dimanche 5 février 2023

Une nouvelle étape pour les Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France.


En 2016 était créé, à l'Académie d'agriculture  de France, un journal scientifique, technologique et technique, sous le titre  Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France, en abrégé N3AF.

Ce journal est au modèle diamant, ce qui signifie que ni les auteurs ni les lecteurs ne payent quoi que ce soit, puisque l'Académie d'agriculture de France considère que c'est sa mission d'animer la vie scientifique, technologique et technique dans les champs qui sont les siens, à savoir alimentation, agriculture, élevage, environnement.

Et c'est ainsi que des manuscrits ont été publiés, toujours avec une évaluation par les pairs en double anonymat, depuis 2016. Et les articles isssus de ces manuscrits sont en ligne, sur le site du journal : https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques . On les trouve soit par année, soit par rubrique

Initialement, la revue fonctionnait avec un comité éditorial restreint et un comité élargi, mais cette structure  éditoriale a été refondée il y a deux ans, afin que le comité éditorial soit souverain, quitte à laisser des travaux aux "éditeurs secrétaires". 

Simultanément, les conditions de publication étaient élaborées, perfectionnées, et l'on trouvera sur le site les Instructions aux auteurs, tout comme la liste des rubriques variées dans lesquelles des manuscrits peuvent être soumis : https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/rubriques. Cela va des notes de recherches aux tribunes libres, en passant par les perspectives, les synthèses, les rapports... et les cours et autres documents didactiques (qui valorisent le travail des enseignants chercheurs).

Une nouvelle étape vient d'être franchie pour la revue : à la fin de l'année 2022, la revue a reçu ses ISSN,  pour la version papier comme pour la version électronique.

Et, tout récemment, des doi (sortes de "plaques d'immatriculation" pour les articles) ont été attribués à tous les articles publiés jusqu'à ce jour, ainsi qu'aux différentes publications afférentes, telles que les volumes semestriels.

À l'avenir tout article publié dans la revue aura donc un DOI.

 

C'est la l'étape essentielle pour l'inscription aux bases de données internationales telles que Web of science et Scopus, mais il faut bien dire sans attendre que la revue est parfaitement référencée notamment sur Google où elle apparaît immédiatement.

J'invite donc tous mes collègues à soumettre des manuscrits à la revue, en considérant, de surcroît, que le processus éditorial veut être positif, sans rien lâcher sur la qualité de publication.

Expliquons : dans de nombreuses revues scientifiques, le comité éditorial a plutôt pour mission  de refuser des articles, et des mauvaises raisons sont souvent invoquées lors des rejets, ce qui engendre beaucoup de rancoeur, fait perdre beaucoup d'énergie et de temps.

Pour les Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France, c'est le contraire : pour bien valoriser le travail scientifique effectué, mais aussi pour contribuer à l'améliorer, nous voulons aider les auteurs à porter leur manuscrit jusqu'à une qualité publiable.

Autrement dit nous ne lésinons pas sur les allers-retours entre les rapporteurs (qu'il soit très vivement remerciés ici) et les auteurs, toujours dans le strict anonymat.

D'ailleurs, mieux qu'anonymat, il faut parler de double anonymat, à savoir que les auteurs ne savent pas qui sont les rapporteurs et les rapporteurs ne savent pas qui sont les auteurs.

Cette procédure vise à des évaluations impartiales des manuscrits, et contrairement à une crainte que seuls de petits esprits peuvent exprimer, cela ne conduit certainement les rapporteurs à être désobligeants envers les auteurs... D'autant que nous avons une politique très rigoureuse à ce propos : les éditeurs en charge des articles ont notamment mission de filtrer toutes les observations qui ne seraient pas factuelles, ou qui pourraient blesser les auteurs.

Mais je veux ici, d'abord,  remercier les rapporteurs, qui se dévouent pour faire publier des articles de qualité, en aidant anonymement leurs collègues qui soumettent des manuscrits et c'est à ce titre que nous proposons leur proposons de faire figurer leur nom et leur qualité dans les articles publiés.

Finalement, avec cette nouvelle revue, c'est un dialogue scientifique intelligent, positif, que nous organisons ainsi depuis 2016.

