De plus en plus de revues scientifiques, cherchant des rapporteurs pour évaluer les
manuscrits qui leur sont soumis, sollicitent de jeunes scientifiques,
lesquels sont parfois démunis face à la tâche qui leur est proposée, et
il n'est pas inutile de réfléchir à des manières de le faire.
Je propose
de ne pas foncer tête baissée dans l'utilisation des questionnaires
qu'envoient les revues et de s'interroger plutôt sur l'objectif réel de
la chose.
Il s'agit donc d'être évaluateur d'un manuscrit c'est-à-dire
bienveillant envers les auteurs, mais sans concession à propos de la
qualité du texte qui sera publié, car il en va de tout l'édifice
scientifiques : être rapporteur de manuscrit dans des revues
scientifiques, c'est en réalité une responsabilité extrême qui dépasse
le seul acte de juger des manuscrits.
Il y a lieu d'être conscient que l'on participe alors à un grand mouvement intellectuel très enthousiasmant
et que l'objectif de la science est bien de lever un coin du grand voile,
comme le disait Albert Einstein.
C'est de cela dont il s'agit quand on lit le
manuscrit qui est proposé : les auteurs ont-ils levé un coin
du grand voile ?
Et cela a comme conséquence que le
travail doit être parfaitement rigoureux, que l'on ne doit pas avoir
cédé au diable qui est tapis un peu partout, derrière nos expériences,
derrière nos calculs, derrière nos interprétations...
Et, toujours d'un
point de général, il y a lieu de s'interroger : une question claire a-t-elle
été posée ? une réponse claire a-t-elle été donnée ?
Pour arriver à répondre à ces deux questions, il y a lieu d'abord de
lire le texte. Lire le texte de façon critique, le crayon à la main, en
s'interrogeant sur chaque mot, sur chaque phrase.
Par exemple, il y
a lieu de se demander si chaque phrase est bien référencée, si chaque
idée est bien établie, et établie par une référence au premier auteur
qui a dit la chose, ce qui est la seule manière éthique de faire.
Si
l'on voit des références à des articles qui ne sont pas les premiers à
avoir établi la chose, alors il y a lieu de le signaler dans le rapport.
Il y a l'emploi
des mots, qui doit être parfait. Il y a le fait que les adjectifs et les
adverbes doivent être remplacés par la réponse à la question "combien ?", et
ainsi de suite.
Donc on lit crayon à la main ligne à ligne et mot à mot, en prenant des notes. Et plus on prend de notes mieux c'est, car ce
seront des indications que l'on pourra transmettre aux auteurs afin qu'ils puissent améliorer leur texte.
Un bon manuscrit, a contrario, est un manuscrit sur lequel
il n'y a pas trop de tels commentaires, et pour lequel on voit que les
auteurs connaissent les règles de la science et les appliquent : de bonnes
références, de la quantification, pas de lieux communs idiots, de la
précision dans la terminologie et dans l'usage des concepts, et cetera.
On avance donc ainsi, pas à pas, dans la première lecture. Puis,
ayant compris ce dont il s'agissait, il est bon de mettre un chapeau
avant tout cela, c'est-à-dire quelque paragraphes pour dire à l'éditeur
ce que contient le texte.
Ayant fait tout cela on peut revenir aux deux
questions fondatrices évoquées précédemment, et s'interroger de façon plus générale sur la manière dont le
sujet a été traité, la méthodologie...
Évidemment, on retrouve des tas de
choses que l'on aura vues auparavant notamment à propos de la répétition
des expériences, de l'usage des statistiques pour évaluer des
comparaisons quantitative, et cetera.
Tout cela étant fait, on peut
alors reprendre la lecture sans s'encombrer des détails et avoir un second
niveau de lecture, plus éclairé en quelque sorte, et peut-être ensuite un
troisième rapport détaillé, sans concession, bienveillant certes, mais
qui aura pour objectif que l'article qui sera peut-être publié
finalement sera de bonne qualité.
Au fond, on aura raison de se
rapporter à mon cours "comment évaluer la qualité d'un article" pour faire
le rapport.
Car en réalité évaluer pour soi ou évaluer pour les autres
c'est bien la même chose