samedi 15 février 2025

La chimie et l'alimentation

Certains craignent "de la chimie dans l'alimentation", mais ces personnes n'ont pas compris, ou ne veulent pas comprendre, que cela n'est en quelque sorte pas possible. En effet,  la chimie est une science de la nature, qui ne se confond pas avec ses applications. 

Quand quelqu'un (un particulier, un cuisinier professionnel, un industriel) utilise un additif, un auxiliaire technologique,  un aromatisant, il n'utilise pas de chimie, mais seulement  un additif, un auxiliaire technologique,  un aromatisant. Souvent, ces composés sont extraits de végétaux, rarement synthétisés moléculairement (et pas "chimiquement", parce que la technique de synthèse organique n'est pas de la chimie, pas de la science). 

D’ailleurs, à propos des applications, on observera que les temps ont changé : il ne s’agit pas d’ajouter des composés aux aliments, mais, surtout, d’utiliser des connaissances modernes pour faire mieux qu’on ne faisait naguère. 

Par exemple l'extraction du sucre à partir des betteraves ne s'accompagne d'aucune transformation moléculaire, et l’on procède simplement à la récupération des molécules de saccharose à partir des betteraves à sucre. C'est quand on connaît bien la chimie que l'on fait une bonne extraction, avec aussi peu d'effluents que possible, une pureté aussi grande que possible.

Rappelons enfin que nous sommes aujourd'hui la première génération à ne pas avoir connu de famine dans l'histoire de l'humanité, mais qu'il y a devant nous cette question essentielle de devenir capables de nourrir en 2050 les 10 milliards et demi de personnes qui seront sur Terre : cela impose de travailler beaucoup, d'expliquer notre travail, de former nos successeurs pour qu'ils parviennent à atteindre l'objectif impérieux que nous avons bien identifié.

Je rencontre des étudiants merveilleux.

Je m'amuse que beaucoup de personnes que je croise évoquent une période très morose, l'absence de bonnes nouvelles, des jeunes qui ne travailleraient pas, une génération médiocre qui serait en train de grandir...

Et je m'inscris en faux notamment pour le dernier point. Car, depuis le covid, je vois au contraire des étudiants qui ont beaucoup envie d'apprendre. 

Mieux encore, j'en rencontre qui ne se contentent pas de découvrir des choses nouvelles, mais veulent aussi comprendre ce qu'ils apprennent ! 

Et évidemment je les en félicite chaleureusement, parce que je crois que l'on n'apprend vraiment bien que si l'on comprend bien ce que l'on apprend. 

Comme  j'essaie de ne pas me répéter, j'oublie un peu ces formules que j'avais beaucoup utilisées naguère, telle celle de "pitbull de la connaissance", mais je suis bien certain que celles et ceux qui demandent des explications au lieu d'apprendre sans comprendre ont raison ; ils forgent ainsi un savoir beaucoup plus profond et beaucoup plus solide que la chose évanescente qu'il obtiendraient s'ils se limitaient à apprendre leur cours.

vendredi 14 février 2025

Quels sont mes travaux ?

On m'interroge : quels travaux menez vous ? 

Les travaux récents se manifestent par mes publications récentes. 

La dernière est un cours sur une méthode d'approche des phénomènes par analyse descendante. 

La précédente explique comment déterminer le nombre de décimales à afficher dans une moyenne ou dans un écart type. 

Le précédent texte était un cours sur la façon de faire des articles de synthèse et des mini revues. 

 

À côté de ces articles scientifiquement évalué par les pairs, il y a eu  : 

- des comptes rendus de séminaires (mensuels), 

- des billets terminologiques (hebdomadaires), qui font état de recherche historiques sur les termes de la cuisine, 

- des fiches pour l'Encyclopédie  de l'Académie d'agriculture, et des podcasts pour la chaîne Youtube de l'Académie, 

- des organisations de congrès, telle le colloque Vigne et vin  demain, 

- des conférences, 

- des cours à des élèves de Master essentiellement, 

- des formations académiques... 

Je me limite là au dernier trimestre de l'année 2024 et je ne mentionne pas la gestion des deux revues scientifiques que sont les Notes académiques de l'Académie d'Agriculture de France et l'International Journal of molecular and physical gastronomy

Plus le reste

A propos du beurrage des moules

Encore un séminaire de gastronomie moléculaire merveilleux : nous avons exploré le beurrage des moules à soufflé... et découvert  expérimentation que ce qui est dit est parfaitement inexact. 

Plus exactement, nous voulions savoir si le beurrage des moules à soufflés différait selon qu'on faisait un beurrage vertical une  fois, ou deux fois, ou avec un beurrage horizontal une fois, ou deux fois. 

Des différences de gonflement seraient-elles observées ? 

