samedi 22 août 2015

Comment le soliloque conduit à de nouvelles idées

Le soliloque ? C'est, pour le dictionnaire, le fait de parler à voix haute, quand on est un enfant qui fait une tâche difficile. J'interprête que l'enfant focalise l'ensemble de sa pensée sur la difficulté, et je déduis que les mots sont importants pour la pensée, ce que n'aurait pas ni l'abbé de Condillac.
Mais la "méthode du soliloque" est aussi une de mes trouvailles (je ne prétends pas que d'autres n'aient pas quelque chose d'analogue, mais je n'en ai pas connaissance), qui permet  à la fois de penser, d'écrire, de parler.

De quoi s'agit-il ? Je me suis inspiré de Denis Diderot (qui n'a jamais produit, à ma connaissance toujours, de méthode analogue à celle que je discute ici), qui, dit-on, était inmanquable : quand on entrait dans un café où Diderot se trouvait, on le repérait immédiatement, parce qu'il gesticulait, haranguait son entourage avec feu... Dans l'Encyclopédie, il est nécessairement plus calme, mais le feu est alors intellectuel. Et, surtout, sa correspondance nous le montre vif argent. Comment a-t-il pu écrire autant ? Sur tant de sujet ? Certes, il s'est mis en condition de le faire, mais j'imagine aussi qu'il devait avoir une méthode intime, et, puisque je ne connais pas cette méthode, je l'ai inventée... et c'est cela que j'ai nommé la méthode du soliloque.

De quoi s'agit-il ? Il s'agit de reconnaître que notre esprit est encombré de mille idées variées, et que, pour penser, il nous faut nous focaliser sur une idée seulement. Ce qui me fait penser que, quand les enseignants disent à des élèves ou étudiants "concentrez-vous", l'injonction est bien étrange, car comment faire pour  se concentrer ? La méthode du soliloque est une réponse.
J'y reviens, donc : notre esprit est plein d'idées disparates qui sont en concurrence (les impôts, le plombier, un rendez vous à organiser, penser à ses clefs...) et cela nous gêne pour penser. Si nous parlons (à voix haute, dans un dictaphone) ou si nous écrivons, alors un seul mot sort à la fois, et si nous avons ce mot sous les yeux (parce que nous écrivons ou parce qu'un logiciel de reconnaissance vocale nous le transcrit), alors nous pouvons fixer plus  facilement notre attention.

Voilà pour la première moitié de la méthode. La seconde moitié, c'est de considérer chaque mot qui est déjà émis, et de l'analyser, de tous les points de vue qui sont en notre possession... et c'est là où la "culture" est essentielle. Analysant, d'autres mots sont émis, qui seront analysés à leur tour, et se constituera ainsi un discours que nous pourrons ultérieurement ordonner.

Bien sûr, cette méthode foisonnante fait risque le bourgeonnement baroque excessif, mais à nous, ensuite, d'ordonner, de construire a posteriori.
Je passe sur des tas de détails de la méthode, car je n'en fais pas ici un cours, mais je m'arrête sur une observation : n'est-il pas merveilleux que, ainsi, la pensée sécrète la pensée ?
Pour celles et ceux qui sont intéressés par cette question, il y aura à considérer les discussions sur le langage... et c'est ainsi que, parti de Condillac, on y revient !

Sapere aude

Dans son célèbre essai Qu'est-ce que les Lumières ?, en 1784, Emmanuel Kant donne la définition suivante :  

« Le mouvement des Lumières est la sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même responsable. Minorité, c’est-à-dire incapacité de se servir de son entendement sans la direction d’autrui, minorité dont il est lui-même responsable, puisque la cause en réside non dans un défaut de l’entendement mais dans un manque de décision et de courage de s’en servir sans la direction d’autrui. Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières. »

Sapere aude

Dans son célèbre essai Qu'est-ce que les Lumières ?, en 1784, Emmanuel Kant donne la définition suivante :  

