Il y a des esprits qui s'effraient du paradoxe suivant : oui les
sciences de la nature cherchent les mécanismes des phénomènes ; mais
non, elles ne prétendent pas trouver l'explication de ces phénomènes,
mais donnent seulement des modèles, des théories, de plus en plus
précis.
Oui, il s'agit de chercher les mécanismes des
phénomènes, c'est-à-dire en réalité de chercher à les comprendre ; mais
non, les explications que l'on donne, assorties de concepts
(l'électron, l'énergie, l'inertie, etc.) ne sont pas des explications,
mais des descriptions.
Et ces descriptions sont toujours
insuffisantes, car un modèle réduit de la réalité n'est pas la réalité,
et c'est précisément la raison pour laquelle les sciences de la nature
n'auront jamais de faim. Elle decrivent de mieux en mieux les phénomènes
jusqu'à des nombres de décimales vraiment extraordinaires, mais pour
autant, les scientifiques savent bien que leurs théories sont
insuffisantes, et c'est la raison pour laquelle, inlassablement, ils en
cherchent des améliorations.
Il n'y a pas de contradiction dans
cette attitude et, en tout cas, les théories, les modèles (il y a des
subtilités dans lesquelles je n'entre pas ici) sont aujourd'hui bien
autre chose que des récits, des discours : ce sont des équations, ce que
je nomme aussi des calculs.
Dans un billet récent, j'avais dit
que la science était fondée sur deux pieds : l'expérience est le calcul.
Je le maintiens absolument, et je propose de prendre garde à ce que
raconte la vulgarisation : les récits de vulgarisation sont toujours
des transcriptions difficilement adaptées des systèmes d'équations qui
constituent véritablement la science.
J'insiste sur le "calcul" :
la recherche scientifique n'est qu'ensembles d'équations. Il est loin
le temps de la description quasi entomologique des phénomènes, d'une
simple découverte d'objets. Bien sûr, on trouve encore des objets
nouveaux et c'est ce qu'ont couronné des prix Nobel comme ceux qui ont
été attribués pour les découvertes des fullérènes ou du graphène, par
exemple.
Mais aujourd'hui, les sciences de la nature ont
considérablement avancé, et rares sont celles qui ont sont restés à une
simple description des objets.
Et c'est donc dans les mécanismes, les théories, que se font les avancées les plus notables.