samedi 23 octobre 2021

Pourquoi l'avant est-il différent de l'après ?



Le titre est idiot, j'en conviens, car l'avant, c'est l'avant, et l'après, c'est l'après : cette déclaration, d'ailleurs, est sans beaucoup d'intérêt, parce qu'elle manque le point essentiel, n'analyse rien.
Mais, de toute façon, c'est voulu (bien évidemment), car il s'agit surtout, ici, de considérer l'apprentissage.

Et notamment celui de la cuisine : en cuisine, la première exécution d'une recette  est, de façon très étonnante,  souvent compliquée... alors même que cette exécution est techniquement sans aucune difficulté.

Ainsi, je me souviens, la première fois j'ai fait une mayonnaise, combien la chose me semblait difficile, et notamment parce que le discours qui l'entourait était obscur... sans compter que les recettes se contredisaient.

Je me souviens également de la première fois où j'ai réalisé une sauce béarnaise : là encore, j'étais en quelque sorte intimidé, alors que, en réalité, le procédé est d'une simplicité navrante. Mais, il y avait ce mythe de la sauce béarnaise, sa réputation de pouvoir rater.

Plus généralement, je vois régulièrement, dans les séminaires, des personnes "intelligentes" et "cultivées" qui sont hésitantes par rapport à des recettes qu'elles n'ont jamais faites.
Par exemple, je me souviens du directeur marketing d'une grande société alimentaire (élève d'une des grandes écoles de commerce française) à qui j'avais enseigné à faire de la crème fouettée. C'était amusant, parce qu'il m'avait téléphoné pour m'inviter à diner, ajoutant qu'il avait besoin de moi pour lui montrer comment faire. Et quand il avait fait le geste devant moi, il le réussissait parfaitement... mais il ne savait pas reconnaître qu'il avait obtenu le résultat visé.

Bref, quand on apprend, il y a apparemment un mécanisme un peu étonnant d'appréhension, d'hésitation, d'intimidation... Je ne sais pas pourquoi,  mais je n'arrive pas à ne pas mettre cela en relation avec un autre phénomène, qui est celui des expérimentations que nous faisons lors de nos séminaires de gastronomie moléculaire : chaque fois, nous partons d'une précision culinaire que nous testons expérimentalement.
Evidemment, je cherche à avoir une "théorie", une analyse en termes de phsique ou de chimie,  avant les expériences,  mais régulièrement aussi, nous obtenons des résultats étonnants.
Ou, du moins, étonnants pour nos esprits, car a posteriori, ils sont souvent bien évidents.

Par exemple, il y a eu cette préparation que nous avons obtenue alors que nous testions une étrange recette de béarnaise, trouvée dans un livre ancien, qui donneait un protocole très particulier, consistant à battre du beurre attendri dans du jaune d' œuf que l'on avait préalablement fouetté pendant un quart d'heure (sic) : nous avons obtenu comme une sorte de crème au beurre, et a posteriori, je trouve ce résultat un peu évident. Pourtant personne ne l'avait anticipé.  

Bref, nous devons toujours faire l'expérience, car elle nous surprend chaque fois d'une façon ou d'une autre, et je me dis que nous devrions mieux analyser cette différence entre l'avant et l'après.

vendredi 22 octobre 2021

La pâtisserie serait plus "précise" que la cuisine ? Certainement pas !

 



Lors d'un cours de gastronomie moléculaire, il y a plusieurs années, j'ai fini par comprendre que la composante technique de l'art culinaire est en quelque sorte sans intérêt, tant c'est facile : battre un blanc en neige, faire une mayonnaise, sauter une viande, cuire une tarte... Quel intérêt que de faire ce qu'une machine ferait mieux ? Et c'est bien la question "artistique", celle du "bon", qui est difficile et essentielle. Sans compter la composante "amour", disons lien social.


Bref, pourquoi certains considèrent-ils qu'apprendre la cuisine est difficile ? Certainement parce que ces trois composantes sont indistinctement mêlées dans l'apprentissage classique de la cuisine, qui n'avait pas appris à les reconnaître... D'où des confusions : par exemple, quand on passe des heures à faire du sucre filé ou tiré, au lieu de comprendre


J'ai aussi trop méconnu la question de l'illettrisme... et l'on me connaît assez pour ne pas penser que j'écrive cela de façon hautaine ou méprisante, mais, au contraire, compatissante. Car oui, les chiffres officiels, qui sont sans doute sous estimés, voient 17 pour cent de Français souffrant d'illettrisme, pour des gens qui ont fait huit ans d'études en France ! Comment lire une recette, dans ces conditions ?


