samedi 8 février 2025

La science ? Moi, je considère les sciences de la nature.

 Ce matin, j'ai souri en voyant des commentaires sur mon billet consacré à la « vérité en science » : un « ami qui me lit » me fait observer que la question est différente pour les différentes sciences, telles que sciences de la nature, sciences de l'humain et de la société, sciences spirituelles, etc. 

Tout d'abord, j'ai souri, donc, en voyant ces sciences de l'humain et de la société évoquées alors que je ne parle que de sciences de la nature, parce que, clairement, il ne s'agit pas d'activités du même type que celles que je considérais. 

Mon correspondant aurait d'ailleurs pu tout aussi bien parler de la science du cordonnier ou du maître d'hôtel, puisque ce sont là les titres de deux ouvrages que je possède. 

Mais, à l'analyse, c'est moi qui suis fautif, et pas seulement moi, mais aussi tous mes collègues chimistes, physiciens, biologistes, etc. Pour nous, le mot « science » désigne exclusivement les sciences de la nature, et j'avais observé par le passé que cette appropriation du mot « science » pour nos sciences était indue, et que, en réalité, mon interlocuteur a raison. 

C'est donc mon erreur personnelle qui a engendré sa réponse inappropriée, car je ne sais rien de la science du cordonnier, de la science du maître d'hôtel ou des sciences spirituelles ! Je ne peux donc absolument pas discuter la question de la vérité pour ces différentes sciences, et, même, je ne veux en aucun cas aller sur ce terrain où je suis incompétent. 

Surtout que, depuis deux jours, j'ai décidé de me focaliser sur mon terrain de compétence et de laisser aux autres la charge de faire leur propre exploration analytique. Je ne peux donc malheureusement pas répondre à mon interlocuteur, puisque je suis incompétent, mais je peux faire une chose : à savoir désormais ne plus utiliser le mot « science » tout seul, mais me corriger et exclusivement employer l'expression « science de la nature » quand il s'agit de cela. C'est un peu encombrant, mais je crois qu'il y a lieu de se perfectionner de ce point de vue, car je vois bien combien la confusion entre les diverses sciences engendre la confusion dans les dialogues avec nos amis. Dont acte.

La science chercherait la vérité ? Certainement pas

On entend parfois parler de vérité, à propos de science. On dit (parfois) que la science est la recherche de la vérité, ou que la science est le domaine de la vérité... Mais tout cela est-il bien légitime ? 

La science considère des « faits », et, si je ne méconnais pas les innombrables débats à propos de ce mot (tout comme d'ailleurs à propos de vérité), il faut éviter de se contorsionner intellectuellement. 

C'est un fait qu'un morceau de sodium qui tombe sur de l'eau fait au minimum une grande lueur, ou au maximum une explosion ; en tout cas, il se passe quelque chose. Cela a été, cela est, et cela sera si l'on refait l'expérience dans les conditions où nous l'entendons tous : à savoir à la température ambiante, avec des masses macroscopiques que l'on n'aurait aucune peine à préciser.
De même, c'est un fait que la pomme tombe de l'arbre, dans les conditions (que l'on pourrait préciser) habituelles. 

Les faits ne sont ni vrais ni faux : ce sont des faits. Il n'y a pas de valeur de vérité pour les faits : un « fait faux » n'est pas un fait, tout comme un « carré rond » n'existe pas. 

Et les théories ? Là, c'est encore plus simple, parce que les théories scientifiques sont toutes insuffisantes, donc fausses. De sorte que, bien entendu, elles ne sont alors pas « vraies ». 

Et, en conséquence, la science ne cherche certainement pas la vérité, mais elle cherche les mécanismes des phénomènes, sous la forme de théories (idées, concepts, relations quantitatives entre des concepts) qui sont insuffisantes et dont on cherche lentement à augmenter les capacités prédictives. Souvent, on avance par petits pas, et, parfois, il y a un saut conceptuel, un changement complet de cadre descriptif, comme quand on est passé de la physique classique à la physique quantique. Mais pas de vérité, dans tout cela !

vendredi 7 février 2025

Douter...

 Douter de tout : est-ce une stratégie scientifique ? 

Alors que je diffuse une liste d'idées stratégiques, pour la recherche scientifique, et que j'invite mes amis à me communiquer d'autres idées que je n'avais pas, en vue de constituer une collection que nous transmettront à nos collègues, je reçois une proposition qui consiste à doute de tout. 

Cette proposition me fait inévitablement penser à cette phrase du grand mathématicien français Henri Poincaré : 

« Douter de tout et tout croire sont deux solution également commodes qui l'une et l'autre dispensent de réfléchir » (Poincaré. 1902. La Science et l'Hypothèse, Champs-Flammarion, 1968, p24). 

