mercredi 21 avril 2021

Comment ne pas décevoir ? En expliquant bien ce qu'est la gastronomie moléculaire. Et ce n'est pas de la cuisine !

 
Je reçois un de ces innombrables email d'un jeune homme qui me dit vouloir faire un stage dans notre groupe de gastronomie moléculaire "parce que" il aime beaucoup la pâtisserie. 


Invariablement, je commence par lui expliquer que la pâtisserie, comme les autres métiers du goût, a trois composantes : sociale, artistique, technique  : à minima, le pâtissier est un technicien, à savoir qu'il doit être capable de suivre une recette, de faire les gestes précis, soigneux, qui parviendront à faire exister la préparation visée, qu'il s'agisse d'une génoise ou d'un soufflé, par exemple. 


Mais, mieux que cette technique que tout le monde peut maîtriser (à condition d'y passer du temps), il y a la question "artistique", à savoir que la préparation doit être "bonne", c'est-à-dire "belle à manger". Et là, si les recettes donnent quelques indications, c'est un bon un peu médiocre, qui ne fera sans doute pas le succès d'un artisan. Pour faire bon, il faut notamment faire soigneux, mais il faut faire mieux : imaginer des goûts, des ajouts qui donnent un petit quelque chose de plus aux recettes. Certains parlent de "supplément d'âme"... et ils sont rares.
Enfin, il y a la composante sociale : en bouche, la pâtisserie doit nous dire que l'on nous aime, et cela est le plus difficile.

Mon jeune correspondant me dit donc qu'il veut faire un CAP de pâtisserie, et je lui réponds que c'est effectivement un bon début, pour être pâtissier. Mais il insiste en disant qu'il est "fasciné" par la compréhension des gestes techniques... et c'est tant mieux. Mais il insiste : puisqu'il est fasciné, il veut faire un stage, qui, de surcroît, le décidera à choisir entre deux "passions" (mais son email est manifestement outré), à savoir l' "alimentaire" (dit-il) et l'écologie.

Là, il y a beaucoup à dire, à commencer par expliquer que ce n'est pas un stage dans un laboratoire de recherche scientifique qui lui dira ni s'il aime  l'"alimentaire", ni s'il préfère cela à l'écologie.

D'ailleurs, je lui signale que nous n'avons pas de casserole au laboratoire, que nous ne faisons ni cuisine ni pâtisserie : les sciences de la nature ne sont pas des techniques !

J'insiste un peu en lui expliquant que, au laboratoire, nous faisons des analyses par résonance magnétique nucléaire, que nous explorons des équations différentielles....

J'insiste encore, parce qu'il faut être clair :  par exemple nous avons un projet qui explore la diffusion de composés fluorescents dans un gel à plusieurs couches, et cela est l'occasion de calculer sans cesse. Certes, il y a au coeur du projet une expérience apparemment très simple,  qui consiste à faire un gel à plusieurs couches, et cela doit prendre à peu près une demi-journée, en calculant correctement les concentrations,  mais il y a surtout la conception de ce gel, en tenant compte de différences de pressions osmotiques, des diffusions attendues des solutés qui seront dans le gel,  et là, c'est devant un ordinateur, avec des calculs, que se fait le travail, qui prend bien une semaine...  à condition d'avoir appris à le faire, de savoir calculer. Une fois les échantillons prélevés,  nous les analysons par spectroscopie de fluorescence, et là, on a le nez collé à  des tableaux de nombres, les absorption et les émissions de la lumière aux différentes longueurs d'onde que nous utilisons pour sonder les échantillons recueillis. Une fois ces tableaux de nombres obtenus, il s'agit de relier les nombres en équations, pas différentielles celle-là, mais en équations quand même. Et nous n'en sommes qu'au début, car va pouvoir alors commencer le travail scientifique, qui consiste à explorer les ensembles d'équations recueillies.

