samedi 16 décembre 2017

Vive le Palais de la découverte !


Discutant avec des étudants en stage au laboratoire, je m'aperçois que beaucoup ne connaissent pas le Palais de la découverte, notamment parce qu'ils habitent en province. Je dois donc prendre en un peu de temps, ici, pour expliquer ce dont il s'agit... et vous inviter tous à aller dans cet endroit merveilleux, à y aller, à y retourner, encore et encore !

Les présentations générales étant souvent un peu abstraites, je propose de considérer, par exemple, la salle consacrée à l'azote liquide.
Dans cette salle,  des sièges autour d'un démonstrateur qui fait des expériences.
Car c'est là l'une des marques essentielles du Palais de la découverte : faire des expériences afin de présenter des phénomènes, des avancées de la connaissance scientifique. 

En l'occurrence, le démonstrateur plonge, par exemple, une feuille d'arbre dans de l'azote liquide, liquide très froid, qui congèle instantanément l'eau  de la feuille : les  tissus végétaux deviennent alors cassants comme du verre... mais ils redeviennent souples quand ils se réchauffent. De même un tuyau de caoutchouc, plongé dans l'azote liquide, devient cassant, mais, quand il se réchauffe, il  reprend son élasticité.

Une expérience encore plus extraordinaire consiste à plonger un tison rougeoyant  non plus dans de l'azote liquide, mais dans de l'air liquide  : on voit alors une lueur bleue extraordinaire et le tison s'enflamme à nouveau dans certaines circonstances...

« Certaines circonstances » ? Je vous propose de ne pas répondre ici, et d'aller au Palais de la découverte, afin de voir par vous-même de quoi il retourne.
Ajoutons que l'expérience dont je fais état ici  n'est qu'une toute petite partie du Palais. Il y a mille choses passionnantes, des journées entières à passer au Palais de découverte, car les démonstrations sont nombreuses, pour la physico-chimie, la biologie, etc.


Vive le Palais de la découverte, qui doit absolument rester en plein centre de Paris, dans ce Grand Palais qui doit s'enorgueillir d'abriter le Palais de la Découverte. 










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Appliquons la loi de 1905 sur les produits alimentaires


Connaissez-vous la loi sur le commerce de 1905 ?

C'est une merveilleuse loi, puisque font, en substance, elle réclame que les produits alimentaires dont il est fait commerce soient sains, loyaux,  marchands.

Sain : cela signifie que les produits ne nous empoisonnent pas.

Loyaux : cela signifie que ce dit être vendu correspond à ce qui l'est vraiment. 

Marchand : cela signifie... Un  exemple simple : quand  : on achète des pommes,  le marchand  ne doit pas nous vendre des tonnes tallées, abimées, et c'est pour cette raison  que l'on voit les marchands des quatre saisons, les épiciers, les responsables de rayonnages dans les grandes surfaces, retirer progressivement, au cours de la journée, des produits endommagés.

Evidemment aucun produit n'est parfaitement sain, parfaitement loyal, parfaitement marchand ! Par exemple, à propos de santé : dans les girolles, réputées saines, il y a de l'amanitoïdine, un composé toxique de l'amanite phalloïde. Dans l'eau de vie, il y a de l'éthanol, l'alcool commun, lequel est un poison.
Toutefois c'est une bonne chose de ne pas confondre le gros et le détail. Le gros, cela consiste à  dire du vin, une eau-de-vie sont sains si l'on n'en abuse pas, par exemple.

C'est pour cette raison que la loi de 1905 est merveilleuse ! Nous pouvons chercher à l'améliorer  , car toute chose humaine est perfectible ; nous devons l'améliorer... mais quand même, cette loi est merveilleuse.





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Pour la science nommée chimie, une partie d'analyse, une partie de synthèse


La « chimie »  serait une grande famille, qui aurait la volonté de réunir des techniciens, des ingénieurs, des scientifiques ?

Pourquoi pas : toutes ces personnes se retrouvent autour de l'idée selon laquelle le monde est constitué d'atomes qui se réorganisent selon des lois particulières.
C'est donc, du point de vue de l'étude scientifique, quelque chose qui est de nature physique, puisque la physique est la science de la nature par définition, mais une branche de la physique particulière, car cette étude n'a rien à voir avec l'optique, ou l'électricité, ou l'hydrodynamique...

