mercredi 19 septembre 2018

Ciseler : c'est avec un couteau, pas avec une paire de ciseaux

 Aujourd'hui, un détail… mais les détails ne séparent-ils pas les bons et les mauvais artisans ? Partons des recettes, et, mieux, de recettes anciennes, qui préconisent de « ciseler des herbes ». Ciseler, demande le débutant ? Il faut donc des ciseaux ?
Le dictionnaire révèle l'erreur : ciseler, c'est travailler une matière à l'aide d'un ciselet (un petit ciseau) ou à l'aide d'un ciseau, et non pas à l'aide de ciseaux. Et, en cuisine, on parle aussi de « ciseler » pour inciser une pièce, soit pour en faciliter la cuisson, soit pour qu'elle ne se déchire pas sous l'action de la chaleur : le mot se trouve ainsi à propos de poisson ou de viande dans Le Cuisinier royal de A. Viard, dès 1831.
Et l'on comprend la chose quand on voit que le « ciseau », c'est un outil formé d'une lame de métal. Une paire de ciseaux, c'est une paire de lames. Mais ciseler, donc, c'est utiliser une seule lame, c'est-à-dire un couteau, qu'il s'agisse de ciseler des herbes ou de ciseler un poisson ou une viande.




mardi 18 septembre 2018

Casserole, russe, sauteuse, sautoir…

Casserole, marmite, russe, sautoir, sauteuse… Les jeunes cuisiniers s'y perdent… et la fréquentation des milieux culinaires montrent que même des professionnels plus chevronnés confondent les termes. Ils ont tous des excuses, car même le Trésor de la langue française informatisé n'est pas entièrement clair.

Voici ce que l'on y trouve :
« Casserole : ustensile de cuisine généralement de forme cylindrique, à fond plat et à manche court, dans lequel on cuit divers aliments. ». Le mot vient de « casse », qui signifie simplement « récipient ». Une casserole, c'est donc à peu près tout ustensile : le mot étant indistinct, on comprend que les professionnels utilisent des mots plus précis, pour se faire comprendre. 
Selon le même dictionnaire, on a alors :  « Russe : casserole ronde à bord vertical, munie d'une queue, qui peut recevoir un couvercle emboîtant et sert aux cuissons dans un liquide. » On voit que c'est peu différent du premier terme, car, en réalité, il n'est pas dit que la casserole ne puisse recevoir des couvercles, ni contenir des liquides.
Passons à  « Sautoir : casserole large et à bord peu élevé dans laquelle on fait sauter les viandes ou les légumes. Synon. Sauteuse. ». Là, on voit bien la différence avec la russe… mais hélas, le dictionnaire confond le sautoir et la sauteuse. A « sauteuse », on trouve « abréviation de Poêle sauteuse ;  casserole large, à bord peu élevé, munie d'un long manche, qui sert à faire sauter les viandes et les légumes. Synon. vieilli sautoir. ». Le dictionnaire cite M. L. Audot, dans la Cuisinière de la campagne et de la ville (1896, p. 119) :   « Faire cuire vivement, en sautant de temps en temps dans une poêle, ou dans une sauteuse ou sautoir ». Mais c'est un peu court, car pourquoi donner ainsi de l'autorité à Audot ? Après tout, celui-ci n'est pas reconnu comme une autorité, et il n'est pas établi qu'on lui doive les usages de « sauteuse » et de sautoir ».

