dimanche 25 octobre 2020

Les Lumières contre l'intolérance, cette hydre détestable dont le lit est fait par la paresse, l'idéologie, l'autoritarisme, le lucre...

 
"Conseils" de Jean Jaurès aux instituteurs et institutrices, lus par Christophe Capuano, ami et collègue de Samuel Paty à la cérémonie en hommage à ce dernier

Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes responsables de la patrie. Les enfants qui vous sont confiés n’auront pas seulement à écrire, à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne au coin d’une rue, à faire une addition et une multiplication. Ils sont français et ils doivent connaître la France, sa géographie et son histoire : son corps et son âme. Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits elle leur confère, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation. Enfin, ils seront hommes, et il faut qu’ils aient une idée de l’homme, il faut qu’ils sachent quelle est la racine de nos misères : l’égoïsme aux formes multiples ; quel est le principe de notre grandeur : la fermeté unie à la tendresse

lundi 19 octobre 2020

Ce n'est pas gagné, mais on y arrivera si l'on y met de la bonne volonté



Reçu un message, ce matin. Je le divise en petites bouchées, et j'y réponds :  

 Pour l'anecdote : il y a deux ans, j'étais portier dans un établissement étoilé. Je discutais alors avec le chef au sujet des émulsions, évoquant évidemment la mayonnaise, la vinaigrette... Ce dernier me répond avec beaucoup trop d'assurance : "une mayonnaise c'est une mayonnaise, rien à voir avec une émulsion ! Pour une émulsion, il faut un syphon et de la lécithine de soja, c'est pour faire des espuma", le coup classique... Malgré mon insistance, un commis m'a remis à ma place : "écoute, lui c'est le chef, il sait de quoi il parle".  Enfin bref. C'était pour l'anecdote, et après tout, peut-être qu'un chef n'a pas forcément à connaître la logique chimique de sa cuisine... Si elle est bonne après tout !

Oui, il est bien évident qu'un portier ne peux pas savoir ce que c'est ce que sait un chef (faut-il préciser que j'ironise ?) ! Comment un portier serait-il reconnaître une émulsion alors que le mot a plusieurs syllabes, qu'il se rapporte à un objet technique que le chef maîtrise !
Pour expliquer bien et calmement, maintenant, sans (trop) sourire : depuis 1560, le mot "émulsion" désigne un système qui s'apparente au lait, avec un liquide (par exemple de l'huile) dispersé dans un autre liquide avec lequel il n'est pas miscible, avec lequel il ne se mélange pas (de l'eau, ou une solution aqueuse : thé, café, bouillon, vin, jus de fruit).
Et oui, la mayonnaise est une émulsion, puisque l'huile est dispersée dans un mélange de jaune d'oeuf (pour moitié de l'eau) et de vinaigre (90 pour cent d'eau). C'est même une sorte de "prototype" d'émulsion !
La vinaigrette ? Ce n'est une émulsion que si elle est bien émulsionnée... et souvent, la moutarde le permet... parce que la moutarde contient des composés "tensioactifs" : protéines, lécithines, etc.
En revanche, avec un siphon, ce n'est pas une émulsion que l'on obtient, le plus souvent, mais des mousses : pousser un gaz dans un liquide, "foisonner", c'est faire mousser. Et une mousse... c'est une mousse, avec du gaz dispersé dans l'eau. Le chef et le commis confondent tout !
L'anecdote me navre, parce qu'elle montre que la rénovation de la technique culinaire est loin d'être achevée ! Pourtant, j'ai commencé en... 1980, et je vois que  je suis loin d'avoir fini.
Certes, nous avons avancé, en rénovant (en 2000) les référentiels de  l'Education nationale, référentiels qui se fondaient sur le Guide culinaire qui est un mauvais livre, plein d'erreurs techniques, terminologiques, historiques... mais ceux qui ont été formés avant la réforme restent dans l'erreur. Allons, ils finiront par mourir et par faire place à des professionnels plus éclairés.
Oui la cuisine doit être bonne mais je ne parviens pas à penser qu'elle ne puisse être meilleure si les idées théoriques étaient justes.