Mais, aussi, il y a ce fait que les recettes ne donnent pas bien, quand elles sont écrites, les "objectifs". Par exemple, dans la confection d'une pâte à chou, un œuf de plus ou de moins fait toute la différence... et cela se détermine à l’œil, car les farines donnent des résultats différents, imprévisibles. De même, pour une pâte à foncer (les "pâtes à tarte"), la quantité d'eau à ajouter se joue à trois fois rien, comme on peut en faire la démonstration en faisant simplement un pâton à partir de farine et d'eau.


Bref, il y a bien des cas, dans les activités du goût, où il faut ajuster à l’œil les proportions des ingrédients, et cela se rencontre souvent quand il est question de pâtes, quand on utilise de la farine...


Raison pour laquelle il est ahurissant que le monde culinaire ait prétendu que c'est pour la pâtisserie qu'il fallait avoir des mesures précises. Je dirais au contraire que c'est pour la pâtisserie qu'il ne faut pas les mesures précises !


Dans un séminaire, nous avions mesuré la "précision" nécessaire pour différentes recettes et nous avions bien montré que cette précision n'était pas la même pour les différentes réalisations. Par exemple, quand on cuit un mince filet de poisson (cuisine), alors tout se joue en quelques secondes. A l'inverse, quand on cuit une brioche (pâtisserie), quelques minutes de cuisson de plus ou de moins sont sans importances.


Lors de ce mêmes séminaire, certains, qui étaient confrontés à l'observation que je viens de rapporter (nous avions fait des mesures) m'ont fait observer que cette précision prétendue concernait les proportions, qui auraient été essentielles en pâtisserie, moins en cuisine. Je crois au contraire que ce n'est pas le cas. Car quand on prépare des pâtes, pensions à des pâtes à choux, à des pâtes à foncer (pour les tartes), et cetera, alors il faut adapter la quantité d'eau à la température, à la nature de la farine, notamment. Et il ferait inconcevable utiliser des proportions fixes, puisque les ingrédients ne le sont pas. Bref, la pâtisserie n'est pas plus précise que la cuisine.


Mais, en passant, observons combien la vidéo est plus utile que l'écrit, pour l'apprentissage de la cuisine : il est très difficile de décrire avec des mots une consistance, alors que l'on voit bien, sur une vidéo, comment la pâte s'écoule ou ne s'écoule pas.


Mais je reviens à ma conclusion : il n'est pas vrai que la pâtisserie sois plus précise que la cuisine.

mardi 19 octobre 2021

The method of sciences of nature

 The method of science ? 

https://www.youtube.com/watch?v=coFYUf3GLS4

 

For me, the thing is perfectly clear, and I spread throughout the world (Lewis Carroll: "what I say thrice is true") the idea that the natural sciences work by 

(1) identifying a phenomenon; 

(2) quantifying said phenomenon (due to Bacon); 

(3) putting the data together in equations (formerly rather misnamed laws); 

(4) inducing a theory, by reuniting the equations and introducing new concepts; 

(5) finding testable consequences of the theory; 

(6) experimental tests showing the inadequacies of the theory, so that one can go back to (1) or (2).  


 

Pour moi, la chose est parfaitement claire, et je diffuse dans le monde entier (Lewis Carroll : "ce que je dis trois fois est vrai") l'idée que les sciences de la nature marchent par (1) identification d'un phénomène ; (2) quantification dudit phénomène (dû à Bacon) ; (3) réunion des données en équations (naguère assez mal nommées lois) ; (4) induction d'une théorie, par réunions  des équations et introduction de nouveaux concepts ; (5) recherche de conséquences testables de la théorie ; (6) tests expérimentaux montrant les insuffisances de la théorie, de sorte que l'on peut repartir à (1) ou (2). 


Le "saucissonnage" des publications

A propos de réflexions sur l'intégrité scientifique,  je tombe sur une discussion relative au "saucissonnage" des articles.

Les auteurs de cette expression considèrent que c'est une faute de publier de nombreux articles peu différents, sauf un élément mineur... et évidemment je suis approximativement d'accord avec eux.

