vendredi 3 juillet 2020

Une amusante question à propos des rapports entre la science et l'industrie


Ailleurs, j'ai décrit un tableau à cinq colonnes pour mieux coordonner les relations de la science et de l'industrie.
En substance, j'y dis que la science doit produire des connaissances nouvelles,  et non pas faire le travail de l'industrie, même si on lui propose de l'argent pour cela. En revanche, il est inutile que l'industrie fasse de la science, puisqu'elle la subventionne par ses impôts, mais c'est un gâchis si elle n'utilise pas les résultats (publics) de la science pour faire de l'innovation.
Et dans le cadre de contrats particuliers, on peut t'imaginer que les scientifiques et les industriels se retrouvent pour imaginer ensemble des applications des résultats scientifiques. L'investissement en temps et compétence des scientifiques, lors de ces collaborations, doit  évidemment être assorti d'une rétribution du laboratoire par les industriels qui feront tout usage des connaissances et des compétences des scientifiques.

M'arrive aujourd'hui le cas amusant -mais ce n'est pas la première fois que je le rencontre et c'est pour cela que je l'évoque-  d'un étudiant qui est en stage de fin d'études dans une société industrielle et qui me consulte à propos du sujet -technologique donc- qui lui a été confié.
Cet étudiant ayant assisté à mes cours, il a compris que j'étais capable de résoudre le problème qui lui a été confié, même si c'est un problème technologique,  et donc en dehors du champ scientifique auquel je dois me consacrer.
Cet étudiant me demande de l'aider à résoudre le problème posé.


Bien sûr, mon bon cœur, et peut-être un atavisme d'enseignant, pour lequel une question d'un étudiant est un torchon rouge devant le taureau, me poussent à l'aider. Mais faut-il vraiment que je fasse cela ?
Si je résolvais son problème (et c'est facile pour moi), alors l'industriel qui emploie cet étudiant recevrait à titre gratuit l'information technologique que je lui donnerais... sans que mon laboratoire reçoive rien en échange : ce serait injuste... et l'argent de l'état serait mal employé, puisque mon temps et ma compétences seraient donnés dans un cadre non légal.

Il y a donc lieu de cadrer les choses  : puisque l'étudiant est mandaté par l'industriel, ce n'est plus un de mes étudiants, mais un personnel de la société qui l'emploie. D'ailleurs, l'étudiant ferait une faute professionnelle en me confiant les données du problème, car cela relève de la confidentialité industrielle à laquelle il s'est sans doute engagé !
Pour me donner de l'information, l'étudiant doit me faire signer un contrat de confidentialité... que je ferais assortir d'une rétribution (à mon laboratoire) de mes temps et compétences.
Bref, il y a lieu de ne pas nous comporter, ni moi ni lui, comme les professeur et étudiant que nous étions, parce que nous ne sommes plus cela. Il est maintenant un employé de l'industrie, et je suis un chercher, et non plus un professeur.

Moralité : parce que je suis "aimable", j'ai envoyé à l'étudiant des documents publics, à savoir ceux que je distribue lors de mes cours, et qui ont un rapport avec le problème posé, et j'ai engagé mon jeune ami à proposer à sa hiérarchie de me proposer un contrat de collaboration.
J'ajoute d'ailleurs que j'ai indiqué qu'il serait plus intéressant pour l'industriel de payer une thèse qu'une rémunération sèche : lors de la thèse, le doctorant sera formé, de sorte que l'industrie récupérera à la fois des résultats de la thèse et d'un personnel (bien) formé.

jeudi 2 juillet 2020

Répondre à une question

 Souvent, dans mon groupe de recherche, je discute la question de répondre à des questions. On pourra se reporter à un billet où j'avais discuté la question de répondre à un examinateur.
Dans les deux cas, il faut donc faire une réponse. Cela signifie que l'on part d'un point,  qui est celui qui correspond à l'énonciation de la question,  et que l'on doit arriver au point où la réponse à la question  est donnée.
Une fois l'objectif déterminer, il faut considérer le chemin et le mode de transport  :  à pied, en vélo, en train, en avion.. avec l'idée supplémentaire que  souvent le chemin et le mode de transport vont de pair, comme on le sait parfaitement quand on utilise une carte GPS qui vous propose un itinéraire différent selon qu'on est à pied, ce qui permet de prendre des sens interdits aux voitures, ou en voiture.

Mais imaginons le cas où l'on ne sait pas l'objectif, ce qui correspond au fait de ne pas savoir la réponse à une question :  par exemple, dans un examen, quand on ne sait pas répondre à un examinateur.

Il y a un type de personnes qui cachent leur ignorance, et cela est le pire, car il y a du mensonge dans cette façon de faire, de la malhonnêteté. Moi, examinateur devant donner une note entre 0 et 20, je mettrais volontiers - 5 ou - 10 selon le degré de malhonnêteté qui est employée.
L'humour, en particulier, ne vaut rien ; les mots approximatif non plus, et il y a beaucoup de naïveté à croire que l'on peut véritablement tromper l'examinateur avec les artifices de ce genre.