 Nous avons donc préparé des moules tous identiques, soit sans apprêt particulier, soit en beurrant verticalement une fois, ou deux fois, ou en beurrant latéralement une fois, ou deux fois, avec deux ramequins pour chaque cas. 
Puis nous avons réparti dans ces ramequins la même masse (pesée au gramme très) d'appareil à soufflé (plus de détails dans le compte rendu qui est en préparation et sera placé sur le site du Centre international de gastronomie moléculaire), et nous avons cuit tous les ramequins simulténément. 

Le résultat ? D'abord, les deux ramequins de chaque type ont finalement contenu des soufflés gonflés de la même manière... mais pire : il n'y a eu aucun différence pour aucun des beurrages, ou non beurrage ! 

La partie extérieure des soufflés était un peu plus gonflée que la partie intérieure, ce qui correspond au fait que la chaleur circulait mieux sur les bords de la plaque que sur l'intérieur, entre des ramequins un peu serrés. 

Et les soufflés n'avaient pas accroché aux bords des ramequins beurrés, mais ils collaient sur les deux ramequins non beurrés. 

 Pour le reste, je le répète, aucune différence de gonflement

jeudi 13 février 2025

Technoscience : un mot caméléon, qui risque de nous conduire à compter les anges sur la tête d'une épingle. Comment voir le bleu du ciel ?

 
Voyons, il va falloir être positif, alors que certains font exister la poussière dans le monde. 

L'histoire est la suivante : il y en a qui utilisent le mot de "technoscience" pour désigner... Quoi, au juste ? Une recherche bibliographique montre que l'acception initiale, qui voulait en quelque sorte reconnaître que les sciences de la nature s'élaborent pour partie sur des données techniques, a été gauchie mille fois, au point que la communauté des épistémologues ne s'entend même plus, sans compter que si l'on utilise le mot dans une acception donnée, viendra un contradicteur qui nous fera perdre notre temps en nous opposant une autre acception... évidemment bien plus "légitime" (selon cette personne). Un "dieux jaloux" (de quoi, dans un tel cas ?) a refait le coup de la tour de Babel, et c'est donc la cacophonie. 

Il faut dire que le mot est quand même mal forgé, parce que il y a "techne", faire, et "science", savoir. De là, passer à "technique" et "sciences de la nature", c'est déjà un pas audacieux, qui fait deux hypothèses... pour arriver à un mot à plus de trois syllabes, ce type de mots contre lesquels je mets mes amis en garde, de peur qu'on leur refile des denrées pourries ou de l'idéologie. 

D'ailleurs, l'idéologie n'est pas loin, dans ce cas précis, parce que certains interprètent (je ne juge pas, mais me contente de lire) que les sciences de la nature sont produites par des scientifiques payés par l'Etat, lequel se préoccupe de technologie et d'innovations techniques. 

Finalement, quelle acception conserver pour "technoscience" ? Aucune bien sûr : pourquoi perdre notre temps à discuter des notions inexistantes, tendues par certains qui jouent au "dragon chinois" : on fait un dragon en papier énorme, puis on le pourfend pour montrer combien on est fort ! 

Donc je propose d'oublier ce mot idiot pour toujours, et de ne pas entrer dans des discussions où ce mot fluctuant apparaît. Ne comptons pas le nombre d'anges sur la tête d'une épingle, comme le firent certains de ces scolastiques dont Rabelais se moquait si bien. 

 

Le ciel est bleu !

 

Émergeons donc de la boue où l'on a voulu nous plonger, faisons souffler un grand vent sur la poussière du monde que certains ont créée, levons la tête vers le ciel bleu. La technique ? C'est une activité merveilleuse, en ce sens qu'elle fait. Ou plutôt, disons qu'elle est merveilleuse quand elle fait bien, intelligemment. Les sciences de la nature ? On se doute que je vais dire que c'est une activité merveilleuse, surtout quand elle se fait intelligemment. Le rapport entre la technique et les sciences de la nature ? Il y a bien sûr la nécessité d'utiliser des outils techniques (instrumentaux) pour caractériser quantitativement les phénomènes, mais c'est là quelque chose d'évident, donc de secondaire ; d'ailleurs, ne faut-il pas aussi respirer, manger, boire, dormir, pour faire des sciences de la nature... sans que l'on introduise de mot comme "respiroscience" ? 

Puis, pour réunir les données en lois, il faut du calcul, qui ne se distingue pas, en tant qu'outil qui nous aide à atteindre nos objectifs, des spectromètres ou autres instruments techniques, qu'il s'agisse de pied à coulisse ou de synchrotron. L'induction de concepts, sur la base quantitative des "lois" (des équations, il faut le répéter) identifiées ? Cette fois, la technique n'a guère sa part, au moins pour l'instant. La recherche de conclusions testables ? Là encore, nous faisons cela sans technique particulière, bien que l'on puisse imaginer des systèmes formels le faisant pour nous. Les tests expérimentaux des conclusions théoriques ? Il faut reprendre des outils et repartir dans le "laboratoire", cette pièce où l'on travaille pratiquement. Ah, que cette activité de production de connaissances est belle, que le ciel est bleu !

Vive la chimie !