Les nouvelles étapes devraient conduire au développement de la revue et sans tarder, nous examinons les moyens à mettre en œuvre pour le temps pas si lointain ou les manuscrits afflueront en très grand nombre : nous devons absolument parvenir à conserver l'état d'esprit positif qui nous anime aujourd'hui et, aussi , assurer une très grande rigueur dans nos publications.

jeudi 2 février 2023

Comment faire un bon pot-au-feu quand on ne connaît rien à la cuisine ?



Comment faire un bon pot-au-feu quand on ne connaît rien à la cuisine ?

Dans un billet précédent de ce type, j'ai discuté le choix des viandes pour sauter ou griller des steaks, et j'avais évoqué les différences entre les viandes à griller et des viandes à braiser.

Les viandes à griller, pour faire court, son naturellement tendres, alors que les viandes à braiser sont dures, et c'est la raison pour laquelle les viandes à braiser doivent être ...braisées :  par là, on entend un procédé de cuisson un peu particulier, mais en réalité, on veut surtout dire qu'il s'agit de cuissons très longues et à basse température.

Je n'explique pas ici la cuisson à basse température , car je l'ai déjà fait dans d'autres billets, mais je répète seulement que des viandes dures s'attendrissent si on les cuit à des températures comprises entre 60 et 100 degrés pendant plusieurs heures ou dizaines d'heures : le tissu collégénique, qui rend ses viandes dures, est alors dégradé, ce qui libère dans le liquide de cuisson de la gélatine et des composés qui donnent beaucoup de saveur au bouillon. De sorte que, finalement, la cuisson d'un pot-au-feu est extrêmement simple : on met de la viande avec de l'eau et l'on chauffe à couvert pendant plusieurs heures ou dizaines d'heures.

Soyons maintenant  un peu plus pratique.

Disons d'abord que la quantité d'eau doit être juste suffisante pour mouiller la viande, c'est-à-dire que pour qu'elle soit entièrement couverte, mais pas plus : c'est ainsi que le bouillon sera bien concentré, avec beaucoup de goût.

D'autre part, le couvercle s'impose parce que toutes les odeurs qui partent en cuisine sont perdues pour le plat  : il faut donc un couvercle qui retient les composés odorants en même temps d'ailleurs qu'il économise de l'énergie (car une casserole couverte chauffe consomme beaucoup moins d'énergie qu'une casserole découverte).

Puis, il faut ainsi cuire pendant plusieurs heures ou dizaine d'heures selon le degré d'attendrissement que l'on souhaite.
C'est ainsi que hier, nous avons mangé en famille un pot-au-feu qui avec cuit pendant 3 jours à tout petit frémissement : l'eau ne doit pas bouillir sans quoi la viande durcit au lieu de s'attendrir ; on récupère un faisceau de fibre séparées mais sèches,  au lieu d'avoir, quand on cuit à basse température une viande qui se défait facilement presque à la cuillère, mais dont les fibres restent tendres.

Je suis de ceux qui ne cuisent pas les légumes du pot-au-feu dans le pot-au-feu lui-même, mais à part : dans une casserole je mets un fond d'eau, et les légumes que sont navets, carottes, poireaux, et je cuis à couvert, cette fois-ci à la température d'ébullition de l'eau pendant une vingtaine de minutes.

Puis, je récupère des carottes et je les écrase avec de la moutarde et des œufs durs, pour faire une sorte d'accompagnement, de condiment.

Et c'est ainsi que je sers mon pot-au-feu avec un bol du bouillon concentré que nous avons obtenu en évitant de mettre trop d'eau, avec la viande parfaitement tendre, avec les légumes qui ont gardé leur goût frais de légumes, avec le condiment de carotte, mais aussi avec moutarde, fruits (cerises, quetsches, mirabelles...à ou légumes (cornichons, petits oignons...) au vinaigre.

Mon ajout le plus récent : la moutarde de Crémone, une préparation condimentaire que je fais avec de la pomme, des raisins secs, de la moutarde, de l'oignon, de l'ail et parfois du citron confit au sel... donc je donnerai la recette une autre fois.

samedi 28 janvier 2023

Quelle distance entre deux molécules, dans l'air ?