On voit  dans cette description honnête qu'il n'y a pas beaucoup de place pour la pâtisserie ni pour la cuisine dans tout cela,  et l'on voit que je n'exagérais pas, en faisant une belle différence entre cuisine et science.

Comme mon interlocuteur insistait, je lui ai demandé s'il pouvait me dire comme ça, en claquant des doigts,  la primitive du produit du sinus de x par le cosinus de x (une question de calcul parfaitement élémentaire, mais juste pour voir), et  il n'en savait rien.
Je lui ai alors demandé si cette question l'intéressait, et, de fait,  elle ne l'intéressait pas...  parce qu'il voulait faire de la pâtisserie.

La conclusion tirée en commun s'imposait :  ce n'était pas la recherche scientifique qui l'intéressait et donc pas la gastronomie moléculaire puisque la gastronomie moléculaire est une discipline scientifique.

Oui, notre propos, en recherche scientifique, n'est pas, comme le croyait notre ami, d'expliquer "comme cela", "avec les mains", les phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires. Nous ne cherchons qu'indirectement à comprendre la préparation de la génoise, le gonflement du soufflé ou l'épaississement de la crème anglaise... car tout cela est assez simple, et, surtout, bien éloigné de notre ambition, qui est de faire des découvertes scientifiques.

Finalement il y avait donc lieu de restituer les choses entre technique, technologie et sciences de la nature. Notre ami n'avait en réalité aucune idée précise d'aucun des trois (y compris la pâtisserie), et j'espère l'avoir éclairé. Oui j'espère lui avoir été utile en lui évitant de faire un stage où il aurait été malheureux parce qu'il n'aurait pas été capable de faire ce qui aurait été attendu de lui.

Derrière sa confusion, il faut quand même analyser que la difficulté, c'est le mot "gastronomie" qui est dans "gastronomie moléculaire", et qui est souvent confondu avec "cuisine".  Mais qui puis-je si mes interlocuteurs ne connaissent pas bien la langue française ?

mardi 20 avril 2021

Je vois beaucoup d'étudiants, jusque en master, qui ne savent pas vers où ils se dirigeront, et cela m'inquiète pour eux, car les études s'achèvent avec la seconde année de master, de sorte qu'ils quitteront l'université sous peu... Pour aller où ?

 


La seconde année de master devrait être  le moment où l'on trouve un stage qui préfigure le poste que l'on aura l'année suivante, et ce stage doit se faire dans l'industrie, puisque c'est là qu'il y a de l'emploi.

Il y a lieu, donc, dès le début des études universitaires, c'est-à-dire en première année de licence, mais aussi en deuxième année de licence, et aussi en troisième année de licence, puis en première année de master, et enfin en seconde année de licence, d'organiser des (j'ai bien dit des : là, il y a une obligation de résultats, et pas seulement de moyens) longues séances de détermination, de choix professionnel, d'orientation car on ne peut pas imaginer que des étudiants puissent étudier sans but. C'est parce qu'ils auront identifié un travail, un métier, qu'ils seront prêts à comprendre qu'il y a des compétences à avoir pour l'exercice de ce travail, de ce métier.

Il faut les aider à se déterminer... au lieu de les laisser dans leur indécision. Car hélas, presque chaque jour, je vois des étudiants qui disent qu'ils se détermineront plus tard.

Plus tard ! Mais quand, plus tard  ? Cette décision, ils ne cessent de la reporter, avec une mauvaise foi infinie : "Je verrai à la fin", "Je déciderai avec mon stage", etc.
Bref, demain on rase gratis !

Faut-il tolérer cette mauvaise foi ? Je vois qu'elle a comme néfaste conséquence à court terme que  nos amis étudieront mal (puisqu'ils n'ont pas de réelle motivation à étudier). Et, à plus long terme, puisqu'ils auront mal étudiés, ils seront médiocres. Et encore à plus long terme, personne ne voudra d'eux pour les postes auxquels ils prétendront (on a bien entendu la racine du mot "prétention").

