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samedi 17 août 2019

Les stages ? D'accord, pas d'accord


Pour la question des stages,  je ne discute pas ici la question de la durée des stages en relation avec l'obligation légale de payer les stagiaires pour des stages de longue durée, ce que j'ai fait dans d'autres billets, et je renvoie à ce propos à des billets précédents.

En revanche, je veux revenir sur les monitions de ministère de l'Éducation nationale, où l'on trouve notamment, en substance, que les stages sont des séquences de formation qui visent à transformer les connaissances en compétences, et à donner une bonne connaissance du monde de l'industrie.
Cette description  a du bon, car elle commence par observer que les stages sont  des séquences de formation. Autrement dit, il doit y avoir des référents universitaires qui sont en relation constante avec l'entreprise où le stage s'effectue.

D'autre part, je suis évidemment en accord avec le principe qui propose de transformer des connaissances en compétences, mais je m'interroge quand même, car les dispositifs de formation ont précisément, dans leurs référentiels, des listes de connaissances et des listes de compétences. Dire que des compétences manquent ne revient-il pas à critiquer les institutions de formation, qui auraient dû donner ces compétences, les évaluer, et, bref, faire leur travail ?  Donc je suis opposé à l'idée du ministère, de ce point de vue.

Enfin il y a la question de la durée des stages. Si l'on considère la question de la découverte de l'entreprise, j'ai l'impression que deux mois suffisent largement pour comprendre le jeu, n'est-ce pas ? Mais, d'autre part, on comprend aussi que les entreprises veulent un peu de production en échange de l'effort qu'ils font d'accueillir les stagiaires,  et des stages un peu plus longs permettent, une fois que les stagiaires sont "débrouillés", que ces derniers contribuent à la production (ce qui n'est pas de la formation !). 
Je dois ajouter que nous venons  d'accepter des étudiants avenue d'Irlande et d'Australie : leurs stages étaient bien mieux cadrés que ceux des étudiants français qui viennent nous rejoindre : notre pays a manifestement des leçons à prendre !

vendredi 16 août 2019

Fournir de vrais cours

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.



Des jeunes collègues discutent la formation qu'ils reçoivent, et ils proposent :

Fournir de vrais cours tapés plutôt que des diapos imprimées pourrait être également une piste très prometteuse comme évoqué plus haut. En effet, un cours écrit permet de se replonger facilement dans le sujet même longtemps après avoir suivi le cours en question (en stage voire plus tard encore).

Je ne veux pas revenir ici sur la confusion entre le cours professé et la matière que l'on étudie. Je ne veux pas revenir non plus sur le fait qu'il est impossible de donner en cours professé la totalité de la matière et notamment, les compétences qui dépasse les connaissances. Des compétences, cela ne se donne pas en comprimé ou en perfusion !
D'abord, ces cours sont en ligne, et ils sont assez grands pour aller les trouver. D'autre part,  j'ai peur que ce que demandent nos jeunes collègues ne soit un fantasme. Quoi,  un seul document infuserait  immédiatement connaissances,  compétences, savoir faire, savoir-être, savoir-vivre, etc. ?  Même le cours le plus détaillé ne fera pas cela ;  même un cours qui donnerait des valeurs, des informations, des notions et des concepts, des méthodes ... ne peux pas fixer correctement -en supposant que cela soit un objectif- durablement des idées dans le cerveau de celui qui lit. Il en va de même pour des podcast audio ou  vidéo,  et c'est seulement l'étude qui permet, à condition par exemple d'être assortie de travaux de structuration, d'obtenir le résultat énoncé.
Ce cours  complètement tapé dont on nous rebat les oreilles est en réalité un fantasme que certains agitent dans des discussions sur les études. D'ailleurs, un cours, aussi bien fait qu'il soit, ne conviendra pas à tous,  car nous avons des goûts différents et tel préférera le formalisme, tand que tel autre voudra des explications beaucoup plus verbeuses...
A ce sujet, on ferait bien de méditer la réponse d'Archimède à Hiéron d'Alexandrie : il n'y a pas de voie royale !
Piste prometteuse donc ? Oui mais seulement part opposition : c'est en considérant analytiquement cette proposition que l'on nous fait que j'arrive à la conclusion qu'elle n'est pas bonne... ce qui est  en réalité un progrès, un pas fait à la fois dans la discussion mais aussi dans la résolution du problème posé.

Fournir de vrais cours

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.


Sous la plume de jeunes collègues, je lis :

Fournir de vrais cours tapés plutôt que des diapos imprimées pourrait être également une piste très prometteuse comme évoqué plus haut. En effet, un cours écrit permet de se replonger facilement dans le sujet même longtemps après avoir suivi le cours en question (en stage voire plus tard encore).


Je ne veux pas revenir ici sur la confusion entre le cours professé et la matière que l'on étudie. Je ne veux pas revenir non plus sur le fait qu'il est impossible de donner en cours professé la totalité de la matière et notamment, les compétences qui dépasse les connaissances. Des compétences, cela ne se donne pas en comprimé ou en perfusion !
D'abord, ces cours sont en ligne, et ils sont assez grands pour aller les trouver. D'autre part,  j'ai peur que ce que demandent nos jeunes collègues ne soit un fantasme. Quoi,  un seul document infuserait  immédiatement connaissances,  compétences, savoir faire, savoir-être, savoir-vivre, etc. ?  Même le cours le plus détaillé ne fera pas cela ;  même un cours qui donnerait des valeurs, des informations, des notions et des concepts, des méthodes ... ne peux pas fixer correctement -en supposant que cela soit un objectif- durablement des idées dans le cerveau de celui qui lit. Il en va de même pour des podcast audio ou  vidéo,  et c'est seulement l'étude qui permet, à condition par exemple d'être assortie de travaux de structuration, d'obtenir le résultat énoncé.
Ce cours  complètement tapé dont on nous rebat les oreilles est en réalité un fantasme que certains agitent dans des discussions sur les études. D'ailleurs, un cours, aussi bien fait qu'il soit, ne conviendra pas à tous,  car nous avons des goûts différents et tel préférera le formalisme, tandis  que tel autre voudra des explications beaucoup plus verbeuses...
A ce sujet, on ferait bien de méditer la réponse d'Archimède à Hiéron d'Alexandrie : il n'y a pas de voie royale !
Piste prometteuse donc ? Oui mais seulement part opposition : c'est en considérant analytiquement cette proposition que l'on nous fait que j'arrive à la conclusion qu'elle n'est pas bonne... ce qui est  en réalité un progrès, un pas fait à la fois dans la discussion mais aussi dans la résolution du problème posé.

mercredi 14 août 2019

L'absentéisme

Dans une discussion avec des collègues plus jeunes, il est question d'absentéisme, ce qui me donne l'occasion d'analyser la chose. En un mot, je suis très opposé à l'obligation de présence qu'imposent certaines institutions de formation, et j'observe aussi que l'absentéisme peut être un symptôme qui révèle que des professeurs sont mauvais.
Evidemment, tout cela est bien cru, et mérite d'être nuancé, et examiné cas par cas.


À propos d'absentéisme ma position est toutefois claire. Si un étudiant n'a pas envie d'être présent devant un professeur, alors il est inutile et même contre-productif de vouloir le forcer. Bien sûr, une institution de formation peux trouver des tas de moyens pour obliger les étudiants à venir en cours, mais à quoi bon ? Si les étudiants ainsi forcés font autre chose pendant le cours, alors la mesure est inutile, et si les étudiants font du chahut, c'est l'ensemble du groupe qui en pâtit. Je préfère de beaucoup que ceux qui n'ont pas envie d'être présent ne soient pas présent, et je ne comprends pas, sauf pour des raisons imbéciles d'assurance, pourquoi certaines institutions qui devraient être "éclairées" ont des pratiques d'un autre âge.

