jeudi 24 octobre 2019

Nous mangeons une alimentation, pas des aliments !


Que penser des évaluations nutritionnelle des aliments ?
Il y a fréquemment des messages de la part des hygiénistes pour dire qu'il faut manger des fruits et des légumes, qu'il ne faut pas trop manger gras, sucré, salé, qu'il faut  faire de l'exercice... Et tout cela n'est pas contestable  : oui, il faut manger des fruits des légumes afin d'obtenir des vitamines, des oligoéléments, des fibres... mais aussi des lipides qui font les membranes de nos cellules, des protéines, etc. Oui, il faut manger des viandes afin de récupérer des protéines, du fer bien assimilable (sans quoi les enfants seront intellectuellement attardés). Oui, il faut éviter de manger des produits frits en excès,  sans quoi nous verserons dans une obésité qui nous vaudra bien des déboires. Oui, il faut manger éviter de manger trop salé, sans quoi l'hypertension artérielle nous guette ;  il faut éviter de manger trop sucré, sans quoi nous aurons des caries, du diabètes... Oui  il faut aussi éviter de manger trop fumé sans quoi, comme les populations du nord de l'Europe, nous seront atteints de cancers du système digestif.

Mais je reviens aux messages diététiques (plutôt que nutritionnels, d'ailleurs, puisque la nutrition est une science, et la diététique son application). A qui s'adressent-ils ? Et sont-ils utiles ?
J'observe tout d'abord que des responsables de la santé humaine ne peuvent manquer de s'effrayer de l'augmentation de l'obésité dans nos sociétés modernes  : nous stockons, avec nos aliments, plus que nous n'en dépensons. Et il reste vrai  qu'il y a lieu d'enseigner à manger, car un régime qui serait focalisé sur un seul type d'aliments conduirait à de graves dysfonctionnements de l'organisme.  C'est par exemple ce qui avait été observé au 19e siècle, quand on a voulu établir l'intérêt des bouillon de viande : on s'est aperçu que les  chiens qui en étaient nourris exclusivement sont morts en assez peu de temps. La leçon a été bien retenue par les bons nutritionnistes :  il faut manger de tout en quantités modérées et faire de l'exercice modérément.
C'est là un vrai message qui doit être donné... mais comment le faire passer efficacement ? Le citoyen veut sans cesse du neuf, d'où les diversifications sur l'exercice, le gras-sucré-salé, les cinq fruits et légumes...
Jusque-là, tout va encore assez bien, mais ce qui me va plus, ce sont ces codes couleurs qui stigmatisent certains aliments. Il faut dire que nous pouvons manger de tout... sans excès. Et éviter des simplifications qui révèlent que l'on est soi-même... simplet.
Par exemple, un député vient de proposer une taxe sur les produits de la charcuterie. Il se fonde notamment sur les évaluations toxicologiques ou épidémiologiques de ces composés particuliers que sont les nitrites ou les nitrates... mais il oublie de reconnaître que ces composés évitent des cas de botulisme mortels!  Et puis, imaginons que les cas de  botulisme apparaissent, par conséquence de la proposition de ce député  : ira-t-on le chercher pour le mettre en prison ? Je propose à mes amis de ne pas oublier que les conseilleurs ne sont pas les payeurs,  et cet  homme ne sera pas poursuivi, et il continuera  son œuvre délétère. Certes  les citoyens ont les représentants qu'ils méritent, mais quand même, il y a des gens douteux dont il faut apprendre à se méfier. Nous avons la responsabilité d'avoir des réactions  énergiques et rapides !
D'ailleurs, je passe sur le cas particuliers des charcuteries pour revenir à   ce code couleur que je déteste pour une raison très simple  : nous ne mangeons pas des aliments mais une alimentation.
Tout ingrédient alimentaire, qu'il s'agisse d'une carotte, d'un navet, d'une terrine, d'un saucisson, d'un éclair au chocolat, d'un poisson, etc. contient des composés qui ont une certaine toxicité, mais cela n'est pas une raison pour l'éviter ! Souvenons-nous de l'exemple des bouillon de viande. Et sachons aussi que les toxicologues évoquent souvent une "courbe en J" que j'explique maintenant ainsi  : certaines vitamines sont absolument indispensables en petite quantité, mais elles deviennent toxiques en quantités supérieures. Ce phénomène est très général.

