Oui, le méthanol est un sale composé : il donne mal au crâne, il rend fou, aveugle, contribue au développement de cirrhoses... On sait qu'il faut se méfier comme de la peste des eaux-de-vie mal distillées, c'est-à-dire quand les têtes et les queues de distillation n'ont pas été éliminées. Mais, pour autant, faut-il craindre l'aspartame, qui peut libérer du méthanol dans l'organisme ?
Pour expliquer la question, il faut expliquer que l'aspartame est un édulcorant intense, c'est-à-dire un composé qui donne une saveur très sucrée même quand il est en très petite quantité (200 fois plus sucré que le sucre), et qu'il a l'avantage de ne pas apporter de calories, de ne pas provoquer de caries, comme le fait le saccharose, le sucre de table. C'est un "dipeptide", c'est-à-dire un composé dont la molécule est faite de deux résidus d'acides aminés, ces briques de toutes les protéines de notre organisme, avec un groupe méthyle attaché à l'un des deux résidus d'acides aminés.
Quand l'aspartame est consommé, il est divisé en phénylalanine, en acide aspartique et en méthanol... et là est la double question : il y a libération de la phénylalanine, d'une part, et du méthanol d'autre part.
La question de la phénylalanine
Pour la phénylalanine, c'est un acide aminé "essentiel", qui a un rôle fondamental dans le système nerveux par une stimulation de la glande thyroïde. Il n'est pas synthétisé par l'organisme et doit donc être apporté via l'alimentation : on le trouve dans les aliments riches en protéines d'origine animale et végétale : viande, poisson, oeuf, soja, lait, fromage, etc.
Toutefois il y a une maladie nommée phénylcétonurie, qui est une déficience en métabolisme de cet acide aminé. En France, une personne sur 17 000 est atteinte de cette déficience enzymatique (Trefz et al. 1994). Mais il y a les 16 999 autres, et pour ceux-là, la seule question qui se pose est celle du méthanol.
Pour le le méthanol, il faut y regarder de plus près
Soit un morceau de sucre dans un café, par exemple. Cela représente environ 10 grammes. Pour avoir la même sucrosité, il faut environ 200 fois moins d'aspartame, soit 0,04 gramme. Est-ce "beaucoup" ?
Il faut comparer cela à des consommations classiques, telle celle de fruits, par exemple, car ces derniers apportent des pectines, lesquelles libèrent également du méthanol. De fait, Lindinger et al. ont mesuré en 1991 la quantité de méthanol dans l'organisme, après la consommation de fruits. Ils ont d'abord mesuré un méthanol basal, dont on ne comprend pas encore l'origine, et qui atteint 2 milligramme par litre (ce méthanol pourrait résulter de fermentations dans le tube digestif). Après l'ingestion de fruits, la quantité de méthanol est multipliée par 10 environ.
Finalement, l'Agence nationale de sécurité des aliments observe qu'un litre (un litre !) de boisson sans sucre contenant de l’aspartame produit environ 48 mg de méthanol, tandis qu'un litre de jus de fruits ou de légumes contient environ 200 à 280 mg de méthanol. Cela indique que les quantités de méthanol apportées par l’aspartame en tant qu’additif alimentaire sont inférieures à celles apportées par certains aliments naturels (Maher, 1986).
Tiens, je trouve pour une autre comparaison que la teneur en méthanol dans les eaux de vie est réglementée à 0,6 grammes par litre d'alcool à 50 °, soit, si l'on consomme 2 centilitres, cela fait d'un coup 12 milligrammes de méthanol.
Références :
Friedrich T, De Sonneville L, Matthis P, Benninger C, Lanz-Englert B. 1994. Neuropsychological and biochemical investigations in heterozygotes for phenulketonuria during ingesting of high dose aspartame (a sweetener containing phenylalanine), Human Genetics, 93, 369-374.
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