte. Fraser est l'action de racler avec la frase, tandis que fraiser est l'action de pétrir la pâte en sens inverse.  
Cela étant posé, quelles conséquences a le frasage, ou fraisage ? Si l'on part de pâte, avec un réseau de gluten (des protéines), où sont dispersés matière grasse et grains d'amidon, alors le résultat est moins l'enrobage des grains d'amidon dans la matière grasse (où ils sont déjà) qu'une homogénisation de l'ensemble, avec une meilleure répartition.

Mais je réserve prudemment mon jugement, dans l'attente d'observations au microscope.