Passons à des professionnels modernes. Pour les fabricants d'ustensiles de cuisine, la casserole ou la russe sont des « ustensiles de base pour réchauffer et pour la cuisine de réduction. Forme cylindrique avec une hauteur égale au rayon (éventuellement avec 0,5 ou 1 cm de plus pour les modèles professionnels). Si la hauteur est plus importante que le rayon, il ne s’agit plus d’une casserole, mais d’un bain-marie. La casserole possède une queue.
Le faitout ou rondeau  possède le même gabarit que la casserole,  mais il est doté de deux anses. On l’utilise avec un couvercle sauf en début de cuisson pour faire « revenir » les aliments. Forme cylindrique hauteur égale à son rayon.
La marmite est l’ustensile de grande taille, cylindrique, d’une hauteur égale à son diamètre, elle a deux anses et un couvercle.
La sauteuse  permet de faire « sauter » les aliments. Forme cylindrique dont la hauteur est le tiers du diamètre. Elle permet de faire suer les aliments.
Le sautoir de cuisine c'est la version sans manche de la sauteuse. Equipé d'anses, il est plus facile à manipuler sur une plaque de cuisson notamment pour un déplacement circulaire, utile pour certaines préparations nécessitant d'être remuées intensivement ! D'un format plus compact sans manche, le sautoir de cuisine est plus facile à ranger.
La sauteuse bombée est idéale pour la cuisine de réduction, car sa petite base permet de chauffer rapidement et son large diamètre supérieur permet une plus grande évaporation de l’humidité.
La poêle est l’ustensile pour griller, saisir ou dorer. Forme évasée et peu profond. Elle s’utilise sans couvercle.

C'est quand même plus clair ainsi, non ?

Vient de paraître

Le moi est haïssable, mais on me pardonnera parce que je me laisse aller à faire un éloge : celui de Maxime Piétri.

Maxime Piétri nous a quitté il y a peu. Je l'aimais beaucoup, et je crois qu'il ne me détestait pas. Il était de ceux qui écrivent avec bonhomie et gourmandise, mais sans perdre leur esprit critique.
Hélas, je n'ai pas pu lui dire de son vivant tout ce que j'aurais dû... et je me suis résolu à faire la préface de son livre, qui vient d'être réédité :


Ah, que la gourmandise est chose aimable !

Contribuez à la rénovation de l'orgue de Kientzheim !

A l’occasion des Journées du Patrimoine, l’Association Les Amis des Orgues Valentin Rinkenbach de Kientzheim (AAOK) avait organisé plusieurs manifestations. Créée le 13 février 2017, l’association (reconnue d’intérêt général) lançait samedi dernier sa campagne de restauration de l’orgue Valentin Rinkenbach de l’église Notre Dame des Sept Douleurs de Kientzheim.

Dès 10 heures à la salle du conseil de la mairie de Kientzheim, se tenait une conférence de M. Christian LUTZ, technicien – conseil pour les orgues auprès des Monuments Historiques, sur le thème suivant « L’orgue de Kientzheim, chef- d’œuvre de Valentin Rinkenbach ».

En introduction, Marie-Béatrice LAHORGUE, secrétaire de l’association, expose en quelques mots l’objet de l’association : rénover, entretenir et promouvoir les orgues de l’Eglise de Kientzheim. Dès la fin de l’année 2017, la commune déléguée de Kientzheim (propriétaire du bien)  commandait à la demande de l’association, une étude aux Monuments Historiques en vue de dresser un inventaire complet de l’instrument et de proposer éventuellement plusieurs scénarios de restauration de l’orgue. En février 2018, M. Christian Lutz présentait les conclusions de son expertise à l’AG des membres de l’association et aux représentants de la municipalité. A cette occasion, et ainsi qu’il l’a rappelé en introduction de sa conférence, « entrant dans les entrailles de l’instrument à l’occasion de cette expertise, j’ai découvert l’exceptionnelle valeur patrimoniale et musicale de l’orgue de Kientzheim ». Une demande de classement au titre des monuments historiques a été déposée en mai 2018 par la mairie à la demande de l’association.

Mme Lahorgue évoque ensuite très rapidement les projets de l’association avant de passer la parole au conférencier.  (projets à la fois patrimoniaux et culturels mais aussi pédagogiques à destination des écoles et du grand public afin de faire découvrir cet instrument méconnu qu’est l’orgue).
A cet égard, il est rappelé que l’orgue inventé par un grec Ctésibios au IIIème siècle avant Jésus-Christ n’est pas à son origine un instrument de musique religieux mais païen. On en jouait en plein air pendant les combats de gladiateurs ou lors de la mise à mort par les fauves des 1ers martyrs chrétiens.

