vendredi 16 novembre 2012

Encore des commentaires

Un ami-correspondant m'envoie un texte d'Ali-Bab (Henri Babinsky), qui mérite d'être discuté. Ci dessous, je donne le texte et des commentaires.


Etat actuel de la gastronomie
Le texte date de 1928. 

[…] Tout en m’efforçant d’éviter de louanger les temps passés, travers dans lequel on tombe facilement, il me semble franchement qu’au point de vue gastronomique, comme à beaucoup d’autres, nous sommes en train de traverser une crise.
Oui, il y a toujours le vieux mythe de l'âge d'or, qui traine. 
Une crise ? Le mot pourrait être prononcé aujourd'hui... et je crois que, pour certains de nous, tout va toujours mal. Pour d'autres, dont je suis, il y a bien peu de changements... et tout va donc toujours (plutôt) bien : la Terre ne s'est pas arrêtée de tourner.

L’élevage, les procédés modernes de culture, la préparation des conserves ont certainement augmenté la quantité de nourriture disponible ; 
Oui, et c'est ainsi que les pays industrialisés ont aujourd'hui à suffisance ! L'amélioration de la production d'un côté, et les progrès dans la conservation, de l'autre, ont été essentiels !

le développement des moyens de transport, l’emploi du froid ont permis de répandre cette nourriture partout ; 
 Partout et toute l'année

et la famine, cet horrible fléau, est désormais impossible dans les pays civilisés, à moins d’un cataclysme. 
 Ici, une idée importante : nous sommes la première génération à ne pas avoir connu de famine (1928, c'est avant la Seconde Guerre mondiale, pendant laquelle il y a eu du rationnement).

Mais si, au point de vue général, ces conditions nouvelles de la vie ont incontestablement une influence heureuse, en est-il de même au point de vue purement gastronomique ?
On a effectivement le droit de poser la question.

Aujourd’hui les éleveurs, en gavant les animaux, produisent couramment des viandes trop grasses ;
 Méfions-nous des généralisations. Tous les éleveurs ? Gaver un boeuf ? 

 la culture intensive modifie le plus souvent dans un sens défavorable la qualité des produits du sol. 
 Et pourquoi, défavorable ? Et pourquoi la culture intensive nuirait-il à  la qualité ? Et d'abord, qu'est-ce que la "qualité" ? 

Il nous suffira de citer comme exemple la pomme de terre que l’on ne peut plus avoir parfaite qu’en la cultivant exprès et sans la forcer, dans des terrains sablonneux, comme on le faisait autrefois. 
 Il y a de remarquables pommes de terre, tomates, oignons, etc. parce que la sélection variétale a fait d'immense progrès, et que l'agronomie a considérablement progressé.

Les châssis et les serres fournissent en toute saison des légumes et des fruits merveilleux d’aspect, mais dépourvu de saveur ; on n’est pas encore parvenu à remplacer le soleil. 
 Oui, il faut de l'énergie (solaire, par exemple) pour faire des fruits de haut goût... mais on est parfaitement parvenu à remplacer le soleil. La question, c'est une question d'argent : combien veut-on consacrer à éclairer les plantes ? Où les cultive-t-on ? Combien veut-on payer les denrées alimentaires ?
On n'en aura jamais que pour son argent ! 

L’industrie des conserves provoque l’accaparement des produits alimentaires naturels, frais, au moment où ils sont le meilleur marché ; 
 Allons allons... Soyons un peu raisonnable. On aura des produits frais si on les paye.

les chemins de fer drainent de partout ce qu’il y a de meilleur, au profit de consommateurs souvent incapables de l’apprécier et ils en privent les habitants des pays producteurs, parmi lesquels se recrutaient autrefois les gourmets les plus raffinés. 
 Et là encore : cela devient lancinant, ce "tout fout le camp ma bonne dame" !
De toute façon, les citoyens (mot que je préfère à "consommateur") habitent aujourd'hui dans des villes... parce qu'ils jugent préférable de faire ainsi.