Un peu mieux, c'est l'honnêteté de dire "je ne sais pas". Mais ce n'est pas très malin, car on recueille un zéro sec. Certes,  cela ne porte pas à conséquence morale, et en tout cas on est pas ensuite crédité de  la réputation de malhonnêteté, ce qui est déjà beaucoup, mais quand même, on échoue.

Puis vient une méthode bien meilleure, qui consiste analyser à voix haute la question à laquelle on ne sait pas répondre, et, progressivement, à élaborer devait l'examinateur une réponse, en faisant état de ce qu'on sait.
Car, au fond, les examinateurs ont  bon cœur  : ils aimeraient tant  que les étudiants réussissent !  De sorte qu'ils sont à l'affût de la moindre possibilité de les aider, de leur donner des points.
Surtout, un étudiant qui, face à un problème, l'analyse, le décortique, cherche des ressources pour le résoudre, structure ce cheminement, sera immensément apprécié pour cette capacité précisément analytique, précise, un peu savante, de répondre à la question .
D'ailleurs, parfois il est moins important de répondre à la question que de cheminer de façon intelligente et c'est en réalité cela que je propose  : cheminer de façon intelligente, à haute voix, devant l'examinateur. Certes, on pourra peut-être ne pas répondre à la question, mais, en tout cas, on aura bien identifié à la fois une stratégie de réponse, des possibilités d'amélioration personnelle, et, peut-être même que dans certains cas, l'analyse aura conduit à l'invention de la réponse que l'on n'avait pas.
Ainsi, dans plusieurs dialogues de Platon, et notamment dans le Thététète, Socrate interrogeant un interlocuteur, lui fait "accoucher" d'une réponse que cet interlocuteur ne savait pas avoir. Cette méthode de la "maïeutique" peut se faire avec un interlocuteur,  mais nous pouvons aussi apprendre à nous la faire à nous-même à haute voix, devant un témoin, l'examinateur par exemple.


jeudi 25 juin 2020

C'est en ligne

La société Conférentia m'envoie pour diffusion le lien de ma conférence de lundi 22 juin 2020 :

https://www.facebook.com/watch/live/?v=735829623901313


bon visionnage

Un détail

Ce matin, un message de remerciements m'arrive :


Je vous remercie de m avoir accordé du temps, je ne serai peut-être pas sans reposer des questions. Je m'intéresse beaucoup à la science de mon métier et de nombreuses questions reste parfois sans réponses précises.

Et voici ma réponse très rapide :

Je trouve votre message avec le mot "science" au moment même où je retrouve un texte où je discutais Escoffier, qui prédisait à tort que la cuisine deviendrait un jour scientifique. Il avait tout confondu, parce que le mot science est ambigu : il y a du savoir de cuisinier, les cuisiniers peuvent avoir de la rigueur, mais cela ne suffit pas pour faire une "science de la nature", acception que vous utilisez très justement. 


Je crois avoir développé cela dans un texte des nouvelles gastronomiques, notamment. 

mardi 23 juin 2020

Mon petit marché

Je déteste l'à-peu-près, notamment terminologique, parce qu'il y a le risque que ma pensée soit flottante.

Et voici donc mon marché du jour :

critique

"Domaine des phénomènes physiol. ou naturels"
"Qui implique des suites de grande importance, dans un sens favorable ou défavorable. "
1762 « qui décide du sort de quelqu'un ou de quelque chose, qui amène un changement » (J.-J. ROUSSEAU, Émile, IV ds LITTRÉ);
"Qui a le don, le pouvoir de juger un être, une chose à sa juste valeur, de discerner ses mérites et défauts."
"Esprit critique. Esprit qui n'accepte aucune assertion sans contrôler la valeur de son contenu et son origine. "

peler

 Enlever (à quelque chose) sa partie superficielle.
Ôter la peau.


 
éplucher

Nettoyer en enlevant les déchets.


tronçon

Fragment, morceau coupé ou brisé d'un objet plus long que large.
Morceau tranché d'un animal au corps allongé et plus ou moins cylindrique.
du lat. pop. *trunceus « tronqué », dér. du lat. d'époque impériale truncus « id. ».


cylindre

Solide engendré par une droite qui se déplace parallèlement à un axe, en s'appuyant sur deux plans fixes

Hopla !

On me parle de respect...

... mais je n'oublie pas le sens des mots :

Empr. au lat. respectus (propr. « action de regarder en arrière ») « considération, égard » [respectu alicujus rei]

Si le respect, c'est du passéisme, cela ne me va pas. Et je n'oublie pas le "mandarinat" de l'université, pas encore si lointain !

