Qu'est-ce qu'être membre d'une académie ? Pour certains, être membre d'une académie, c'est recevoir un bâton de maréchal et se reposer sur celui-ci avec un contentement béat : ce n'est pas ma vision des choses.
Oui, ce n'est pas ma vision des choses, car il me semble que, au contraire, l'honneur qui est fait à quelqu'un qui est élu par une académie, et accepte d'en faire partie, s'accompagne d'une obligation morale de participation ou d'activité, sous peine de se donner le ridicule d'une poitrine de général mexicain (pardon à ces personnes, mais c'est une expression que tout le monde comprend en France et en Alsace).
Oui, accepter l'honneur qui nous est fait, c'est en quelque sorte s'engager à être présent, actif, de sorte que l'on est alors avec la double charge de poursuivre l'activité un peu exceptionnelle qui a conduit à nous faire élire, et, aussi, à participer aux activités académiques : contribuer à faire grandir chacun, grandir soi-même de leur fréquentation, contribuer au collectif, pour le bien de la collectivité où l'académie s'inscrit.
De ce fait, être membre d'une académie, c'est partager avec les consoeurs et les confrères des connaissances, des compétences, une certaine sagesse, des activités, des réflexions, des analyses...Bref, c'est échanger avec les consoeurs et les confrères.
D'ailleurs, les échanges sont dans les deux sens : nous avons en quelque sorte un engagement à transmettre aux autres, mais aussi à recevoir.
Certes, nous n'avons pas tous la possibilité de partager physiquement, d'être présent à toutes les réunions académiques, surtout si nous sommes en activité professionnelle (et je milite pour que les académies ne soient pas des associations de retraités) et que nous devons notre temps à nos employeurs. Mais il y a 1000 façons de participer activement aux activités de l'Académie.
Et en tout cas, si l'on revient au principe fondateur de la discussion, il y a lieu d'être présent, actif, ou plus exactement de ne pas être absent.
Ceux que l'on ne voit jamais dans une académie doivent-ils y être ? Et pourquoi y seraient-ils ? Non, vraiment, cela n'a pas de sens d'être dans une académie et de ne pas y être d'une façon ou d'une autre.
Evidemment, le point essentiel, c'est ce "d'une façon ou d'une autre" : à nous d'être intelligent et d'inventer ces façons.
Observons que l'activité humaine est faite de paroles, d'écrits,, mais aussi d'œuvre qui prennent d'autres formes : dessins, sculptures, musiques, photographies, peintures, mais aussi plans (d'architectes), cablages (d'électriciens), plats (de cuisiniers ou d'autres artisans et artistes des métiers de bouche)... Participer à une académie, n'est-ce pas aussi placer certaines de nos contributions dans le cadre cette dernière ? N'est-ce pas se mettre en position de se poser publiquement, par oral ou par écrit par exemple, la question de sa participation active à l'Académie ?
Avec ce mot, "participation", tout est dit : à nous de bien identifier laquelle nous devons avoir, comment nous pouvons nous engager, pour mériter d'être dans l'académie.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mercredi 5 janvier 2022
Qu'est-ce qu'être membre d'une académie ?
Une idée qui date de décembre 2021
Voici une entrée qui figure maintenant dans le Glossaire des métiers du goût :
FOISON :
Terme proposé par Hervé This le 12 décembre 2021 pour désigner les mousses très légères qui sont produites en cuisine, notamment par l'utilisation de siphons.
Le terme "foison d'or" est attribué à des foisons de couleur dorée.
lundi 3 janvier 2022
Le microscope en cuisine
Il y a plus que ce que les yeux ne voient. Oui, nos yeux sont limités : dans le très petit, dans le très grand, dans les longueurs d'onde qui sont d'un côté ou de l'autre de l'étendue des couleurs visibles...
D'ailleurs, découvrir du nouveau, n'est-ce pas voir ce que l'on ne voyaient pas nos yeux d'"avant" ? De sorte que nous aurions raison de bien nous interroger sur nos méthodes d'explication.
Et toute cette introduction me fait souvenir d'une formation que j'avais faite sur la Côte d'Azur. À l'époque, je voulais montrer aux auditeurs que les mayonnaise sont des émulsions, et non pas de simples amalgames, comme cela était dit naguère.
J'ai déjà dit que le mot "amalgame" est d'utilisation risquée, parce que l'on ignore le plus souvent qu'un amalgame s'obtient quand on approche du mercure d'un autre métal et que l'on voit l'ensemble former une pâte homogène.
En cuisine, le terme a été repris pour désigner une préparation homogène, mais évidemment sans mercure puisque ce métal est très toxique. Et si l'on interroge ceux qui utilisent le mot "amalgame", on voit bien qu'ils ne savent pas très bien de quoi ils parlent.
Mais bref, j'étais avec des chefs confirmés, voire étoilés, et j'avais l'ambition de leur expliquer qu'il y a des choses justes et des choses fausses qui se disent à propos des sauces mayonnaises.