On cueille les fruits avant leur maturité pour pouvoir les transporter loin, de sorte que peu de personnes sont actuellement à même de manger des fruits vraiment à point ; 
 Non, on cueille ce que l'on veut. On mange des fruits à point si on accepte de les consommer rapidement, parce que c'est cela la question : si on achète à point, on ne pourra pas conserver. Or nous sommes souvent bien paresseux.

on n’a plus de lait à la campagne ; 
 Mais si. Faites donc un petit effort (d'optimisme, notamment)

il devient difficile de se procurer du poisson au bord de mer ; 
 Allons, soyons sérieux ! N'importe qui, avec une ligne dans un port, trouve du mulet. Et n'importe quelle ligne trainée derrière un petit bateau rapporte de merveilleux maquereaux tout frais !

il est presque impossible d’obtenir un bon bifteck dans un pays d’élevage ; en un mot nous vivons un peu comme dans le manoir à l’envers
 Ca continue... Décidément, la carricature fait perdre toute crédibilité...

La falsification des aliments, très ancienne à la vérité puisque les Romains s’en plaignaient déjà, mais qui se pratiquait jadis sur une échelle relativement petite, constitue aujourd’hui, par suite des progrès de la chimie, une branche de l’industrie ; 
 Oui, la falsification, la sophistication, le frelatage, la fraude, la malhonnêteté sont de tous temps. Du temps des Romains comme du temps d'aujourd'hui. La malhonnêteté est -elle plus répandue aujourd'hui ? Pourquoi le serait-elle ? Et je préfère l'usage de conservateurs bien ciblés à celui de sulfure de mercure dans le pissala ! Quand à la pratique de la cuisson sur le feu, qui charge de benzopyrènes les viandes, elle est bien pire que toutes les chimies de la terre!  

les procédés à employer pour atteindre ce but sont discutés dans des congrès officiels et leurs auteurs, au lieu d’être pendus sont décorés !
 Et c'est juste  ! D'ailleurs, ceux qui ne veulent pas des produits de l'industrie alimentaire ne sont pas obligés de les acheter. Moi, je préfère un monde où l'espérance de vie augmente d'un trimestre tous les ans ! !

Il devient incontestablement difficile de bien manger ; 
 Non, il suffit de cuisiner, d'apprendre à cuisiner, de comprendre ce qu'est "cuisiner".

cependant la chose est encore possible, mais plus que jamais indispensable de s’occuper soi-même de sa nourriture. 
 Non, rien n'a changé ; oui, c'est possible (voir plus haut). 

En province, dans certains milieux où l’on ne se désintéresse pas de la question, on sait encore faire bonne chère. On pense à la cuisine ; on discute d’avance les menus ; on s’adresse pour chaque produit à des fournisseurs que l’on connait et qui savent eux-mêmes à qui ils ont affaire ; enfin, la préparation de tous les plats est l’objet des soins les plus minutieux.
 Mais mon bon monsieur, en ville aussi, on peut être gourmand ! En ville aussi, on peut discuter des menus, chercher de bons fournisseurs, apporter du soin à la production culinaire !

Mais à Paris, où l’on vit trop vite, où l’on est toujours pressé, peu de gens consentent à consacrer quelques moments à ces questions ; 
 Une généralisation, idiote, donc. 

aussi l’art culinaire y est manifestement en décadence. 
 Mais oui, mais oui... Tout fout le camp, on a compris !

Pourtant il semble que bien manger devrait intéresser tout le monde, car personne n’oserait soutenir qu’il soit différent de consommer des aliments bien ou mal préparés. 
 Et pourquoi cela intéresserait-il "tout le monde" ? N'a-t-on pas le droit de faire autrement ?
La gastronomie s’adresse à toutes les classes de la société et il n’est nullement nécessaire d’avoir de la fortune pour bien se nourrir. 
 Là, d'accord. 

Le repas le plus simple, quelque modeste qu’il soit, peut être meilleur qu’un repas très couteux, et l’on aura toujours bien mangé si ce qu’on a mangé était de bonne qualité et bien préparé.
 Parfaitement d'accord.