Puis  Christian Lutz Lutz expose l’histoire de l’orgue de Kienztheim et de la dynastie des Rinkenbach rappelant que si Valentin Rinkenbach (1795-1862) est né à Ammerschwihr, il  épousa à Kientzheim, le 7 janvier 1829, Madeleine Bernhard, native de Kindwiller (Bas-Rhin), sœur et gouvernante du curé de Kientzheim ! En l'espace de 41 ans de métier, il construisit 53 instruments neufs dont 6 dans le Bas-Rhin.

Christian Lutz dresse ensuite un état matériel précis de l’orgue et explique l’intérêt patrimonial de l’instrument unique par son style dit de « transition ».
La plupart des ouvrages de Valentin Rinkenbach ne comportaient qu’un seul clavier. A Kientzheim,  il posa un orgue à trois claviers, ce qu’il ne fit que deux fois dans d’autres églises, dès 1821 à Olten en Suisse et en 1862 à Heimersdorf dans le Haut-Rhin, où l’orgue fut achevé par ses deux fils. Durant la décennie des années 1840, Valentin Rinkenbach était au sommet de son art et cet orgue fut comme une vitrine de son savoir-faire, à 2 kms de son atelier d’Ammerschwihr. Pas moins de 25 jeux de l’orgue comportent encore majoritairement des tuyaux de Valentin Rinkenbach. On compte environ 1238 tuyaux de Valentin Rinkenbach, soit 79 % des 1566 tuyaux que comptait l’orgue en 1847. Certains tuyaux tels que la flûte du clavier de récit portent par ailleurs encore sa griffe.
« De tous les instruments construits par Valentin Rinkenbach, entre son retour définitif à Ammerschwihr vers 1826 et son décès en 1862, celui qu’il posa en 1847 à Kientzheim est assurément son chef-d’œuvre » (Christian Lutz). Techniquement, il est tout à fait possible de restaurer ce magnifique instrument car les techniques de fabrique sont aujourd’hui encore connues


A l’issue de cette conférence le public est invité à assister à une série de « variations autour de l’orgue »  et ce durant tout le week-end.


11 heures : Inauguration de l’exposition permanente qui accompagnera la campagne de restauration de l’orgue. Celle-ci est composée de 10 panneaux. Une jeune kientzheimoise, Sixtine Baillot, étudiante en 1ère année de l’ISEG à Strasbourg en a assuré bénévolement la réalisation graphique.
L’exposition présente l’histoire de Kientzheim, de son église et de l’orgue, la généalogie de Valentin Rinkenbach, le fonctionnement d’un orgue. Cette exposition très belle et pédagogique s’adresse tout à la fois à un public averti, aux enfants des écoles et au grand public.

A l’occasion de cette inauguration, le public présent est invité à monter à la tribune et à entrer dans les entrailles de l’orgue pendant que Charles Blanck et Stéphane Schweitzer (organistes) jouent de l’instrument  pour le plus grand bonheur des personnes présentes.
C’est ensuite vers la chapelle Sts Felix et Régule que le public est sont convié à se rendre pour assister à d’autres variations autour de l’orgue avec le jeu sur clavecin de partitions pour orgue par Stéphane Schweitzer.
L’après-midi, se tenait la toute dernière « Heure musicale » de Stéphane Schweitzer qui aura accueilli tout l’été les kientzheimois mais aussi les touristes et le public de passage pour une découverte d’instruments anciens (clavicorde, viole de gambe, clavecin).