Mon correspondant continue :
"Enfin, voici ce que je voulais vous demander : je découvre vos "ollis" avec beaucoup d'admiration, et je repense à la rouille de Marseille, qui aujourd'hui se trouve être dans la tête de beaucoup de monde, une mayonnaise épicée et légèrement aillée... parfois agrémentée d'une pomme de terre ou d'une tranche de pain. Je me rappelle cependant de restaurateurs ajoutant dans leur rouille des foies de rouget voire même des gonades d'oursin... alors peut-être est-il possible d'abandonner l'oeuf, la pomme de terre, la tranche de pain, et de démarrer l'émulsion avec simplement une purée d'ail, des foies légèrement pochés, du paprika voire du safran (si on se le permet), et d'allonger tout cela à l'huile d'olive ? Je vois que vous avez fait une émulsion d'anchois, alors peut-être que cela pourrait marcher, d'autant plus que j'ai cru comprendre que la lécithine est grandement présente dans les foies (humain ou non...), à tenter également avec des foies de volaille...
Aussi, le tensioactif utilisé dans le cadre de la cosmétique est souvent la caséine, je me demande alors s'il serait possible de monter une émulsion à l'huile, avec une base de lait en poudre, ou quelque chose comme cela."


Là, il faut expliquer que les "ollis" sont des inventions que j'ai faites dans les années 1980 : j'avais observé que l'on pouvait monter des émulsions avec de l'ail broyé avec de l'huile : ce sont les aïollis. Et j'ai réussi alors à faire des échalottolis, des oignollis... et des émulsions à partir de n'importe quel tissu animal ou végétal : ce sont les ollis, présentés dans mon livre "Révélations gastronomiques". 



Et mon interlocuteur a raison de le souligner :  il n'y a pas de jaune d' œuf dans un aïoli, sans quoi c'est une mayonnaise à l'ail !
Oui, aucun besoin d'œuf pour monter une émulsion, ni de pommes de terre ni de tranche de pain ! L'aïolli, le vrai,  se fait seulement à partir d'ail que l'on broye avec de l'huile sans qu'il soit nécessaire d'ajouter quoi que ce soit.
Et oui, n'importe quelle protéine permet de monter une émulsion ; celles du lait,  la gélatine, et cetera

Enfin :
"Je terminerai sur une dernière chose (après, j'arrête de vous embêter), aujourd'hui ce que l'on appelle "rémoulade" ressemble à cette sauce de Louisiane, pleine de condiments. Si elle est surement très bonne, confirmez-moi qu'à l'origine, la rémoulade excluait l'oeuf, se résumant à la moutarde et à l'huile ? Le céleri rémoulade serait alors une sorte de julienne de céleri à la vinaigrette émulsionnée (si on veut le dire grossièrement) ?"

Pour la rémoulade, enfin, c'est bien de tout le temps (disons : au moins depuis le Viandier) une sauce qui est à base de moutarde et d'huile... mais il n'est pas interdit d'y ajouter de l' œuf pour faire un goût plus flatteur... et c'est d'ailleurs ainsi qu'est sans doute née la mayonnaise : un jour, par mégarde, quelqu'un a dû oublier la moutarde... et faire une mayonnaise.
De sorte qu'une mayonnaise à moutarde est une rémoulade, pas une mayonnaise !

Et, pour mon correspondant, j'ai ajouté :
PS. Si vous le souhaitez je peux ajouter votre email sur la liste de distribution des "séminaires de gastronomie moléculaire" (cf pj). Il suffit de le demander à icmg@agroparistech.fr

dimanche 18 octobre 2020

A propos de chiffres significatifs

 1. Je trouve dans un texte sur la significativité des valeurs communiquées dans les articles cette phrase "It concerns me that numbers are often reported to excessive precision, because too many digits can swamp the reader, overcomplicate the story and obscure the message." Je traduis  : "Cela me gêne que les nombres soient souvent donnés avec une précision excessive, parce que trop de chiffres peuvent submerger le lecteur, compliquer inutilement le récit et obscurcis le message".

2. Notre auteur a raison de critiquer l'emploi de précisions excessives, mais les raisons qu'il donne sont mauvaises. La raison essentielle, la seule, au fond, c'est que les mesures sont connues avec une précision qui doit être déterminée par ceux qui communiquent les mesures, et les chiffres indiqués doivent être être "significatifs". Il ne s'agit pas d'en mettre plus ou moins, mais de donner exactement ce qu'il faut.