« Le mouvement des Lumières est la sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même responsable. Minorité, c’est-à-dire incapacité de se servir de son entendement sans la direction d’autrui, minorité dont il est lui-même responsable, puisque la cause en réside non dans un défaut de l’entendement mais dans un manque de décision et de courage de s’en servir sans la direction d’autrui. Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières. »

vendredi 21 août 2015

Bâtir une question

Comment répondre à des questions  ?
Si notre objectif est de bâtir un savoir comme on construit un bouquet, alors il est indécent de répondre à la question de façon animale. Quelle est votre couleur préférée ? Bleu. C'est l'animal en moi qui parle, et je me dois aux êtres humains à qui je m'adresse de leur parler en être humain, pas en animal. Je ne peux donc pas répondre "bleu".
D'autant que :
 - cela n'a aucun intérêt : je perds mon temps et je le fais perdre à mes interlocuteurs
 - c'est faux : il existe une infinité de nuances de bleu différentes, et, en répondant, bleu, je fais une réponse soit désinvolte, soit négligente, donc impolie.

Il faut donc vraiment que je réponde mieux.  Comment ?

Analysons la question: on me demande ma couleur préférée, mais pourquoi ? Dans une vision irradiante de l'individu,  je dois me dire que ma réponse doit avoir un intérêt. Je dois bâtir ma réponse, et je dois donc également supposer, par égard à mes interlocuteurs, qu'ils ont une intention derrière la question. Laquelle ?
Parfois, mes amis veulent avoir une vision  plus intime de moi, ce qui est une façon louable de construire de la socialité. Mais est-il bien raisonnable de confondre l'animal tapi en nous avec l'intime ? Je n'arrive pas à le croire, et la question est donc d'identifier un intime utile, en quelque sorte.
Mon intime personnel (si l'on peut dire) tient tout entier dans ma devise, affichée sur tous mes murs (de sorte que cet intime ne l'est pas beaucoup, ou, dit autrement, que je suis très impudique) : Mer isch was mer màcht, nous sommes ce que nous faisons.
Aimer le bleu n'est qu'un état, pas le résultat d'un travail. Alors ? Alors cette discussion méconnaît aussi la connotation des couleurs, et le fait que les goûts sont souvent appris, et n'existent souvent que  par juxtaposition et contingence. Le chimiste Michel Eugène Chevreul, quand il a énoncé sa loi du contraste simultané des couleurs, ne disait pas autrement, pour la question des juxtapositions. Pour les contingences, on gagnera à savoir que le phénomène d'alliesthésie négative : nous aimons de moins en moins un aliment que nous mangeons.

Parfois, aussi, les questions sont des occasions de lien social, des prétextes. Autant, alors, apprendre à rayonner "à partir" de faits anodins, et donner à nos amis la substance que nous avons été chercher pour eux. Le bleu est une caractérisation faible, et la science, notamment, en donne des précisions, et c'est tout un cours que nous pourrons faire.  Serons-nous alors barbant, pédant ?
A nous de nous efforcer de ne pas l'être ; à nous de bâtir un discours charmant... mais je m'aperçois que je suis bien moralisateur, et je me reprends aussitôt : à moi de faire ainsi. Pour vous, comment ferez-vous ?

samedi 15 août 2015

L'homéopathie efficace chez les animaux ? Apparemment pas !

La discussion a propos de l'homéopathie  suscite souvent la réponse, par les partisans de cette méthode, que l'homéopathie serait efficace chez les animaux... mais est-ce vrai ?
Dans le numéro 313 de Science  & Pseudo-sciences,  Jacques Bolard rapporte les résultats d'une méta analyse  récente : la plupart des études qui ont été faites étaient mauvaises, et les deux qui restent  ne montrent pas d'effet.
Bref, cessons d'accepter l'argument d'une efficacité sur les animaux, car il n'est pas fondé.

Récompense

L'enseignement conduit à des rencontres. Parfois on est récompensé par une impression que l'on a fait  durablement.
Ce matin, reçu une carte postale d'un étudiant parti dans le vaste monde, qui m'écrit :

"I wish you many oments of joy and sharing your passion"

Cela figure sur  une carte postale où est imprimé :


Jacques Brel : « Le seul fait de rêver est déjà très important. Je vous souhaite des rêves à n'en plus finir, et l'envie furieuse d'en réaliser quelques uns. Je vous souhaitee d'aimer ce qu'il faut aimer et d'oublier ce qu'il faut oublier. Je vous souhaite des silences. Je vous souhaite des chants d'oiseaux au réveil, des rires d'enfants. Je vous souhaite de résister à l'enlisement, à l'indifférence, aux vertus négatives de notre époque. Je vous souhaite surtout d'être vous. »



Quel bonheur ! 

mardi 11 août 2015

Un témoignage terrible

Cela me revient, mais je crois qu'il n'est pas inutile de faire connaître les faits terribles: l'histoire (vraie) date de la "crise de la dioxine dans les poulets belges", un de ces épisodes qui agitent l'alimentation occidentale périodiquement.