Que faut-il ajouter à cela ? Par exemple le témoignage de mes classes préparatoires. Dans une des deux années que j'ai faites (je ne dis pas laquelle pour ne désobliger personne), le professeur de mathématiques était si mauvais que j'avais décidé de sécher tous les cours pour travailler chez moi, alors que j'avais résolu de suivre les cours de physique en me disant que, le professeur étant médiocre mais admissible, c'était un moindre mal. La sanction des concours a été sans appel : mes notes, en mathématiques, ont été excellentes, alors que mes notes de physique étaient médiocres, ce qui est un comble sachant que c'était la matière que je préférais, avec la chimie (surtout) ! 
Mais mon exemple ne vaut rien, et je préfère citer l'exemple de Jean-Marie Lehn, prix Nobel de chimie, qui, quand il étudiait Strasbourg,, avait de mauvais professeurs à l'exception de Guy Ourisson ; il était donc absent des cours... mais on le trouvait en permanence en  bibliothèque, où il faisait ses propres cours à l'aide des ouvrages réunis. On a vu le résultat !

Derrière tout cela, je mets quand même en discussion les obligations de moyens et les obligation de résultat. On ne demande pas aux professeurs des obligation de résultat, mais de moyens et on a peut-être tort. On ne demande certainement pas aux médecins une obligation de résultat,  mais seulement de moyens et on a bien raison, car le patient finira toujours par mourir un jour ou l'autre. Ce que l'on réclame du médecin, c'est une obligation de moyens  : l'application des règles de bonnes pratiques édictées par les sociétés savantes.
Pour les études, la question n'est pas celle des professeurs, mais celle des étudiants et, de ce fait se pose la question de l'obligation de moyen ou de l'obligation de résultat pour les jeunes collègues. Or  les diplômes qui sont attribués sur l'évaluation des connaissances et des compétences affichées dans un référentiel : il s'agit d'une obligation de résultats, et une obligation légitime, car un diplôme engage l'institution de formation par rapport à ceux qui veulent y venir et aussi vis à vis de leur "clients", à savoir ceux qui embauchent les diplômés.
Mais revenons à nos études, et nos étudiants. Ces derniers ont donc été avertis d'un référentiel,  et ils savent que leurs compétences,  connaissances,  savoir-vivre,  savoir-être,  savoir-faire seront évalués. Si le référentiel est bien fait, alors il y a des items absolument obligatoires et d'autres facultatif, car si les compétences et connaissances sont facilement évaluables, on aura peut-être plus de difficultés à juger le savoir-vivre, par exemple, qui est très culturel : tel comportement admissible dans une culture donnée peut ne pas l'être dans une autre culture, ce qui pose des problèmes accrus en ces temps de mondialisation.

Bref, je considère que l'absentéisme n'est pas une vraie question pour autant que le contrat soit clair. Si le diplôme sanctionne seulement la présence à des cours, alors une présence suffit. S'il sanctionne des résultats, alors la présence ne doit pas être obligatoire. Le contrat pourrait-il sanctionner à la fois la présence à des cours et les résultats ? Ce serait sans doute unique, et aussi insupportable qu'inique. Et puis, si on en revient d'objectif, cela  serait idiot.
Mais allons plus loin, et considérons que l'objectif est que l'élève doive dépasser le maître :  alors faut-il vraiment condamner les élèves à écouter le maître, à observer ses insuffisances ? L'exemple de Jean-Marie Lehn donné plus haut est la réponse par la négative à cette question.

Professeur, je veux que les étudiants étudient efficacement par tous les moyens imaginables. Je veux même qu'ils rapportes leurs moyens les plus efficaces, qu'ils les partagent  avec l'ensemble du groupe. L'absentéisme ? Soyez libres d'étudier le mieux que vous pouvez et prouvez que vous faites bien !

mardi 13 août 2019

La question des évaluations

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.


Je lis sous la plume de jeunes collègues qui discutent leur formation :

On peut aussi imaginer des innovations pour les évaluations (changer le format scolaire de certains partiels en évaluant par le biais d’un oral ou autre) ou pour inventer de nouveaux formats de cours (par exemple, mettre les étudiants dans une situation très concrète de résolution d’un problème complexe, nécessitant les connaissances de différentes domaines).



Là, j'amenderais un peu, car sous la pression des étudiants, les institutions de formation ont élaboré des référentiels, qui sont des listes de connaissances, de compétences,  de savoir-faire, de savoir-être, de savoir-vivre exigibles pour l'obtention d'un diplôme donné. Ça me paraît clair,  carré, simple,  et je vois mal de quelle innovation il s'agirait. Toutefois, me sachant insuffisant, je ne refuse pas de chercher.
Ce que je sais, c'est qu'il y a trop souvent une lutte des classes, entre les étudiants qui ne veulent pas toujours en faire le plus possible et les professeurs ou institutions de formation qui visent l'optimisation des études. Cette de lutte des classes nous fait perdre un temps et une énergie précieux.
D'autre part, je refuse absolument que l'on donne un diplôme à quelqu'un qui ne le mérite pas, car la qualité de ce diplôme est alors dégradée alors pour tous ceux qui l'ont reçu ou qui méritent de l'avoir, mais elle affaiblit aussi l'institution qui le donne. Je sais qu'il y a mille bonnes raisons pour donner le brevet à tous, le baccalauréat à tous, pour accepter tout le monde à l'université...  mais on évitera pas que quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a appris, ce qui ne se fait pas en claquant des doigts, mais en y passant du  temps.  Tout le monde peut obtenir un diplôme à condition de travailler, d'y passer du temps, afin d'avoir les connaissances, compétences du référentiel correspondant au diplôme.
Alors, l'évaluation ?  Bien sûr, on peut changer à la marge l'évaluation, faire un oral à la place d'un écrit, ou  vice et versa, mais en réalité on tourne en rond, car la question est toujours de voir  si nos jeunes collègues ont les connaissances requises ou pas, s'ils ont des compétences requises ou pas... Oui, on peut proposer des problèmes complexes, mais ne pose-t-on des exercices plus simples que parce que  je précisément la majorité des jeunes collègues n'arrive pas à faire les problèmes complexes ? Après tout, on n'évalue pas seulement des connaissances en capacité de raisonnement en général, mais des connaissances et des compétences précises, données dans les référentiels.
Bien sûr, on peut supprimer les référentiels, mais alors l'évaluation devient totalement arbitraire. Au fond, il vaut mieux revenir à des objectifs et à des principes. Oui, les jeunes collègues ont passé la sélection qui leur a donné l'accès à une institution de formation, mais il leur faut maintenant étudier pour maîtriser les divers points du référentiel : ils n'ont pas de viatique absolu, valable en tous temps et en tous lieux !  Un système de formation existe pour donner la formation. Et cette formation est décrite par des connaissances, des compétences, des savoirs être, des savoir faire, des  savoirvivre. On aura beau tourner dans tous les sens, on évitera pas d'évaluation qui doit être juste, pour tous, explicite...

Cette discussion me fais immanquablement penser à la revendication des élèves d'une école de chimie à laquelle on m'avait demandé de candidater pour le poste de directeur : la première des choses que les élèves m'avaient demandé concernait leur soirée ! Les bras m'en tombent : organise-t-on une institution de formation en chimie pour dispenser de la formation ou un cabinet d'entremetteurs ? Les soirées ? Les étudiants sont assez grands pour les organiser eux- mêmes. Qu'ils le fassent s'ils veulent. Mais je reste désolé que nous n'ayons pas discuté des points essentiels, tel que le contenu des études  : la chimie quantique, la modélisation moléculaire, la dynamique moléculaire, la chimie supramoléculaire...

Au fond,  si j'accueille aujourd'hui les remarques de jeunes collègues on y consacrant tant de temps, tant d'énergie, c'est que j'ai l'espoir que nous arriverons à des discussions essentielles et non pas superficielles, de contenu et non seulement de forme !

lundi 12 août 2019

Et si professer consistait à planifier de petites étapes ?

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.




Dans notre groupe de recherche est venu une jeune collègue consciencieuse, soigneuse, attentive, soucieuse d'apprendre... En fin de stage, son université lui a demandé un rapport de stage, et j'ai eu la la confirmation du fait que j'avais raison de considérer ces rapports comme des exercices universitaire où je ne veux pas prendre part, et, d'autre part, j'ai compris que, quand je m'adressais à des collègues, je devais bien plus subdiviser que je le faisais.
Je développe ici ces deux  points.