1000 personnes ! De nombreux étudiants, leurs professeurs, des industriels... Ils étaient tous réunis hier à la Maison de la chimie pour un grand colloque "chimie et alimentation". 

Nous avons considéré les choses aussi bien du point de vue de la production, de la sécurité alimentaire c'est-à-dire l'approvisionnement à suffisance, que de la transformation, et des effets dans l'organisme (métabolisme ou toxicologie), puisqu'il y a lieu, par ces temps actuels , de réfuter les craintes infondées que des marchands de peur ne cessent d'entretenir. 

1000 personnes qui ont été accueillies, et jusqu'à invitées à déjeuner ! Cela me fait mieux comprendre l'intérêt extraordinaire de la Fondation de la Maison de la chimie qui gère ses bâtiments superbes en plein cœur de Paris, les louant pour des conférences et utilisant l'argent recueilli pour faire comprendre au public combien la chimie est une science merveilleuse et utile. 

Un ordre de grandeur : le repas a coûté environ 50 € par personne... et ce sont donc 50 000 € qui ont été dépensés par la Fondation de la Maison de la chimie pour recevoir nos amis, rien que pour le repas du déjeuner. Il a fallu aussi inviter les conférenciers, payer leur voyage, leur hôtel puisqu'ils sont venus parfois de loin... Et une telle somme d'argent ne se trouve pas sous les sabots d'un cheval ! 

À l'occasion de la conférence, je me suis fait expliquer le fonctionnement de cette machine remarquable qu'est  la Fondation de la Maison de la chimie. Elle subventionne une série d'actions variées, toutes utiles. Prenons par exemple "Médiachimie,   une chaîne Youtube avec des reportages à destination du grand public. Prenons la série des colloques "chimie et ...", dans laquelle s'inscrivait notre colloque  "Chimie et alimentation" : régulièrement, sur des thèmes aussi variés que la mobilité ou l'habitat, il y a donc des conférences du type de celle d'hier

 Mais il y a aussi des outils bibliographie, des relations avec l'industrie, l'hébergement de la Société française de chimie, etc. 

C'est tout un ensemble qui est ainsi financé à partir des recettes régulières de la location des salles  de la Maison de la chimie, gérée par des bénévoles.  Je les remercie très vivement et je les salue au nom de toute la communauté des chimistes.

mercredi 12 février 2025

Comment ça va ? Très bien

Quand on me demande comment ça va,  je réponds très bien... mais en répondant ainsi il faut quand même que je me justifie et j'en suis bien incapable sans une réflexion approfondie. 

Au fond, je vais très bien parce que je suis en bonne santé et que je fais des choses absolument passionnantes :  de la chimie ! Par exemple aujourd'hui, nous avons organisé un colloque intitulé "chimie et alimentation" où nous avons examiné la présence de la chimie dans des champs très variés qui vont de la nutrition à la souveraineté alimentaire de la France. 

C'était notamment l'occasion de rappeler que la chimie est une science, qui ne se sont confond pas avec ses applications, et que la chimie donc est essentielle pour l'alimentation parce qu'elle apporte des connaissances qui nous permettent précisément de bien choisir les applications que nous faisons de ces connaissances.
Faut-il des pesticides ? Certainement puisqu'il faut se débarrasser des "pestes". Faut-il des engrais ? Evidemment, puisqu'il faut augmenter la croissance des plantes afin de nourrir les populations. 

Mais les pesticides et les engrais ne sont peut-être pas ce que l'on croit  : par exemple, la majeure partie des pesticides que nous consommons sont produits... par les plantes elles-mêmes ! 

Et la connaissance de la chimie du végétal permet précisément d'envisager des solutions variées. 

Faut-il de l'agroécologie ? Faut-il de la permaculture ? Faut-il etc ?Ce n'est pas de vagues sentiments et une sorte d'amour naïf de la nature qui nous donneront les réponses, mais, au contraire, beaucoup de connaissances produites par des sciences varier, dont la chimie. 

Et ce sont ces connaissances qui nous permettront de  faire évoluer des systèmes vers plus de durabilité, plus de qualité, plus de sécurité sanitaire. 

Certes nous nous heurterons certainement à une sorte d'obscurantisme qui me fait souvenir que Jean-Paul II disait "n'ayons pas peur". Il s'agit effectivement de n'être ni peureux ni paresseux : il s'agit de chercher toujours à améliorer ce qui peut l'être : en matière d'agriculture, en matière d'élevage, en matière de fractionnement, et cetera. 

Dans tous les champs (sans jeu de mots) qui concourent à l'alimentation, nous avons besoin de beaucoup plus de connaissances, c'est-à-dire de beaucoup plus de chimie puisque la chimie je le rappelle est une science, une production de connaissances qui ne se confond pas avec ses applications. Oui, je me répète mais le déroulé de cette journée m'a largement montré combien la confusion était fréquente, et mes interventions ont précisément visé à y revenir, à rectifier des idées fausses même par des acteurs importants du secteur. 

Mais j'ai confiance : la bonne monnaie chasse la mauvaise