Comme rien ne vaut la méthode expérimentale, pour expliquer, j'avais décidé d'inviter un des participants à faire une mayonnaise afin que nous puissions la regarder au microscope.
Alors que la mayonnaise était pas faite, qu'elle était encore très liquide (peu d'huile ajoutée au mélange de jaune d'oeuf et de vinaigre), j'ai pris une goutte de la préparation pour la mettre sur une lame de verre, que nous avons regardée au microscope.
Et chacun a alors vu, grâce au microscope, qu'il y avait une dispersion de gouttes d'huile dans ce que les auditeurs ont admis être de l'eau, apportée par le vinaigre et par le jaune d'œuf.
A ce stade, j'ai fait remarquer qu'il n'y avait donc pas d'amalgame, mais une dispersion de gouttelettes d'huile dans l'eau.
Il m'a été répondu que oui, mais que la mayonnaise n'était pas encore faite.
Dont acte : j'ai invité l'opérateur a ajouter autant d'huile qu'il voulait, à fouetter autant qu'il voulait pour arriver à une mayonnaise qui serait faite.
Et quand celle-ci a été terminée, nous en avons repris un échantillon, que nous avons à nouveau observé au microscope...
Et nous avons de nouveau bien vue qu'il y avait des gouttes d'huile dans l'eau. Des gouttes dispersées, et non pas un "amalgame" au sens d'un mélange intime.
Car l'huile ne se mélange pas à l'eau. Et le mieux que l'on puisse faire, c'est comme ici : une émulsion.
Le microscope ? Merveilleux ustensile qui permet de voir mieux qu'avec nos yeux !
dimanche 2 janvier 2022
Décidément, la répétition est la base de l'enseignement ! Yes, for sure, repetition is essential for education
I get questions about some terms:
1. Molecular and Physical Gastronomy, or for short Molecular gastronomy : the scientific activity (part of chemistry, physics, biology) that deals with phenomena occurring during culinary preparations (or cooking)
2. molecular cooking : the culinary technique using modern tools (imported for science laboratories)
3. molecular cuisine : the culinary style based on molecular cooking
4. note by note cooking : synthetic cooking, i.e., cooking with pure compounds instead of traditional ingredients
5. note by note cuisine : the new culinary based style based on note by note cooking
6. synthetic cooking = note by note cooking.
Hoping that all this is clear ?
On me pose des questions sur certains termes :
1. Gastronomie moléculaire et physique, ou en abrégé Gastronomie moléculaire : l'activité scientifique (relevant de la chimie, de la physique, de la biologie) qui s'intéresse aux phénomènes se produisant lors des préparations culinaires (ou cuisine).
2. la cuisine moléculaire : la technique culinaire utilisant des outils modernes (importés des laboratoires scientifiques)
3. cuisine moléculaire : le style culinaire fondé sur la cuisine moléculaire.
4. cuisine note à note : la cuisine de synthèse, c'est-à-dire la cuisinedont les ingrédients sont des composés purs plutôt que des ingrédients traditionnels.
5. cuisine note par note : le nouveau style culinaire fondé sur la cuisine note par note.
6. cuisine synthétique = cuisine note par note.
J'espère que tout cela est clair ?
Happy New Year
Décidément, je ne sais pas vivre
Décidément, j'ai de bien mauvaises manières : alors qu'un ami m'envoie de jolis voeux, j'analyse, je décortique... et je réfute la plupart du temps. A la poésie, j'oppose la froide raison. Est-ce bien... raisonnable ?
Voici l'envoi, qui est une citation de Jacques Brel :
Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir et l’envie furieuse d’en réaliser quelques uns. Je vous souhaite d’aimer ce qu’il faut aimer et d’oublier ce qu’il faut oublier. Je vous souhaite des passions, je vous souhaite des silences. Je vous souhaite des chants d’oiseaux au réveil et des rires d’enfants. Je vous souhaite de respecter les différences des autres, parce que le mérite et la valeur de chacun sont souvent à découvrir. Je vous souhaite de résister à l’enlisement, à l’indifférence et aux vertus négatives de notre époque. Je vous souhaite enfin de ne jamais renoncer à la recherche, à l’aventure, à la vie, à l’amour, car la vie est une magnifique aventure et nul de raisonnable ne doit y renoncer sans livrer une rude bataille. Je vous souhaite surtout d’être vous, fier de l’être et heureux, car le bonheur est notre destin véritable.
Et ma réponse :
Des rêves ? Moi, j'ai des plutôt des activités.
L'envie d'en réaliser : on me connaît, je n'ai guère de temps pour avoir envie de réaliser des rêves que je n'ai pas, et je passe mon temps à travailler pour faire mes activité, je travaille pour le faire plutôt qu'avoir seulement l'envie.
Aimer ce qu'il faut aimer : OK.
Oublier ce qu'il faut oublier : j'ai cette capacité d'oublier tout ce qui m'ennuie ou m'a ennuyé ; et, de surcroît, l'activité ne donne pas de temps pour se souvenir !
Des passions : question difficile, parce que l'action ne laisse pas de place au sentiment ; on est dans l'action !