Cette jeune collègue n'a pas eu une bonne note à son rapport, alors que ce dernier est volumineux et qu'il était fondé sur des travaux bien faits. Les interactions avec son "enseignante référente", comme on dit, ont fait apparaître que les défauts du rapport, justement signalé par la jeune collègue, avaient été envisagés dans des documents que j'avais remis à l'étudiante. Par exemple, j'avais donné des documents relatifs aux matériels utilisés pour les expérimentations, relatifs à l'introduction, aux conclusions et perspectives, etc. Mais elle n'a pas appliqué les consignes.
La question n'est donc pas de savoir pourquoi la jeune collègue n'a pas eu une bonne note, mais de comprendre pourquoi elle n'a pas mis en œuvre des techniques qui lui ont été donnés. Je crois que la réponse est simple : il y a trop à la fois, tout d'un coup. Après coup,  j'ai appris que c'était le premier rapport que cette jeune collègue faisait et que, de surcroît, elle n'avait jamais eu de formation à l'écriture des rapports.
Il y a donc lieu de lui donner cette formation (ou de l'inviter à l'obtenir).

Mais j'arrive au second point, qui part de l'observation du "il y a eu trop  à la fois, tout d'un coup". Oui, la difficulté provient souvent de ce qu'une montagne arrive d'un coup sur le dos de nos jeunes collègues. Pour manger un gros morceau, il faut le diviser. Pour déplacer une montagne, il faut le faire pierre à pierre.
Je vois, de plus en plus, que nous demandons beaucoup aux jeunes collègues, et que nous aurions intérêt à  subdiviser, et subdiviser encore. Bien sûr, ils perdraient en autonomie, mais quel est le premier objectif : faire bien, ou être autonome ?
Viendra bien le moment -plus tard !- ou l'on demandera de faire bien en parfaite autonomie, mais en attendant, contentons-nous d'aider à faire bien.

dimanche 11 août 2019

Je déteste l'expression "charge de cours"

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.



"Charge de cours" : l'expression est terrible, quand on y pense. Pourquoi ne dit-on pas plutôt "privilège de cours" ?
Au fond, cette chance qui nous est donnée, d'aider des collègues à étudier, est inouïe.
Mais je m'illusionne peut-être ? Allons-y doucement : reprenons analytiquement des idées relatives aux études, pour bien poser le raisonnement, et le corriger éventuellement (s'il vous plaît, aidez-moi !).

1. Au début, il y a des individus intéressés par une matière (la chimie, la science, la technologie, que sais-je...) et qui veulent l'étudier, éventuellement pour en faire leur métier.
2. Découvrir cette matière, c'est découvrir ses objets, ses méthodes, ses pratiques... Il y a donc à obtenir des connaissances, des compétences, des savoir faire, des savoir vivre, des savoir être... On pourrait dire aussi des notions, des concepts, des méthodes, des valeurs, des informations...
3. Ces "objets intellectuels" sont dispersés dans des articles, des livres, des films, des enregistrements audio, etc. Mais aujourd'hui tout cela ou presque est en ligne. Dispersé, certes, mais présent, et le plus souvent gratuitement.
4. On peut vouloir s'éviter la peine de chercher, pour se focaliser sur l'étude proprement dite (mais on perd alors l'avantage d'apprendre à chercher), et s'adresser à une personne (professeur) ou à une institution (de "formation") qui nous guideront, et, éventuellement, nous délivreront une attestation (diplôme).
5. On comprend alors que les professeurs ont alors pour mission de guider. Ce qui, en passant, conduirait à parler de "mission", pas de charge. Bien sûr, il y a une certaine responsabilité à décider de chemins de formation pour autrui... mais on parlerait alors de "responsabilité", et pas de charge.
6. La cartographie des études étant faite, l'évaluation étant organisée, viennent alors les études proprement dites, et le professeur ne peut alors pas faire grand chose, à part allumer le brasier, raviver le brasier, donner de l'enthousiasme, épauler quand on fatigue.
7. Puis vient l'évaluation, qui en réalité doit être continue, car pourquoi attendre à la fin du chemin (cursus, en latin) pour s'assurer que l'on a les connaissances/compétences/savoir faire/savoir être/savoir vivre requis ?

lundi 5 août 2019

J'ai déjà vécu tout cela presque à l'identique quand j'étais élève

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.






Alors que je discute phrase à phrase un gros document émis par des jeunes collègues, d'analyse critique de la formation qu'ils reçoivent, je m'aperçois que, partant d'un a priori très favorable, mes analyses me conduisent trop à une réfutation mot à mot de ce qu'ils concluent. Ce n'est pas bon, car je m'étais promis d'éviter la lutte des classes, collègues plus jeunes contre collègues plus vieux, en sortant par le haut, en prenant de la grandeur. Et voilà que je reste englué dans le débat.
Allons, prenons du recul... en observant que j'ai entendu les arguments proposés par nos jeunes collègues il y a 40 ans, quand  j'étais moi-même élève d'une école d'ingénieur ! On sortait de Mai 1968, et nos camarades des promotions précédentes venaient de secouer le joug des encadrements figés du passé, de supprimer l'assistance obligatoire aux cours, avaient conquis de haute lutte le droit de publier un journal des élèves, et ainsi de suite. Les élèves n'étaient plus des enfants, ils prenaient part au conseil d'administration de l'école, décidaient de la formation qu'ils recevaient dans des instances paritaires. On avait l'espoir que les Mandarins seraient mis de côté (je rappelle que, à cette époque, le patron d'un laboratoire de chimie signait en premier toutes les publications !).
Bref, c'est étonnant que les mêmes analyses reviennent des décennies plus tard : le fait que les cours ressemblent à ceux des classes préparatoires en moins profond, le fait que la scolarité soit scolaire, le fait que les cours ne puissent pas tout traiter, et ainsi de suite. 

La leçon ? Il faut changer, et même mieux, changer  pour changer. Dans les revues et journaux, on sait bien que la maquette doit changer tous les deux ou trois ans, parce que les lecteurs se lassent. On fait des changements d'apparence, qui s'apparentent aux modes des vêtements, des musiques, des peintures, des livres. Bien sûr, il y a eu de différences de fond entre une série télévisuelle et un feuilleton comme en publiaient les journaux jadis, mais l'apparence a quand même changer.
Nos institutions de formation ne pourraient-elles faire ainsi, en concertation avec jeunes collègues, professeurs, personnels administratifs ?

dimanche 4 août 2019

Des cours "scolaires" ?

Dans un document de collègues plus jeunes, je lis :

De plus, les cours sont bien souvent très descriptifs, scolaires, et quasiment jamais problématisés. Cela cause, toujours d’après nous, un ennui certain pour les étudiants qui ne sont pas vraiment incités à réfléchir dans ce cas.

Des cours scolaires ? Nos collègues ont bien raison de se lever contre c'est format d'étude,  car ce sont des individus majeurs qui ont le droit de vote,  qui payent des impôts (ou leurs parents, ce qui revient un peu au même) et qui ont le droit d'avoir un regard critique sur les formations qui leur sont dispensées.
Je rappelle que dans n'importe quelle université étrangère, il y a une évaluation des enseignants. Pardon, des professeurs, car je déteste le mot "enseignant" (pour mille raisons exposées dans d'autres billets). Chez nous... disons par litote que cette culture est moins présente. Mais j'ajoute aussi que les dérives des évaluations des professeurs est bien difficile  : on sait que le même professeur mal évalué sur le vif l'est très bien quelques années plus tard, mais je sais aussi, pour pratiquer une évaluation particulièrement serrée dans le cadre des Hautes Etudes Gastronomiques, que nos auditeurs nous font parfois tourner en rond, décrétant une année qu'un cours est trop court, et l'année suivante qu'il est trop long, et ainsi de suite. Il faut arbitrer avec finesse et jugement, en n'oubliant pas que les promotions sont des groupes très fluctuants : on n'oubliera pas que la démocratie d'Athènes a condamné Socrate à boire la cigüe !