Soyons positifs : que pouvons-nous dire si nous voulons avoir un message diététique de type national ? Certainement qu'il faut faire de l'exercice modérément,  mais certainement aussi qu'il faut varier notre alimentation et ne pas manger trop. Nous pouvons manger de tout (sauf évidemment de graves poisons), mais en petite quantité. Et nous devons lutter absolument contre les docteur Knock de l'alimentation  : : ceux pour qui tout bien mangeant et un malade qui s'ignore... et qui peut tomber entre leurs griffes.

Mais je vois que mon regard s'attarde sur la frange et je veux relever le nez immédiatement pour regarder le ciel bleu : il y a de la marge pour apprendre à manger, individuellement et collectivement, pour enseigner à nos enfants comment bien manger. Car le message est simple  : nous devons manger de tout en quantités modérées et faire de l'exercice modérément.
Pas de codes couleurs stigmatisant !

La chimie est une science, qui ne se confond pas avec ses applications, et certainement pas avec la cuisine


Des journalistes écrivent une fois de plus que la cuisine serait de la chimie, et je veux dire un NON énergique !

Car la cuisine est une activité technique, parfois artistique, qui consiste à produire des aliments, c'est-à-dire soit des assemblages de nutriments, soit des œuvres d'art (culinaire).
En revanche, la chimie est une activité scientifique, qui cherche les mécanismes des phénomènes, par une méthode que j'ai présentée plusieurs fois, mais que je redonne ici pour bien faire comprendre que cela n'a RIEN A VOIR avec de la cuisine !



Je ne comprends pas comment il est possible que l'on puisse faire la confusion entre une activité technique artistique, d'un côté, et une activité scientifique de l'autre ! Bien sûr, je sais qu'il y a beaucoup de confusions à propos de la chimie,  avec des groupes qui s'emparent indûment du nom de "chimie". Par exemple, il faut dire, répéter et répéter encore jusqu'à ce que cela soit clair pour tous qu'il n'y a pas d'industrie chimique. Car l'industrie ne fait pas de science, mais  de la technique.
Oui, il y a eu des chimistes qui se sont intéressés aux applications de leur science, comme quand Michel Eugène Chevreul, découvrant la constitution moléculaire des graisse, arrive, par application de ces travaux, à un brevet sur la fabrication des bougies. Mais il ne confondait pas la chimie avec ses applications. Pas plus que Louis Pasteur, qui était un excellent chimiste : il a bien expliqué que son activité de la deuxième moitié de sa vie n'était  plus de la chimie, mais bien des applications de la chimie ou de la biologie.
Cc'est cela qu'il faut expliquer : la chimie est une science de la nature, c'est-à-dire la recherche des mécanismes des phénomènes à l'aide d'une méthode bien particulière que j'ai donc exposée de nombreuses fois. Et, à l'opposé,  les applications de la chimie ne sont pas de la chimie, mais  des applications de la chimie, c'est-à-dire soit de la technologie, soit de la technique...  aussi de l'instruction.
Pour expliquer ce dernier point,  on peut observer qu'il y eut un bouleversement intellectuel quand on comprit, vers l'époque de Galilée, qu'une pierre lancée en l'air n'allait pas d'abord en ligne droite avant de retomber verticalement. De même, ce fut très grand progrès quand on a découvert l'existence des micro-organismes et qu'on a pu, par application de cette découverte scientifique, prendre des mesures d'hygiène judicieuses.
De même, pour la chimie,  il y a, comme application intellectuelle, l'idée le monde est fait de molécules, d'atomes, et que les énergies qui conduisent à des réarrangements d'atomes sont tout à fait raisonnables, puisque ce sont celles du feu. J'ai dit ailleurs combien je pensais que cette partie des applications de la chimie était essentielle, ce qui vaut d'ailleurs pour les autres sciences.

Je synthétise, donc,  maintenant  : il y a la science d'un côté et les applications de la science de l'autre. La science, c'est la science, et ce n'est pas "appliqué" Et les applications des sciences sont des applications de sciences, mais ce ne sont pas des sciences. Ce qui est dit là vaut pour toutes les sciences de la nature, notamment pour la chimie. Et voilà pourquoi, malgré l'utilisation, dans les cuisines modernes, de résultats de cette branche particulière de la chimie qu'est la gastronomie moléculaire,  je suis très rigoureusement opposé à la confusion.

Je le répète encore et encore : la chimie est une science!

mardi 22 octobre 2019

Connaissances ouvertes et connaissances fermées


Un ami m'a tendu une perche : distinguer des connaissances ouverte et des connaissances fermées. Je l'ai prise, mais  en me demandant  immédiatement ce que seraient ces connaissances ouvertes et ces connaissances fermées.