Malheureusement, ce qu’on recherche avant tout aujourd’hui c’est paraître. 
 Qui cherche cela ? "On" ?

Le modeste bourgeois d’autrefois, recevant des amis à sa table, ne leur donnait pas plus de trois plats, simples mais soignés, préparés sous la direction effective et jalouse de la maitresse de maison. 
 Bof : parmi les bourgeois, il y avait des prétentieux, des modestes, des honnêtes, des malhonnêtes... Donc non !
Quant au mythe de la "bonne maîtresse de maison", ne soyons pas naïf !

Le bourgeois de nos jours se croirait déshonoré s’il ne présentait pas à ses convives des menus somptueux, au moins en apparence, qu’il est hors d’état de faire exécuter chez lui.
 Encore une ânerie.

Aussi commande-t-il ses repas priés au dehors, chez des entrepreneurs qui les lui envoient tout prêts, avec des domestiques d’occasion pour les servir.
 Et ca continue.

Les aigrefins peuvent donner à dîner dans des appartements vides, loués à l’heure pour la circonstance ; 
 De tous temps. Jadis, naguère, aujourd'hui : pas de changement.

des agences leur fournissent à forfait la nourriture, la boisson, la vaisselle, le linge et s’ils le désirent, elles leur procurent même, moyennant un petit supplément, quelques invités décoratifs et décorés destinés à impressionner le gogo naïf, auquel le mirage d’un intérieur familial cossu inspire toute confiance. Paraître, tout est là !
 Là encore. 

Quant aux parvenus, ils rivalisent de faux luxe. 
 Cela n'a jamais changé, depuis les débuts de l'humanité. 
Au fait, c'est quoi le "vrai luxe" ?

Pour avoir l’air de ne pas regarder la dépense, ils font bourrer tous leurs plats de truffes et de foie gras, de sorte que tout finit par avoir le même goût, et bien des dîners, dans des maisons où l’on devrait pouvoir manger convenablement, deviennent aussi odieux que des repas de table d’hôte auxquels, d’autre part, ils ressemblent souvent par l’assemblage hétéroclite des invités.
 Oui, cela se nomme du gongorisme, en peinture. Et cela a toujours existé. 

L’une des industries les plus florissantes aujourd’hui est celle de la confection de mets à emporter. 
 Mais, pourquoi cela serait-il mal ?

Partout on vend des plats tout faits et nombre de femmes ont une tendance fâcheuse à se désintéresser de leur intérieur. 
 Et alors ? Veut-on les cloitrer ?

Les unes ont  l’excuse des nécessités de la vie, qui les obligent à travailler dehors ; d’autres courent les magasins et les five o’clock à la recherche du bonheur. 
 N'ont-elles pas le droit ?

L’idéal pour tous les étages, ce qui permettrait de supprimer les cuisines, en attendant la fameuse pilule synthétique entrevue par certains savants.
 La pilule nutritive est un fantasme, que j'ai dénoncé en bien d'autres endroits. Cessons d'agiter ce spectre idiot. 

En ce qui concerne les établissements publics, on voit se multiplier des gargotes à prix fixes ; 
 Et aussi de bons restaurants à prix fixes. Il y a du progrès, donc.

les bons restaurant se transforment ou ferment successivement leurs portes et je serais véritablement embarrassé pour citer à Paris plus de quatre ou cinq maisons où l’on soit assuré d’être toujours bien traité à tous les égards.
 Non, tout va bien, merci. Et je tiens à votre disposition bien plus de quatre ou cinq maisons !
En supposant que son pessimisme soit justifié, il y aurait donc un indéniable progrès !

L’internationalisme mal compris se développe d’une façon inquiétante, et ses progrès, déplorables à bien des points de vue, sont désastreux au point de vue gastronomique ; 
 Allons, encore de l'inquiétude, du désastre...

si l’on n’y prend garde, ils auront bientôt amené à un même niveau peu élevé la cuisine de tous les pays.
 Or, ce que l'on voit, c'est que, au contraire, des pays naguère culinairement faibles ont considérablement progressé. Tout va bien, donc ! 

