jeudi 2 octobre 2025

Comment obtenir des gâteaux moelleux, tendres ?

Comment obtenir des gâteaux moelleux, tendres ?

Un gâteau, qu'il s'agisse de génoise, de cookie, de quatre quarts, etc., c'est une structure solide (disons "prise" pour utiliser un langage culinaire) qui contient généralement des gouttelettes de matière grasse (par exemple de beurre de cacao mais aussi de beurre simplement), des bulles d'air si l'on a foisonné une préparation (par exemple en battant des blancs en neige) et une structure de type mie de pain, obtenu par empesage de l'amidon présent dans la farine. 

Pour avoir un gâteau bien tendre, il faut donc penser à y mettre une forte proportion de mousse, de matière grasse émulsionnée, d'eau.

Bien sûr, la cuisson peut augmenter l'alvéolage (voir le billet d'hier), car elle peut contribuer à des bulles de vapeur d'eau, et, aussi, l'utilisation d'une poudre levante peut ajouter des bulles de dioxyde de carbone. D'ailleurs, il est bon de savoir que, même avec des levures qui, en fermentant, on produit un foisonnement dans la masse, la cuisson augmente le taux de foisonnement en faisant dilater les bulles présentes et en activant les levures, avant que la chaleur ne finisse par les tuer. 

 Finalement, il y a mille façons d'augmenter la tendreté, le moelleux. Et j'en reviens à une vieille idée  (juste) : ce n'est pas en variant au hasard les ingrédients de recettes que l'on peut empiriquement les améliorer ; c'est en les comprenant. 

Dans mon livre Révélations gastronomiques, par exemple, j'avais fait un chapitre mon montrer comment faire des mousses au citron, pour démontrer que les recettes étaient inutiles, pour leur composante technique.
Reste alors le plus beau : les perfectionner artistiquement, puisque l'on se souvient que ma plus belle découverte, c'est d'avoir été capable de dire finalement que "la cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique". 


 


mercredi 1 octobre 2025

Comment faire pour avoir des gâteaux gonflés, ou au contraire éviter un gonflement qui risque de les fissurer (quatre quarts) ?

Je suis plus bec salé que bec sucré, mais pour les gâteaux, la question qui m'est posée par un interlocuteur dans le titre de ce billet  appelle la réponse suivante  : il s'agit de considérer l'évaporation de l'eau. 

Avec une information supplémentaire : un gramme d'eau liquide qui s'évapore à 100 °C fait un volume de valeur de un litre et demie !

 

Cela étant dit, revenons à la question, et expliquons plus en détail

 

Dans nombre de préparations culinaires ou pâtissières, il y a des gonflements  : par exemple pour les soufflés, pour le pain, pour la brioche, pour les choux et gougères, etc. 

Pour ces cas, on veut un gonflement aussi fort que possible. Or  j'ai découvert dans les années 1990 que le gonflement des soufflés (mais c'est vrai pour l'ensemble des préparations considérées)  n'est pas dû à la dilatation thermique des bulles d'air apportées par le blanc d'oeuf battu en neige mais bien plutôt par l'évaporation de l'eau : pour 100 g de préparation pour un soufflé, il y a 10 g d'eau évaporé lors de la cuisson,  ce qui correspond à 15 litres de vapeur : on voit la puissance du mécanisme d'évaporation (contrairement à la dilatation des bulles d'air qui, elle, ne ferait qu'un petit gonflement d'un tiers). 

Bref si des préparations culinaires gonflent, c'est que de l'eau s'évapore et, mieux encore, qu'elle s'évapore par le fond. C'est ce que je considère dans mon livre Révélations gastronomiques à propos des gougères : si on chauffe par dessous, les bulles de vapeur formées dans la partie inférieure ne peuvent s'échapper, et elles poussent vers le haut les  couches supérieures, provoquant le gonflement. 

 Inversement,  si l'on chauffait par-dessus, alors l'eau du dessus s'évaporerait, formerait une croûte qui, comme pour celles des frites, laisserait passer des bulles de vapeur. 

