mardi 10 juin 2025

Il est dommage de ne pouvoir effacer

A propos de méthode, par exemple, mais pas seulement, je m'aperçois d'erreurs que je faisais... parce que la majorité de mes amis les font et que, au fond, je n'avais pas assez réfléchi. Par exemple, une étape est... une étape et non pas le tronçon de chemin qui relie deux étapes. Ou encore, un projet est quelque chose que l'on projette, alors qu'un travail c'est quelque chose que l'on fait. Par conséquent, on peut rédiger des projets, en vue de les faire ensuite, mais une fois qu'on est lancé, il s'agit d'un travail. Ou encore : une méthode, c'est le choix d'un chemin et non pas le chemin lui-même ; et cela ne se confond pas avec la méthodologie, qui se définit ainsi (TLFi) : Branche de la logique étudiant les méthodes des différentes sciences. Ensemble de règles et de démarches adoptées pour conduire une recherche. Bien sûr, tout ce que je produis n'est pas faux, et, parmi les fautes que je ne fais pas moi-même, il y a la confusion entre les prémices et les prémisses, des hésitations quand au statue logique de l'induction, l'expression "dans le but" (si on y est, ce n'est plus un but), par exemple. Quel dommage que je ne puisse corriger mes anciens textes !

lundi 9 juin 2025

Ne pas prendre les évaluateurs pour des imbéciles.

 Alors que je suis en train de relire un document proposé à l'évaluation nationale d'un pays étranger, à propos d'un cours en technologie des aliments, ce qui fait suite à 3 ou 4 évaluations du même type que j'ai effectuées précédemment, je vois mieux combien ceux qui font de tels projets se trompent soit en se débarrassant par des réponses à la va-vite aux questions posées par les formulaires d'évaluation, soit en produisant un baratin posé dans l'hypothèse  que les évaluateurs seront dupes. 

Au contraire, ce type de réponse finit par  irriter et  faire comprendre qu'on nous prend pour des imbéciles. 

Bien sûr, il y a également des cas où ceux qui soumettent des projets ne sont manifestement pas à la hauteur,  et, là encore,  leurs insuffisances apparaissent très clairement en lisant simplement les mots écrits. Quand on confond food  security et food safety  par exemple, cela montre que l'on ne sait pas que le premier désigne la question de produire à suffisance pour nourrir l'humanité et le second désigne la sécurité sanitaire des aliments. 

Et évidemment, quand les proposant cumulent les défauts, alors il y a lieu de ne pas perdre trop son temps en évaluant leur document et il faut les renvoyer à leurs projets :  il serait idiot de passer plus de temps à faire les évaluations qu'il n'en ont passé à faire leurs projets insuffisants. Au travail ! 

dimanche 8 juin 2025

Encore, à propos de "recherche"

 
Le mot recherche est une plaie, en quelque sorte,  parce que tout le monde le met à sa sauce : 

- les artistes font de la recherche, mais de la recherche artistique, 

-  les scientifiques font de la recherche mais de la recherche scientifique ; 

- et  dans l'industrie, les techniciens et les ingénieurs sont également de la recherche, en général technologique 

-  les enseignants, s'ils font bien leur métier sont sans cesse en position de recherche didactique

- etc. 

Bien sûr, je vois la différence entre la pratique et la conceptualisation. Un médecin qui soigne bien ses patients a une bonne pratique et, s'il fait bien cette pratique, c'est qu'il se fonde sur des concepts qu'il manie clairement.
Inversement, l'activité de conceptualisation qu'il peut faire serait en quelque sorte gâchée s'il ne publiait pas des textes où il décrirait cette conceptualisation. Bien sûr, il peut la garder pour lui-même, pour améliorer sa pratique. En tout cas, il est en position de recherche technologique puisque la médecine est une pratique,  donc une technique ,ainsi que l'avait  très bien observé le grand physiologiste Claude Bernard.

Mais je reviens au mot recherche en restant maintenant dans ce domaine de la médecine : ce même Claude Bernard, qui expliquait que la médecine était une technique, a bien observé que la recherche clinique était une recherche technologique, et que la science, la recherche scientifique correspondant à la médecine avait pour nom la physiologie. 

Dans le champ voisin de la pharmacie, il y a des recherches de médicaments : c'est de la recherche appliquée donc, et cela correspond à la recherche technologique. La recherche scientifique, pour la pharmacie, correspond manifestement à des études de biochimie ou de chimie fondamentale.
Et, en passant, on observera que s'il y a de la recherche appliquée, il ne peut y avoir de science appliquée !

