En matière de cuisine, on a oublié qu'il ne s'agit pas de délivrer les ingrédients vaguement transformés par un traitement thermique (une "cuisson") ; non, il s'agit plutôt de le leur donner du goût. Lequel ? Voilà toute la question.
Commençons en signalant quelques exemples notoires. Par exemple, les professionnels qui cuisent des marrons ont appris à ajouter du fenouil... pour donner le goût de marrons. Quand ils préparent des fraises, ils ajoutent jus de citron, sucre, eau de fleur d'oranger.... pour donner le goût de fraises. Quand ils cuisent des courgettes, ils leur ajoutent un peu de menthe.
Et ainsi de suite : il est très insuffisant de cuire un ingrédient et de croire qu'il aura le goût de ce qu'il est. Cette phrase doit nous faire penser à ce critique gastronomique nommé Maurice Sailland, qui signait Curnonsky, et qui prétendait que les choses auraient été bonnes quand elles auraient eu le goût de ce qu'elles sont.
Cela est erroné, parce qu'il n'y a pas LE goût du poulet rôti, LE goût du marron, LE goût d'un mets, mais des possibilités innombrables, qui sont au choix des artistes culinaires.
En tout cas, l'idée de Curnonsky dépasse l'idée précédente que je viens d'évoquer à savoir qu'il faut donner du goût aux ingrédients pour qu'ils aient le goût de ce qu'ils sont ou de ce que nous voulons qu'ils aient.
Prenons l'exemple d'un sabayon aux pommes. Pour donner le goût de la pomme, il faudra les pommes dans du beurre, en leur ajoutant du gingembre, du poivre, une pincée de sel, du jus de citron, du sucre...
Un poulet rôti ? Immédiatement, nous devons nous demander, de même, quoi ajouter au poulet pour qu'il ait un bon bout de poulet rôti. Cela passe évidemment par le poivre, le sel, mais pourquoi pas le thym, le romarin, le citron, etc.
Cela nous conduit à évoquer la question des assaisonnement, si importantes en cuisine. J'ai nombre d'amis cuisiniers qui reprochent à leurs jeunes collègues de ne pas goûter assez, de ne pas rectifier l'assaisonnement.
Mais l'assaisonnement dépasse largement la question du sel ou du poivre : il y a toute la palette possible que nous pouvons utiliser pour donner aux ingrédients un goût qui les soutient, voire qu'il les emmène dans des directions différentes.
Mon ami Pierre Gagnaire sait bien cela, lui qui travaille à l'infini le moindre de ses produits et non seulement pour s'arrêter à l'assaisonnement, mais pour le dépasser et arriver à des œuvres où les ingrédients ne sont plus seulement considérés isolément, mais où ce sont des instruments dans un orchestre complet.