Connaissance fermée ? On imagine une connaissance qui ne conduit pas à  autre chose  : par exemple,  quelle heure est-il ? On répond "onze heures", et tout s'arrête.  Une connaissance ouverte ? Cela me fait penser immédiatement à ces questions étincelles que j'avais déjà discutées ailleurs.
Pour autant, je me méfie de moi-même, car je suis tombé déjà une fois dans le panneau avec le traité de peinture du moine Citrouille amère, Shitao : il parlait de la "poussière du monde", et j'ai mis un certain temps à comprendre que cette poussière du monde ne préexistait pas, mais que c'est éventuellement nous qui la créions.  A contrario, c'est à nous qu'il revient de mettre de l'intelligence dans le monde qui nous entoure, dans le moindre objet, dans la moindre relation, dans le moindre acte...
Le monde n'est ni poussière ni intelligence, pas plus que la nature n'est bonne ou mauvaise, et c'est à nous, entièrement à nous, qu'il revient d'en faire quelque chose que nous jugeons, que nous apprécions par notre culture. C'est à nous de voir la beauté, c'est à nous de voir intelligence. Mais en disant "voir",  je m'aperçois de la faute, parce que ce verbe suppose que l'intelligence ou la beauté sont là et qu'il nous faut apprendre à les voir, alors qu'en réalité,  c'est à nous de les créer.

Oui, c'est à nous de créer l'intelligence ; c'est à nous de ne pas créer de la poussière dans ce monde. Et, au fond, tout cela est merveilleusement optimiste, car cela revient à reconnaître que le bonheur de la contemplation est en nous-même,  qu'il ne dépend que peu des circonstances.

Nous voulons de l'intelligence ? Créons-la !

lundi 21 octobre 2019

Quelle est la question à laquelle je ne pense pas ?


Étonnant phénomène que celui que j'ai détecté hier,  lors d'une conférence que je donnais :  je montrais l'évolution de la cuisine au cours du temps ;  puis je montrais  l'état de la cuisine d'aujourd'hui dans différents pays. Je signalais donc l'organisation de mes exemples selon  deux axes perpendiculaires,  l'un vertical pour le temps et l'autre horizontal pour la répartition géographique.
Et immédiatement, j'ajoutais qu'il nous fallait donc chercher sans attendre un troisième axe perpendiculaire aux deux autres.
Cette proposition n'était pas indécente intellectuellement... sauf que, le soir venu, je me suis aperçu qu'il était un peu paresseux de chercher seulement un troisième axe perpendiculaire aux deux autres  : pourquoi pas, aussi, un quatrième, puis un cinquième, etc. ?

Pourquoi n'avais-je pas proposé immédiatement plusieurs axes, et non pas seulement un de plus ?  Une première analyse me fait comprendre que le troisième axe s'est imposé parce que nous vivons dans un espace à trois dimensions. Certes, mais,  quand même, il n'est pas interdit de penser les espaces les espaces  à quatre, cinq, six, etc.  dimensions ? 

Il y avait donc une erreur terrible, et si l'on se préoccupe d'innovation,  alors il apparaît clairement que le nombre trois doit appeler le nombre quatre, qui doit appeler  le nombre cinq,  et ainsi de suite à l'infini !

dimanche 20 octobre 2019

N'est-il pas honteux ?


"N’est-il pas honteux que les fanatiques aient du zèle et que les sages n’en aient pas. Il faut être prudent mais non pas timide". La phrase est de Voltaire (Pensées détachées de M. l'abbé de Saint-Pierre), mais je m'aperçois d'une erreur que je faisais en la citant : je l'interprétais en pensant qu'il fallait répondre aux fanatiques.

Les fanatiques ? Par exemple, il y a des idéologues qui luttent contre le nucléaire, contre les additifs, etc., et, quand leurs arguments sont faux, mais répétés,  il y a une sorte de litanie fanatique que nous devons combattre, car elle peut s'exercer de façon délétère sur nos amis, nos collectivités, conduisant à des décisions mauvaises.
Certes, il y a lieu de donner des faits justes, en vue de prises de décisions collectives rationnelles, mais je me rends compte aujourd'hui que j'ai interprété la phrase de Voltaire en terme de réponses aux fanatiques, alors qu'il y a peut-être à la considérer non pas par rapport aux fanatiques, mais par rapport à notre activité propre, personnelle, sans relation avec celle des fanatiques.

Oublions les fanatiques et pensons à nos propres activités : ayons du zèle !

samedi 19 octobre 2019

Les aliments traditionnels sont-ils sûr ?