Bien sûr, on peut ne pas s'en faire, être défaitiste : reconnaître que l'université doit accueillir tout le monde, sans sélection, sans aide aux étudiants, et les laisser avancer à leur gré, en distribuant à tous des diplômes qui ne valent rien...
Mais pourrons-nous bien nous regarder dans la glace le matin, si nous faisons ainsi ?

Oui, d'autre part, certains pourront étudier un peu au hasard, sans savoir vraiment ce qui leur est utile. Bien sûr, certains peuvent vouloir avoir autant de culture que possible, et donc accumuler les connaissances.
Mais viendra bien un jour où il leur faudra non seulement  des connaissances particulières, adaptées aux tâches à exécuter, mais aussi des compétences.

Et c'est de ce point de vue-là qu'il faut absolument, chaque année, commencer par ces séances très particulières, avec tous les étudiants qui ne sont pas déterminés.

Pour les autres, le problème est résolu : puisqu'ils savent le métier qu'ils veulent exercer, alors il est facile de les aider à acquérir les connaissances  et les compétences qui seront nécessaires à l'exercice de ce métier, en plus d'un socle de base qui leur permettra ensuite d'élargir le spectre de leurs connaissances et compétences.

Je prends un peu de recul maintenant pour signaler que oui, l'université peut être là pour donner de la connaissance, mais j'observe quand même que, ces dernières décennies, elle s'est donné pour mission de former des jeunes à des métiers, de sorte qu'est terminée l'ère où l'université ne dispensait que du savoir général.

Il faut entrer dans le vif, et aider les étudiants à devenir "capables" (en termes de connaissances, de compétences, de savoir être, de savoir vivre...).

A propos d'actualités

 Oui, j'ai un site (), mais je donne bien plus d'information sur ce blog que sur le site. C'est peut-être une erreur, mais je n'ai pas non plus un temps infini pour faire connaître ce que je produis... d'autant que je préfère faire les choses que les annoncer ! 

Cela étant, les services de presse des institutions dont je dépends me signalent que, en raison des encombrements de boîtes aux lettres électroniques, il vaudrait mieux déposer les fichiers sur un site. 

Dont acte : c'est ici le "site" que j'utiliserai à cette fin.

lundi 19 avril 2021

A propos de caramel



1. Je retrouve un message ancien, à propos de caramel :

Par exemple, je rate bien souvent mes caramels... ce qui est frustrant c’est qu’il n’y a pas de technique précis et bien que le caramel à sec semble facile en vidéo, en pratique c’est tout de même bien difficile de contrôler le processus et arrêter le caramel au bon moment…
Par contre, quand on réussit un caramel à sec, c’est vraiment satisfaisant - la fonte du sucre en poudre en sirop caramélisé est une très belle transformation…
De conception, l’idée de laisser «brûler» une poudre sèche sans y toucher afin qu’il fond est relativement frustrant comme on se sent très exposé au désastre du caramel brulé et l’envie de repartir la chaleur en remuant est bien présent… mais proscrit par les pro's !
Peut-être que le sucre blanc en poudre est bien plus facile à utiliser que le sucre de canne blond que je préfère utiliser. En tout cas, la qualité et le type de sucre varie et la granulométrie également. Certains conseillent du sucre glace supposé «plus pure». Pour des grandes quantités du sucre il faut aussi procéder par ajout successifs ce qui ne facilite pas la tâche pour un amateur, et - c’est long...
Vous avez mentionné dans un article* comment l’ajout d’eau pourrait être un avantage et que l’eau s’évapore lors de la cuisson laissant en théorie un caramel possiblement aussi pur qu’un «caramel à sec».
Est-ce qu’un caramel «mouillé à l’eau» serait aussi «pur» qu’un "caramel à sec", et/ou comment controler la caramélisation précisement sans bruler le sucre ?
Il serait bien de comprendre comment mieux maitriser la caramelisation avec une méthode simple et quantifiable*. Quel quantité d’eau pour quelle quantité de sucre, la bonne température de la cuisson, quelle taille de récipient pour quelle quantité de sucre, les differences entre sucre raffiné, de canne, sucre roux et sucre glace...
Un aspect de la caramélisation du sucre qui m’intéresse particulièrement est le caramel mou type «bonbon" que j’aime par sa consistance et qui serait intéressant à réaliser avec moins de sucre tout en gardant la consistance du bonbon mou/semi-rigide - ce qui passerait par l’ajout de matière non sucré tout en réussissant de «figer» le caramel. En effet, un caramel en crème (type caramel mou + chantilly) à un gout moins envahissant qu’un caramel mou mais plus intéressant à mon avis comme le goût sucré du caramel est un peu atténué… En diluant un caramel, on dirais que le parfum caramel survit mieux que le goût du sucré. Une plus grande proportion de crème ou autre ajout non sucré semble difficile de reproduire en forme de «bonbon» caramel… sauf bien sûr si la cuisine moléculaire saurait y répondre.