Mais oublions les cas pathologiques pour se préoccuper des cas généraux. D'abord la question de ce saucissonnage est tout en nuances, car même quand on est honnête, on hésite sans cesse entre publier de gros manuscrits, transmettant une foule de rrésultats, de données, d'interprétations (cela fait des textes indigestes, trop denses, que personne ne lit bien) et de  petits articles courts, concis, focalisés.
Pour presque chacun de mes manuscrits, j'hésite entre ces deux possibilités !

On voit d'ailleurs à la façon dont je formule la question combien je suis plutôt en faveur des petits articles concis et bien faits, mais pourquoi ?

Pas pour augmenter mon nombre de publications, ce dont je me moque  parfaitement (puisque c'est la production scientifique qui m'intéresse), mais surtout parce que la division en petits morceaux facilite, suscite même, les interprétations. Si nous partons d'un résultat, d'un petit groupe de données, et que nous cherchons des interprétations, nous aurons au total plus de ces dernières... avec de surcroît la possibilité de chercher ensuite des synthèses, donc du méta-méta-résultat, en quelque sorte.

Bref, je ne veux pas manquer une occasion de me stimuler créativement, de me lancer sur des calculs qui feront voir dans les données autre chose que des nombres.

Sans compter que je ne suis pas très intelligent, et que, pour moi (comme pour les autres en réalité), les petites bouchées sont plus facile à absorber que les grosses.
Mais je le répète : il faut se concentrer sur le contenu, pas sur la forme. Et publier point à point conduit à mieux évaluer le chemin que l'on parcourt, nous oblige à imaginer plus que ce que nous faisons, nous donne du temps pour maturer des idées plus difficiles.
 
D'ailleurs, c'était la stratégie de Pierre-Gille de Gennes, qui partait fréquemment le vendredi soir avec une pile de résultats, et revenait le lundi avec un projet de publication et les calculs correspondants.
C'était aussi la stratégie de Louis Pasteur, un homme que je n'aime pas, mais qui, même s'il a répété jusqu'à des paragraphes entiers de communication en communication, a avancé comme un rouleau compresseur scientifique, avec pugnacité.
Je le répète : Pasteur s'est beaucoup répété, mais ses publications apportent toutes quelque chose, et c'est cela qui compte, non ?
Bien sûr, il n'a pas été honnête rhétoriquement, n'a pas reconnu tous les apports, s'est mis en avant de façon exagérée, n'a pas toujours utilisé son intelligence avec toute la droiture qu'on aurait pu souhaiter, mais ses publications (je parle surtout de la période 1846-1850) ont fait avancer son travail vers la solution de grands mystères.

Enfin, je concluerais qu'il en va ici comme des teintes comprises entre le noir et le blanc  : il y a toutes les graduations de gris, et il faut évidemment s'efforcer d'être du bon côté... en conservant cette idée forte : le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture.

lundi 18 octobre 2021

Impensable que les institutions confient l'évaluation de la recherche à des acteurs privés !

Les travaux, en sciences de la nature, sont financés par les universités, les instituts de recherche, les académies ; les travaux technologiques le sont par ces mêmes institutions, et aussi par l'industrie.

Quand les financements viennent de l'industrie, alors c'est une relation contractuelle qui échappe à la production "scientifique", et, d'ailleurs, c'est moins de la production scientifique que du travail technologique, et les institutions publiques qui contribuent financièrement doivent juger de l'intérêt de tels contrats, et de la façon dont elles les considèrent.

Mais pour les travaux scientifiques, les financements se font par l'Etat, qu'il s'agisse des instituts publics de recherche, des universités, des sociétés savantes, des académies. Et là, l'évaluation ne peut pas être confiée à des acteurs privés sans quoi ceux-ci ont plus à coeur de gagner de l'argent dans l'affaire que de faire correctement -et légitimement- le travail que nous envisageons ici.

La première des "évaluations" de la production scientifique est la publication de résultats. Et là, déjà, on comprend que le contrôle ne doit pas être confié à des éditeurs privés, mais aux institutions préalablement citées.
Dans le temps, on avait besoin des éditeurs, dont c'était le métier de procéder à l'impression de journaux, mais avec l'avènement des techniques numériques, les éditeurs ne sont plus d'aucune utilité, et, d'ailleurs, ils se sont outrageusement développé comme des sangsues sur la communauté scientifique. Vite, il faut que les institutions reprennent le contrôle des publications.