Au commencement du siècle dernier, un grand maitre d’ l’université était tout fier de pouvoir dire : «  Aujourd’hui, à cette heure, tous les élèves des toutes les classes de seconde de tous les lycées de France font le même thème grec ».
 Le grec a disparu. Ite missa est

 Les syndicats internationaux d’aubergistes qui nourrissent les voyageurs des deux hémisphères soumis à leur régime, paraphrasant le mot du ministre, peuvent dire : « Du far-West à l’extrême orient, du pôle nord au pôle sud, depuis le 1er janvier jusqu’à la saint sylvestre tous nos clients font les mêmes repas ».
 Ce n'est pas neuf. Il y a des modes en cuisine. 
D'autre part, cela a été un fantasme de croire que des cuisines rapides vendraient la même chose dans tous les pays : la volonté de faire plaisir à leurs clients a contraint les enseignes à varier les offres. Je ne dis pas que tous les plats proposés soient merveilleusement intéressants... mais il n'y a pas de drame ! Le vrai drame, ce sont les "marchands de peur" !


Et, en effet, que ce soit en bateau, en chemin de fer ou dans les hôtels, partout ces malheureux sont condamnés à la même invraisemblance barbue sauce hollandaise, au même aloyau braisé jardinière à la même inévitable poularde.
 Les pauvres ! Condamnés à de la barbue sauce hollandaise. Alors qu'une partie du monde meurt de faim ? C'est quand même terrible !

Quand on pense que ces gens paraissant à peu près équilibrés, dont une partie voyagent soi-disant par plaisir, consentent à absorber tous les jours de pareilles atrocités, c’est à désespérer du genre humain.
 Et si, au lieu de courir le monde, ils restaient chez eux et cuisinaient ?

Je veux croire cependant que ce n’est qu’une crise que nous traversons et j’espère sinon un réveil général du gout ce qui serait trop beau au moins un soulèvement des estomacs comme au temps de Lycurgue.
 Oui, cela a eu lieu. 

En attendant cette révolution pacifique, que les gastronomes ne se découragent pas, leurs efforts ne seront pas stériles. 
 On a compris que tout cela est de la rhétorique un peu faible, pour une littérature médiocre.

Orientés avec méthode, ces efforts persévérants finiront par faire de l’art culinaire purement expérimental tel qu’il est aujourd’hui une science exacte. 

En précisant dans des formules rigoureuses les connaissances que l’on possède, on fait plus  que perpétuer des recettes, on accumule des matériaux d’où se dégageront un jour les lois de la gastronomie, qui seront la base indestructibles de la science du bon.
La "science du bon" ? Au fait, le bon, c'est quoi ? Je propose de penser qu'il n'existe pas. Ce qui est bon, c'est que j'aime. Aucun intérêt général !

On va trouver que j'hésite, mais c'est seulement que la réflexion et les circonstances conduisent à ne pas rester braqué

Chers Amis,

Vous vous souvenez sans doute que j'avais une hésitation à propos de la question : que nommer "chimie" ?
Ce qui me semblait clair (et je n'ai pas changé d'idée de ce point de vue), c'est que le mot "chimie" s'appliquait naguère à des activités indifférenciées, entre la technique et la science, entre la philosophie naturelle (comprendre le fonctionnement du monde, lire le livre de la nature) et l'ésotérisme (le Grand Oeuvre...).
Puis, à mesure que les sciences ont évolué, on en est venu à distinguer la technique (techne = faire), la technologie (étudier la technique, sous entendu en vue de l'améliorer) et la science.
Pour la chimie, il y a donc une activité technique, une activité technologique, une activité scientifique.