Silences : ah, difficile, car l'activité est un tel tumulte !
Chants d'oiseaux : d'accord si je les entends quand je me réveille, mais pas s'ils me réveillent ;-).
Rires d'enfants : oui, certainement.
Respecter les différences : oui, je me mêle le moins possible de la manière de vivre des autres (tant que cela n'empiète pas sur ma vie ni sur celle d'autres que ces autres, et tant qu'il y a du respect et de la dignité.
Le mérite et la valeur à découvrir : oui, parfois, on est heureusement surpris ; parfois, je dis.
Résister à l'enlisement, etc : je crois que toutes les époques ont été semblables, qu'il n'y a d'enlisement que pour ceux qui veulent en voir. Voir mes billets sur le Ragnarok.
Ne jamais renoncer à la recherche : la recherche est mon métier, ma passion (pas contradictoire avec ce qui précède), mon éblouissement... Comment imaginer d'y renoncer ?
A l'aventure : la recherche, c'est l'aventure, donc idem.
La vie : il la faut pour la recherche, n'est-ce pas.
L'amour : absolument.
Renoncer à la vie : pourquoi donc cette idée ?
Etre moi ? Je le suis, non ?
Fier de l'être : la fierté est un sentiment que j'ignore, car je me préoccupe entièrement de ce que je fais.
Heureux : Oui, certainement, et aussi parce que c'est une politesse que l'on fait aux autres.
jeudi 30 décembre 2021
Sucres, oses, saccharides...
Il y a des termes aussi mal utilisés qu'ils sont communément employés. Et il en va ainsi des "sucres" et de leurs cousins.
Heureusement il y a cette entreprise merveilleuse, même si elle reste imparfaite, de l'Union internationale de chimie pure et appliquée, et, plus particulièrement, de son "Gold Book", qui donne des définitions internationalement acceptées (https://goldbook.iupac.org/).
Commençons par "sucre" : c'est un terme un peu imprécis, mais que l'on utilise souvent pour désigner les "monosaccharides" et les petits "oligosaccharides" (PAC, 1995, 67, 1307).
Les monosaccharides? Ce sont des aldoses, des cétoses et nombre de leurs dérivés par oxydation, désoxygénation, substitutions, alkylation et acylation de groupes hydroxyles, branchements.
Les aldoses ? Des polyhydroxyaldehydes H[CH(OH)]nC(=O)H, avec n ≥ 2) et leur hémiacétal intramoléculaire. Les cétoses : des sucres cétoniques, c'est-à-dire des polyhydroxycétones H–[CHOH]n–C(=O)[CHOH]m–H et leurs hémiacétals intramoléculaires, le groupe oxo (C=O) étant généralement en C-2.
Là, nous sommes armés pour considérer les "oligosacharides" : le préfixe oligo signifie "quelques", et il est utilisé pour désigner des composés formés par la répétition de quelques résidus (entre 3 et 10) de monosaccharides.
Les polysaccharides, eux, sont des répétitions de plus de 10 unités ; on les nomme aussi des glycanes.
Et les saccharides sont les monosaccharides, les disaccharides, les oligosaccharides et les polysaccharides.
mardi 28 décembre 2021
Je vous présente le fructose, disons le D-fructose
Le fructose est un composé de la famille des oses, disons simplement des sucres.
La forme D du fructose (on dit D-fructose) est un des trois sucres que l'on trouve généralement dans les plantes (les racines, les fruits, les tiges...), avec le glucose et le saccharose.
Il a une saveur sucrée, environ deux fois et demie plus sucrée que le saccharose, qui est lui même bien plus sucré que le glucose.
La molécule comporte six atomes de carbone, six atomes de carbone et douze atomes d'hydrogène.
En solution aqueuse (le cas général, pour les aliments), la molécule est refermée sur elle-même (67 % des molécules, à instant particulier).
Jadis, lorsque la chimie était encore dans l'enfance, on a cru que le D-fructose (on ne faisait pas la différence entre le D-fructose et le L-fructose) était fait par l' "assemblage" de molécules d'eau à des atomes de carbone, comme si l'on avait eu la formule (C-H2O)6.
Et c'est la raison pour laquelle on a parlé d'hydrates de carbone.
Mais la chimie a progressé, et elle a corrigé cette idée très fausse. Raison pour laquelle on ne doit plus parler d'hydrates de carbone, mais d'oses, de sucres, etc.
D'ailleurs, il ne s'agissait pas de simples assemblages, mais bien de molécules identifiables (après qu'on avait compris ce qu'était une molécule !).
La réaction du D-fructose et du D-glucose conduit à la formation du saccharose, ou sucre de table.
Les atomes étant réarrangés, lors de la réaction (et certains étant perdus), il n'y a plus de molécules de D-fructose ni de molécules de D-glucose dans la molécule de saccharose, mais seulement des "résidus" de D-glucose et de D-fructose.
Cristallisé, le D-fructose fait une poudre blanche.
Cette poudre peut se dissoudre dans l'eau, pour faire une solution aqueuse de D-fructose.
Vous voulez savoir quoi d'autre ?