 

 

Nous avons donc là de quoi nous guider : pour avoir des gougères bien gonflées, des soufflés bien gonflés, des  cookies bien gonflés, il faut les chauffer par le fond, par exemple en posant la plaque de cuisson sur une autre plaque déjà chauffée ou sur la sole du four.
Inversement, pour avoir des cookies aussi plats que possible, il faut éviter l'évaporation et chauffer par dessus. 

 Ajoutons qu'il y a d'autres méthodes pour augmenter le gonflement : la poudre levante, par exemple,  qu'il ne faut pas confondre avec de la levure, a l'intérêt de former des bulles quand les  gâteaux qui la contiennent sont chauffés ; c'est ainsi que l'on fait gonfler des 4/4 par exemple.


mardi 30 septembre 2025

Blanc, blanc, blanc

 Un chef m'interroge sur la question du blanc en cuisine : comment l'obtenir ?

J'ai réfléchi à votre blanc, et la réponse est que, si l'on veut en obtenir :
- soit on place des particules blanches (dioxyde de titane, aujourd'hui à éviter)
- soit on fait une mousse ou bien une émulsion à très petites bulles/gouttelettes : pensez à du blanc en neige que l'on "serre" avec du sucre, ou à un "geoffroy" que l'on passe au mixer (pour le geoffroy, ce sera dans mon prochain livre : une "mayonnaise au blanc d'oeuf", si l'on peut dire)
- sans compter les agents blanchissants, qui absorbent les uv et réémettent de la lumière visible, faisant "plus blanc que blanc"... mais là, je ne peux pas en dire plus.  

A noter que le blanc s'obtient par réflexion : il faut que la lumière soit bien blanche pour que la réflexion le soit aussi.

lundi 29 septembre 2025

Un écueil pour l'enseignement : oublier que l'on a été étudiant

Lors d'une rencontre avec des étudiants, j'observe qu'ils ignoraient ce qu'est la tension de surface, ce qu'est la montée capillaire, ce qu'est la pression de Laplace...  Mais en réfléchissant bien, je vois le moment précis où j'ai moi-même appris tout cela, alors que j'étais un étudiant un peu avancé et j'aurais mauvaise grâce à reprocher à mes amis de ne pas savoir ce que... je suis censé le renseigner. 

Au fond, les items didactiques identifiés dans le référentiel  (un contrat d'enseignement, qui liste les points à savoir en fin de cursus) doivent être enseignés, et cela signifie que l'on a initialement fait le constat les étudiants les rencontrent pour la première fois :  il y a donc lieu de parfaitement leur expliquer. 

D'autre part, étant moi-même reconnaissant que des professeurs m'aient jadis transmis de belles idées scientifiques, comment imaginerais-je que je puisse ne pas à mon tour transmettre de belles idées aux jeunes amis qui me font l'honneur de me consulter ? Ce n'est pas parce qu'un cours est écrit un jour qu'il faut oublier de le distribuer largement et de l'expliciter davantage.

Au fond, hier, lors de ce travail de tutorat d'hier, j'ai vu que des notions n'étaient pas connues mais c'est plutôt une pierre dans mon jardin car en réalité, il aurait fallu les donner à tous, et pas seulement au groupe que j'accompagnais.  Certes je donne un gros document de cadrage à l'ensemble de la promotion, mais  les données particulières du référentiel n'y sont pas présentes : dans ce document de cadrage, je fais plutôt une remise à niveau et il y a donc lieu de préparer un autre document avec les notions particulières que nous enseignons, avec le référentiel explicité en quelque sorte.

dimanche 28 septembre 2025

Une question à propos de crème anglaise

Je reçois une question d'un professeur de pâtisserie : 


je me permet de vous écrire pour vous poser une questions concernant la coagulation du jaune d'œuf dans une crème anglaise. J'ai appris que la texture de celle-ci est issue de la dénaturation du jaunes qui vont se lier aux micelle de caséines pour former un réseau semi-solide.
Pourtant dans mon quotidien, je remarque que l'on peut obtenir une texture similaire en remplaçant le lait ou la crème par de la purée de fruit. Quelle est l'importance des micelle de caséines dans une anglaise et qu'est-ce que ma recette faite avec la purée de fruit aura en "moins" comparé à une anglaise classique ?