Là, je reçois un message qui me conduit à signaler, à nouveau, la publication de mon livre Calculating and Problem Solving Through Culinary Experimentation :

https://www.routledge.com/Calculating-and-Problem-Solving-Through-Culinary-Experimentation/Kientza/p/book/9781032286501

Pour la partie qui nous intéresse ici, le message est le suivant :

J'avais beaucoup aimé votre vidéo représentant les chocs et les forces électrostatiques entre molécules d'eau.Voici la même chose pour l'air. Je ne sais pas si la proportion taille des molécules/distance entre les molécules a été respectée :

https://twitter.com/FoxarFR/status/1619053036198043648‌


 

Et ma réponse donnée dans le livre est de calculer un ordre de grandeur des distances entre les molécules. 


Supposons une masse d'une mole de diazote (l'air, c'est majoritairement des molécules de ce composé) : 28 grammes. 


Le nombre de molécules est donc le nombre d'Avogadro, soit environ 6e23 (on note e23 le nombre 10 à la puissance 23). 


Une mole de gaz occupe un volume d'environ 25 litres (soit 25e-3 m^3 ; ici, je note par ^ une élévation à la puissance, de sorte que m^3 est l'abréviation de mètre cu be), à la température de 25 °C, et pour une pression  de 1 bar. 


Soit le volume occupé par une molécule de diazote, en moyenne :
25e-3/6e23. 


Supposons ce volume cubique : la dimension de l'arête du cube est égale à la racine cubique de ce volume. C'est aussi la distance entre les centres de deux de ces petits cubes. 


De sorte que la distance entre deux molécules de diazote est en moyenne de :
(25e-3/6e23)^1/3
Soit (en m)  : 3,5e-9. 


Cette distance, de 3,5 nanomètres, est à comparer à la distance de la liaison entre les deux atomes d'azote dans la molécule de diazote, soit environ 0,1 nanomètres. 


Autrement dit, les centres de deux molécules de diazote sont distances de 35 diamètres de molécules.

mercredi 25 janvier 2023

C''est en ligne !

 Le compte rendu détaillé du dernier séminaire de gastronomie moléculaire, organisé par le Centre international Inrae-AgroParisTech de gastronomie moléculaire et physique, est en ligne : 

https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/seminaires

Nous avons exploré l'influence de la régularité du tourage des pâtes feuilletées.

mardi 24 janvier 2023

 Une émulsion ? Non, une mousse !!!!!



Il y a un débat sur Twitter, parce que j'ai dénoncé les appellations fautives de "pâté en croûte" ou de "pâté croûte" (on doit parler plus justement de "pâté froid"), tout comme la confusion de terrine de campagne et de pâté de campagne, par exemple.

Il y a pourtant des idées simples : un pâté, c'est dans une pâte, tandis qu'une terrine est cuite dans un récipient qui est nommé terrine, en terre.

Voilà donc quelque chose de tout simple, de très juste, et qui a le mérite, de surcroît, ne pas prononcer des absurdités, de ne pas confondre  le tournevis avec le marteau.

 

Mais c'est quelque chose que j'ai déjà souvent expliqué. Aujourd'hui je fais ce billet, parce que, la semaine dernière encore, un serveur m'a soutenu que ce qu'il me mettait dans l'assiette était une "émulsion", alors qu'il s'agissait d'une mousse.
Pourtant, les mots mousse et émulsion ne sont pas d'abord des mots culinaires, mais des mots venus de la pharmacie et de la chimie, voire de la physique. Leur définition est universelle... et connu même des enfants au moins pour les mousses : quand on agite l'eau du bain avec du savon, on obtient une mousse.

De fait,  dans mon assiette, il y avait des bulles parfaitement visibles dans un liquide, et il s'agissait donc d'une mousse, un point c'est tout.
Le serveur, lui, sans doute mandaté par le cuisinier qui faisait également la confusion, m'a annoncé une émulsion, c'est-à-dire un système physico-chimique très différent de la mousse, puisque constitué de gouttelettes de matière grasse dispersées dans un liquide aqueux.
Le prototype culinaire de l'émulsion, cest la mayonnaise, mais il y a également des sauces émulsionnées, tel les béarnaises, hollandaise, et cetera.