Pour ce qui concerne le travail d'expertise des manuscrits, il est fait par les scientifiques, donc  il est  financé par les institutions déjà évoquées, et des acteurs privés n'ont pas à se mêler de ce qui regarde des relations entre des employeurs et des employés.
Voilà pourquoi je récuse des sites comme Publons, qui, peut-être à l'origine, ont été créés  à partir de la bonne intention qui était de vouloir reconnaître ceux qui font des expertises de manuscrits, mais qui sont privés, de sorte qu'ils sont illégitimes.

Il faut donc  les académies, les institutions de recherche, les sociétés savantes, reprennent la main sur ces questions-là également.
De toute façon, au 21e siècle, ce n'est pas un gros travail, car l'administration s'est considérablement simplifié ; il n'y a plus de papier, et les coûts ont fondu.

Il faut donc que les institutions fassent leur travail, leur travail d'évaluation indépendant, leur travail de reconnaissance des chercheurs. 




samedi 16 octobre 2021

En avant première, les mécanismes de formation des crêpes

Voici ce qui sera probablement expliqué bientôt à la télévision, dans C'est pas sorcier... puisque cela vient de moi : 



Au fond, les mécanismes qui engendrent les crêpes à partir de la pâte à crêpes sont simples.
Considérons une pâte à crêpes faite d'oeufs, de farine et de lait.
- le lait, au premier ordre,  c'est de l'eau, avec de la matière grasse dispersée;
- l'oeuf apporte de l'eau, à nouveau, mais également des protéines, qui sont initialement comme de microscopiques pelotes;
- et la farine apporte essentiellement des grains insolubles dans l'eau, que l'on nomme  des grains d'amidon. Quand on mélange les trois ingrédients, on a de l'eau, qui fait une phase continue, avec des protéines en solution, et des grains d'amidon en suspension, plus des gouttelettes de matière grasse.

Quand on chauffe, les protéines de l' œuf se déroulent et s'attachent en a un réseau qui s'étend dans tout le volume de la crêpe, comme quand on cuit du blanc d'œuf. Et ce réseau donne donc de la cohésion au liquide. Toutefois, à ce "gel" de protéines s'ajoute l'empesage de l'amidon : cela signifie que, dans l'eau chaude, les grains d'amidon gonflent en absorbant l'eau environnante. Ils gonflent même tant  qu'ils finissent par s'interpénétrer et se souder. C'est donc un deuxième mécanisme qui donne de la solidité à la crêpe, et permet notamment de la retourner.



Il y a de nombreuses questions qui demeurent, comme de savoir pourquoi les deux face de la crêpe ne sont pas identiques. C'est pourtant simple  : quand ton cuit la première face, la crêpe est encore liquide, de sorte que l'eau qui s'évapore au contact de la poêle chaude forme de la vapeur, qui arrive à traverser le liquide, créant de petits trous.
La base de la crêpe cuit en premier, puis la cuisson va jusque au sommet.
Quand on retourne la crêpe, on ne cuit plus un liquide, mais un solide et cela est bien différent, car l'eau qui s'évapore au contact de la poêle n'a plus la possibilité de traverser la crêpe , car celle-ci n'est plus liquide ; elle  soulève donc la crêpe, forme des cloques et c'est ainsi que l'on a des parties au contact de la poêle et des parties qui ne sont pas au contact de la poêle, d'où des différences de couleurs et de degrés de cuisson.

jeudi 30 septembre 2021

Analyser une formule

 Je reçois aujourd'hui un message amical, assorti d'une question :

Je m'interrogeais sur la problématique suivante : comment fait-on pour analyser la contenance d'arômes dans un produit ? Imaginons une entreprise qui souhaite copier le goût du soda phare de son concurrent, quelles techniques utilise-t-elle pour lister tous les produits présents dedans ? Existe-t-il des techniques plus rigoureuses qu'un nez bien aiguisé ?

Comment fait-on pour analyser la "contenance d'arômes" dans un produit ? Je crois que la première chose est de bien comprendre la question... et je dis cela d'emblée parce que le mot "arôme" est piégé.
Un arôme,  en bon français, c'est l'odeur d'un aromate ou d'une plante aromatique. Pas d'une boisson, pas d'un soda, pas d'une viande...  Je vais donc répondre plutôt à la question : comment connaître la composition chimique d'un aliment, et, notamment, sa composition en composés odorants.