En réalité, la question que je me pose est de savoir si cette idée relève de la stratégie ou de la tactique, c'est-à-dire du cheminement général du scientifique ou bien plutôt d'une démarche plus particulière, plus localisée, du chemin général ou d'une étape sur ce chemin. Douter, lors du travail scientifique : il peut s'agir du doute que l'on a face à un résultat particulier, à une mesure, à une expérimentation. 

Cela, c'est le pas, l'étape, et pas le chemin tout entier, puisque celui-ci consiste en : 

- identifier un phénomène 

- le caractériser quantitativement 

- grouper les données en lois (équations) 

- induire des mécanismes à partir de l'ensemble des lois (théorie) 

- cette théorie étant sue a priori insuffisante, chercher une prévision testable expérimentalement 

- tester expérimentalement la prévision théorique en vue de réfuter la théorie 

Douterait-on des théories ? Non, car on sait ces dernières fausses ; disons « insuffisantes ». Oui, il faut rappeler que nos théories, modèles réduits (à quelques équations) de la réalité ne sont que des approximations, donc fausses en toute rigueur. Ce qui conduit à admettre qu'on n'en doute pas… puisqu'on les sait fausses ! Oui, pour le premier cas, il y a lieu de douter, pour chercher des validations, et cela est effectivement une bonne pratique, comme je l'indique sur le blog que je constitue lentement (<a href="http://www2.agroparistech.fr/-Les-bonnes-pratiques-scientifiques-.html">http://www2.agroparistech.fr/-Les-bonnes-pratiques-scientifiques-.html</a>), mais pour le premier cas, il n'y a aucun doute, mais bien plutôt une certitude que nos théories sont insuffisantes !

jeudi 6 février 2025

Le sel, la congélation et l'ébullition

 Pourquoi le sel abaisse-t-il la température de congélation  de l'eau ? Pourquoi l'eau salée bout-elle à plus de 100 °C ? 

Dans les deux cas, il y a  des phénomènes à considérer, en sachant que : 

- le sel se présente sous la forme de cristaux, à savoir des empilements réguliers d'atomes de chlore et de sodium (sous la forme d' "ions"), électriquement chargés, qui s'attirent mutuellement avec des forces fortes ;

- dans l'eau liquide, à température ambiante, le sel se dissout dans l'eau (jusqu'à une certaine limite) : cela correspond à une diminution de l'"énergie libre", qui tient compte de la tendance à l'augmentation du désordre ; et la dissolution du sel, qui "capte" de l'énergie de l'eau, refroidit l'eau salée ;

- le chauffage de l'eau, salée ou non, augmente l'énergie d'agitation des molécules d'eau (leur vitesse), jusqu'à ce qu'elles puissent échapper  à l'attraction par les autres molécules... et par les ions sodium et chlorure ;

- dans de l'eau à des températures entre 0 et 100 °C, il y a des molécules d'eau rapides, d'autres lentes ; les plus rapides peuvent vaincre les forces d'attraction qui veulent les retenir dans le liquide, et elles partent en phase vapeur, au-dessus de l'eau : l'eau s'évapore à toute température.


Tout cela étant dit, il faut considérer que, quand on chauffe de l'eau sans sel, l'énergie donnée permet donc d'augmenter l'énergie d'agitation des molécules, de sorte que de plus en plus d'elles s'évaporent. Cela refroidit le reste de l'eau liquide, et il faut donner une énergie considérable pour évaporer davantage, quand vient la température d'ébullition : c'est l'énergie latente d'évaporation de l'eau, qui est considérable, raison pour laquelle on ne parvient pas à dépasser 100 °C (dans des conditions habituelles). 

Quand on met du sel dans de l'eau, les molécules d'eau viennent séparer les ions du sel, en les "hydratant" : les ions sont alors entourés d'un cortège (dynamique) de molécules d'eau. Et l'eau alors salée refroidit : l'énergie des molécules d'eau a servi à dissoudre le sel, de sorte que l'énergie d'agitation est moindre, ce qui correspond à une température inférieure (de quelques degrés). 

Quand on refroidit de l'eau salée, on réduit la vitesse d'agitation de tout cela, mais la congélation nécessite que les molécules d'eau s'empilent, ce qui signifie  que, de même, du sel solide se forme, exclu du réseau cristallin de la glace. 