 

Et je réponds : 


Merci du message. Vous avez parfaitement raison de douter ce que l'on vous dit : l'épaississement d'une solution de protéines découle seulement de l'agrégation des protéines (par la formation de ponts disulfures)... et l'on a le même épaississement avec de l'eau, où il n'y a pas de caséines. C'est d'ailleurs la base de mon invention des "priestley" (voir mon prochain livre Inventions culinaires/gastronomie moléculaire, aux éditions Odile Jacob). 


Un point d'attention : il vaut mieux parler de consistance que de texture. La consistance, c'est ce qu'est la matière considérée : eau, crème, etc. La texture, d'autre part, c'est ce que l'on perçoit de la matière, selon la manière avec laquelle on l'approche.
Ainsi, en bouche, c'est la texture.

samedi 27 septembre 2025

Peut-on congeler un gel ?

Peut-on congeler un gel ? La question m'est en réalité posée différemment : on me demande si la gélatine se dégrade à la congélation ? 

 

Commençons par le macroscopique avant le moléculaire. 

Quand on part d'une feuille de gélatine,  qu'on lui ajoute de l'eau, puis que l'on chauffe, la gélatine se dissout dans l'eau, quand la température devient supérieure à environ 36 degrés. 

Puis, quand on refroidit cette "solution", alors on obtient un gel, une gelée, un aspic. Si l'on met maintenant ce gel au congélateur, alors on observe que le gel se congèle, mais progressivement, on observe des cristaux de glace, qui, d'ailleurs, grossissent avec le temps. 

Si l'on décongèle ce gel congelé, alors on observe que l'on n'a plus le gel initial, mais un liquide. 

 

Comment comprendre cela ?

 

Les phénomènes culinaires s'interprètent généralement en termes moléculaires. Commençons par la feuille de gélatine : elle est faite de molécules de gélatine, analogues à des fils souples, agrégés dans la feuille tout comme des fibres de cellulose sont agrégées dans du papier. L'eau, elle, est faite d'une myriade de molécules d'eau qui s'agitent en tous sens, qui "grouillent", d'autant plus rapides que l'eau est plus chaude. 

Quand on chauffe une feuille de gélatine dans l'eau, les molécules de gélatine se dispersent parmi les molécules d'eau. Puis, quand on réduit la température de cette solution de gélatine, alors les fils souples s'associent par leurs extrémités, par trois, forment un réseau, une sorte d'échafaudage dans les trois directions de l'espace, à l'intérieur duquel l'eau, les molécules d'eau sont plus ou moins piégées : en réalité, les molécules d'eau peuvent bouger localement (d'où la "souplesse" du gel), mais elles ne peuvent pas s'écouler comme le ferait de l'eau liquide. 

La formation de ce réseau solidifie l'eau en quelque sorte : on obtient un gel qui ne coule plus alors qu'il est effectivement composé de beaucoup d'eau. Quand on congèle ce gel, les molécules d'eau voisines s'associent, s'empilent régulièrement, forment des cristaux de glace, qui, d'ailleurs, grossissent progressivement, atteignant bientôt une taille qui devient plus grosse que les espace disponibles dans le réseau des molécules de gélatine. 

Cela casse le réseau de gélatine en séparant les molécules de gélatine, mais sans dégrader chimiquement les molécules elles-mêmes, dont les atomes sont tenus par des liaisons chimiques covalentes puissantes ; les "fils" restent des fils. 

À la décongélation, l'eau fond, redevient liquide, mais la structure du gel est cassée. Pour autant, les molécules de gélatine n'ont pas souffert chimiquement, de sorte que si l'on réchauffe la solution puis qu'on la refroidit, alors on récupère une gelée. 