Enfin à 20h30,   ballade aux lanternes (je vous passe le relai……)


L’association AAOK a quant à elle poursuivi son programme culturel le dimanche 16 septembre à 16 heures en proposant pour la toute dernière heure musicale Félix et Régule de l’été une ultime variation autour de l’orgue avec la présentation au public de la cithare par Jeannine et Mirelle de l’association « Les cithares de Colmar »  accompagnées de Gilbert Noack et de sa cithare de concert. Ce dernier a séduit l'auditoire avec des airs de musique qui ont rappelé quelques souvenirs aux plus anciens.

Après un rappel  historique de l’instrument, particulièrement apprécié des Grecs de l'Antiquité, plusieurs types de cithares ont été présentées : monocorde, vietnamienne, de concert, Hackbrett, aurore, et cithare avec archet ou violin-zithers. Un thérémine fut aussi présenté. Il s’agit d’un des plus anciens instruments de musique électronique, inventé en 1919 par le Russe Lev Sergueïevitch Termen (connu sous le nom de Léon Theremin). Les trois musiciens ont ensuite interprété différents morceaux de musique puis invité les personnes présentes à venir jouer de la cithare.

Une  « saison 2 » des heures musicales à Kientzheim est d’ores et déjà prévue !

Pour tout renseignement sur l’orgue et sa restauration,

Association Les Amis des Orgues Valentin Rinkenbach de Kientzheim
48, Grand-Rue
KIENTZHEIM
68240 Kaysersberg Vignoble
Mail : aaok@laposte.net

Twitter : @OrgueKientzheim
LinkedIn : Association AAOK
Facebook : @AssociationAOK



lundi 17 septembre 2018

« Maillard » ? « Caramélisations » ? Ce serait si simple de « brunir »



Je suis un peu fautif d'avoir fait connaître à la communauté culinaire les réactions de Maillard : aujourd'hui, des personnes qui ne sont pas chimistes, quand elles ne me connaissent pas, vont jusqu'à… m'expliquer ce (qu'elles croient) que c'est ! Et les explications qu'elles donnent sont fausses.

Les réactions de Maillard ne se feraient qu'à chaud ? Faux.
Les réactions de Maillard auraient lieu à partir de 145 °C ? Faux… et je ne sais même pas d'où sort de 145 °C que les sites internet répètent.
Les réactions de Maillard s'apparenteraient à la caramélisation ? Faux.
Les réactions de Maillard seraient entre les acides aminés et les sucres ? Faux.
Et j'en passe, parce que l'on trouve de tout sur Internet.


Disons maintenant des choses justes.
Quand on chauffe certains aliments, ils brunissent. Évidemment ce brunissement résulte de réactions chimiques. Lesquelles ? Celles qui font intervenir les composés présents dans les viandes, à savoir principalement les protéines, des « sucres », les graisses, l'acide lactique… et de nombreux composés mineurs. Quelles réactions ces composés subissent-ils?
Observons que les protéines isolées peuvent brunir, quand elles sont chauffées : on observe un tel effet quand on chauffe de la gélatine (une protéine) à sec, par exemple, et le brunissement résulte alors de plusieurs réactions simultanées, de sorte que l'on aurait raison de désigner ce brunissement par le mot « pyrolyse ».
D'autre part, les sucres, également, peuvent brunir. Par quelles réactions ? La caramélisation étant le brunissement spécifique du sucre de table, ou saccharose, il n'est pas judicieux de nommer de même la transformation d'autres sucres chimiquement différents. Là encore, pyrolyse s'impose, plutôt que caramélisation. D'ailleurs, la matière formée n'est pas le caramel, qui est un mélange complexe, mais ce que j'ai proposé de nommer un « péligot ».
Les lipides, aussi, peuvent réagir, à chaud. Les réactions peuvent être des oxydations, par exemple.
Voilà pour les principales réactions des composés isolés, mais il peut bien évidemment exister des réactions entre des composés différents. Et c'est ainsi que l'on trouve, parmi bien d'autres, les réactions découvertes par le chimiste français Louis-Camille Maillard : ces réactions sont celles qui font intervenir les protéines et des sucres particuliers (les « sucres réducteurs »), tel le glucose, qui se trouve dans le sang, donc dans les viandes, et aussi dans les légumes (avec le fructose et le saccharose, principalement).
Les réactions de Maillard n'ont rien à voir avec une caramélisation, puisqu'elles font intervenir protéines et sucres (réducteurs), alors que des sucres seuls suffisent pour les caramélisation. Elles sont lieu à n'importe qu'elle température, et notamment à 37 degrés (hélas) : elles sont ainsi responsables de l'opacification du cristallin des personnes souffrant de diabète. Evidemment, elles sont plus actives quand la température augmente, mais c'est le lot de toutes les réactions.
D'ailleurs, à ce propos, il est bon de signaler que les réactions ne sont pas toujours visibles à des changements de couleur. Par exemple, quand on cuit des spaghettis (qui contiennent des sucres « complexes », à savoir les amyloses et les amylopectines, sous la forme de grains d'amidon), ces composés sont « hydrolysés », libérant du glucose. On ne voit rien, sauf si l'on utilise des réactifs colorés, par exemple.