Mais revenons à notre question de cours "scolaires" : de quoi s'agit-il ? Que ces cours ressemblent à ceux qu'ils ont eu par le passé ? Et alors ? Le système antérieur était-il inefficace ? Et puis, si nos jeunes collègues sont autonomes, pourquoi ne sont-ils pas autonomes ? J'aimerais bien qu'ils explicitent cela mieux que par un rejet rapide, hâtif, d'un mot !

Sur ce billet particulier, toutefois, je veux revenir sur le mot "cours", qui est source de confusion  : il y a ce moment de discours professoral, en chaire si l'on peut dire, et il y a le module tout entier, qui vise un corpus particulier de connaissances, compétences, savoir faire, savoir être, savoir vivre. Qu'est-ce qui serait "scolaire", dans l'affaire ? La présentation professorale, ou le module ? Après tout, si l'on a une présentation qui donne de l'enthousiasme, qui cartographie, alors les jeunes collègues pourront étudier. Or étudier : il y a peu de chances que l'on puisse le faire de dix mille manières différentes. Et puis, puisque cela relève de chaque individu, à lui ou elle de le faire comme il ou elle veut  : au bistrot, dans un part, dans une pièce sombre, avec du papier, sur un ordinateur, les pieds au mur, que sais-je...

Et j'enchaîne en revenant aux cours professé. Rapidement, j'ai dit qu'il s'agit de donner de l'enthousiasme et de "cadrer" les études, mais je veux revenir à cette description, car je crois que j'ai été trop rapide. Je crois surtout que le mot "contextualisé" utilisé ailleurs était bon, mais insuffisant : je préfère la métaphore de présenter une carte du sujet. Comme cette merveilleux carte du Tendre des précieuses :







Oui, il s'agit d'indiquer les étapes qui pourront être suivies, les relations entres les objets de la matière étudiée, et je m'aperçois d'ailleurs que, si je fais moi-même la chose, je ne la fais pas telle que je viens de la comprendre... de sorte que je vais pouvoir changer tous mes cours ! Quel bonheur. 

samedi 3 août 2019

Des cours "amusants" ?


Dans des discussions avec des collègues plus jeunes, j'entends parler de cours qui devraient être "amusants". Amusant ? Mon radar interne m'alerte immédiatement : amusant est un  adjectif, et, sous peine de verser dans le baratin du café du commerce, je dois remplacer tout adjectif par la question la réponse à la question "Combien ?".
Et puis amusant pour qui ? J'ai des amis pour qui les équations sont rébarbatives, et d'autres qui en font leurs délices. Surtout pour un groupe aussi vaste qu'une promotion de centaines de jeunes collègues, il est bien certain que les amusements sont variés et que le terme "amusant" n'a pas de sens. Bien sûr il peut toujours y avoir le recours à la vox populi, le vote de la majorité, mais   ce n'est pas un vote ce qui nous dira si 2 + 2 font 4 ou pas.
Sans compter sur la notion des plaisirs utiles, largement discutée par les philosophes.  Plaisirs ? Je vois surtout celui de l'étude, qui me permet de ne pas rester tel un animal.

Plus en pratique, je récuse ce terme d'amusant, parce que je me souviens de cours que je faisais à l'ENS Cachan et à l'Université Paris Sud, où mes cours étaient jugés "amusants"... alors que nous passions deux jours à regarder de l'eau chauffée, dans une casserole. Tout y passait, parce qu'il y a  mille choses merveilleuses à voir, de l'apparition des premières bulles au fond de la casserole jusqu'à des changement de couleur de la fumée au-dessus de la casserole,  en passant par des changements du bruit. Et le bonheur augmente quand on ajoute du calcul, c'est-à-dire de l'interprétation fiabilisée par le calcul !
De même, ces tableaux qui s'entassent dans les musées ne prennent souvent de l'intérêt que quand un merveilleux guide nous accompagne et nous montre les insectes que ne verrait pas un œil averti. De même, aujourd'hui, Internet est  plein d'incroyables cours par les artistes les plus grands. Je vous recommande par exemple les cours de Paul Tortelier, pour le violoncelle, où les classes de maître de Daniel Barenboim, expliquant à de jeunes pianistes talentueux les subtilités des sonates de Beethoven.

Au fond, les bons les bons professeurs sont ceux qui savent dire des mots intelligents, présenter des idées subtiles, fines, stimulantes, intelligentes à des auditeurs qui n'ont pas encore faire le même chemin que celui qu'eux. N'est-ce pas cela qui est "amusant" ? 

vendredi 2 août 2019

Les cours "magistraux" sont-ils périmés ?

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.






Suite de discussions avec nos jeunes collègues. Voici l'amorce qu'ils m'envoient :

Nous n’avons eu que trop de cours magistraux classiques (pour la plupart d’entre nous) et cette formule ne marche plus vraiment pour transmettre des connaissances solides (sur un amphi, combien écoutent du début à la fin ?). Il faut trouver des solutions innovantes et originales pour capter l’attention des étudiants.

Ici, il y a la question des cours magistraux "qui ne marchent plus pour transmettre des connaissances solides".
Oui, des cours magistraux ne transmettent pas des connaissances solides, et ils ne sont pas faits pour cela ! Oui, on ne peut pas être attentif  longtemps (quoi que... et puis, faut-il vraiment l'être absolument), et toutes les études le montrent ! Oui, il faut des manières particulières pour capter l'attention des auditeurs.
Ici, je me place dans un cadre d'analyse élargi, et qui déborde l'université ou les grandes écoles.

Je ne veux pas ici revenir à des discussions déjà faites, à propos du fait que les cours sont seulement des amorces, pour les études qui doivent être faites ensuite, dans le silence du cabinet de travail, ou en groupes quand les jeunes collègues cherchent plus de socialisation, sans que s'impose une façon : après tout, il y a des individualistes (Faraday, Einstein, etc.) et des collectifs (le CERN).

Non, je propose plutôt, dans ce billet, de considérer la question des cours magistraux et des relations avec le savoir. 

Prenons un exemple : le cours que Jean-Marie Lehn faisait, au Collège de France durait deux heures, et il était suivi d'un séminaire, avec une courte pause entre le cours et le séminaire. Nous n'étions qu'une trentaine dans la salle, mais nous avions le bénéfice d'un exposé organisé, structuré, structurant, sur des thèmes passionnants, nouveaux, originaux. Une étude bibliographique avait été faite pour nous, et cette étude s'assortissait d'une vision particulière, et, je le redis, structurante, laquelle bénéficiait d'ailleurs, ensuite, d'un séminaire, avec un intervenant invité qui venait présenter des travaux récents, en prolongement du cours.  Quel bonheur que de tels éclairages !

Un autre exemple : celui de Pierre Hadot, également professeur au Collège de France, à propos des philosophies antiques et des "exercices spirituels". On m'aurait donné les seules 20 minutes que les études de l'attention préconisent que j'aurais été frustré : quand la matière est de qualité, j'en veux beaucoup, plus, plus encore !

Et, d'ailleurs, pour ce qui est de la forme, je ne veux pas que mon  professeur fasse le guignol pour les besoins de l'exercice : je ne veux pas de mauvaises blagues forcées comme les conférenciers anglo-saxons sont souvent entraînés à les faire. Je ne veux pas de TED ou de TEDx en 20 minutes seulement, sauf à vouloir survoler des matières... Mais quand quelque chose m'intéresse vraiment, je ne veux justement pas survoler.

Bref, je veux des cours de belle qualité intellectuelle, pas des exposés laborieux de tâcherons qui ne décollent pas. Je veux rencontrer, par les cours, des intelligences brillantes, ce qui signifie pour moi des personnalités qui ont parfaitement creusé leur sujet et qui ont cherché des moyens d'en partager efficacement l'intérêt.
Donc je ne crois pas, finalement, que la critique soit juste. Non, nous n'avons pas eu trop de (bons) cours magistraux ! Si, cette formule marche très bien. Oui, je dois être et je suis capable d'écouter attentivement du début à la fin.

Mais, inversement, à côté de quelques cours magistraux donnés par quelques personnalités extraordinaires, oui, il faut des travaux variés, des études personnelles, laborieuses, en profondeur.