3. Un exemple : si l'on utilise une balance, alors le nombre de chiffres que l'on indique est soit déterminé par la précision de la balance, soit par l'écart-type des répétitions des mesures.

4. Un exemple dans l'exemple : supposons que la balance que nous utilisions soit de grande précision, disons 0,0001 g, et que trois pesée d'un objet soient égales, disons à 5,2341 g. On comprend facilement que l'on doit afficher ce 5,2341, et pas 5,23410000  : non seulement ces 0 ne peuvent être donnés par la balance, mais, de surcroît, la précision de nos mesures n'est au cent millionième de gramme ! Le dernier chiffre significatif nous donne la précision du résultat, et ce serait soit idiot, soit ignorant, soit malhonnête d'afficher le nombre avec ces quatre 0 intempestifs.

5. Supposons maintenant que des répétitions de la pesée d'un objet, donnent trois valeurs différentes, évidemment différentes de plus que 0,0001 g, soit parce que la pièce est balayée par le vent, soit que l'objet pesé n'ait pas été toujours placé exactement au centre du plateau, par exemple. Alors l'écart-type  des trois mesures serait supérieur à 0,0001 g, et c'est lui qui détermine le nombre de chiffres significatifs.

6. Et si l'on fait une longue série d'expériences, qui conduisent à la détermination d'une grandeur, alors il faut "propager les incertitudes d'étape en étape, du début de l'expérience jusqu'à la fin...

7. Et c'est là où je vois souvent des fautes (je dis bien "des fautes", et pas "des erreurs"), le plus souvent parce que nos amis sont un peu faibles mathématiquement, et qu'ils ont peur de ces objets mathématiques pourtant simples que sont les dérivées partielles, ou parce que les calculs d'incertitudes, souvent bien compliqués, les rebutent.

8. Mais, finalement, on comprend -j'espère- pourquoi l'auteur cité initialement était  dans l'erreur. Les sciences de la nature ne sont pas un "récit" (ou tout autre mot que l'on préférerait pour "story) comme les autres, et l'on n'a pas le droit de décider de le rendre clair ou pas. Les mesures sont ce qu'elles sont, les expériences sont ce qu'elles sont, et il n'y a pas lieu de simplifier ou de compliquer la lecture du compte rendu de ces dernières et de leurs résultats !

samedi 17 octobre 2020

Je vous présente les benzopyrènes, et je vous parle aussi de "HAP"

Dans les discussions sur la toxicité des aliments, sujets que je ne discuterai pas ici, on nous parle de "HAP" ou "benzopyrène". De quoi s'agit-il ?

Les benzopyrènes sont une famille de composés, de sorte que l'on ne doit pas parler "du" benzopyrènes", mais "des" benzopyrènes.

Et les benzopyrènes sont un sous-groupe de la famille chimique des "HAP",  acronyme d'hydrocarbures aromatiques polycycliques. En anglais, on dit PAH.
Le fait que ces composés soient d'abords des "hydrocarbure" signifie que leurs molécules ne sont faites que d'atomes de carbone et d'atomes d'hydrogène. Là,  a priori,  pas de difficulté particulière, car il y a des hydrocarbures qu'ils sont complètement inertes chimiquement, telles les paraffines qui sont des chaînes d'atomes de carbone, chaque atome de carbone étant lié à des atomes d'hydrogène de sorte qu'il ait quatre liaisons.

Mais les HAP sont aussi "aromatiques", et c'est là que commencent les ennuis toxicologiques. Le fait que ces composés soient aromatiques  signifie que les atomes de carbone sont groupés en cycles hexagonaux et que surtout, les liaisons entre les atomes de carbone sont particulières, avec des électrons (ces objets qui assurent la cohésion des molécules, "collant" les atomes entre eux) disponibles pour d'autres ou molécules extérieurs : nous verrons plus loin que cela est gênant, dans l'organisme.