Et j'ai longtemps hésité, à propos du nom à donner à cette science, mais mes recherches historiques me montrent qu'il faut sans doute employer le nom de chimie pour l'activité scientifique qui étudie les réarrangements d'atomes.


Pour cette science, la tradition a toujours fonctionné avec au moins deux pieds : l'analyse et la synthèse.

L'analyse a toujours été essentielle, puis qu'il fallait comprendre la nature de la matière et son évolution.
Et la synthèse est essentielle, puisqu'elle construit des systèmes nouveaux que l'on peut analyser. D'ailleurs, il y a de la synthèse dans deux types d'activités : soit pour tester la nature, et en comprendre les lois ; soit pour obtenir des résultats, à savoir des médicaments, des pesticides (je répète qu'il vaut mieux des pesticides bien conçus que les pesticides naturels, non ciblés...).

Evidemment les individus dont l'esprit n'est pas assez élevé pour comprendre qu'il n'est pas nécessaire de dénigrer l'objet dont on veut faire l'éloge n'ont pas manqué d'abaisser l'analyse quand il faisaient de la synthèse, et vice versa. Mais les individus les plus éclairés, eux, savent qu'il faut deux pieds pour tenir debout.

Apprenons à dépasser ces querelles idiotes. Pour la chimie, il faut de la synthèse et de l'analyse, et c'est ainsi que la chimie est une science merveilleuse !






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La chimie est une science merveilleuse !


Quand je dis chimie, je dis  chimie, c'est-à-dire que je dis « sciences qui étudie les transformations de la matière », et ce que je ne confonds ni avec la technique de production des composés, ni avec la technologie qui utilise les résultats de la science chimique pour améliorer la technique. J'ai mis longtemps à le comprendre, mais c'est maintenant clair : la technique et la technologie fondés sur la chimie doivent recevoir d'autres noms que "chimie".


Par exemple, de l'eau que l'on chauffe s'évapore  : il y a une transformation, puisque la vapeur d'eau et l'eau liquide apparaissent différemment. Toutefois ce n'est pas de la chimie, puisque ce n'est pas là une activité de science. D'autre part, il  n'y a pas, ici, de "réactions", puisque les molécules sont toujours des molécules d'eau, qu'elles soient dans le liquide ou sous la forme d'un gaz nommé vapeur.
Au contraire,  si l'on fait passer de la vapeur d'eau sur du fer réduit en poudre (en pratique, il suffit d'utiliser un morceau de fer et une simple lime) et chauffé jusqu'à être rouge,  alors la vapeur d'eau se transforme en  un mélange de deux gaz qui ne sont plus de la vapeur d'eau : il s'agit de dihydrogène et de dioxygène. Les molécules ont été modifiées, et les propriétés des deux gaz n'ont rien à voir avec celles de la vapeur d'eau ; notamment, si l'on approche une allumette du mélange des deux gaz, il explose, alors que la vapeur d'eau, elle, n'a pas cette propriété. Cette fois, il y a eu réaction, et l'on devrait plutôt parler de transformation moléculaire.

La chimie est donc l'activité scientifique qui consiste à étudier les  transformations des molécules, et, plus généralement, les réarrangements d'atomes (il y a ici une petite subtilité de spécialiste, en ce sens que des solides tels que le sels ne sont pas composés de molécules, même s'ils restent évidemment composés d'atomes).

Mais nous sommes samedi, et je ne veux pas m'intéresser aujourd'hui à  la discipline scientifique que j'aime et que pratique, mais à la technique qui découle de la chimie, et qui continue de m'éblouir, parce que, par des actions simples comme chauffer, couper, broyer, illuminer, etc.,  on parvient à réorganiser les atomes.
Cela, le cuisinier le fait : quand il chauffe du sucre de table dans une casserole, les molécules de saccharose qui constituent le sucre de table sont modifiées, et il obtient une masse qui est classiquement nommée caramel, et qui est constituée d'autres molécules que celle de saccharose. Le cuisinier, par conséquent, opère des réactions moléculaires. Observons qu'il n'est pas chimiste pour autant : il n'est pas un scientifique qui étudie ces transformations, mais un technicien (certes, parfois doublé d'un artiste) qui les met en oeuvre.