2.  Une réponse générale

Soyons simple : rien de plus facile à produire que du caramel : on prend une casserole, on y met quelques cuillerées à soupe d'eau et l'on ajoute du sucre en poudre, puis on chauffe.
On voit d'abord s'élever une fumée blanche au-dessus de la casserole, c'est-à-dire de l'eau qui s'évapore, tandis que le sucre se dissout. On observe une ébullition, puis on voit l'apparence des bulles changer, avec l'augmentation de la viscosité du sirop, au fur et à mesure de l'évaporation de l'eau. Si l'on avait mis un thermomètre, on aurait vu la température augmenter, à plus de 100 degrés.
Au début, ce changement de viscosité se fait sans changement de couleur, mais, vers 140 degrés, le blanc jaunit, avant de brunir : une odeur de caramel apparaît, et, ensuite, les changements peuvent être rapides.
C'est à ce moment que du caramel est formé. Si on le verse sur un marbre, on obtient une masse vitrifiée, dure, brune. Mais si l'on cuit avec de la crème, par exemple, on peut faire du caramel mou, auquel on peut ajouter du beurre, du sel, etc.
A noter que l'on aurait pu commencer la cuisson sans eau : le sucre en contient un peu, mais il aurait été prudent de chauffer lentement.

Du point de vue chimique, la production du caramel d'une réaction très énergétique, que l'on peut comparer à l'action de l'acide fluorhydrique, l'un des acides les plus puissants connus. Et effectivement, une température de 140 degrés est considérée comme très élevée (excessive ?) pour les chimistes qui prennent bien soin d'utiliser des températures bien plus basses, pour les réactions qu'ils effectuent.
A cett température,  les molécules "organiques", celles des animaux ou des plantes, et, plus généralement, toutes les molécules composés  d'atomes de carbone, d'hydrogène, d'oxygène, d'azote, sont déstructurées par la chaleur. Il y a des groupes d'atomes (donc des molécules) qui se détachent des molécules chauffées, tel l'hydroxyméthylfurfural, qui précisément contribue au goût du caramel.
Mais il y a bien d'autres composés qui se forme, ce que l'on peut comprendre quand on sait que le sucre de table, le saccharose, est composé de deux moitiés que l'on nomme des résidus de glucose et de fructose : ces deux moitiés sont séparées par la cuisson du caramel,  et elles réagissent ensuite.
Par exemple les résidus fructose qui sont détachés se réapparient, formant des composés réactifs nommés dianhydrides de fructose, lesquels s'associent ensuite à des résidus de glucose, ce qui forme des molécules qui sont la masse solide  du caramel.

Et dans le caramel formé, il n'y a plus de saccharose, mais des produits de réaction : un mélange complexe, parce que le procédé culinaire est bien incapable de ne former qu'une seule sorte de produits.
D'ailleurs, on peut obtenir des caramels différents selon les ingrédients que l'on ajoute au sucre, tels des  acides, avec du vinaigre ou du jus de citron, des bases telle du bicarbonate.
Et c'est ainsi que l'industrie du caramel fait des caramels variés... qui sont considérés d'ailleurs comme des additifs avec le code 150, mais avec une lettre qui stipule  la façon dont les caramels sont produits.