Inversement, quand on chauffe, il faut "détacher" les molécules d'eau des ions pour les faire s'évaporer (en même temps que le sel cristallise), ce qui nécessite plus d'énergie, d'où l'augmentation de la température d'ébullition (de quelques degrés seulement pour 200 grammes de sel dans un verre d'eau)

 





mercredi 5 février 2025

Stratégie scientifique

Cela fait des décennies que je ne cesse de poser cette question  : comment faire des découvertes ? 

La question est évidemment essentielle, en science, et, pragmatique, j'ai fait une collection d'idées stratégiques, pour avancer dans la réponse. 

Voici ce que j'ai à ce jour : 

(1) Transforming adjectives and adverbs into quantitative parameters (introduction of new concepts); 

(2) Looking for the mechanisms of phenomena; 

(3) Focusing on oddities, contradictions, discrepancies and ''symptoms''; 

(4) Designing ''microscopes''; 

(5) Making science from a technical question; 

(6) Refuting a theory; 

(7) Solving a problem; 

(8) Assuming that any fact, result, observation, phenomenon should be considered as a particular example of general categories that we have to invent; 

(9) Looking behind the â ordinary: this means not accepting what was accepted;

 (10) Making the contrary of what was always proposed; 

(11) Looking deeply enough to what an experiment can reveal, and work deep enough to see the impact. 

(12) It is good to see the tree but one should also see the forest. 

 

 Which ones are missing ? 

 

On voit que c'est en anglais... mais la communication scientifique se fait dans cette langue. Je ne détaille pas... mais cela est fait dans un article que l'on trouve en ligne : http://www.chemistryireland.org/docs/news/Irish-Chemical-News-2017-Issue-5.pdf &nbsp; N'hésitez pas à me communiquer des idées supplémentaires !

Les dorures, en cuisine et en pâtisserie

La question des dorures en cuisine ou en pâtisserie est souvent mal  traitée parce que le mot est ambigu. Selon les cas, on a une surface brillante, ou une surface colorée, et ce n'est pas la même chose même si, avec certains ingrédients, on obtient les deux résultats simultanément.

Une surface brillante, c'est une surface qui brille, ce qui signifie que la lumière se réfléchit à la surface comme sur un miroir : au lieu de voir une réflexion diffuse, on voit une réflexion bien localisée, des reflets. 

Et cela s'obtient en faisant un état de surface aussi lisse possible. Quand je dis lisse, je pense lisse à l'échelle des longueurs d'onde de la lumière, entre 400 et 800 nanomètres (milliardièmes de mètre). 

Et pour obtenir de tels effets, il y a lieu de se souvenir que la matière grasse s'étale facilement et que, si elle est liquide, la lumière se réfléchit à sa surface comme à la surface d'un liquide.
Les peintres savent utiliser des huiles siccatives, qui sèchent progressivement, et c'est ainsi qu'ils obtiennent des tableaux à la surface brillante. 

Mais ces huiles-là ne sont guère comestibles, et, en cuisine ou en  pâtisserie, on est obligé d'utiliser d'autres systèmes pour obtenir du brillant.
Par exemple les gels  :  dans la mesure où ce sont des liquides solidifiés en quelque sorte, leur surface est effectivement lisse : que l'on pense à la surface d'un aspic, d'une confiture. 
Une autre solution consiste à utiliser des systèmes vitrifiés, tel un verre de sucre obtenu par un sirop qui aurait refroidi rapidement, ou encore une solution de protéines qui aurait séché : pensons à un blanc d'oeuf déposé en couche mince à la surface d'une pâtisserie  qui  a été passée au four.

À côté de cette question du brillant, il y a  celle du doré, et l'on devrait enseigner que le doré, c'est du jaune brillant. Mais puisque le brillant a été considéré, préoccupons-nous du jaune. Et là, nous pensons immédiatement au jaune d'œuf. C'est ainsi que du jaune d'œuf qui a séché sur une pâtisserie fait effectivement du doré :  jaune et brillant. 

Mais en réalité, tout matériau jaune qui ne brunirait pas excessivement à la cuisson peut servir à faire du doré et l'analyse de ce dernier nous conduit à d'autres idées : par exemple du cuivré, de l'argenté, qui sont  respectivement du rouge et du brillant, ou du gris et du brillant. 

Plus généralement, pensons aux voitures :  des fabricants savent faire du bleu métallisé, bleu et brillant, ou du vert et brillant et ainsi de suite. 

Une fois de plus, la compréhension des mécanismes permet de faire beaucoup plus que ce que n'autorise la tradition par empirisme.

Frère Jean des Entommeures

 Je m'aperçois que j'ai souvent cité Rabelais en ne respectant pas la lettre. Frère Jean des Entommeures répond à Gargantua : 


comment pourroy je gouverner aultruy, qui moy mesmes gouverner ne sçaurois ?