Mais si une activité humaine est déterminée par son objectif et sa méthode, on comprend que le même mot "chimie" ne puisse indistinctement désigner à la fois l'activité technique (le raffinage du pétrole, la confection de bougies...) et l'activité de recherche des mécanismes des réarrangements d'atomes.
Du coup, j'étais arrivé à la conclusion (que je maintiens) selon laquelle il fallait des mots différents pour la composante technique, la composante technologique, et la composante scientifique de l'activité qui considère les molécules et leurs transformations.

L'alternative que j'avais proposée est : faut-il conserver le mot "chimie" pour désigner la composante scientifique, ou bien faut-il le conserver pour la composante technique, de production de composés ?

Naguère, il me semblait préférable de nommer "chimie" la science des réarrangements d'atomes (ce que certains disent être "la science des transformations de la matière", mais je crois que leur libellé est moins bon que le mien). On aurait alors nommé différemment la production technique de composés.

Ensuite, j'ai douté, parce que j'ai vu de plus en plus de technique chimique s'imposer. D'autre part, il y avait le mot "physique", qui désigne la science de la nature (phusis, en grec). De ce fait, il semble qu'une science des transformations moléculaires, qu'une science des réarrangements d'atomes, se doit absolument de calculer. Produire des composés nouveaux, c'est très bien, mais l'étude des mécanismes de ces transformations ne vaut rien sans des calculs, qui, seuls, expliquent les transformations sans verser dans de la poésie.
Autrement dit, puisque la science des réarrangements d'atomes ne diffère pas, par nature, des autres branches de l'étude de la nature, j'ai cru un moment qu'il n'avait pas de raison pour laquelle nous devrions avoir un autre nom que "physique".
Certes, il ne s'agit pas de la même perspective que celle de nos collègues qui, méprisant la constitution particulière, moléculaire ou atomique, des systèmes, cherchent des lois universelles. Les scientifiques des réarrangements d'atomes, eux, savent que la matière est d'abord... faite de matière, de molécules et d'atomes. En revanche, ces scientifiques que sont ceux qui placent beaucoup d'importance dans les molécules et atomes n'ont pas pour mission de produire des composés nouveaux. Comment nommer leur activité ?

Alors ? Alors il faut encore réfléchir, pour aboutir à des propositions nouvelles, qui donneront un nom de science à la science, un nom de technique à la technique. Si je n'ai pas trouvé le nom pour la technique, il me semble finalement que le mot "chimie" doive rester à la science.

jeudi 15 novembre 2012

Concours Science & Cuisine

Reçu de nos amis du Pôle  "Science& Culture Alimentaire" Pays de la Loire  :


Bonjour à tous,

L'édition 2013 du concours Sciences et Cuisine est lancée (cf mail de lancement ci-dessous).
Nous souhaitons par ce nouveau mail nous assurer que vous avez eu l'information, étant donné les changements de communication qui se sont opérés pour Sciences et Cuisine en cette fin d'année.

Comme l'an dernier, vous pouvez vous inscrire à titre individuel ou en équipes. Trois catégories de candidats sont de nouveaux proposées : Professionnels (métiers de bouche, industriels...), éducation (classes ou groupes de travail et leur professeur), et amateurs. Pour mémoire, des équipes "mixtes", avaient été formées en 2012 (restauration  / recherche par exemple).
L'échange entre les différents acteurs de la chaine alimentaire a été très riche l'an dernier et nous espérons qu'il le sera tout autant et même plus, cette année.

Nous vous invitons à vous inscrire sur notre site internet www.sciences-cuisine.fr, si vous souhaitez participer au concours, ou à nous contacter pour plus d'informations.

Aussi, nous vous conseillons de rentrer l'adresse contact@sciences-cuisine.fr dans vos carnets d'adresse de messagerie afin que les mails d'information des évènements ne soient pas bloqués par vos serveurs à l'avenir.

Cordialement,


L'équipe Sciences et Cuisine.
Camille Bourgeois - PONAN
Ludivine Billy et Vincent Lafaye - Food development
Siences et Cuisine - contact@sciences-cuisine.fr
02-40-68-78-39 

mercredi 14 novembre 2012

La cuisine note à note dans la presse anglosaxonne

Voir http://cen.acs.org/articles/90/i46/NoteNote-Cuisine.html

bonne lecture !

