Allez, pour répondre à des questions de e-correspondants, j'examine ici la question "qui fâche" de l'aspartame.
En commençant par dire que je me fonde sur des sources fiables, et pas sur des lubies, des baratins comme en propagent ceux qui vendent "de la nature", en produits ou en idéologie, ni par ceux qui veulent faire croire à des complots empoisonneurs d'une industrie alimentaire toute diabolisée, ou par... bien d'autres.
Et c'est à ce titre que je reprends de larges paragraphes des sites de l'Anses ou de l'Efsa
Commençons par dire que l’aspartame est un composé dont la saveur très sucrée fut découverte en 1965.
A l'état pur (qu'on n'utilise pas en cuisine), il se présente, dans les conditions ambiantes (température de 20 degrés, pression de une atmosphère) sous la forme d'une poudre blanche.
Ce composé n'a pas d'odeur, il apport très peu d'énergie... mais sa saveur est environ 200 fois plus sucrée (avec une différence de goût) que celle du saccharose, dont le sucre de table blanc est composé à plus de 99 pour cent.
Et ses propriétés en font un "édulcorant intense" : associé à un excipient, il permet de sucrer les aliments avec très peu d'apport d'énergie.
Sa molécule ? L'aspartame est un ester méthylique de l'aspartyl-phénylalanine ; on peut aussi dire un dipeptide composé d'un résidu d'acide L-aspartique et d'un résidu de L-phénylalanine.
Les tribulation de l'aspartame
La première autorisation de mise sur le marché de cet édulcorant a été accordée aux Etats-Unis par la Food and Drug Administration (FDA) en 1974.
Après avoir suspendu cette autorisation quelques mois plus tard, au motif que les effets toxiques et cancérogènes sur le cerveau de ce composé ou de ses métabolites étaient mal appréciés au cours des études expérimentales, la FDA a de nouveau accordé l’autorisation de mise sur le marché de l’aspartame en 1981 dans les aliments solides, après réévaluation des études sur animaux de laboratoire et examen de nouvelles données (dont une étude de cancérogenèse chez le rat).
En 1983, cette autorisation a été étendue aux boissons gazeuses et comme édulcorant général en 1996.
En France, l’aspartame a été autorisé à partir de 1988 et son emploi en tant qu’édulcorant est autorisé depuis 1994 par la directive 94/35/CE relative aux édulcorants destinés à être employés dans les denrées alimentaires.
L’aspartame est référencé dans l’Union Européenne par le code E 951. La dose journalière admissible (DJA) de l’aspartame avait été établie en 1980 à 40 mg/kg de poids corporel par le comité d’experts sur les additifs alimentaires de la Food and Agriculture Organization (FAO) et de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) appelé JECFA (Joint Expert Committee on Food Additives)... mais nous verrons que, après de nombreuses études, cette valeur a été conservée.
Sur quelles bases la consommation de l'aspartame est-elle fondée ? Depuis sa mise sur le marché, l’aspartame a fait l’objet de plusieurs évaluations et son innocuité a été reconnue par de nombreux organismes nationaux et internationaux.
La première évaluation de la sécurité de l’aspartame réalisée en Europe a été publiée par le Comité scientifique de l’alimentation humaine (devenu l'agence européenne de sécurité sanitaire des aliments, Efsa) en 1984.
Elle a été reconfirmée en 2002 par l’Agence française de sécurité sanitaire des sliments (Afssa, devenue l’Anses). En effet, le 16 octobre 2000, l’Afssa avait été saisie par la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (Dgccrf) sur la question d’un éventuel lien entre exposition à l’aspartame et tumeur au cerveau. Après examen d’environ 80 publications, l’Afssa a conclu que la consommation d’aspartame chez l’homme, même dans les populations particulièrement exposées comme les enfants diabétiques, ne dépassait pas la DJA de 40 mg/kg de poids corporel. En outre, les données ne permettent pas d’établir une relation entre exposition à l’aspartame et tumeur au cerveau chez l’homme.
Depuis, l'Efsa a régulièrement suivi les travaux concernant la sécurité de l’aspartame, et ses groupes scientifiques ont émis plusieurs avis scientifiques sur cet édulcorant.
En 2006, après avoir examiné une étude de 2005, dont les conclusions évoquaient une augmentation de l’incidence des lymphomes, leucémies et autres types de cancer chez les animaux exposés à l’aspartame, l’Afsa a réaffirmé qu’aucun élément ne justifiait de mettre en cause les évaluations précédemment réalisées, ni la DJA de l’aspartame établie à 40 mg/kg de poids corporel/jour.