Dans ce billet,  ce que je veux dire, c'est que la science de la chimie, la chimie, a produit des connaissances, est devenue progressivement capable de décrire les organisations d'atomes,  notamment en molécules, et que ces loi, règles, équations, permettent de prévoir des réactions qui n'ont jamais été faites.
Ce qui est extraordinaire, c'est que, à l'aide des descriptions  qui ont été patiemment mises au point par les chimistes du passé, les chimistes d'aujourd'hui deviennent capables de prévoir le résultat de réactions jamais imaginées, jamais pensées, jamais faites, et avec beaucoup de précision, de surcroit.
Pas en cuisine, toutefois... pour l'instant. Pas en cuisine, mais de nombreux sites, qui sont nommés souvent laboratoires. On écrit une équation toute simple, on observe son résultat, obtenue extraordinairement simplement.. et l'on constate que le résultat est juste quand on fait  l'expérience ! Quelle puissance extraordinaire de ces équations ! De ce fait, puisque la cuisine est une activité qui met en oeuvre des réactions moléculaires, on ne peut s'empêcher de se demander quand, enfin, les cuisiniers deviendront capables d'utiliser ce langage en équations de la chimie pour prévoir les résultats qu'ils obtiendront.

Vraiment la chimie est merveilleuse...









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Ce fameux sucre ajouté

Cela fait trois chaînes de télévision de suite qui veulent venir dans mon laboratoire pour que, analyse à l'appui, je leur "démontre" que les industriels ajoutent du sucre dans leurs  produits. 




Les premières questions sont les suivantes : les industriels ajoutent-ils du sucre dans leurs produits ? Quelques industriels ? Tous les industriels ? Et puis, qu'est-ce qu'un "industriel" ?  Du sucre : dans quelques produits ? dans tous les produits ?

Puis vient la question suivante : en quoi l'ajout de sucre est-il un sujet qu'il faille discuter ?

Enfin la question importante : que des journalistes veuillent que je démontre qu'il y a du sucre ajouté dans les produits alimentaires de l'industrie, est-ce du bon journalisme ?



Je propose d'analyser tout cela calmement.

Les industriels ajoutent-ils du sucre dans leurs produits ? 
Là, c'est certainement non, car les industriels qui fabriquent du sel n'ajoutent pas de sucre dans le sel. Idem pour les industriels qui fabriquent de l'huile, par exemple.
Donc ce serait idiot de vouloir "démontrer" que les industriels ajoutent du sucre dans tous leurs produits. Et ce serait une grave faute professionnelle, pour des journalistes, de vouloir le démontrer. 


Quelques industriels ajoutent du sucre dans leurs produits ? 
Là, c'est absolument certain ! Pour faire des pâtisseries, le sucre s'impose, n'est-ce pas ? Et si ce n'est pas du sucre, c'est du miel, par exemple, ce qui revient au même.
Oui, cela revient au même, mais il faut expliquer ce qu'est le sucre, et ce que sont les sucre.
D'abord, le sucre le plus simple est le glucose. Nous en avons dans le sang, et il sert de carburant à nos cellules. Il nous en faut pour vivre, au point que des concentrations faibles dans le sang déclenchent la faim.
Ce sucre est un cousin du fructose, que l'on trouve dans les fruits, comme son nom l'indique, mais aussi dans les légumes, dans le miel...  et qui est aussi libéré, dans notre système digestif quand nous mangeons du sucre de table, ou saccharose.
Ce dernier est présent dans les légumes, dans les fruits, et donc pas seulement dans les cannes à sucre ou dans les betteraves. Quand il est divisé en deux parties dans le système digestif, la première moitié est le fructose, et la seconde moitié est le glucose.
Ajoutons que d'autre sucres sont dits "complexes", mais on devrait les nommer des "polysaccharides", tels la pectine qui fait prendre (naturellement ou artificiellement) les confitures, la cellulose (les "fibres" des aliments), l'amidon (de la farine, par exemple)...
Conclusion : ce serait idiot, de la part des journalistes, que de vouloir me faire montrer aux téléspectateurs que des industriels ajoutent du sucre dans leurs produits. 