Que mes amis de science me pardonnent...

Ce matin, le billet ne concerne pas la science, sauf de façon bien lointaine, à considérer comme Lavoisier et Condillac que la science, c'est le langage.

Alain Robbe-Grillet, que j'ai déjà évoqué ici, parlait de la nullité littéraire des littératures militantes (l'art n'a que faire de la politique) ou des bégaiements du roman balzacien, ce que, hélas, bien des rédacteurs en chef d'aujourd'hui n'ont pas compris, eux qui revendiquent que l'on "raconte une histoire".

Robbe-Grillet explique de façon bellement clairvoyante que Balzac a été un dangereux anarchiste littéraire, comme Flaubert, comme... La littérature -l'art littéraire- n'a que faire de la répétition des mêmes "formes littéraires" (et on ne prendra pas ici le mot "forme" en opposition à "contenu" : voir Robbe-Grillet qui explique bien pourquoi), et le Nouveau Roman, qui a tant choqué, percole aujourd'hui, même si tant d'écrivains qui vivent de leur plume à défaut de produire des oeuvres véritablement littéraires, s'impose au XXe siècle (http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/CPB76069770/alain-robbe-grillet.fr.html)

Toutefois, le message de Robbe-Grillet est un peu compliqué, et la transposition en peinture est plus simple : elle fait mieux comprendre l'idée.
Les Egyptiens représentaient des personnages de profil. Puis on a appris à représenter différemment. Au Moyen-Age, toutefois, on ne représentait pas en petit ce qui est loin, et en gros ce qui est près, mais la taille des personnages dépendait de leur importance sociale. Vint la Renaissance, avec la perspective géométrique.
Ce n'était pourtant ni un progrès ni un aboutissement. Certes, cette perspective montre comme on voit... mais voit-on vraiment ainsi ? Guernica et bien d'autres oeuvres plus modernes ont bien montré que l'on peut représenter en "dépassant" la perspective géométrique. Bref, il serait dépassé de peindre comme à la Renaissance.
De même pour les "histoires que l'on raconte" : oui, c'est possible d'en faire ainsi, mais, du point de vue littéraire, c'est aussi dépassé que la perspective géométrique.

Et c'est parce que l'art est dans un dépassement qui n'est pas un progrès, mais une émanation d'une culture, que l'art est beau !

mardi 13 novembre 2012

Un séminaire en Pays de Loire

Je transmets ce que je reçois :

Bonjour à tous,

Nous vous rappelons que le prochain atelier Sciences et Cuisine se tiendra lundi 19 novembre prochain, de 15h30 à 18h00, au Manoir de La Boulaie.
Vous trouverez le programme ci-dessous ou sur notre site internet www.sciences-cuisine.fr
Il reste encore quelques places, ne tardez pas à vous inscrire sur le site ou par mail contact@sciences-cuisine.fr

dimanche 11 novembre 2012

Décodons

Lors des Assises Nestlé, la semaine passée, nous avons vu de nos critiques gastronomiques  lever les yeux au ciel à l'évocation de la cuisine moléculaire. Nous les avons entendu dire qu'ils voulaient de la cuisine, pas de l'art ; nous les avons même entendu dire que les artistes en manque d'art feraient mieux d'aller faire de la peinture !

Réaction, réaction (au sens de réactionnaire!)...

Ce matin, je reçois l'annonce d'un billet de blog du même tabac, que je vous livre, avec quelques commentaires :

"Adieu veaux, vaches et cochons au profit du foie gras en poudre et des ravioli liquides !" : 
Comme si on ne pouvait avoir les deux, le nouveau et l'ancien... Bien faible rhétorique.