Et l'ingénierie dans tout cela ? Il y a également là une technique et une technologie c'est-à-dire une pratique et une recherche. Mais pas une recherche scientifique.

Comment faire cours ? Mon nouveau "mode d'emploi"

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade. Les critiques sont toujours merveilleuses, parce qu'elles conduisent -si l'on les utilise, au lieu de les rejeter- à l'amélioration. Et les commentaires critiques faits récemment par des jeunes collègues à leur institution de formation m'ont mieux fait comprendre comment je pouvais (devais) organiser mes "cours". Ayant bien compris que l'on ne pouvait pas enseigner, et qu'on devait laisser aux jeunes collègues le soin d'étudier, je distingue d'abord la matière étudiée, et le cours professé. J'observe que professer me revient, mais qu'il revient aux jeunes collègues d'étudier : je ne pourrai pas le faire à leur place, et l'on doit espérer que c'est quelque chose qu'ils aiment faire (sans quoi, pourquoi le feraient-ils ? et comment le feraient-ils "bien", c'est-à-dire "efficacement" ?). J'observe que, pour leurs études, nos jeunes collègues doivent y passer du temps par eux-mêmes : quelqu'un qui a une connaissance ou une compétence, c'est quelqu'un qui a passé du temps à avoir cette connaissance ou cette compétence, par exemple. Et j'observe qu'il y a quelque incohérence à apprendre quelque chose pour l'oublier ensuite. Si l'on étudie, si l'on se dote de connaissances ou de compétences, c'est dans l'hypothèse qu'elles seront utiles, pas de les oublier sitôt un examen terminé. Et pour ceux qui pensent avoir des problèmes de mémorisation, je suis heureux de signaler que les études de neurophysiologie montrent que pour se souvenir de quelque chose, il faut répéter l'information à un intervalle de 20% du temps de rétention visé. Dit autrement : pour mémoriser une information, il faut la répéter, et l’intervalle de répétition va définir la durée de la mémoire. Si vous répétez à l’échelle d’un mois vous allez retenir l’information à l’échelle de six mois par exemple. La règle, c’est à peu près 20 % du temps de répétition par rapport au temps de rétention." D'ailleurs, voici ce qu'en dit Stanislas Dehaene (Apprendre, éditions Odile Jacob, Paris, 2018) : Que peut-on faire pour mieux mémoriser ? - n’attendez pas la dernière minute. Révisez régulièrement. -entrecoupez de brèves périodes de révision des périodes de sommeil, parce que pendant le sommeil votre cerveau va consolider l’information. - faites des petits tests, mettez à l ‘épreuve votre connaissance. - préparez des fiches sur lesquelles sont marquées d’un côté la question, et de l’autre la réponse, parce que ça va vous permettre fde vous auto-tester et de vérifier si vous avez retenu ou pas l’information. Les fiches sur lesquelles vous échouez, vous les remettez au-dessus du paquet, ce qui fait qu’elles reviendront rapidement dans votre auto-test. Ce sont des méthodes extrêmement simples, il y a d’ailleurs des petits logiciels sur Internet ou sur votre téléphone portable qui permettent d’avoir ce processus. Comment répéter les informations de façon optimale ? - pour mémoriser sur le long terme, il faut absolument répartir des séances d’apprentissage, en plusieurs fois espacées et espacées de plus en plus longtemps dans le temps. On va commencer par un apprentissage intensif au départ plusieurs fois par jour et réparti sur plusieurs jours, en alternant apprentissage et sommeil, parce que le sommeil consolide les apprentissages. Et ensuite, progressivement, on va passer à des espaces de plus en plus grands. - la règle, c’est répéter à une échelle d’à peu près 20% de la durée totale que vous souhaitez obtenir. Donc si vous souhaitez retenir une information dans dix ans, il va falloir la répéter à un intervalle d’à peu près deux ans. Donc répétez, répétez, répétez. - revenir et bien sûr se tester, c’est-à-dire savoir si on fait une erreur ou pas. Lorsque vous vous trompez c’est un moment d’apprentissage. Votre cerveau peut corriger en tenant compte de ll’erreur qui a été faite. J'ajoute que les études de la mémoire ont montré qu'il faut structurer les items à mémoriser, les grouper en petits ensembles qui sont mémorisés de façon hiérarchique. Tout cela étant dit, je livre ici le mode d'emploi de la construction de mes cours : D'abord, j'ai compris que les jeunes collègues devraient étudier, et que j'étais là pour leur communiquer de l'enthousiasme, du cadrage, de l'accompagnement, des encouragements et, enfin, de l'évaluation. 1. Première chose à faire : bien délimiter le sujet et construire un référentiel, avec des connaissances, des compétences, des savoir faire, des savoir être, des savoir vivre. 2. Une fois cette liste établie, il faut l'organiser, prévoir un chemin, un "cursus", un cours. 3. Mais ce chemin reste bien abstrait pour tout le monde, et cela vaut la peine de le situer sur une carte, de "cartographier" la matière à étudier. Sur cette carte, on porte à la fois les écueils (des gouffres), les lieux importants (de hautes montagnes), des zones arides (des déserts)... 4. Sur la carte, on fait alors apparaître le chemin proposé. 5. Puis, lors du "cours professé", il s'agit de parcourir rapidement ce chemin en montrant les beautés, en commentant la carte. 6. Il faut que des étapes aient été organisées. Et qu'on les montre. 7. Puis il faut donner de l'enthousiasme, "allumer un brasier", pour que les étudiants se lancent dans l'exploration du pays qui leur a été présenté. 8. Lors de ce trajet, il faut les accompagner, par exemple en proposant de les rejoindre aux étapes. 9. Régulièrement, il faut les encourager, notamment en les félicitant d'avoir parcouru certaines étapes difficiles. 10. Enfin, à l'arrivée, il faut s'assurer qu'ils ont profité de leur parcours, ce qui correspond à une évaluation, (des connaissances, des compétences). 11. Et ne pas oublier d'évaluer le cours, pour l'améliorer l'année suivante ! Allez, je reprends tous mes cours ainsi, en espérant faire mieux que par le passé !         PS. Juste à titre d'exemple préliminaire, la carte de cours de gastronomie moléculaire "gros grains" (la carte détaillée viendra plus tard)