3. Et quelques commentaires

En italiques, les phrases de mon correspondant, et en romain mes réponses. 


Par exemple, je rate bien souvent mes caramels... ce qui est frustrant c’est qu’il n’y a pas de technique précis et bien que le caramel à sec semble facile en vidéo, en pratique c’est tout de même bien difficile de contrôler le processus et arrêter le caramel au bon moment…

Je ne comprends pas comment c'est possible. A moins que chauffer trop fort, à sec ? Alors la masse de sucre caramélise trop d'un côté, pendant que le reste est intact ? Allons-y doucement, ou bien, comme j'ai expliqué, commençons avec un peu d'eau.


Par contre, quand on réussit un caramel à sec, c’est vraiment satisfaisant - la fonte du sucre en poudre en sirop caramélisé est une très belle transformation…

Et pourquoi cela serait-il satisfaisant... alors que j'ai jamais raté un caramel. Allons, un peu de soin, de patience, un feu pas trop fort, un peu d'attention.


De conception, l’idée de laisser «brûler» une poudre sèche sans y toucher afin qu’il fond est relativement frustrant comme on se sent très exposé au désastre du caramel brulé et l’envie de repartir la chaleur en remuant est bien présent… mais proscrit par les pro's !

Décidément, je ne comprends pas bien. Et pourquoi suivre les avis des professionnels s'ils sont mauvais ?


Peut-être que le sucre blanc en poudre est bien plus facile à utiliser que le sucre de canne blond que je préfère utiliser. En tout cas, la qualité et le type de sucre varie et la granulométrie également. Certains conseillent du sucre glace supposé «plus pure».

 Non, le sucre glace n'est pas plus pur que le sucre semoule ou cristal... au contraire ! Car pour empêcher qu'il ne fasse des "mottes", on lui ajoute des "antimottants", à savoir de la silice ou de l'amidon.
Oui, les impuretés qui font le sucre roux changent la caramélisation, en apportant des composés de natures variées.


Pour des grandes quantités du sucre il faut aussi procéder par ajout successifs ce qui ne facilite pas la tâche pour un amateur, et - c’est long...


Avec un peu d'eau, peu importe qu'il y ait peu ou beaucoup de sucre !


Vous avez mentionné dans un article comment l’ajout d’eau pourrait être un avantage et que l’eau s’évapore lors de la cuisson laissant en théorie un caramel possiblement aussi pur qu’un «caramel à sec».
Est-ce qu’un caramel «mouillé à l’eau» serait aussi «pur» qu’un "caramel à sec", et/ou comment controler la caramélisation précisement sans bruler le sucre ?


Et pourquoi l'eau serait-elle néfaste ? L'eau s'évapore, après avoir servi à fondre le sucre.


Il serait bien de comprendre comment mieux maitriser la caramelisation avec une méthode simple et quantifiable. Quel quantité d’eau pour quelle quantité de sucre, la bonne température de la cuisson, quelle taille de récipient pour quelle quantité de sucre, les differences entre sucre raffiné, de canne, sucre roux et sucre glace...

Quelle quantité d'eau ? Une ou deux cuillerées suffisent  : il suffit de les apporter au début afin que le sirop se forme. Et, ensuite, l'eau s'évapore.
Quantifier ? Ne faisons pas des choses compliquées : c'est si simple !


Un aspect de la caramélisation du sucre qui m’intéresse particulièrement est le caramel mou type «bonbon" que j’aime par sa consistance et qui serait intéressant à réaliser avec moins de sucre tout en gardant la consistance du bonbon mou/semi-rigide - ce qui passerait par l’ajout de matière non sucré tout en réussissant de «figer» le caramel. En effet, un caramel en crème (type caramel mou + chantilly) à un gout moins envahissant qu’un caramel mou mais plus intéressant à mon avis comme le goût sucré du caramel est un peu atténué… En diluant un caramel, on dirais que le parfum caramel survit mieux que le goût du sucré. Une plus grande proportion de crème ou autre ajout non sucré semble difficile de reproduire en forme de «bonbon» caramel… sauf bien sûr si la cuisine moléculaire saurait y répondre.