La limite de ma description, c'est que les solutions de gélatine que l'on chauffent se modifient progressivement, d'autant plus que l'on chauffe à haute température : quand on fait bouillir la solution de gélatine dans l'eau notamment, les molécules de gélatine sont progressivement dégradées, perdant des "morceaux" qui ont pour nom "acides aminés" ou "peptides". Cela réduit la "force" gélifiante de la gélatine... mais du goût apparaît !



vendredi 26 septembre 2025

Le séminaire de septembre 2025 : haricots verts et beurre maître d'hôtel

Nous venons de tenir le séminaire de gastronomie moléculaire de la rentrée, à propos de l'équeutage des haricots verts, d'une part et de la fabrication du beurre maître d'hôtel d'autre part. 

Je suis désolé de dire que dans les deux cas, les indications des professionnels ont été réfutées. 

 

1. Pour les haricots verts, une certaine culture française supprime les deux bouts : vers le pédoncule, ce bout dur qu'il est  naturel d'enlever, et d'autre part le bout pointu à l'opposé. 

Au Canada, les professionnels m'avaient dit qu'ils laissaient ce bout effilé, pour une raison que je n'ai pas retenu, mais en tout cas, cela faisait longtemps que je voulais comparer des haricots dont soit les deux bouts auraient été enlevés, soit le seul bout près du pédoncule l'aurait été. 

Nous avons donc fait l'expérience de préparer deux casseroles avec la même quantité d'eau : nous avons mis dans une casserole les haricots avec deux bouts enlevés et dans l'autre casserole les haricots avec un seul bout enlevé.
Nous les avons cuits exactement pendant 15 minutes,  de sorte qu'ils étaient cuit mais encore un tout petit peu croquants, sans saler l'eau pour ne pas avoir un paramètre supplémentaire et nous avons d'abord comparé les liquides. Ils étaient de la même couleur, et ils étaient également du même goût. 

Puis nous avons comparé les haricots :  visuellement ils étaient identiques. Ensuite, nous avons goûté les deux sortes de haricots par un test triangulaire où l'on donne trois échantillons, avec  deux échantillons identiques et le troisième différent ; on demande aux dégustateurs quels sont les numéros des échantillons identiques. 

Il n'y a pas eu de différence perceptible,  et l'un des participants, un professionnel,  a conclu que à l'avenir, il ne supprimerait plus qu'un bout. 

Ce même professionnel avait dit que dans sa famille, parce qu'il pouvait se procurer des haricots très frais, il n'était pas nécessaire d'enlever le bout pointu, mais, pour nos expériences, les haricots n'étaient pas parfaitement frais et il n'y a pas eu non plus de différence. Notamment nous n'avons pas perçu de goût désagréable pour cette partie effilée. 

On notera que, pendant l'expérience, il était apparu qu'il y aurait une possibilité de différence de goût parce que, quand nous avons cuit les haricots, j'en ai vu un qui était mal placé :  il avait encore son extrémité effilée dans une casserole où tous les autres haricots avaient les deux extrémités éliminées ; j'ai enlevé ce bout effilé et j'ai vu alors qu'il y avait un trou par lequel l'eau pouvait entrer. Autrement dit, dans les haricots aux deux extrémités supprimées, l'eau aurait pu entrer plus que dans les haricots avec une seule extrémité supprimée. 

Mais rien ne sert d'avoir des théories quand elles ne s'appliquent pas :  puisqu'il n'y a pas de différence de goût entre les deux lots de haricots, il est inutile d'aller chercher  à  expliquer ces différences qui n'existent pas. 

 

2. Maintenant pour le beurre de maître d'hôtel, il s'agit de beurre qui est malaxé avec du persil haché, du sel, du poivre et un peu de jus de citron. 

Des professionnels ont dit que le maniement excessif du beurre avec les autres ingrédient pourrait "user" le beurre maître d'hôtel... mais là encore, aucune différence sensorielle n'est apparue. 


On trouvera les détails dans