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jeudi 18 juin 2020
La cuisson "idéale" de l'oeuf ? Hic et nunc !
Il y a plusieurs décennies, j'avais inventé ce que j'avais nommé des "oeufs parfaits", et ces oeufs sont sur les tables du monde entier.
Non pas qu'ils soient "parfaits", car la perfection n'est pas de ce monde, et je me repens de ce nom, que mes amis acceptent, tout comme ils acceptent l'idéalité, par exemple. Je renvoie à Mon histoire de cuisine pour des discussions qui expliquent ce point, lequel remonte au moins au débat des philosophes grecs de l'Antiquité Platon et Aristote.
En revanche, je réponds aujourd'hui à une question technique, à propos de ces oeufs :
Pour avoir une cuisson parfaite d’œufs de pintade qui ne sont pas calibrés et avec des coquilles d’épaisseurs très différentes, quelle température serait idéale ?
Ma réponse rapide est la suivante
Pour les cuisson à basse température, le temps ne compte pas, tant qu'on atteint la température à coeur, soit 45 min pour un oeuf de poule. Et l'épaisseur de coquille ne joue pas : du moment que vous faites une cuisson d'environ 1 h, seule la température détermine le résultat.
Et l'Idéal n'existe pas : il y a un idéal par personne, et d'ailleurs changeant selon les circonstances, les accompagnements de l'oeuf, etc.
Il faut quand même expliquer
Pour les oeufs, la découverte de mes "oeufs parfaits" s'explique plus facilement quand on considère le blanc. Ce dernier est fait de molécules d'eau, qui "grouillent", et de protéines, analogues à de minuscules colliers de perles tassés sur eux-mêmes, dispersés parmi les molécules d'eau.
Il y a une vingtaine de protéines différentes, dans le blanc, c'est-à-dire une vingtaine de sortes de colliers de perles. Mais, de même qu'il y a des milliards de milliards, etc. de molécules d'eau, dans un blanc d'oeuf, il y a des milliards de molécules de protéines pour chacune des sortes de protéines.
Quand on chauffe, on augmente la vitesse du grouillement, et les chocs des molécules d'eau contre les colliers de perles les déroulent. Et à chaque sorte de protéines, une température particulière à laquelle les molécules de cette sorte de protéines se déroulent. Autrement dit, il y a des températures différentes de "déroulement" des protéines.
Ce que l'on doit ajouter, c'est que pour certaines protéines, le déroulement permet ensuite que les protéines déroulées s'attachent, formant un "réseau" : pensons à une toile d'araignée dans tous les sens, dans une pièce. L'eau est piégée comme des mouches dans ce réseau. L'ensemble est dit "coagulé", et l'on obtient un solide mou.
De sorte que, quand on chauffe un blanc d'oeuf, à partir de la température ambiante, vient un moment (vers 62 °C pour le blanc d'oeuf de poule) où une première sorte de protéine coagule, et l'on obtient un solide blanc laiteux très mou. Puis, si l'on augmente encore la température, vient un moment où une deuxième sorte de protéines coagule, et le blanc d'oeuf, avec deux réseaux imbriqués, est plus dur. Et ainsi de suite.
On observe que, dans cette description, n'intervient que la température, et pas le temps ! Et voici la raison pour laquelle les oeufs à basse température doivent être cuits longtemps. C'est aussi un avantage, parce que si l'on règle bien la température, une heure de cuisson de plus ou de moins ne changeront rien... à condition que l'on ait atteint la température voulue à coeur, ce qui nécessite environ une heure pour des oeufs de poule.
Et évidemment, avec une telle durée, l'épaisseur de la coquille n'a aucune influence.
Et pour l' "idéalité" ?
Initialement, j'avais donc utilisé le mot "parfait" pour prendre le contrepied des mauvais oeufs durs : blanc caoutchouteux, jaune sableux, odeur soufrée, cerne vert horrible... Mais j'avais attribué ce qualificatif à des oeufs à 65 °C. Or je préfère aujourd'hui de loin les oeufs à 67 °C. Ou, disons plutôt que je choisis la température de cuisson en fonction des plats que je fais. Parfois, il faudra un oeuf à 65, comme pour dans une meurette ; parfois, il faudra à 68, comme quand on roule le jaune dans du parmesan salé et poivré ; parfois il faudra 82, comme quand on sert une mayonnaise ; etc. Chaque oeuf a son intérêt, en fonction du contexte où il est utilisé.
Et puis, mon humeur peut changer ! Parfois, j'ai envie des oeufs à 63 °C, et parfois à 68 °C.
Et puis, le goût des convives peut différer, aussi.
Bref, pas de perfection absolue, pas d'idéalité !
Et c'est ainsi que l'art culinaire est merveilleux, n'est ce pas ?
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