Des industriels ajouteraient du sucre dans quelques produits ? 
Et pourquoi pas, au fond, car je sais que les cuisiniers professionnels ont l'habitude de mettre du sucre dans les sauces, par exemple. Pourquoi les cuisiniers professionnels qui travaillent dans l'industrie ne feraient-ils pas de même ? Il ne s'agit donc pas là d'une question d'un complot du grand capital qui voudrait nous rendre addictif (ça on a compris, depuis le début de ce billet, que c'est cela qu'il y a derrière la demande initiale), mais simplement une question de cuisine.
D'ailleurs, j'ajoute que les livres de cuisine traditionnels, tel celui de Madame Saint-Ange, préconisent d'ajouter du sucre dans les recettes de carottes à la Vichyssoise, par exemple, et je connais nombre de chefs qui, à la place, mettent du miel, par exemple.
J'ajoute aussi que quand on cuit longuement de la farine, la chaleur décompose l'amidon... et fait libérer du glucose. D'où ma proposition : ayons rapidement un pot de glucose près du fourneau !


Mais en quoi l'ajout de sucre est-il un sujet qu'il faille discuter ? 
Je sais bien que, par ces temps de plomb où règne l'orthorexie (la peur de manger), tout devient sujet à discussion minable. Et puis le sucre ferait des carie. Et puis il faut protéger les minorités, dont celles qui souffrent du diabète. Et puis l'industrie du sucre serait une hydre tentaculaire (le grand capital) qui voudrait notre addiction ; elle serait certainement en cheville avec les fabricants de pizza ou des plats tout préparés pour nous faire manger du sucre (le complot, vous dis-je). Et puis il y a ce sucre dans les boissons qu'on veut nous faire acheter et qui nous rendent obèses (au fait, qui prend la décision, finalement ?). Bref, la faute est aux "industriels", et le "bon public" serait bien à plaindre...
Sans compter que quelques personnes surfent sur cette vague complotiste, vendant des livres de recettes "sans sucre ajouté", des régimes "sans sucre".  Et elles font leur promotion à la télévision. Quand ce sont des journalistes qui font cela, n'y a-t-il pas collusion ?


Que des journalistes veuillent que je démontre qu'il y a du sucre ajouté dans les produits alimentaires de l'industrie, est-ce du bon journalisme ? 
Cette fois, je fais naïvement état d'une vision du journaliste qui croit en l'honnêteté, la volonter d'informer justement, de faire de l'investigation propre. Arriver jusqu'à moi en ayant décidé que je montrerais qu'il y a des sucres ajoutés partout, c'est idiot et malhonnête. Mais ne plus vouloir venir (cela s'est produit la semaine dernière) parce que je n'étais pas prêt à vouloir dire et démontrer ce qui avait été décidé par la rédaction en chef, c'est encore pire.

J'ajoute que les deux dernières sollicitations, à ce propos des sucres ajoutés, les journalistes qui m'ont contacté appartenaient à des chaînes publiques. Est-ce cela, le "service public" ? Est-ce là un vrai service rendu au public ?
Je ne crois pas !

Mais il faut terminer sur une note positive. J'en propose plusieurs :
1. si vous voulez vous amuser un peu, allez en ligne voir cet épisode du Président, où Jean Gabin fait un discours politique au Conseil... mais ne manquez surtout pas la chute, avec les deux journalistes dans les coulisses
2. Tout cela m'a donné l'occasion d'expliquer ce que sont des sucres.
3. J'espère avoir été clair à propos de la question des "sucres ajoutés". 

vendredi 15 décembre 2017

bouillir de l'eau : quand mettre le sel ?

Aujourd'hui, une question :

"Je me permets ce message aujourd'hui pour vous poser une question technique : hier nous avons eu une discussion très animée sur le temps d'ébullition de l'eau salée. Est-ce que l'eau salée bout plus vite ou moins vite que l'eau non salée ?"