Résumons. Une mousse : c'est un système aérien, parfois diaphane, fait d'un gaz dans un liquide. Une émulsion : une matière grasse liquide dans un liquide aqueux. Ce n'est quand même pas difficile de faire la différence et de parler correctement, non ?

En réalité, je crois qu'il y a à la fois de l'ignorance, de la paresse ou du snobisme derrière l'utilisation du mot émulsion à la place du mot mousse : j'ai d'ailleurs déjà entendu des maîtres d'hôtel me dire que dire émulsion, c'était plus flatteur que de dire mousse. Ah bon ?

J'ai aussi entendu dire qu'il y avait une confusion possible entre la mousse, dispersion de bulles d'air dans un liquide, et les mousses de poisson, par exemple, où il y a de la crème fouettée mêlée à de la chair broyée. Mais est-ce une vraie raison pour nommer marteau un tournevis, chat un chien, casserole une araignée, écumoire une louche ?

Je maintiens absolument que les mots vont de pair avec la pensée et que quelqu'un qui dit les mauvais mots pense mal.

J'interprète aussi, dans l'épisode récent, que le jeune serveur avait été missionné par le chef... qui faisait lui-même la confusion.

Et j'ai tracé l'origine de cette faute, de cette confusion, à des erreurs enseignées par l'Education nationale au début du 20e siècle (elle s'est corrigée, depuis, notamment avec ma contribution, mais, aussi, avec celle de nombreux inspecteurs, professeurs...). D'ailleurs, j'en veux beaucoup aux auteurs du Guide culinaire qui, avec une immense autorité, ont été à l'origine de la confusion. et pas seulement de celle des mousses et des émulsions mais de bien d'autres !

Pour moi qui ai comme valeur la bonté et la droiture, pour moi qui cherche à aider mes amis et moi-même à grandir, tout ce qui peut nous rabaisser me paraît honteux, insupportable, et c'est la raison pour laquelle je cherche non seulement à faire utiliser des terminologies appropriées, avec lesquelles on pourra cuisiner mieux, mais aussi à conduire la profession à s'interroger collectivement sur la transmission, l'enseignement.

Oui, je suis resté un enfant tout à fait scandalisé par les mauvais professeurs, par les professeurs paresseux,  par les professeurs méchants... et, a contrario, j'ai un immense respect, une immense admiration, une immense reconnaissance pour les professeurs qui ont su dépasser les fautes qu'il faisaient eux-mêmes grâce à du travail effectué en vue de me faire grandir.

Je crois que toute personne qui a la responsabilité de guides des collègues plus jeunes, des enfants, des adolescent, des étudiants, devrait a minima chercher à éviter des transmissions pourries.

Plus positivement, j'invite tous mes amis à contribuer au Glossaire des métiers du goût (https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/glossaire), car il distribuera une information juste et référencée.

J'insiste sur le référencée, car cela est absent des livres de cuisine alors que c'est un minimum que l'on puisse justifier des connaissances que l'on transmet, n'est-ce pas ? C'est une essentielle question de confiance.

A propos de risotto

 Aujourd'hui, des questions à propos de risotto, et la réponse est ici : https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/on-minterroge-a-propos-de-risotto/

La nutrition ? La diététique ?