Car dans toutes ces analyses, il y a la question fondatrice : quel est l'objectif ?

jeudi 1 août 2019

Enseignement, actualités et culture générale


De jeunes collègues me signalent à quel point ils apprécient les séances publiques de l'Académie d'agriculture de France, et cela me fait évidemment plaisir, car je vois que nous ne nous donnons pas du mal pour rien. D'une part, nos podcasts sont visionnés, et, d'autre part, ils sont appréciés. Cela étant, ce qui m'est dit mérite analyse.

Partons donc d'un verbatim :

Enfin, un dernier point un peu plus global. La première année étant une année de tronc commun, elle est censée nous fournir une culture générale sur les différentes thématiques dans lesquelles s’inscrit notre école ;  or, nous avons clairement l’impression que ce n’est pas le cas à bien des égards.
En effet, nous n’avons qu’une culture générale modérée sur les grands enjeux que sont l’agriculture durable, le changement climatique et l’agro-alimentaire et la santé humaine, d’autant plus que nos connaissances sur ces sujets proviennent plus de lectures personnelles que des cours.
Nous pensons qu’il serait important de développer cela pour fournir à chacun un bagage culturel solides sur toutes les problématiques globales auxquelles s’intéresse notre école.
Cela pourrait être fait un peu sur le modèle des séances de l’Académie d’agriculture en proposant des conférences sur un thème précis (par exemple, quelle place pour l’agro-écologie dans l’agriculture durable ?) et en fournissant aux étudiants des états de l’art sur les controverses qui agitent notre sociétés (par exemple, un état de l’art sur les arguments POUR et CONTRE l’utilisation des OGM).
Cette dernière remarque est un peu la synthèse des précédentes au travers d’un exemple : transmettre aux étudiants une culture scientifique solide sur les grands enjeux de notre temps par le biais de cours visant à répondre à une question, les faire intervenir en posant volontairement des questions faisant débat et leur fournir des documents rédigés faisant la synthèse des arguments évoqués serait très enrichissant, aussi bien pour les étudiants que pour les professeurs.


Bon, oui, donner une solide culture scientifique sur les grands enjeux de notre temps n'est pas inutile, bien au contraire. Faire "intervenir les étudiants" ? Bien sûr, car il faut que les étudiants soient actifs : eux seuls peuvent apprendre. Partir de questions qui font débat ? Là, c'est plus contestable, car faut-il organiser du café du commerce ? Souvent, les débats sont des affrontements d'opinions, alors que le retour aux faits annihilerait la discussion (nos concitoyens adorent perdre leur temps à tchatcher, hélas).
Fournir des documents rédigés faisant la synthèse des arguments évoqués ? Et puis quoi encore : border les étudiants dans leur lit, aussi ? Ne peuvent-ils pas faire l'effort d'aller chercher les arguments, d'apprendre à faire la synthèse, d'étudier pour avoir à la fois les informations, les notions ou concepts, les méthodes, les valeurs relatives aux sujets traités ? Nos jeunes collègues n'en sont plus, j'espère, à recevoir la becquée !

Mais continuons différemment : nos jeunes collègues font l'éloge des séances publiques de l'Académie d'agriculture, où sont discutées des questions d'actualité : le glyphosate, les OGM, l'influence de l'urbanisation sur les inondations...
Ces sujets sont sans doute intéressants pour certains (pas tellement pour moi), mais ils sont trop éloignés de mes préoccupations pour que je puisse vraiment en faire une analyse un peu raisonnable, de sorte que je propose plutôt de considérer des séances de l'Académie d'agriculture consacrées à  l'alimentation, champ que je connais mieux... puisque je contribue à les organiser ;-). 

Les séances récentes dans ce champ ? La réévaluation toxicologique des additifs, la possible augmentation du nombre d'allergies alimentaires, la notion pourrie et chimérique des aliments prétendument "ultra-transformés" (oubliez vite ce fantasme idéologique),  les relations entre le bois et les aliments...
Tous ces sujets sont  évidemment  très intéressants... sans quoi nous n'aurions pas décidé d'en faire des séances publiques de l'Académie d'agriculture.
Mais la question n'est pas savoir si ces sujets sont intéressants dans l'absolu, mais seulement s'ils sont intéressants -disons utiles- dans le cadre de l'analyse que je fais ici. Car la vraie question est de savoir comment tout cela peut s'inscrire dans le cadre d'études, et mieux même, de savoir si cela doit s'inscrire dans le cadre d'études  :  après tout, le fait que quelque chose soit intéressant n'est peut-être pas toujours pertinent pour des études particulières. Par exemple, je peux me passionner pour l'aménagement rural des Hauts de la Réunion sans que ce sujet ne doive nécessairement faire l'objet d'études dans une école de physico-chimie.
Au fond, c'est à l'institution de déterminer ce que doives étudier les élèves d'une école ou les auditeurs de l'Université, en fonction d'objectifs affichés pour l'institution. Et avec ça, on compose avec les projets personnels des étudiants.

Donc oui, il y a les sujets d'actualités qui intéressent les étudiants... et qui ne m'intéressent pas du tout,  car je sais trop bien qu'elles sont déterminées par ceux qui la font, que la presse a pour mission de vendre du papier et que les sujets se succèdent, souvent avec des traitements catastrophistes qui sont là pour susciter de l'audience. Personnellement, cela me fait récuser l'actualité, mais je ne suis pas assez insensé pour ne pas savoir que mes contemporains s'y intéressent, même si elle leur fait perdre du temps, même si elle les abêtit, même si elle les manipule... D'ailleurs, mon entourage ne cesse de m'opposer des arguments de très mauvaise foi pour justifier  cette compulsion vers l'actualité qu'ils ont. Certains me disent que l'on a besoin d'être au courant, d'autres me disent que oui, ils savent bien que les informations données sont fausses mais ils regardent cela avec un regard critique et peuvent croiser les sources (ce qu'ils ne font pas) ; d'autres encore me signalent qu'ils ont besoin de savoir quel sujets sont discutés sur la place publique  pour inscrire leurs activités dans le cadre contemporain... Et ainsi de suite à l'infini.
Mais en réalité je crois plutôt qu'il y a une raison biologique à vouloir être au courant des choses : une raison biologique au sens de l'évolution biologique, peut-être  une raison sociale, et je sais aussi que mes semblables ont besoin de s'inscrire dans un groupe, de partager des informations même fausses : le point c'est le partage qui est important plus que l'information

D'ailleurs, dans un système d'étude, plus que la formation elle-même, c'est la méthode qui est importante et en réalité à peu près quel sujet peut être discuté.  Par exemple, le glyphosate peut parfaitement faire l'objet d'une étude physico-chimique : il s'agira alors d'examiner sa constitution, sa réactivité, sa formulation, sa dispersion lors de l'emploi... Cela pour de la physico-chimie, mais pour les biologistes, on pourrait parfaitement aller regarder les questions de toxicologie, de physiologie, de métabolisme... Dans des institutions d'études politiques, il y aurait beaucoup à dire sur les discussions sociales et politiques à propos du glyphosate. Et ainsi de suite pour les diverses institutions d'études supérieures.
Au fond, si un sujet d'activité est une bonne amorce, alors pourquoi ne pas l'utiliser ? Oui, pourquoi pas... mais, d'expérience, j'entends quand même le retour des jeunes collègues  : imaginons que l'on ait pris le sujet du glyphosate et qu'on l'ait traité du point de vue physico-chimique : je suis quasiment sûr que le reproche sera fait que la toxicologie n'ait pas été abordée. Or la toxicologie n'est pas mais peut-être pas dans la cible de formation de l'institution, et l'institution  n'a pas à traiter tous les aspects de tous les problèmes. Il y a des choix à faire et ces choix doivent être pertinents, raisonnés explicitement, fondés sur les attendus et les prérequis qui conduisent parfois à exclure des sujets que certains voudraient examiner.
D'ailleurs, pourquoi ne le feraient-ils pas par ailleurs ? Après tout, si nos collègues veulent étudier, qu'ils étudient !

mercredi 31 juillet 2019

Le relâchement après le concours est-il une fatalité ?

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dasn ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.