Dans tous les aliments, mais aussi dans les boissons et dans les sodas,  il y a des composés  variés, le principal étant l'eau, mais il y a aussi des protéines, des lipides, des glucides... Connaître la composition d'un produit, cela signifie déterminer ces compositions qui sont principales.

Puis il y a de nombreux composés qui ont des effets sensoriels. Et, là, il est bon de distinguer les composés qui agissent sur des récepteurs visuels (couleur), ceux qui agissent sur les récepteurs olfactifs, sur les récepteurs de la saveur, sur les récepteurs du nerf trijumeau (piquants et frais), etc. D'ailleurs, il faut observer que les molécules ne sont pas spécifiques de voies sensoriellescertains composés sont à la fois odorants et sapides, d'autres odorants et frais, etc.
Un exemple ? L'éthanol, ou alcool des vins, bières, spiritueux, est un composé à la fois brûlant, odorant, sapide. Le (-)-menthol, présent dans la menthe, est à la fois odorant (odeur de menthe) et frais.

Tout cela étant dit, il y a donc des composés qui sont suffisamment volatils pour arriver jusqu'aux récepteurs olfactifs du nez, soit qu'ils arrivent quand on hume, soit qu'ils passent par les fosses rétronasales, où la bouche communique avec le nez (voie dite "rétronasale"). Ce sont les mêmes composés "odorants", dans les deux cas. Et les "arômes" sont les odeurs particulières des aromates, dus à des composés odorants.

Les déterminer ? C'est aujourd'hui une analyse classique (je n'ai pas dit que ce soit rapide), qui consiste - par exemple- à enfermer un produit dans un récipient fermé, en présence d'une fibre : les composés odorants libérés par le produit passent dans l'air du récipient, et s'adsorbent (se collent, en quelque sorte) sur la fibre.
Puis on "désorbe" ces composés odorants dans un appareil de "chromatographie en phase gazeuse couplé à de la spectrométrie de masse", ce qui signifie que la fibre est placée à l'entrée d'un tube très long (plusieurs dizaines de mètres) et très fin (comme un cheveu) ; à l'aide d'un gaz (par exemple de l'hélium ou de l'hydrogène), on pousse les molécules désorbées dans le tube, de sorte que, en raison de leurs interactions différentes avec des particules qui emplissent le tube, on fait avancer les molécules des divers composés odorants à des vitesses différentes : elles arrivent séparées à la sortie de cette "colonne de chromatographie".
A la sortie de la colonne de chromatographie, ces molécules séparées sont envoyées dans le "spectromètre de masse", qui les charge électriquement et les sépare en fonction de leur masse et de leur charge électrique : des séparations, on déduit la nature chimique des composés séparés. Bref, on détermine la composition de l'odeur d'un produit en composés odorants.

Reste que le goût d'un produit, c'est bien plus que son odeur, anténasale (quand on hume) ou rétronasale (quand on mastique, et que les composés odorants remontent vers le nez, en passant par les canaux qui font communiquer le nez et la bouche).
Il y a notamment les composés sapides, qui se lient aux récepteurs des papilles. Ces papilles que l'on dit "gustatives", et que l'on ferait mieux de dire "sapictives".
Là, ces composés sont principalement en solution, et ils pJe reçois aujourd'hui un message amical, assorti d'une question :

Je m'interrogeais sur la problématique suivante : comment fait-on pour analyser la contenance d'arômes dans un produit ? Imaginons une entreprise qui souhaite copier le goût du soda phare de son concurrent, quelles techniques utilise-t-elle pour lister tous les produits présents dedans ? Existe-t-il des techniques plus rigoureuses qu'un nez bien aiguisé ?

Comment fait-on pour analyser la "contenance d'arômes" dans un produit ? Je crois que la première chose est de bien comprendre la question... et je dis cela d'emblée parce que le mot "arôme" est piégé.
Un arôme,  en bon français, c'est l'odeur d'un aromate ou d'une plante aromatique. Pas d'une boisson, pas d'un soda, pas d'une viande...  Je vais donc répondre plutôt à la question : comment connaître la composition chimique d'un aliment, et, notamment, sa composition en composés odorants.

Dans tous les aliments, mais aussi dans les boissons et dans les sodas,  il y a des composés  variés, le principal étant l'eau, mais il y a aussi des protéines, des lipides, des glucides... Connaître la composition d'un produit, cela signifie déterminer ces compositions qui sont principales.