Je "considère" ce qui en vaut la peine, pas la "position" (sociale), pas l'apparence, mais le contenu ! 

jeudi 18 juin 2020

La cuisson "idéale" de l'oeuf ? Hic et nunc !



Il y  a plusieurs décennies, j'avais inventé ce que j'avais nommé des "oeufs parfaits", et ces oeufs sont sur les tables du monde entier.
Non pas qu'ils soient "parfaits", car la perfection n'est pas de ce monde, et je me repens de ce nom, que mes amis acceptent, tout comme ils acceptent l'idéalité, par exemple. Je renvoie à Mon histoire de cuisine pour des discussions qui expliquent ce point, lequel remonte au moins au débat des philosophes grecs de l'Antiquité Platon et Aristote.



En revanche, je réponds aujourd'hui à une question technique, à propos de ces oeufs :

Pour avoir une cuisson parfaite d’œufs de pintade qui ne sont pas calibrés et avec des coquilles d’épaisseurs très différentes, quelle température serait idéale ?

Ma réponse rapide est la suivante

Pour les cuisson à basse température, le temps ne compte pas, tant qu'on atteint la température à coeur, soit 45 min pour un oeuf de poule. Et l'épaisseur de coquille ne joue pas : du moment que vous faites une cuisson d'environ 1 h, seule la température détermine le résultat.
Et l'Idéal n'existe pas : il y a un idéal par personne, et d'ailleurs changeant selon les circonstances, les accompagnements de l'oeuf, etc.

Il faut quand même expliquer


Pour les oeufs, la découverte de mes "oeufs parfaits" s'explique plus facilement quand on considère le blanc. Ce dernier est fait de molécules d'eau, qui "grouillent", et de protéines, analogues à de minuscules colliers de perles tassés sur eux-mêmes, dispersés parmi les molécules d'eau.
Il y a une vingtaine de protéines différentes, dans le blanc, c'est-à-dire une vingtaine de sortes de colliers de perles. Mais, de même qu'il y a des milliards de milliards, etc. de molécules d'eau, dans un blanc d'oeuf, il y a des milliards de molécules de protéines pour chacune des sortes de protéines.
Quand on chauffe, on augmente la vitesse du grouillement, et les chocs des molécules d'eau contre les colliers de perles les déroulent. Et à chaque sorte de protéines, une température particulière à laquelle les molécules de cette sorte de protéines se déroulent. Autrement dit, il y a des températures différentes de "déroulement" des protéines.



Ce que l'on doit ajouter, c'est que pour certaines protéines, le déroulement permet ensuite que les protéines déroulées s'attachent, formant un "réseau" : pensons à une toile d'araignée dans tous les sens, dans une pièce. L'eau est piégée comme des mouches dans ce réseau. L'ensemble est dit "coagulé", et l'on obtient un solide mou.
De sorte que, quand on chauffe un blanc d'oeuf, à partir de la température ambiante, vient un moment (vers 62 °C pour le blanc d'oeuf de poule) où une première sorte de protéine coagule, et l'on obtient un solide blanc laiteux très mou. Puis, si l'on augmente encore la température, vient un moment où une deuxième sorte de protéines coagule, et le blanc d'oeuf, avec deux réseaux imbriqués, est plus dur. Et ainsi de suite.
On observe que, dans cette description, n'intervient que la température, et pas le temps ! Et voici la raison pour laquelle les oeufs à basse température doivent être cuits longtemps. C'est aussi un avantage, parce que si l'on règle bien la température, une heure de cuisson de plus ou de moins ne changeront rien... à condition que l'on ait atteint la température voulue à coeur, ce qui nécessite environ une heure pour des oeufs de poule.
Et évidemment, avec une telle durée, l'épaisseur de la coquille n'a aucune influence.

Et pour l' "idéalité" ?


Initialement, j'avais donc utilisé le mot "parfait" pour prendre le contrepied des mauvais oeufs durs : blanc caoutchouteux, jaune sableux, odeur soufrée, cerne vert horrible... Mais j'avais attribué ce qualificatif à des oeufs à 65 °C. Or je préfère aujourd'hui de loin les oeufs à 67 °C. Ou, disons plutôt que je choisis la température de cuisson en fonction des plats que je fais. Parfois, il faudra un oeuf à 65, comme pour dans une meurette ; parfois, il faudra à 68, comme quand on roule le jaune dans du parmesan salé et poivré ; parfois il faudra 82, comme quand on sert une mayonnaise ; etc. Chaque oeuf a  son intérêt, en fonction du contexte où il est utilisé.
Et puis, mon humeur peut changer ! Parfois, j'ai envie des oeufs à 63 °C, et parfois à 68 °C.
Et puis, le goût des convives peut différer, aussi.
Bref, pas de perfection absolue, pas d'idéalité !

Et c'est ainsi que l'art culinaire est merveilleux, n'est ce pas ?