"La cuisine se fait aujourd’hui dans les laboratoires. La blouse blanche remplace le tablier blanc." :
La cuisine dans les laboratoires ? Ce n'est pas neuf : le local où travaille le patissier, le charcutier, c'est le "laboratoire". Le mot a la même étymologie que "labeur", travail. La blouse blanche remplace le tablier blanc ? Dans les deux cas, il s'agit d'un vêtement qui protège le travailleur. Pour l'instant, donc, pas de quoi en faire un fromage.

"Les nouveaux chefs se réclament de la gastronomie moléculaire" :
Non, pas de la gastronomie moléculaire, mais de la "cuisine moléculaire", dont la définition est : une cuisine qui se fait avec des outils, ingrédients et méthodes rénovés (au lieu de cuisiner avec des ustensiles minables, tels ceux que l'on avait au Moyen-Âge).

", dénomination inventée par Hervé This, un physico-chimiste de l’INRA dont les recherches – déjà anciennes - font maintenant florès dans le petit monde de la gastronomie en mal d’innovations." :
Oui, j'ai bien donné cette dénomination de gastronomie moléculaire (avec mon vieil ami Nicholas Kurti), ainsi que celle de cuisine moléculaire, laquelle est d'ailleurs bien dépassée par la "cuisine note à note".
Mes recherches font-elles florès dans le petit monde de la gastronomie en mal d'innovations ? On commence à sentir fortement la mauvaise dispute. D'une part, si mes recherches montrent qu'il vaut mieux de bons couteaux pour faire des juliennes, en quoi est-ce mal d'avoir des goûts plus nets, plus francs ?
Et puis, le petit monde de la gastronomie : pourquoi le monde de la gastronomie serait-il petit?
Enfin, "en mal d'innovation" : l'histoire de la cuisine n'a cessé de montrer que chaque époque a eu ses innovations. Sans l'innovation de la mayonnaise, il y a quelques siècles, nous n'aurions pas de mayonnaise, par exemple.

"Des textures légères, molles et vaporeuses, souvent à base de gelées, de mousses et de l’écume partout, en veux-tu en voilà (ainsi chez Anne-Sophie Pic dans son nouveau restaurant parisien). ":
Est-ce un mal d'avoir de beaux aliments légers, à côté de croquant, de dur, de gluant ? Oui, mettre de la mousse partout, c'est lassant, mais cela ne concerne pas la cuisine moléculaire ; seuls les chefs qui feraient du mou partout sont visés. Je n'ai donc pas à prendre parti.
Quoi que... Du bleu partout ? N'est-ce pas l'oeuvre de Klein ?

"A déguster avec une paille." :
Pourquoi mangerait-on les mousses avec des pailles ?

"Quelle est la part d’émotion et de sensualité dans cette cuisine qui fait plutôt la part belle à la science ?" :
Non, cette cuisine ne fait pas la part belle à la science. La science, c'est autre chose que la cuisine.

"Les assiettes que nous servent les gourous de cette « gastronomie » impriment leur effet de mode. Il y aurait là une tentative de décliner une nouvelle école : celle que certains appellent déjà « l’architecture du goût »." :
Désolé, mais un billet de ce blog a bien montré que l'architecture des goût s'impose absolument, pour avoir des sensations plus intéressantes.

"Lors de journées des designers au Palais de Tokyo à Paris voilà quelque temps, un menu proposait dans une assiette creuse un poisson posée sur une grille avec des bâtonnets de carboglace qui se dissolvent dès que l’on verse de l’eau chaude dessus, une souris d’agneau dressée sur une potence métallique et entourée de bougies allumées. Sans commentaires." :
Au contraire, c'est très amusant, si le poisson est bon, si la souris d'agneau est bonne. A-t-on oublié qu'au Moyen Age, déjà, on s'amusait à farcir un sanglier avec une oie, farcie d'un poulet, farci de... Amusant ! Plus amusant que l'ennui qui plâne encore dans quelques restaurants de palace, où des hommes en noir qui ne sourient pas nous servent les éternels filets de rouget, les éternels mêmes plats... ennuyeux !