La question n'est pas celle du sucre, mais du caramel : dans du caramel bien fait, il n'y a plus de sucre, mais du caramel. Et pour avoir quelque chose de plus mou, il faut plus de matière grasse ou plus d'eau dans le produit final.

dimanche 18 avril 2021

Entre la boue et la lumière



Il existe dans les professions des codes des usages, c'est-à-dire des listes d'opération et de produits autorisés pour avoir le droit à des appellations  par exemple, andouillette, gâteau Saint-Honoré, gruyère, gewurtztraminer, etc.

Il s'agit toujours de prescriptions qui imposent un minimum pour mériter des dénominations, sans déloyauté.

A la réflexion, ces minimum sont des minimum, et je ne les aime pas, parce qu'ils nous font rester au ras du plancher, disons dans la boue en quelque sorte.  

Ce n'est pas nul, bien sûr,  puisque la profession s'est mise d'accord pour autoriser ces nominations mais quand même, ce sont des codes a minima.

Ne peut-on pas,  au contraire,  imaginer des codes à maxima ? Des prescription qui donneraient des idée du meilleur ? N'est-il pas préférable de proposer aux jeunes... et aux autres des indications de comment très bien faire ?

Là, on aurait le regard braqué sur le bleu du ciel, on deviendrait enfin véritablement humain, au lieu de rester tels des pourceaux dans la fange.

Je ne peux pas m'empêcher de penser que toute prescription a minima devrait être assortie d'une considération à maxima.

Prévisions culinaires

 Que peut-il bien se passer... 


Nous sommes bien d'accord : avant d'avoir fait une expérience, on n'a que des hypothèses. Et ceux qui comprennent bien le mécanisme de la recherche scientifique savent combien un scientifique est plus intéressé de voir ses prévision réfutées que confirmées.
Pour autant, la science produit quand même des théories extraordinairement précises, et c'est pourquoi il y a peu de doute dans les suivantes :

1. Que se passe-t-il quand on met un échaudé (pensons gnochi, par exemple) au four ?
Un échaudé, cela peut être de la farine et de l'oeuf, possiblement additionnés de matière grasse (beurre), de fromage, etc., que l'on fait tomber dans de l'eau bouillante : l'oeuf coagule, et le "pochage" produit donc une "poche", à savoir une couche externe coagulée, qui enferme le reste de la préparation, laquelle peut aussi coaguler ; la farine s'empèse.
Au four après le passage à l'eau bouillante ? La partie externe séchera, et l'on aura le même produit, mais avec une croûte externe. Possiblement un soufflage, et, donc des fissurations.

2. Un échaudé que l'on frit ?
Il y a deux cas : la pâte à échaudé que l'on frit, sans avoir échaudé (et le nom est donc erroné), ou bien l'échaudé qui a été formé et que l'on frit.
Dans le second cas, on aura le même résultat que ci dessus, mais, avec une pâte à échaudé que l'on frit, ce sera... un beignet, n'est-ce pas ? De sorte que la "pâte à échaudé" peut être plus justement nommée pâte à beignet ;-)

3. Peut-on frire une pâte ?
Observons qu'une cuillerée de farine dans de l'huile chaude ne fait rien de bien : les grains de farine ne sont pas solidarisés, et pourquoi le seraient-ils ?
Inversement, si l'on a déjà une structure, et notamment une structure empesée, alors le séchage de la couche externe fait une croûte dure, qui maintient la structure. Evidemment, si la préparation contient de l'oeuf cru, alors la cuisson de l'oeuf ajoute sa solidité à celle de la préparation... à condition bien sûr que l'oeuf soit initialement cru, et non cuit sans former un gel, comme dans une crème anglaise.
Mais on n'oubliera pas, aussi, le phénomène de capillarité qui fera venir l'huile à coeur, s'il y a des a porosités : rien de pire qu'un beignet mal fait, gorgé d'huile de friture, n'est-ce pas ?
Une pâte à tarte ? On peut faire des rissoles. Une pâte à choux ? Au fond, elle s'apparente à une pâte à beignets, sauf que la farine est déjà empesée. Un pâte à génoise ? Cette fois, attention à la porosité. Et ainsi de suite.