Pour ceux qui s'intéressent à la diététique et à la nutrition

Diététique, Vialatte (269, Chronique des nourritures terrestres, 18 mars 1958


La civilisation nous crée bien des soucis. Par exemple la diététique. On ne sait plus ce qu'il faut manger. Des gens qui habitent en plein marché, au-dessus du charcutier, à côté du boucher, entre le "primeurs" et le boulanger, s'interrogent avec angoisse : que vont-ils mettre sur leur table ? Autrefois on avait de la chance, les gens n'étaient pas difficiles : il se contentaient du meilleur. Un petit gigot pommes boulangère, une belle cuisse d'oie réunissaient tous les suffrages. Nous avons changé tout cela. D'abord avec les vitamines. Il fallait manger des vitamines. Il fallait manger des vitamines. Et que faisait le monde -folie !-depuis cent mille ans ? Il jetait toutes  vitamines ! Ainsi ne se nourrissait-il pas. Il mangeait, peut-être ; à la rigueur ; si l'on peut dire ; concédons qu'il mangeait, il ne s'alimentait pas. Tant de patriarches joufflus, de vieillards immoraux, de centenaires illustres avaient fait illusion à des esprits légers. Ils vieillissaient par de mauvaises méthodes. Mathusalem avait triché. La vérité c'était la vitamine. Elle se trouvait, assuraient les savants, entre la pulpe et la pelure, dans cette partie insaisissable du légume, cette pellicule infime, ce sanctuaire dermique qu'on lui arrache en épluchant.  Le plus sûr était donc de manger l'épluchure. Et le reste était bon pour les Boches. Ainsi nous l'expliquait l'Allemand. On prouva même qu'en pressant les poubelles on parvenait à en extraire une espèce d'huile particulièrement nourrissante, fluide, conforme aux besoins du corps, aux exigences de la salade et aux rêves des gastronomes. La vérité était dans la poubelle cette huile idéale non la vérité était dans la poubelle. Dans l'épluchure et la poubelle. Et on eût en effet certainement extrait de la poubelle cette huile idéale qu'ils disaient, s'il y avait eu la moindre chose dans les poubelles. Malheureusement, il n'y avait rien dans les poubelles ; puisqu'on  mangeait les épluchures. Je le regrette encore. Tant pis, j'avais bien faim. Mais peut-être des guerres meilleures nous permettront-elles de faire mieux.
Ensuite il y eut les calories. Il fallut les manger. C'était un cauchemar de comptable. Une banane valait trois biftecks. On pouvait remplacer le gigot par la moitié d'un morceau de sucre de betterave, et un banquet de poètes folkloriques par un verre d'huile de foie de morue additionnée de deux caramels mous. Ce fut une terrible arithmétique. On vit des intrépides remplacer trois jus de fruits par une tête de cochon et un repas de funérailles. Les imprudents ! C'était dix litres de vin de trop ! On inventa le régime amincissant qui permettait de manger davantage en se nourrissant moins ; on se mit à maigrir en faisant du repas de noces ; on engraissa en cessant de manger ; on parla de métabolisme ; on fit avouer à l'estomac humain tout l'abîme de ses paradoxes ; on procéda à des études comparées ; on mesura le buste des Anglaises ; on le trouva moins gras dans les classes qui transpirent et plus gras dans les classes qui mangent ; plus flasque dans les classes qui boivent ; on en fit des graphiques ; on en tira des leçons ; on vient de mettre au point dans les laboratoires une méthode révolutionnaire : elle permet d'engraisser en mangeant davantage. Déconcertés d'abord par une innovation qui avait surtout l'air d'un remède de bonne femme, les savants ont finit par se rendre à l'évidence : il paraît bien que l'homme engraisse en dévorant. Ce scandale a été mal vu. Des mesures ont été décidées :  il faut manger sans boire ; il faut boire sans manger ; il faut se reposer en mangeant ; il faut boire en se reposant ; il faut manger de tout , il ne faut manger de rien ; un syndicat a décidé qu'il fallait boire : et se reposer entre-temps. L'appétit a paru suspect. Car la dernière école, sur une page de journal, nous apprend les nouveaux systèmes : il se confirmerait que l'homme est omnivore, il paraît qu'il peut manger de tout. Que c'est son droit ; que c'est même son devoir. Que ses dents le prouvent. Qu'il doit donc manger de tout. Mais peu. Par conséquent se couper l'appétit. En  mâchouillant de petites saletés avant les repas ; je ne sais quels brimborions conservés dans des boîtes qu'on trouverait, paraît-il, dans le commerce aisé. La vérité c'est de manquer d'appétit. Il faut manger sans appétit. Peut-être aussi travailler son goût, boire son soif, dormir sans sommeil et n'épouser qu'une mégère repoussante. Tel est le dernier cri de la science diététique :
l'homme doit cesser de manger à jeun.