Enfin, les HAP sont  polycycliques, ce qui  signifie que les atomes de carbone ne sont pas groupées en un seul cycle, mais en plusieurs. Pensons à une molécule de benzène  (avec 6 atomes de carbone groupés en un cycle hexagonal, un atome d'hydrogène étant lié à chaque atome de carbone), et juxtaposons en une autre : nous obtenons la molécule de naphtalène. Avec trois, en rang, nous avons l'anthracène, et ainsi de suite. Dans tous les cas, il y a des électrons qui viennent au-dessus ou en dessous du plan de la molécule, et sorte que ces composés sont cancérogènes.

Pourquoi sont-ils cancérogènes ? Parce qu'ils peuvent venir entre les plans des paires de bases de l'ADN, et perturber son fonctionnement.

Là il faut expliquer que le fonctionnement des cellules vivantes, notamment celles qui font notre organisme, est commandé par une molécule  nommé ADN (pour acide désoxyribonucléique), une molécule qui est une double hélice, comme une échelle que l'on aurait tordu, mais avec la différence que les barreaux sont des plaquettes. Des plaquettes d'atomes, évidemment, avec de l'espace entre les plaquettes... où viennent se loger  les molécules plates comme précisément les benzène et bien d'autres HAP.
De ce fait, les deux brins de l'ADN ne peuvent plus se séparer, et la molécule d'ADN ne fonctionne plus comme elle le devrait. D'où des cancers.

Les benzopyèrenes ? Ce sont des HAP, mais avec cinq cycles aromatiques, le pyrène n'en ayant que quatre. Et ces composés se forment notamment lors des combustions, d'où la cancérogénicité du tabac que l'on fume (la nicotine, elle, est un poison à manger) ou du fumage, qui est responsable des cancers digestifs des populations du nord de l'Europe, qui mangent beaucoup de produits fumés.

vendredi 16 octobre 2020

Je vous présente les lectines



La nature contient de tout : des ingrédients alimentaires comestibles, et aussi des poisons. Et l'empirisme a permis à l'espèce humaine de survivre dans un monde globalement hostile. D'ailleurs, on peut dire que toutes les espèces vivant aujourd'hui ont réussi ce tour de force de s'adapter, de survivre et de se reproduire. Il y a du y en avoir des morts,  parmi ceux qui mangeait des plantes toxiques ! Combien de vies humaines la reconnaissance de la toxicité  de la ciguë a-t-elle coûté ?

Aujourd'hui, on est bien plus prudent que par le passé... quoiqu'il y ait des modes naïvement naturophiles, excessivement contestables, qui proposent de consommer des huiles essentielles ou des ingrédients crus ; on nous parle de "détox", alors que l'on nous propose en réalité de nous empoisonner.
Bien sûr on ne risque rien à manger une carotte crue, et, pour certains végétaux, il y a heureusement le fait que c'est la dose qui fait le poison. Mais, au-delà tout ça, il y a quand même des cas terribles, telles  les amandes des noyaux d'abricot... ou les lectines des haricots blancs.

Les lectines ? Ce sont des composés naturellement présents dans les haricots blancs, qui ont la particularité d'être hémato-agglutinants, dont à ne pas consommer... à moins que la cuisson ne les ait modifiés chimiquement, faisant disparaître la toxicité ! J'ajoute qu'il ne faut pas beaucoup de haricots blancs pour finir au centre anti-poison, et que la cuisson doit être suffisante.

Et c'est donc bien la cuisine qui est une avancée humaine, alors que la tradition, le retour au naturel, nous expose a des risques inconsidérés.
N'écoutons donc pas les gourous autoproclamés diététiciens et suivons correctement, avec prudence, les avancées scientifiques qui identifient précisément les composés toxiques, ainsi que les doses auxquelles notre vie est en danger.

jeudi 15 octobre 2020

Je vous présente les chlorophylles


Laissez-moi vous présenter les chlorophylles. Mais faisons-le dans une perspective historique.

Il y a bien longtemps, les cuisiniers qui cuisaient des légumes verts savaient bien que, parfois, le vert tendre des végétaux frais virait au brun. Ils ne savaient pas pourquoi.

Pour autant, ils avaient extraire le "vert d'épinard", par exemple en broyant des es épinards et en chauffant le liquide obtenu doucement : se séparent un liquide brun transparent, qui décante,  et, par dessus, une mousse d'un verre très frais... quand les légumes le sont,  bien évidemment. Cette mousse verte, très colorante fut nommée vert d'épinard,  et elle fut utilisé rapidement pour colorer des sauces, par exemple notamment des mayonnaise.