Les aliments traditionnels sont-ils sûr ? Hier encore, j'entendais un collègue dire (de façon erronée, disons-le immédiatement) que les aliments traditionnels étaient sûrs :  il en prenait pour preuve que ces aliments avaient été consommés depuis très longtemps.
Ne peut-on dire, au contraire, que cette ancienneté est signe de péremption ? Expliquons-le à partir d'une observation  : je propose que nous croisions le traité d'Hildegarde de Bingen, qui propose l'usage de plantes variées pour des applications alimentaires, thérapeutiques ou cosmétiques, avec  le Compendium des plantes toxiques publiés par l'Agence européenne de sécurité sanitaire des aliments (Efsa). Il est tout à fait extraordinaire de voir que les plantes recommandées par Hildegarde de Bingen sont très souvent à l'origine d'intoxications qui conduisent les consommateurs dans les centres anti-poison, mais il y a pire :  certaines plantes qui sont utilisées en infusion pour soigner divers petits désagréments (vertiges, nausées, maux de tête,  etc.)  provoquent des cancers dix ans plus tard. En réalité, les  ingrédients alimentaires traditionnels n'ont jamais été testés toxicologiquement, et l'on peut supposer que beaucoup serait retoqués aujourd'hui s'ils étaient évaluées par les test que l'on fait passer aux "novel food". Autoriserait-on la noix muscade ? Je ne crois pas. La cannelle ? Les choux, même ? Ou encore les pommes de terre ?

Pour ce qui concerne la médecine, je dis souvent que les médecines, traditionnelles, anciennes, sont surtout périmées, mais je propose que nous soyons, avec les aliments, plus prudents que mon collègue évoqué en début de billet !

vendredi 18 octobre 2019

Les Français auraient-ils peur de manger ? Pas sûr !


Pourquoi les Français ont-ils peur de leur alimentation ?
Avant de poser la question, il faudrait quand même être certain de ce que l'on cherche à expliquer ; il faut d'abord établir les faits, sans quoi nous risquons de trouver une réponse à une question qui ne se pose pas !

Les Français ont-ils peur de leur alimentation ? Il y a là l'éternelle faute de Platon que  combattit Aristote, et que j'expose toujours en rappelant que le goût de la fraise n'existe pas et qu'il y a plutôt les goûts des fraises. Pour ce qui nous concerne ici, il n'y a pas les Français, mais des Français  :  certains ont peur de leur alimentation, mais combien véritablement ? Certains n'ont pas peur de leur alimentation, et certains ne se posent pas la question d'avoir peur ou non.
Or nous ne devons  pas nous-mêmes susciter des craintes, en répétant croire que les Français ont peur de leur alimentation : ce serait de la pyromanie !

Cependant  il y a  ce fait que nous-même arrivons parfois à penser que les Français pourraient avoir peur de leur alimentation, parce que nous sommes exposés à l'activisme de certains, ce que je préfère nommer du fanatisme. Il y  a en effet des personnes qui, pour mille raisons, sont fanatiques, combattent maladivement des moulins...  J'en connais, par exemple, qui, ayant eu une grave maladie, cherchent activement à  épauler  les traitements médicaux qu'on leur donne, et focalisent leur action sur l'alimentation, parce qu'ils supposent que c'est cette alimentation qui est responsable de leur maladie. Ils s'activent alors pour rectifier ce qu'ils croient être des erreurs alimentaires, non seulement pour eux, mais pour l'ensemble de la société, confondant d'ailleurs souvent le danger et le risque.
Mais ne serait-il pas aberrant que des politiques soient tentés de les suivre dans toutes leurs lubies ? Ne serait-il pas aberrant que ces élus (pour autant, ils n'ont pas plus de savoir que leurs électeurs), appliquant bêtement le principe de précaution, en viennent à proposer de tuer tous les crocodiles sous prétexte que ces derniers sont dangereux ? En plein cœur de Paris, le risque d'être mangé par un crocodile est quand même extrêmement faible !

De toute façon, la stratégie qui qui consiste à vouloir répondre à toutes les craintes les unes après les autres est impossible à tenir, car les craintes individuelles sont en nombre infini. Pire, l'expérience montre que la rectification est impossible, de sorte que combattre les peurs est inutile. Je propose donc de ne jamais aller frontalement à l'encontre de ceux qui ont peur, et au contraire, de distribuer des fait justes, de proposer un cadre cohérent, où  ces faits s'insèrent,  de donner des idées principales avant de se perdre dans les détails...