Finalement, après ce petit tour d'horizon, que retenir ? Qu'un aliment qui est chauffé et qui brunit… brunit. Oublions les réactions de Maillard, à moins de bien savoir ce qu'elles sont et ce qu'elles ne sont pas. On observera d'ailleurs que le changement de référentiel du CAP hôtellerie restauration avait entériné cette proposition : on distingue maintenant des cuissons avec brunissement et des cuissons sans brunissement. C'est tout simple, non ?

Rondelles transparentes

Une question ? Une réponse... mais ici, ce n'est encore qu'une hypothèse plausible.


La question

Monsieur
Je me permets de vous adresser cette question car je ne vois personne d'autre qui pourrait m'y répondre:
Dans un appareil professionnel à sous-vide, j'ai vu placer des rondelles fines de pomme dans un sac à sous-vide non scellé, accompagnées d'un sirop de sucre.
Puis, pendant la mise en sous-vide sans sceller, durant une 20ne de secondes, les rondelles sont devenues translucides pendant que le sirop bouillait (à froid).
Donc, ma question est: pourquoi les rondelles sont devenues translucides ?
Je vous remercie de bien vouloir m'éclairer et vous adresse mes respectueuses salutations.


La réponse
 

Pourquoi des rondelles de pommes deviennent telle transparente quand on les met sous vide avec un sirop ? Si les rondelles sont opaques, quand on les forme initialement, c'est qu'il y a des raisons pour qu'elles le soient.
Une pomme, au premier ordre, c'est un ensemble de cellules, c'est-à-dire de petit sacs plein d'eau. Bien sûr, il y a l'opacité des membranes cellulaires et des "parois" entre les cellules, mais ces dernières sont minces,  et l'on peut t'imaginer que elle ne perturbent pas beaucoup la lumière... d'autant que, après imprégnation, elles demeurent... dans un ensemble transparent. En revanche, une pomme contient 25 % d'air, et l'on sait combien des bulles d'air dans un liquide peuvent changer la propagation de la lumière. Ainsi, dans un blanc d'oeuf transparent, l'ajout de bulles engendre un blanc en neige, qui est blanc et opaque. Et cette blancheur et cette opacité surviennent dès les premières bulles introduites dans le liquide. De sorte que je suppose que, quand on met une rondelle de pomme sous vide, on aspire l'air et à l'extérieur, de sorte que, sans cet air, on obtient une matière où la lumière n'est plus perturbé, ce qui signifie qu'elle est transparente.