A l'époque, j'avais été invité sur une grande chaîne nationale de télévision, pour discuter des "dangers de la chimie". Les journalistes, que je connaissais, m'avaient averti : il s'agirait d'un débat qui m'opposerait à des personnes très remontées contre la chimie. Allons, pourquoi pas : puisque je n'ai rien à gagner dans l'affaire, j'accepte le plus souvent de rendre service à la collectivité en disant des faits justes, contre les idéologues et les malhonnêtes de tous poils.
D'autant que, en l'occurrence, dire "la dioxine" est un non sens chimique : les dioxines sont des composés de plusieurs types, et seulement certains membres  de cette famille de composés sont toxiques (à une dose qu'il faut préciser). De surcroît, les poulets qui faisaient alors l'actualité (pourquoi, d'ailleurs ?) avaient été contaminés par des dioxines provenant d'usines d'incinération (comme quand nous faisons brûler un tas d'herbes au fond du jardin), et non d'usines chimiques.

Bref, je me retrouvais sur le plateau d'enregistrement, face à un groupe d'individus étranges, très remontés contre cette chimie qui n'était pas en cause. Et, en cours d'émission, j'ai compris que le public qui nous regardait voyait en réalité :
- un groupe d'individus un peu originaux, qui faisaient miroiter des choses étranges et fausses (les pouces qui auraient été verts en vertus de dons tombés du  ciel,  l'influence -prétendue bien sûr- de la musique sur la croissance des plantes, d'étranges manipulations de l'eau de pluie, lors de la pleine lune, qui auraient fait croître à des tailles inouïe les fleurs qu'on aurait arrosées avec, la mémoire de l'eau, de sais-je...), avec un aplomb terrible, jouant malhonnêtement de l'argument d'autorité, par exemple, et ne citant des sources que très inaccessibles, ce qui doit bien sûr faire penser à ce beau  dicton "A beau mentir qui vient de loin" ;
 - un groupe de scientifiques, dont j'étais, qui essayait désespérément d'expliquer des faits expérimentaux avérés, testés, mesurés... mais qui manquaient de temps (à la télévision, on a le temps de sujet-verbe-complément) pour donner les rudiments scientifiques nécessaires à la compréhension des faits expérimentaux, ces faits réels, tangibles, vérifiables par tous, dont la science ne cesse de partir.

Bref, le public se trouvait en face de deux discours aussi incompréhensibles l'un que l'autre, mais  nos adversaires tenaient un discours chatoyant, tandis que les scientifiques tenaient un discours rigoureux... et barbant. Devinez quel choix  le public aurait dû faire  ?
En réalité, ce jour-là, il a sans doute majoritairement choisi le camp des sciences... parce que le journaliste qui animait les débats était un ami, qui avait voulu  me faire "gagner". A quoi cela tient-il !

En revanche, je n'ai jamais oublié la leçon : il est bien inutile de dire des faits justes en étant incompréhensibles et barbant, d'autant que les sciences ont mille attraits, en ce qu'elle se fondent sur les faits expérimentaux ! Cela va du soleil, clarté blanche, qui devient rouge au couchant, au blanc d'oeuf, jaune quand il est cru, qui blanchit quand on le fouette, en passant par le fait que l'huile et l'eau ne se mélangent pas, sauf quand on y ajoute  du savon...
Les sciences ne sont qu'étonnement ! Et il n'est pas nécessaire de mentir pour les faire paraître belles.
Expliquer les équations ? Cela viendra après, et non pas dans une émission de télévision. 

Quant aux débats, il serait naïf d'oublier qu'il ne s'agit pas de dire le vrai, mais de débattre, et cela fait des millénaires que l'on sait que c'est le plus beau parleur qui gagne généralement. Le fond et la forme...
Et si la science décidait de soigner les deux, afin d'aider nos communautés à prendre les bonnes décisions  ?