La réponse :
Il y a bien des années, j'avais étudié cette question.
Les faits, tout d'abord :

1. quand on ajoute du sel dans de l'eau, la température de l'eau diminue (facile à comprendre du point de vue physico-chimique, mais je propose de passer sur ce point, et de rester au fait) : environ 2 °C quand on met jusqu'à 250 g de sel pour 250 g d'eau (tout le sel ne se dissout pas, à température ambiante)

2. de l'eau salée bout à une température supérieure à de l'eau non salée : quelques degrés de plus avec les quantités d'eau et de sel indiquées en 1

3. quand on fait bouillir de l'eau salée, il faut apporter l'énergie pour chauffer l'eau à 100°C, et aussi pour chauffer le sel.


TOUTEFOIS :  quand on fait l'expérience, on ne voit pas de différence, aux incertitudes de mesures près. En effet, le contact de la casserole sur le feu, la façon de chauffer, etc. font que l'on peut avoir  temps de mise à ébullition plus long ou plus court, en pratique.









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Du bon usage de la crème

Couramment, les cuisiniers  ajoutent de la crème à un liquide, puis font réduire. Pourquoi ?

La pratique a de quoi choquer : quel belle odeur, au dessus de la casserole ! Pour le physico-chimiste, qui voit le monde microscopique avec les yeux de l’esprit, c’est du gâchis : pensons à toutes ces belles molécules odorantes qui sont perdues, et finissent dans les hottes aspirantes, au mieux dans les cuisines. Ne vaudrait-il pas mieux qu’elles finissent dans les assiettes ?

La crème est une de ses meilleures armes, pour y parvenir. Oui, la crème, car elle contient de la matière grasse et de l’eau. L’eau dissout les molécules sapides, et la matière grasse dissout les molécules odorantes. Autrement dit, tout ce qui accompagne la crème, lors d’une cuisson où elle est présente, a des chances de rester piégé, à condition qu’il y ait un couvercle.

Considérons le cas des champignons, par exemple. La cuisson classique, dite en cassolette, est d’une remarquable intelligence empirique, car, quand on chauffe à couvert des champignons,  du champagne, de la crème, sel et poivre, alors les champignons libèrent des molécules odorantes qui vont se dissoudre dans la matière grasse de la crème ; ils libèrent aussi des molécules sapides, qui, elles, vont se dissoudre dans la « phase aqueuse » faite par le mélange du champagne et de l’eau de la crème. Bref, tout ce qui sort des champignons  est retenu… à condition que l’on n’ait pas chauffé et que l’on ait ajouté un couvercle !

Oui, un couvercle, contre lequel les vapeurs viennent se refroidir, et, se recondensant, remettre dans le liquide les molécules qui auraient été éliminées par l’évaporation.

D’où la règle très importante à ajouter pour ce type de cuisson : il faut cuire dans la crème, sous un couvercle.


Le hic, c’est la réduction ! Oui, parce que, alors, l’eau de la préparation est évaporée. Or l’évaporation de l’eau entraîne avec la vapeur les molécules odorantes. C’est même un procédé ancien de la parfumerie que l’extraction des huiles essentielles à la vapeur d’eau. Si on veut faire chic, on peut dire « hydrodistillation », mais c’est la même chose (évidemment, on recondense les vapeurs, pour récupérer une huile essentielle qui flotte sur l’eau recondensée).
Alors, comment faire pour avoir une sauce liée, quand on veut crémer ?
Cela paraît tout à fait évident : puisque la réduction fait partir les molécules odorantes, une première solution consiste à distiller, disons simplement à récupérer les vapeurs de la réduction, puis à remettre dans la casserole la partie « huile » qui a été récupérée : ce sont des odeurs à l’état pur !
Pas pratique pour les petites quantités. Alors je  propose l’analyse suivante : la réduction permet d’éviter qu’il y ait trop d’eau dans la préparation, ce qui force à réduire. Or la crème apporte de l’eau au jus ou au produit initial, ce qui force à réduire.
Pourquoi ne pas réduire la crème par avance, doucement, en grande quantité, comme on fait pour le beurre clarifié, afin d’obtenir un produit concentré en matière grasse de la crème, que l’on ajouterait au produit ou au jus. Un couvercle, un petit chauffage qui n’élimine pas l’eau, et le tour serait alors joué !

Enfin, pourquoi ne pas imaginer que les cuisiniers réclament aux fabricants des crèmes déjà réduites, qu’il suffirait d’ajouter aux préparations, afin d’éviter les réductions ?





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