"L’expérimentation n’a plus de limites, franchissant ainsi les bornes du bon goût." :
Ah, le bon goût ! Je suppose que c'est celui de notre homme ?

"Nul, cependant, ne saurait nier son importance dans l’évolution de la cuisine. Science et cuisine ont toujours cohabité." :
Non, jamais. La science cherche les mécanismes des phénomènes, alors que la cuisine produits des mets.

"Mais les temps sont plutôt consacrés au détournement, au « design culinaire », au « ludique ». Alors pourquoi pas le saucisson carré et le pâté en croûte en forme de cœur coeur ou, histoire de laper, les liquides à l’horizontale et les mets à la verticale (certains l’ont déjà fait), ou encore de sniffer le beurre blanc en poudre." : 
Au fait, pourquoi pas tout cela ? Si cela vous défrise, changez de crèmerie !

"Adieu donc casseroles et poêles, que vive désormais l’éprouvette." :
Oui, l'éprouvette... Un affichage, pas très pratique pour manger.

"Et la déconstruction culinaire du produit – cela va si bien avec l’enseignement dans nos écoles de cuisine qui prônent le prêt-à-manger, les poissons en filet, le sous-vide et le surgelé au profit d’une connaissance du produit dans son intégrité originelle -, est la nouvelle croyance érigée désormais en dogme moderne." :
Personnellement, j'ai bien écrit que je crois plus à la construction qu'à la déconstruction.
Cela dit, il y a un amalgame dans la phrase de notre critique. Déconstruction + enseignement. Ce sont deux objets séparés, jusqu'à plus ample informés.

"Ils veulent donc ajouter à la musique binaire – le boum-boum bruyant et sans harmonie – dont on nous gratifie dans les tables à la mode, une sorte de charivari des saveurs." :
On croirait entendre les critiques musicaux réacs de l'après guerre, pour qui le jazz n'était pas de la musique ! Ou les amateurs de jazz, une génération plus tar, pour qui le hard rock n'est pas de la musique. Ou...

"Pour ma part, je n’oublie pas, selon le mot de François Rabelais, que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». "
Bien d'accord, mais je crois la suite n'a rien à voir avec ce qui précède.

"N’ignorons donc pas le lien entre l’assiette et notre environnement, le paysage rural, les traditions, la biodiversité et l’éducation au goût. C’est ainsi que tous les deux ans depuis 2004, l’association internationale Slow Food réunit à Turin autour de la thématique « Terra Madre » des milliers d’agriculteurs et de producteurs de communautés nourricières de plus de 120 pays. Cette rencontre a lieu pour créer le lien entre les producteurs et les chefs, avec tous ceux qui veulent cultiver, élever, distribuer et promouvoir des produits d’une manière permettant de respecter l’environnement, de protéger la santé des consommateurs et de sauvegarder la dignité de l’homme. Un nouveau réseau d’artisans de la production alimentaire qui devrait être un contrepoint à l’agriculture industrielle, jouant un rôle de passeur et de sentinelles, loin des débordements de la paille et du moléculaire" :
On passe à autre chose. Pourquoi y mêler la cuisine moléculaire ?

Notre homme aurait-il l'esprit confus, ou bien son point de vue politique le conduit-il à un amalgame conscient ? C'est ce qui serait intéressant à savoir.


Sans réponse, oublions tout ce qui précède à l'exception du mot "sentinelle" : les intellectuels ne devraient-ils pas d'abord questionner de tels mots, eux qui se donnent souvent pour mission d'être des sentinelles de la pensée ? Que veut-on nous vendre ? Quelle idéologie nous propose-t-on et pourquoi ? Consommateur : ne s'agit-il pas d'abord de citoyens ? Respecter l'environnement : oui, mais soyons cohérents, avec nos petits jardins, nos cuisine, nos voitures, nos chauffages, nos gestes quotidiens.... Que faisons-nous et pourquoi ? Pourrions-nous le faire mieux ? Je crois que notre société a besoin de sentinelles éclairées, et elles-mêmes claires ! Les mots, dans cette affaire, sont essentiels.