Il y a un peu plus d'un siècle, des chimistes se sont intéressés à cette matière colorante est le terme de "chlorophylle" fut introduit. Là, les chimistes qui avait donné ce nom ont bien stipulé que ce n'était qu'un nom, pour désigner une matière qui avait déjà été observée par les cuisiniers.

Il fallut encore quelques décennies pour arriver à ce que d'autres chimiste puissent identifier que la matière nommée chlorophylle (au singulier) était composée de pigment variés : verts, bleus, jaunes, orange, rouges... Se dégagèrent ainsi, progressivement, des catégories de pigments que l'on nomma des chlorophylles et des caroténoïdes. Les chlorophylles étaient vertes ou bleues, et les caroténoïdes étaient jaunes orangés ou rouges.

Puis on découvrit qu'il y avait de grandes différences moléculaires entre ces deux catégories, avant que l'on finisse par identifier la structure moléculaire exacte, faite d'atomes de carbone, d'oxygène, d'hydrogène, d'azote et même de magnésium.

Puis on découvrit que le brunissement correspondait à une réaction que l'on a nommé phéophytinisation, avec la disparition d'un atome de magnésium des chlorophylles, notamment en milieu acide.

La suite sur https://www.academie-agriculture.fr/publications/encyclopedie/presentation-encyclopedie

mercredi 14 octobre 2020

La cuisine n'est pas l'épicerie

 
 J'ai discuté dans un autre billet cette théorie simpliste selon laquelle les choses seraient bonnes quand elles ont le goût de ce qu'elles sont.

Ici, je veux discuter d'une idée voisine, selon laquelle les cuisiniers devraient utiliser des "bons produits".

Dans le monde culinaire professionnel, il y a cette tendance qui n'est pas nouvelle d'avoir ce que les cuisiniers nomme des "beaux produits". Et rien que cette expression est symptomatique, parce qu'elle montre que les cuisiniers considèrent les produits comme... des produits. En réalité, ces "produit" sont plutôt des ingrédients,  car certes,  ce sont les produits de l'élevage, de l'agriculture, de la chasse, de la pêche,  mais certainement pas les produits de la cuisine.

Et, d'ailleurs, je dénonce ici une espèce de travail culinaire simpliste qui consiste à chercher ses ingrédients particuliers, ce qui conduit tous les cuisiniers à identifier les mêmes fournisseurs ; et nous, de l'autre côté, à retrouver toujours les mêmes d'huîtres, toujours le même beurre, toujours les mêmes légumes... dans tous les restaurants !

Je n'ai pas besoin de donner les noms de ces fournisseurs, car ils sont connus de tous
Mais, surtout, s'il est vrai que ces fournisseurs font des ingrédients de belle qualité, ce n'est pas là le nec plus ultra  culinaire ! Car la cuisine ne consiste pas à aller chercher des ingrédients et à les traiter de façon minimale, ce que certains disent "respecter le produit", expression idiote : nous devons respecter des hommes et des femmes, pas des carottes ou des navets !

Bien sûr, il faut faire attention aux productions des bons producteurs, et ce serait du gâchis que de secouer des fruits, entre la ferme et la cuisine ; ou de mal stocker des poissons et des viandes, par exemple.

Mais c'est en cuisine que le travail de cuisine commence, et c'est là que le cuisinier doit montrer son savoir ou son art.

Je répète que je peux, tout aussi bien qu'eux, me fournir chez de bons fournisseurs d'ingrédients, mais je réclame à des artistes culinaires... qu'ils fassent de l'art culinaire, qu'ils fassent du bon, à partir de ces ingrédients qui s'apparentent aux touches du piano pour le pianiste.

D'ailleurs, la comparaison est juste : oui, le piano doit être accordé, ce qui signifie que les ingrédients culinaires doivent être justes, frais, de belle qualité.
Mais, ensuite, c'est le musicien qui fait surgir la musique, et c'est sa manière particulière de jouer du piano qui fait exister une musique ! La touche seule est bête !