C'est bien faible !

Relisant des livres d'épistémologie (Popper, Lakatos, Kuhn, Feyerabend...), je suis frappé de voir leur faiblesses : des déclarations à l'emporte-pièce, non justifiées, parfois de simples idées de sens commun érigées en dogme, des propostions sans analyse critique, des arguments d'autorité. Parfois le texte technique se mêle de sentiments personnels ou l'égo déborde. Littérairement, toutefois, c'est rarement à la hauteur de Flaubert. Bien sûr, il y a des exceptions, mais n'est pas Aristote ou Platon qui veut n'est pas Aristote qui veut Quel dommage que tant de petits marquis se mêle de ces questions si essentielles !

samedi 7 juin 2025

Vous faites une demande ? Faites de la science !

 Évaluant une proposition scientifique faite par des collègues, je vois du baratin : s'enchaînent sans relâche les mots durable, excellence, innovation, responsabilité expertise... Que veut-on me faire gober ?

Pour autant, ces mots ont un sens véritable et l'on pourrait espérer qu'ils désignent vraiment ce qu'ils doivent désigner mais en m'étant habitué à entendre parler d'excellence par les institutions toutes les secondes, alors que la réalité est autre, par exemple,  je ne suis pas prêt à accepter cela de la part de collègues que j'évalue. Et puis, "excellence" : n'y a-t-il pas une prétention considérable à s'attribuer ce terme ?  J'attends des faits, des preuves. 

De même, la question de la durabilité est vraiment difficile, et elle ne se règle pas en quatre coups de cuillère à pot, en une phrase un peu vague qui annonce qu'on va s'en préoccuper : demain, on rase gratis. 

 

Plus positivement

 

Oublions les médiocres, les malhonnêtes, et pensons à nous, à faire bien.  Un jour que je plaignais de perdre du temps à faire des dossiers, le physicien Alain Aspect m'a donné le bon conseil d'utiliser ces occasions pour faire de la science... et c'est ainsi qu'un pensum se transforme en un merveilleux moment.

vendredi 6 juin 2025

On m'interroge : qu'est-ce que l'alcool, au juste ?

Je viens de comprendre que je n'explique parfois pas suffisamment. 

Considérons l'exemple de l'éthanol, dont je me suis souvent limité à dire que c'était l'alcool des eaux-de-vie, du vin de la bière, etc. Je ne suis pas sûr que cette indication suffise à bien faire comprendre, et je me demande s'il n'est pas préférable de créer un faisceau d'informations qui constitue progressivement le dossier dont on a besoin.