Pour l'instant, je n'ai pas assez réfléchi à une manière expérimentale simple de vérifier cette explication tout théorique, et je compte lâchement sur mes amis pour faire des propositions.


dimanche 16 septembre 2018

Le séchage du pain au chocolat

Une question d'il y a quelques jours :

Je me permets de vous contacter pour une question relative au pain au chocolat : il m'arrive de ne pas manger immédiatement un pain au chocolat que j'ai acheté, de sorte que je le laisse dans le sachet de la boulangerie sans prendre de précaution particulière, et, le lendemain, il a forcement perdu de l'humidité. 
Lorsque j'imagine un pain au chocolat qui reste sur une table, je pense en générale que la table va protéger le pain au chocolat sur le dessous et que le reste va être plus dur.
Quand je trempe alors le pain au chocolat dans du lait, je remarque que les bords sont bien plus difficile à rendre humide que le reste. Pourquoi mon pain au chocolat n'est-il pas séché uniformément ?
Ce n'est jamais par le dessus qu'il sèche. Il est bien plus sec aux extrémités, alors que les bords du pain au chocolat ne touchent pas forcément le papier du sachet qui, par capillarité, pourrait absorber l'humidité du pain au chocolat. J'ai déjà remarqué le même phénomène lorsque le sachet de mon pain au chocolat était bien ouvert ou même sans protection ou durant la nuit.
Je n'ai pas essayé de mettre mon pain au chocolat en position verticale la nuit pour voir si cela change quelque :)
Que se passe-t-il au niveau moléculaire ? Les liaisons hydrogène  avec les molécules d'eau les pousseraient-elles à fuir l'évaporation et à se concentrer au centre ?
Je remarque aussi que les miettes dans le lait se regroupent au centre du bol de lait lorsque je le pose dans l’évier sans finir de le boire,  et cela aussi m'intrigue. Le phénomène est plus visible avec des miette de cookies ! :)
Je vous remercie pour votre attention, en espérant ne pas vous avoir dérangé avec mes questionnements un peu farfelus. Cordialement.





C'est un gros morceau, et il y a en réalité plusieurs questions. Tout d'abord, le "séchage" des produits panifiés n'est pas toujours une simple perte d'eau : le "rassissement" inclut la perte d'eau, mais pas seulement, comme nous allons le voir.
Partons d'eau et de farine, ce qui est commun à tous ces produits ; la cuisson produit un "empesage",  à savoir que, notamment, les grains d'amidon de la farine absorbent l'eau, gonflent et se soudent en formant un "gel" nommé empois. Ce gel, c'est la mie, souple et translucide.
Quand les produits sont stockés, la mie perd certainement de l'eau, ce qui correspond à un séchage. Mais il y a pire, à savoir une "rétrogradation de l'amidon".
Pour comprendre de quoi il s'agit, il faut savoir que les grains d'amidon de la farine sont composés de molécules de deux sortes : des molécules d'amylose et des molécules d'amylopectine. Les premières sont comme de minuscules fils, et les secondes comme de minuscules arbres. Lors de la cuisson, des molécules d'amylose peuvent migrer hors des grains, et elles vont alors flotter dans l'eau ; mais, au cours du stockage, ces molécules migrent et se réassocient en zones "cristallines", sans eau. Cette réassociation correspond à une mie plus "rigide", plus dure. L'eau est présente, mais pas organisée comme il le faudrait... et c'est ainsi que ce rassissement-là peut être combattu par un réchauffage, qui resolubilise les molécules d'amylose.
Pour les molécules, peu importe donc la position, le contact avec le papier ou avec la table !

A propos du trempage, je manque d'informations pour interpréter, mais il est clair que la perte réelle d'eau est plus nette sur les bords qu'au centre. Et là, ce n'est pas une rétrogradation qui est en cause, mais bien le séchage, semble-t-il.
Enfin, il y a les miettes qui se regroupent dans le bol, et là, il faudrait faire des études plus poussée, mais je peux quand même signaler que si des miettes grasses incurvent la surface de l'eau sous elle, elles en abaissent le niveau, de sorte que des miettes voisines peuvent glisser vers le bas, et se réunir.