Puis il y a de nombreux composés qui ont des effets sensoriels. Et, là, il est bon de distinguer les composés qui agissent sur des récepteurs visuels (couleur), ceux qui agissent sur les récepteurs olfactifs, sur les récepteurs de la saveur, sur les récepteurs du nerf trijumeau (piquants et frais), etc. D'ailleurs, il faut observer que les molécules ne sont pas spécifiques de voies sensoriellescertains composés sont à la fois odorants et sapides, d'autres odorants et frais, etc.
Un exemple ? L'éthanol, ou alcool des vins, bières, spiritueux, est un composé à la fois brûlant, odorant, sapide. Le (-)-menthol, présent dans la menthe, est à la fois odorant (odeur de menthe) et frais.

Tout cela étant dit, il y a donc des composés qui sont suffisamment volatils pour arriver jusqu'aux récepteurs olfactifs du nez, soit qu'ils arrivent quand on hume, soit qu'ils passent par les fosses rétronasales, où la bouche communique avec le nez (voie dite "rétronasale"). Ce sont les mêmes composés "odorants", dans les deux cas. Et les "arômes" sont les odeurs particulières des aromates, dus à des composés odorants.

Les déterminer ? C'est aujourd'hui une analyse classique (je n'ai pas dit que ce soit rapide), qui consiste - par exemple- à enfermer un produit dans un récipient fermé, en présence d'une fibre : les composés odorants libérés par le produit passent dans l'air du récipient, et s'adsorbent (se collent, en quelque sorte) sur la fibre.
Puis on "désorbe" ces composés odorants dans un appareil de "chromatographie en phase gazeuse couplé à de la spectrométrie de masse", ce qui signifie que la fibre est placée à l'entrée d'un tube très long (plusieurs dizaines de mètres) et très fin (comme un cheveu) ; à l'aide d'un gaz (par exemple de l'hélium ou de l'hydrogène), on pousse les molécules désorbées dans le tube, de sorte que, en raison de leurs interactions différentes avec des particules qui emplissent le tube, on fait avancer les molécules des divers composés odorants à des vitesses différentes : elles arrivent séparées à la sortie de cette "colonne de chromatographie".
A la sortie de la colonne de chromatographie, ces molécules séparées sont envoyées dans le "spectromètre de masse", qui les charge électriquement et les sépare en fonction de leur masse et de leur charge électrique : des séparations, on déduit la nature chimique des composés séparés. Bref, on détermine la composition de l'odeur d'un produit en composés odorants.

Reste que le goût d'un produit, c'est bien plus que son odeur, anténasale (quand on hume) ou rétronasale (quand on mastique, et que les composés odorants remontent vers le nez, en passant par les canaux qui font communiquer le nez et la bouche).
Il y a notamment les composés sapides, qui se lient aux récepteurs des papilles. Ces papilles que l'on dit "gustatives", et que l'on ferait mieux de dire "sapictives".
Là, ces composés sont principalement en solution, et ils passent de l'eau de l'aliment vers la salive, avant d'atteindre les récepteurs des papilles.
Les analyser ? Des techniques analogues à la première sont utilisables, mais d'autres, aussi.

Et puis, il y a les composés qui se lient aux récepteurs du nerf trijumeau, suscitant des fraîcheurs et des piquants. On les trouve soit dans la fraction liquide, soit dans la fraction odorante.

 D'ailleurs, j'ai omis de dire que, pour comprendre l'effet de chaque composé séparé lors de l'analyse, on peut le faire sentir, à mesure qu'il sort, par un juré, qui attribue un "descripteur".

Tout est-il réglé ? Non, parce que, malgré les extraordinaires performances des appareils d'analyse, il existe  des "composés traces", c'est-à-dire des composés présents en très petite quantité, mais qui ont une grande influence sensorielle.
Pour ceux là, il faut des étapes préliminaires de concentration, notamment.

Et c'est ainsi que, récupérant des tables de compositions, les bons parfumeurs savent  reproduire presque n'importe quelle odeur, non pas en utilisant les centaines de composés identifiés, mais en assemblant une dizaine des principaux.
C'est ainsi que j'ai reçu d'un merveilleux professionnel, Roman Kayser, qui travaille pour la Société Givaudan, des reproductions de Haut-Brion 1985, de Gewurtztraminer vendanges tardives, etc.
Mais, pour des applications industrielles, un nombre de composés entre 1 et 10 suffit.