L'expérience fondatrice, pour ce qui concerne l'éthanol, c'est la distillation, et, mieux, la distillation d'une solution sucrée qui aurait fermenté. Mais il y a pour l'instant trop de syllabes pour que ce soit compréhensible, et le recours à l'expérience, réelle ou décrite, s'impose.

Commençons donc par prendre de l'eau, et dissolvons-y du sucre.
Regardons au microscope : nous ne voyons rien, le sucre étant dissous, et la solution formée étant transparente.
Puis ajoutons un peu de levure, ce que l'on achète chez le boulanger sous forme d'une espèce de pâte très friable.
On agite un peu pour disperser la pâte dans la solution sucrée... et cette fois, si l'on regarde au microscope, on voit de petites formes rondes, qui flottent dans l'eau.
Si nous sommes patients, nous les voyons libérer des bulles de gaz, grossir et se diviser en deux.
En effet, les levures sont des organismes vivants, unicellulaires puisque réduit à une sorte de sac vivant.
Laissons-les s'activer un moment, en protégeant le récipient des courants d'air ; puis, à titre expérimental, posons une allumette enflammée juste au-dessus du liquide : l'allumette s'éteint, alors qu'elle resterait allumée si on la mettait au-dessus d'une solution d'eau et de sucre.
C'est l'indication que le gaz formé par les levure me permet pas la combustion et, de fait, ce gaz est du dioxyde de carbone.
Si nous goûtons la solution, nous constatons qu'elle est alcoolisée.
Filtrons pour éliminer les levures... et nous récupérons une solution parfaitement transparente au microscope : les molécules qui donnent ce goût alcoolisé, comme les molécules qui donnaient la saveur sucrée, sont bien trop petites pour être visibles avec un microscope. 

Faisons donc différemment : distillons.

En pratique, c'est tout simple, puisqu'il suffit de chauffer et de conduire ensuite les vapeurs dans un système qui les refroidit, les recondense en un liquide.
Si nous laissons refroidir ce liquide distillé et que nous le goûtons, nous n'avons plus aucune saveur sucrée, mais, en revanche, il y a un goût brûlant, alcoolisé, comme pour une vodka très forte.
Cette fois, la solution est quasi exclusivement composée de molécules d'eau et de molécules d'éthanol, de l' "alcool" qui a été formé par la fermentation du sucre par les levures.
Distillons à nouveau le distillat, et sa teneur en alcool augmente.
Bien sûr, il reste un peu d'eau, mais qu'importe : le produit que nous avons obtenu, c'est ce qui fut nommé de l'alcool

La molécule d'éthanol : dans cet assemblage d'atomes, il y a deux atomes de carbone, indiqués par les lettres C, un atome d'oxygène (lettre O) et des atomes d'hydrogène (lettres H)

 

Pourquoi avons-nous évoqué l'éthanol, et parler maintenant d'alcool ? Parce que d'autres procédés conduisent à des composés très voisins de celui que nous venons de préparer.
Par exemple, quand on chauffe du bois à sec, on obtient un autre "alcool", qui a pour nom méthanol, ce que l'on nommait naguère esprit de bois, alors que l'alcool obtenu par fermentation, l'éthanol donc, était nommé esprit de vin. 

La molécule de méthanol

 

Quand la chimie progressa et qu'elle découvrit l'existence des atomes et des molécules, vers la fin du 19e siècle, les chimistes arrivèrent progressivement à comprendre que l'eau est faite de molécules d'eau, des objets résultant de l'assemblage d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène. 

Ils comprirent aussi que les molécule d'éthanol était faites d'un premier atome de carbone liés à trois atomes d'hydrogène et lié à un autre atome de carbone, qui est lui-même lié à deux atomes d'hydrogène et a un atome d'oxygène lié un atome d'hydrogène. 

Le méthanol, lui, est d'un seul atome de carbone lié à trois atomes d'hydrogène et à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène. 

Progressivement, les chimistes comprirent que la liaison d'un atome de carbone à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène donnait des propriétés chimiques particulières, et les composés ayant ces propriétés (et cette constitution chimique) furent nommés "alcools". 

Mais pour revenir à nos vins ou eaux-de-vie, ce sont des solutions aqueuses qui contiennent des teneurs différentes en cet alcool particulier qu'est l'éthanol : il y en a un peu plus de 10 pour cent dans les vins, et environ 40 à 50 pour cent dans les eaux-de-vie (je donne des ordres de grandeur). A noter que l'on dose de l'éthanol dans les fruits ou légumes... mais en très petite quantité.