Discutons, discutons... Voici ce que je reçois de jeunes collègues qui ont fait l'effort de préparer un concours, et qui l'ont réussi :

{Nous pensons aussi que le contexte d’entrée en école forme une sorte de « cercle vicieux ». En effet, la majorité des étudiants sont passés par la classe préparatoire et ont de fait un certain besoin de « relâchement » après ces deux ou trois ans.
En d’autres termes, en première année, l’ambiance est peu portée sur les études et la plupart des étudiants sèchent de nombreux cours. }

La première phrase m'intéresse moins que la deuxième, où figure le mot "besoin". Et, je ne sais pas bien pourquoi, ce terme m'alerte, tout comme j'entends le mot "droit"... auquel j'oppose celui de "devoir".
Quel "besoins" ont les jeunes collègues ? Je crains hélas que beaucoup ne soient pas à leur place : ils ont fait l'"effort" de préparer des concours non pas parce que les matières étudiées leur plaisaient, mais parce qu'ils voulaient accéder à une école, afin d'en avoir le diplôme. Au lieu d'un intérêt intrinsèque, ils avaient un intérêt extrinsèque, et l'attitude serait combattue par des philosophies orientales : si  l'on part se promener en montagne et qu'on veut absolument le sommet, on est malheureux tant qu'on ne l'a pas atteint, et une fois qu'on l'a atteint, que fait-on ? On vise un autre sommet, et l'on est malheureux, et ainsi de suite. Inversement, celui ou celle qui aime la montagne en profite pendant tout le chemin.
Est-ce à dire que la majorité des jeunes collègues ont besoin de cours de philosophie ?

Mais on devine que j'exagère, dans l'analyse précédente, et il y aussi à considérer que les élèves des écoles se sont focalisés sur quelques matières particulières et qu'ils voudraient s'ouvrir à d'autres sujets que ceux des concours. Pourquoi pas : après tout, un ingénieur a bien besoin d'autre chose que les mathématiques, la physique, la chimie et la biologie : il faut de l'administration, de la communication, par exemple, mais il faut aussi des méthodes pour des transferts technologiques, à partir des données les plus avancées de la science. Et puis, selon les projets personnels, chacun a besoin de données dans des champs particuliers : des données biochimiques et de la toxicologie pour ceux qui visent l'industrie du médicament ; des données écologiques pour ceux qui visent les métiers de l'environnement ; des données agronomiques pour ceux qui visent l'agronomie...
Ici, on voit qu'il ne s'agit plus de donner un tronc commun, lequel est le socle des classes préparatoires, mais qu'il faut prendre en compte les projets personnels, vers lequel trois ans d'études seulement conduiront.
De ce fait, un nouveau tronc commun en école d'ingénieur semble sans intérêt, n'est-ce pas ? Et mon analyse sur les études "matricielles" s'impose. Nos institutions doivent en tenir compte, et mieux répondre qu'elles ne l'ont fait par le passé, avec des organisations qui existaient déjà à l'identique il y a un siècle.
Quel usage du numérique faisons-nous pour arriver à des formations améliorées ? Quels comportements des professeurs avons-nous changé ? Ne sommes-nous pas dans un immobilisme coupable ? Ne supportons-nous pas une inefficacité excessive ?
Oui, voilà la question qui nous est posée, et à laquelle je n'apporte évidemment pas de réponse positive : je pose la question, en réclamant que, chaque jour, nos dispositifs d'études soient transformés, en vue d'améliorations. Au fond, puisque tout ce qui est humain est imparfait, n'avons-nous pas l'obligation d'améliorer ?

mardi 30 juillet 2019

Un cours rédigé ?

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues. Toutefois, pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.



Je poursuis la lecture de documents d'analyse critique envoyés par des jeunes collègues :

Enfin, un point important réside dans le support des cours que nous évoquions plus haut. Il est communément admis parmi les élèves que les polycopiés qui ne sont qu’une simple impression du support de cours n’ont que peu voire aucun intérêt et qu’un vrai cours tapé serait bien plus intéressant en termes d’apprentissage.

Ici, il y l'expression "support de cours", à propos de laquelle je m'interroge. Soit une matière, il y a le cours professé, qui donne de l'enthousiasme, qui déblaye le terrain pour que les jeunes collègues puissent avancer ensuite plus facilement, qui cartographe, en quelque sorte, qui contextualise, qui motive, etc. Ce cours doit conduire les jeunes collègues à étudier en profondeur, et ils doivent alors utiliser des...
Des quoi, au fait ? Si l'on cherche un sujet particulier en ligne, on trouve d'innombrables textes qui permettent de l'étudier, sans compter que les bibliothèques sont pleines de livres qui traitent de n'importe quelle matière... sans compter les articles de recherche. La difficulté est plutôt de choisir, et l'on sera reconnaissant au professeur d'avoir sélectionné les meilleurs de ces textes.
De ce point de vue, le "polycopié" donné par un professeur peut parfaitement se limiter à être les copies des diapositives qu'il ou elle a projeté, ou un podcast audio du cours, par exemple : cela sert seulement, par la suite, à effectuer le chemin qui doit être fait.

Un "cours tapé" ? Bien sûr, chaque professeur peut produire un livre de plus, pour traiter la matière qui est la sienne, mais n'a-t-on pas déjà trop de livres ? Et puis, s'il y a de bons livres, à quoi faire moins bon ?

Soyons précis, et considérons, par exemple, la dynamique moléculaire : il y a mille cours en ligne, et, passée la théorie que l'on trouve dans ces livres ainsi que dans les articles de recherche scientifique, il faut la pratique: là, le cours doit s'assortir de séances de travaux pratiques, par exemple pour apprendre à utiliser des programmes tels que Gromacs. Un guide est bienvenu... quoi que : il y a nombres de tutoriels en ligne, pour un tel programme. Mais j'y reviens : un guide est bienvenu. Et l'on arrive à autre chose qu'un cours : une séance de travaux dirigés ou de travaux pratiques, qui viennent à l'appui d'un cours. Et c'est sans doute pendant de telles séances que viendra du savoir faire.

lundi 29 juillet 2019

Quelle formation ? Qu'est-ce qu'un enseignement scolaire ?

D'étudiants arrivés en école d'ingénieur, je lis une critique des études :

{Nous pensons que le fait que les années précédant l’école ont consisté en des études souvent très scolaires n’est pas assez pris en compte dans la construction de la formation à l’école.}

Bon, ils pensent cela, mais est-ce vrai ? Disons que leurs interlocuteurs, avec qui ils pourraient discuter,  sont :
- l'institution (administration, direction des études, etc)
- des professeurs
J'ai peur que, au contraire, l'institution et les professeurs aient parfaitement pris en compte les années préparatoires pour la construction de la formation, mais je sais aussi que les jeunes collègues ont des parcours variés, et qu'il y a un socle commun (je crois que le mot est prononcé) qui s'impose. Evidemment, les meilleurs sont pénalisés... mais, au fait, pourquoi n'étudieraient-ils pas par eux-mêmes, s'ils s'ennuient ? Et puis, les connaissances du socle commun sont-elles si assurées ? Je ne crois pas que deux années suffisent pour faire tout le programmes des classes préparatoires, tous les exercices, tous les problèmes, d'autant que l'on voit souvent réapparaître les mêmes questions dans des contextes de recherche.

Cela dit, je préconise évidemment un dialogue entre les jeunes collègues et leur école : si leur idée est fausse, l'institution doit le leur dire, doit leur expliquer, car il serait très mauvais qu'ils conservent une idée fausse. Mais, inversement, si l'institution est fautive, alors elle doit se réformer sans attendre, soit en tant qu'institution, soit chaque professeur individuellement.
Là, il faudrait être politiquement incorrect, ce que je ne peux évidemment pas faire, et admettre qu'il y a peut être des professeurs... allons, j'ose le mot : moins bons que d'autres. Et mes souvenirs d'élève d'une école d'ingénieur me font penser qu'il faudrait quand même que, parfois, l'institution réagisse un peu, et ne prolonge pas le mandat des moins bons professeurs. Evidemment, cela peut créer des drames, mais, inversement, faut-il faire  peser des charges indues sur les jeunes collègues ?