Ces conclusions ont été confirmées par la Food and Drug Administration (FDA) en avril 2007
A la suite d’une deuxième publication de l’Institut B Ramazzini, en 2007, qui faisait encore état d’une augmentation de l’incidence de leucémies, de lymphomes et de cancers des glandes mammaires chez les rats après l’exposition à l’aspartame in utero, l’Afsa a publié, en février 2009, deux autres avis concluant à nouveau à la sécurité de l’aspartame et affirmant que les données disponibles obtenues n’indiquaient pas un potentiel génotoxique ou cancérigène de l’aspartame après une exposition in utero. En conséquence, la DJA établie pour l’aspartame a été maintenue.
Puis, deux autres études ont remis en cause la sécurité de l’aspartame : une étude épidémiologique danoise de juin 2010 et une étude italienne de septembre 2010. Afin d’évaluer ces études, l’Anses s’est auto saisie le 24 janvier 2011 et a publié l’avis suivant concluant que les deux nouvelles publications n’apportent pas de base scientifique suffisante pour justifier une révision de la DJA établie pour l’aspartame.
Et c'est ainsi que, en décembre 2013, l'Efsa a publié sa première évaluation complète des risques associés à l’aspartame. Cet avis conclut que l’aspartame et ses produits de dégradation sont sûrs pour la population générale (y compris les nourrissons, les enfants et les femmes enceintes).
La dose journalière acceptable (DJA) de 40 mg/kg pc/jour est considérée comme protectrice pour la population générale, et les experts ont estimé que l'exposition des consommateurs à l'aspartame si situe bien en-deçà de cette DJA. Chez les personnes souffrant de phénylcétonurie (PCU), cette DJA ne s’applique pas étant donné qu’elles doivent strictement respecter un régime alimentaire faible en phénylalanine (un acide aminé qui constitue les protéines présentes dans beaucoup d’aliments).
Si l’aspartame est sûr, pourquoi l’Efsa a-t-elle mené une réévaluation complète de cet additif?
Il était prévu que l’Efsa devait réévaluer tous les additifs alimentaires ayant été autorisés dans l’UE avant le 20 janvier 2009, ainsi que leurs utilisations. Étant donné l’ampleur de cette tâche, la Commission européenne a fixé un calendrier des priorités pour ce programme de réévaluation systématique. La plupart des édulcorants, tels que l’aspartame, devaient normalement être réévalués vers la fin de la période de révision étant donné que leur sécurité avait été évaluée plus récemment que beaucoup d’autres additifs autorisés dans l’UE. Ainsi, les colorants et beaucoup de conservateurs et d’émulsifiants par exemple ont été considérés comme plus urgents car beaucoup de ces additifs alimentaires avaient été évalués plusieurs années avant les édulcorants.
Le réexamen complet réalisé a été rendu possible grâce aux résultats de deux appels publics destinés à recueillir des données sur l’aspartame. Dans le cadre de cette réévaluation, l’EFSA avait en effet lancé un appel public destiné à recueillir des données scientifiques et elle a ensuite procédé à l’examen complet de la littérature scientifique disponible.
À la suite de cet appel, l’EFSA a eu accès à plus de 600 études et données scientifiques, déjà publiées ou inédites à ce jour. Réaffirmant son engagement pour l’ouverture et la transparence, l’Efsa a publié la liste complète de ces études scientifiques et elle a également rendu publiquement accessibles sur son site internet des données scientifiques qui n’avaient pas été publiées jusqu’alors, notamment les 112 documents originaux sur l’aspartame qui avaient été soumis dans le cadre de la procédure d’autorisation de cet additif en Europe au début des années 1980. Ces études ont été évaluées de manière critique et étayent les points de discussion abordés dans l’avis.
Lorsqu’elle évalue les risques, l’Efsa prend en considération toutes les données et toute la littérature scientifique disponible et elle tient compte de toutes les preuves générées selon des normes scientifiques internationalement reconnues. L’Autorité peut également décider au cas par cas d’exploiter des données issues d’études n’ayant pas été menées selon les normes en vigueur, lorsque les nouvelles données sont insuffisantes, à condition que ces études et les méthodes utilisées pour présenter les données soient considérées comme appropriées et solides. Ceci est valable quelle que soit la source: secteur de l’industrie, secteur public, recherches universitaires ou autres organisations scientifiques.
Les avis adoptés par le comité scientifique et les groupes scientifiques de l’Efsa sont toujours issus de décisions collectives et de délibérations collégiales. Aucun expert, pas même le président, ne peut indûment influencer les décisions des groupes scientifiques. Dans les cas où les groupes scientifiques ne parviennent pas à un consensus sur un sujet donné, les experts ont la possibilité d’exprimer des avis minoritaires qui sont consignés dans les avis scientifiques. L’Efsa demeure à tout moment vigilante pour éviter les conflits d’intérêt, tout en reconnaissant que les meilleurs experts scientifiques d’Europe ne peuvent acquérir leur expérience qu’en travaillant de manière active dans leurs domaines respectifs. L’indépendance des experts scientifiques et de toutes les personnes participant aux activités de l’Efsa est garantie par l’une des politiques sur les déclarations d’intérêts les plus strictes au monde.