samedi 17 avril 2021

Exposer les hésitants à de belles personnalités


Oui, il faut que nous exposions aux étudiants à les industriels beaucoup plus enthousiasmants que nous ne le faisons  !
Dans nos masters,  je vois  beaucoup trop d'étudiants qui disent vouloir se diriger vers la recherche, alors qu'ils n'en n'ont pas l'once d'une possibilité, en termes de connaissances, comme en termes de compétences.

Pourquoi ont-ils cette ambition ? Parfois, il y a de  la prétention, mais, parfois aussi la peur d'aller vers le "vrai monde" (je rappelle qu'un pays, c'est de l' "industrie", au sens où l'entendent nos amis canadiens : artisanats, petites ou grosses entreprises). Et, parfois, il y a des a priori idéologiques mal pensés : ces mêmes personnes qui  consomment ordinateurs, voitures,  aliments, cosmétiques, loisirs, etc. disent détester cette industrie qu'ils cautionnent par leurs comportements de consommations très peu civiques, et, en tout cas, irréfléchis.

Mais le but de ce billet n'est pas de dénoncer l'imbécillité de certains (d'autant qu'il y en a une proportion... habituelle de merveilleux), mais bien plutôt d'aider nos  jeunes amis à mieux se déterminer, et, notamment, à comprendre que c'est dans l'industrie qu'ils trouveront un travail, un salaire...

La question donc, c'est de faire comprendre à des étudiants qu'il y a lieu de bien se diriger vers l'industrie.
Pour cela, je crois qu'il n'y a rien de mieux que l'émulation :  pas l'émulation au sens de la concurrence, mais l'envie de bien faire, en montrant à des étudiants ce qu'ils n'ont jamais vu, à savoir les "industriels" qui font des choses merveilleuses.

Oui, il faut montrer des Jean Muller,  qui construisent les grands ponts du monde, mettant en oeuvre l'idée du béton précontraint.
Oui, il faut montrer des Eiffel, qui construisent le viaduc de Garabit ou la célèbre tour.
Oui, il faut montrer ce Joseph Black qui a reçu le prix Nobel de chimie alors qu'il travaillait dans un laboratoire pharmaceutique, où il a mis au point les premiers agents retroviraux.
Oui, il faut montrer, plus récemment, ces deux chercheurs turcs qui ont produit les premiers vaccins à ARN contre le covid 19.
Oui, il faut montrer ces ingénieurs de l'industrie cosmétique qui, utilisant leur connaissance de l'Université, ont mis au point des systèmes de transfert de principe actif.
Oui, il faut montrer les ingénieurs de l'industrie alimentaire qui mettent au point des nanoparticules pour délivrer des composés odorants, qui résolvent ds problèmes aussi difficile que de faire des pizza surgelée avec du basilic sur la tomate (croyez-vous vraiment qu'on met les feuilles à la main, quand on produit des millions de pizza  par an ?),  qui sont confrontés au terrible le problème de l'emballage, qui ne doit pas laisser migrer des composés vers l'aliment, alors que l'ensemble est stocké longtemps, qui se préoccupent de la sécurité sanitaire des huiles alimentaires, lesquelles ne doivent pas contenir trop d'hydrocarbures aromatiques polycycliques  ni de métaux lourds. Et ainsi de suite.

Oui, il faut exposer nos jeunes amis à des personnalités industrielles remarquables, leur donner l'ambition de changer le monde en mieux.