Passons à plus positif : comment construire la formation des élèves d'une école d'ingénieur ? Je me suis déjà exprimé souvent à ce propos, en distinguant des connaissances/compétences/savoir être/savoir vivre/savoir faire techniques, des connaissances/compétences/savoir être/savoir vivre/savoir faire technologiques, des connaissances/compétences/savoir être/savoir vivre/savoir faire scientifiques, des connaissances/compétences/savoir être/savoir vivre/savoir faire en termes d'administration, des connaissances/compétences/savoir être/savoir vivre/savoir faire en termes de communication (langues étrangères, mais aussi rhétorique, éloquence), etc. C'est tout cela qu'il faut  mettre sur la table, en l'expliquant parfaitement dès l'entrée à l'école... et en organisant des études matricielles : j'y reviens toujours, et je vous invite à consulter le blog à ce sujet.

Au fond, la vraie question, qui doit être discutée à l'entrée à l'école est : qu'est-ce qu'un ancien élève de cette école d'ingénieur particulière ? Quelles sont ses connaissances, compétences, savoir être, savoir vivre, savoir faire particuliers ?

dimanche 28 juillet 2019

La recherche des contextes

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dasn ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.


Je continue ma discussion d'une analyse critique d'enseignements universitaires par des collègues plus jeunes. J'insiste un peu : quelle que soit pas position par rapport à leurs déclarations, je revendique que des actions correctrices soient mises en oeuvre. Pas nécessairement celles que proposent les jeunes collègues, mais, en tout cas, quelque chose devra être fait !

Là, voici la phrase en question :

De plus, les cours sont bien souvent très descriptifs, scolaires, et quasiment jamais problématisés. Cela cause, toujours d’après nous, un ennui certain pour les étudiants qui ne sont pas vraiment incités à réfléchir dans ce cas.
En effet, un sujet intéressant pour nombre d’étudiants peut vite se retrouver ennuyeux dans un schéma classique de cours (cours magistral très descriptif ,puis exercices en TD).
Les cours de xxx sont particulièrement révélateurs de cela. Un sondage effectué cette année par les étudiants a montré que la majorité était insatisfaite de ce format (20 TD dont une majeure partie consiste en un recopiage de cours au tableau).



Oui, là, j'adhère à cent pour cent : les cours étant précisément ces moments qui lancent les études, les cadrent, la moindre des choses est qu'ils ne soient pas de ces descriptions que l'on trouve dans les (mauvaises) introduction des (mauvais) livres de science : du style "on trouvera au chapitre 1... ; puis au chapitre 2 ... ; puis au chapitre 3...". Cela est minable, et, surtout, cela révèle soit un manque de travail, soit un manque d'intelligence de la part des auteurs, ou des professeurs si les cours sont ainsi descriptifs.

Des cours "scolaires" ? De quoi s'agit-il ? Ici, la critique n'est pas claire : cela signifie-t-il que le format est "classique", avec un professeurs au tableau et des élèves qui suivent celui ou celle qui professe ? En réalité, je propose d'analyser la critique en reprenant ma grille d'analyse, selon laquelle le professorat (terme plus juste qu'enseignement) comporte une composante technique (la justesse de ce qui est dit), une composante artistique (en cercle, au tableau, les pieds au mur, sous forme de forum...) et une composante sociale. Ici, la critique porte sur la composante artistique... et j'aurais tendance à signaler à mes jeunes collègues que j'ai vu des cours du Collège de France absolument superbes, alors que le professeur était glacé, assis, sans bouger lisant un texte... d'une intelligence superbe.
Donc je ne peux retenir vraiment ce "scolaire".

Les étudiants pas invités à réfléchir.  Oui, pourquoi pas, mais ces gens qui ont passé un concours difficile sont-ils vraiment des moutons qui ont besoin qu'on les invite à réfléchir ? Ils revendiquent assez de l'autonomie pour qu'on leur en donne... à condition qu'on leur en donne vraiment, et je renvoie vers mes billets où je propose que l'on impose aux jeunes collègues une obligation de résultats, et pas de moyens (présence obligatoire, par exemple).

Bon, et oui, je pousse le bouchon parfois trop loin : du recopiage au tableau, c'est quand même un art... un peu faible ;-)

samedi 27 juillet 2019

Qu'espérer traiter en cours ?

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.




Des jeunes collègues se plaignent de leur enseignement universitaire avec les mots suivants : 

Ensuite, les cours traitent souvent un sujet très large qui ne peut qu’être abordé de façon superficielle dans le temps imparti. Cela renforce beaucoup, d’après nous, le sentiment de n’avoir appris que peu de choses à la sortie de l’amphi.
Un bon exemple de ce phénomène pourrait être les cours de sociologie  : les cours étaient intéressants et utiles, mais malheureusement le sujet traité était très vaste et quelques amphis n’étaient pas suffisants pour fournir un bagage solide.


C'est étrange : alors que j'étais très convaincu par l'argumentation des jeunes collègues, en début de lecture de leur missive, je le suis souvent moins, à l'analyse. Serait-ce l'indication du fait que je refais un chemin qui devrait être fait devant eux ? Et si la demande était plutôt une demande de communication entre collègues plus jeunes et collègues moins jeunes, une demande de justification du parcours qui leur est proposé/imposé ?
Les deux derniers mots du paragraphe précédent contiennent d'ailleurs peut-être en germe l'essence de la discussion qui devrait avoir lieu : pourquoi imposer, alors que l'on pourrait proposer ? On retrouvera ici la teneur de mon billets où j'évoquais un nécessaire "enseignement" (mot que je déteste, voir les billets qui l'expliquent) matriciel.

Mais revenons à la lettre de ce que disent nos jeunes collègues. Les cours seraient trop "larges" ? Bien sûr, puisque les cours ne sont pas des endroits où l'on étudie, mais des moment de contextualisation, de justification, de partage d'enthousiasme ! Au fond, ces cours pourraient être  des "conférences" assorties de listes de documents à étudier, charge aux jeunes collègues de faire ce que personne ne pourra faire à leur place :  étudier, apprendre...
Et de fait, il est normal qu'ils n'aient pas appris grand chose à la sortie de l'amphi... car tel n'était pas le but. Allons, prenez de la peine, c'est le fonds qui manque le moins.

vendredi 26 juillet 2019

De la classe préparatoire à l'école d'ingénieur

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme des "collègues", mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade pour ces derniers.



Allons-y : des jeunes collègues  (je vous aide encore une fois : je veux donc dire par là "étudiants") qui arrivent dans les écoles d'ingénieurs se plaignent souvent de redites entre leurs cours de première année et les cours de classes préparatoires aux grandes écoles. Voici leur message :

Tout d’abord, certains cours, notamment dans le tronc commun scientifique de première année, reprennent de nombreux éléments qui ont déjà été étudiés dans les années précédant l’école.
Plus généralement, nous trouvons que les matières scientifiques sont traitées avec peu de profondeur et ne nous fournissent que très peu de connaissances scientifiques solides et de savoir-faire.



Savourons d'abord la fin du message : nos jeunes collègues font bien la différence entre connaissances et compétences (savoir-faire). Enfin... Savourons, mais faisons leur remarquer qu'il manque des cases au tableau : savoir vivre, savoir être... En conséquence, je leur propose de réévaluer les cours qu'ils ont reçu en tenant compte de toutes les dimensions, et pas seulement des connaissances.

Mais, d'autre part, je répète que les cours ne sont pas là pour donner des connaissances : l'idée de l'oie que l'on gave est mauvaise, et cela est su depuis au moins Aristophane, qui disait justement qu'enseigner, ce n'est pas emplir une cruche, mais allumer un brasier. En classes préparatoires, il y a souvent un programme à faire au pas de charge, et il n'est pas certain que l'on ait eu la perspective soit de chercher comment des connaissances peuvent nourrir la technologie (métier de l'ingénieur), soit comment on pourra utiliser ces connaissances pour en produire de nouvelles (métier du scientifique).
Et puis, le concours est souvent un point de passage obligatoire pour les jeunes collègues, et non pas un moment que l'on déguste, parce que l'on aime étudier les matières qui sont celles du concours : chimie, physique, mathématiques, biologie... Je dis bien "souvent", parce que tel n'était pas mon cas personnel : j'ai beaucoup aimé mes deux années de classes préparatoires, parce que je pouvais me focaliser sur ce que j'aimais le plus. Bien sûr, j'aurais aimé avoir plus de temps pour le savourer, mais quand même, c'était un merveilleux moment.