J'insiste un peu sur l'état actuel des questions analytiques : sortent, semaine après semaine, dans des revues de sciences et technologies des aliments, des articles qui établissent l'odeur de différents aliments : tout récemment le durian, le riesling stocké pendant 10 ans, des thés, etc. Le flot est interrompu, parce que la technique est maintenant bien maîtrisée.

Pour autant, c'est un vrai savoir faire que de "formuler" les composés odorants, parce qu'il y a des "effets de matrice".
Pour les expliquer, prenons l'exemple des molécules d'amylose (présentes dans les féculents)  : elles se mettent en hélice autour des composés odorants, de sorte que la libération de composés que l'on aurait formulés ne se fait alors pas librement.
Or  le décours temporel de la libération des composés odorants est essentielle, comme on le comprend en imaginant un mélange fait de deux composés, la vanilline, qui a une odeur  de vanille, et le benzaldéhyde, qui a une odeur d'amande amère. Si on libère les deux composés ensemble, on a une odeur particulière,  mais si on libère d'abord la vanilline et plus tard le benzaldéhyde, alors on sent d'abord la vanille puis l'amande amère, mais pas l'odeur du mélange qui était visée.

On doit donc combien les effets de matrice sont essentiels, et c'est bien un savoir faire des formulateurs de compositions odorantes que de parvenir à donner une odeur sur mesure à une préparation particulière.
assent de l'eau de l'aliment vers la salive, avant d'atteindre les récepteurs des papilles.
Les analyser ? Des techniques analogues à la première sont utilisables, mais d'autres, aussi.

Et puis, il y a les composés qui se lient aux récepteurs du nerf trijumeau, suscitant des fraîcheurs et des piquants. On les trouve soit dans la fraction liquide, soit dans la fraction odorante.

 D'ailleurs, j'ai omis de dire que, pour comprendre l'effet de chaque composé séparé lors de l'analyse, on peut le faire sentir, à mesure qu'il sort, par un juré, qui attribue un "descripteur".

Tout est-il réglé ? Non, parce que, malgré les extraordinaires performances des appareils d'analyse, il existe  des "composés traces", c'est-à-dire des composés présents en très petite quantité, mais qui ont une grande influence sensorielle.
Pour ceux là, il faut des étapes préliminaires de concentration, notamment.

Et c'est ainsi que, récupérant des tables de compositions, les bons parfumeurs savent  reproduire presque n'importe quelle odeur, non pas en utilisant les centaines de composés identifiés, mais en assemblant une dizaine des principaux.
C'est ainsi que j'ai reçu d'un merveilleux professionnel, Roman Kayser, qui travaille pour la Société Givaudan, des reproductions de Haut-Brion 1985, de Gewurtztraminer vendanges tardives, etc.
Mais, pour des applications industrielles, un nombre de composés entre 1 et 10 suffit.

J'insiste un peu sur l'état actuel des questions analytiques : sortent, semaine après semaine, dans des revues de sciences et technologies des aliments, des articles qui établissent l'odeur de différents aliments : tout récemment le durian, le riesling stocké pendant 10 ans, des thés, etc. Le flot est interrompu, parce que la technique est maintenant bien maîtrisée.

Pour autant, c'est un vrai savoir faire que de "formuler" les composés odorants, parce qu'il y a des "effets de matrice".
Pour les expliquer, prenons l'exemple des molécules d'amylose (présentes dans les féculents)  : elles se mettent en hélice autour des composés odorants, de sorte que la libération de composés que l'on aurait formulés ne se fait alors pas librement.
Or  le décours temporel de la libération des composés odorants est essentielle, comme on le comprend en imaginant un mélange fait de deux composés, la vanilline, qui a une odeur  de vanille, et le benzaldéhyde, qui a une odeur d'amande amère. Si on libère les deux composés ensemble, on a une odeur particulière,  mais si on libère d'abord la vanilline et plus tard le benzaldéhyde, alors on sent d'abord la vanille puis l'amande amère, mais pas l'odeur du mélange qui était visée.

On doit donc combien les effets de matrice sont essentiels, et c'est bien un savoir faire des formulateurs de compositions odorantes que de parvenir à donner une odeur sur mesure à une préparation particulière.