Une fois arrivé dans une école, que faire ? Si les cours reproduisent ceux de classes préparatoires, c'est évidemment une faute, car au minimum, le format d'études devrait être différent. Il y a mille autres manières que le tableau noir et la craie, le devoir sur table, la colle...
A minima, l'institution - et les professeurs - doit pouvoir dire aux élèves en quoi les cours diffèrent de ceux des classes préparatoires, soit dans le contenu, soit dans la forme...

Mais, d'autre part, les élèves peuvent prolonger le cours, car ce ne soit pas des oies, n'est-ce pas ? Si nos collègues sont parfaitement à l'aide, ils n'ont rien à redouter d'évaluations, et ils peuvent parfaitement prolonger le cours... car on ne me fera pas croire que les classes préparatoires aient amenés les étudiants jusqu'au sommet de la montagne de la connaissance, jusqu'aux connaissances les plus récentes produites par la science.

Cette discussion, d'ailleurs, ne doit pas oublier que les jeunes collègues arrivent avec des niveaux variés... ce qui  me conduit à vous renvoyer vers mon billet sur l'"enseignement" (mot que je déteste) matriciel.

jeudi 25 juillet 2019

Les stages contre les cours !


Je lis sous la plume de "jeunes collègues" cette phrase qui mérite réflexion :

Les étudiants ont l’impression d’acquérir des connaissances et des compétences principalement en stage et se questionnent ainsi sur l’intérêt des cours.

Bon, d'accord, il s'agit d'une impression, mais quand même, peut-on vraiment croire nos jeunes amis quand ils considèrent comme nulle une année entière de cours ? L'institution qui orchestre la délivrance de ces cours, et les professeurs eux-mêmes, seraient vraiment très mauvais !
D'accord, il y a ce "principalement", de sorte que ce ne sont pas les cours qui sont critiqués, mais l'apport de ces derniers. Et ne met-on pas trop d'espoir dans ces stages ? Sont-ils vraiment tous excellents ?

Cela étant, il est bon de revenir à la définition des stages, selon l'Autorité suprême, à savoir le ministère de l'Education nationale : il s'agit de transformer des connaissances en compétences. Autrement dit, ce n'est pas la même chose que les études, qui visent à obtenir des connaissances. D'un côté la pratique, et de l'autre la théorie. D'ailleurs, ne pourrait-on pas inventer une méthode d'étude nouvelle qui consisterait à partir du stage, à en extraire des questions théoriques qui seraient ensuite discutées théoriquement, de retour dans l'institution d'études ? Là, les jeunes collègues verraient bien la nécessité de la théorie, cette dernière serait "contextualisée", comme ils disent ailleurs.

Mais l'observation de nos jeunes collègues conduit à une autre réflexion : après tout, cours et stages relèvent d'une vision très ancienne des études. Devons-nous supporter cette dichotomie, ou bien ne pouvons-nous pas inventer, grâce aux facilités du numérique, une nouvelle manière d'étude, où le pratique et la théorie seraient mieux mêlés qu'aujourd'hui ? On m'objectera que les règles administratives s'y opposent ? Inventons d'abord, et nous modifierons ensuite les règles.

Enfin, et cela devient une rengaine, un cours n'est pas là pour dispenser des idées théoriques, mais pour éveiller de l'intérêt pour les études qui seront faites par les jeunes collègues. Ce serait donc une erreur que de leur demander plus qu'ils ne doivent donner.

Ce qui me donne l'occasion de rappeler que, au moins en mastère, les autorités européennes indiquent très bien que, pour une heure de cours, il doit y avoir plusieurs heures de travail personnel, vision qui correspond parfaitement à la mienne, qui observe que les collègues doivent être autonomes à la fin du master 2. Autrement dit, deux ans avant, on doit être à environ 90 pour cent d'autonomie, surtout si cette dernière est revendiquée par les jeunes collègues.
En corollaire : c'est une faute de l'institution que d'emplir l'emploi du temps par des cours qui ne laissent pas les jeunes collègues étudier, et c'est une faute des jeunes collègues que de se laisser emplir l'emploi du temps et de ne pas étudier par eux-mêmes. C'est là le péché principal de nos systèmes actuels !





samedi 20 juillet 2019

Des cours "stimulants" ?

Je reçois de jeunes collègues (cela signifie "étudiants"), cette phrase terrible :

La quasi-totalité des étudiants en grandes écoles se plaignent régulièrement des cours. Le discours général est que les cours sont bien souvent peu stimulants intellectuellement et peu intéressants et que le gain de connaissances ou de savoirs faire après un amphi ou un module n’est que peu significatif. 
Il y a bien souvent une impression de frustration (« tout ça pour ça ») par rapport aux cours de prépa qui, bien qu’ayant un format ne pouvant être adopté en école (sollicitation intense, très théorique et scolaire), avaient le mérite d’être très stimulants intellectuellement.



Voilà, c'est dit. Dit par certains, et peut-être pas par tous, car certains qui ont eu du mal lors de leurs études de classes préparatoires seront peut-être heureux de reprendre les choses calmement. En tout cas, oui, pour quelqu'un qui a maîtrisé les sujets des classes préparatoires, replonger à l'identique est lancinant.
Et  il est vrai que le changement, des classes préparatoires aux écoles d'ingénieur, est parfois mal perçu. Il pose la question suivante : comment organiser les études quand est passée l'admission dans une école, que les jeunes collègues maîtrisent les outils mathématiques, physiques, chimiques ?
En réalité la somme des connaissances et des compétences à acquérir est considérable, surtout si l'on accepte ma métaphore de la montagne du savoir scientifique, que voici.
A la Renaissance, des Bacon et Galilée ont "inventé" la science moderne, déposé une première couche de connaissances. Puis, au siècle suivant, d'autres ont augmenté ce monticule, et ainsi de suite jusqu'à la montagne que nous avons aujourd'hui. Les étudiants partent de la base, et le rôle des études est de les conduire au sommet, soit parce qu'ils iront augmenter eux-mêmes la montagne, soit parce qu'ils sauront quel est le savoir moderne qu'il faut transférer, s'il sont technologues.
En classes préparatoires aux écoles d'ingénieurs, on n'est certainement pas au sommet ! De sorte qu'il y a de la marge pour que les études invitent les étudiants à dépasser les connaissances des classes préparatoires.
Et le mot "invitent" est tout, ici : des étudiants qui restent à des connaissances des classes préparatoires sont des étudiants qui ne font pas leur travail, lequel consiste à étudier pour dépasser ce niveau, précisément. Et les professeurs n'ont pas pour mission de redire ce qui a été dit en classes préparatoires, mais d'indiquer aux étudiants ce qu'ils peuvent étudier. Au fond, ils devraient presque se limiter à indiquer le sommet, en disant aux étudiants : allez-y, étudiez dans cette direction !

Reste à analyser la citation phrase à phrase : 
 
1.  Se plaindre ? Seuls les petits esprits se plaignent : des esprits positifs avancent, positivement.
2. Qu'est-ce qu'un cours intellectuellement stimulant ? C'est sans doute un moment où le professeur partage des questions, des émerveillements, et sans doute pas une n-ième explication de notions qui se trouvent explicitées ailleurs, dans des détails que le cours, avec sa durée limitée, ne peut certainement pas traiter. Je pense que pour une heure de cours, il devrait y avoir plusieurs heures de travail personnel.
3. Peu de connaissances supplémentaires après un amphi ? C'est bien évident, d'après ce que j'ai dit plus haut : le cours n'a pas cette fonction, et il ne remplacera jamais le travail des étudiants.

Chers collègues, allons-y, étudions : travaillons, prenons de la peine, c'est le fonds qui manque le moins.