mercredi 9 septembre 2020

Exposons nos étudiants à des personnalités remarquables

1. Alors que j'ai publié un billet où je m'étonnais que des étudiants en master technologique hésitent (parce qu'ils sont timorés ou paresseux) à se lancer dans l'industrie, je reçois un commentaire d'un internaute qui dénonce un modèle capitalistique qui justifierait l'attitude des étudiants.
 

2. D'une part, je ne suis pas d'accord avec lui, &, d'autre part, je ne veux pas perdre une seconde à essayer de convaincre quelqu'un qui ne veut pas être convaincu. 

 

3. D'ailleurs, cet interlocuteur omet le fait que toutes les sociétés ne sont pas des multinationales avides : il y a nombre d'artisans et de petites sociétés qui font très bien... à commencer par donner de l'emploi !
Quant aux grosses sociétés, j'y ai des amis, et ce sont des personnes engagées, responsables, de sorte que notre interlocuteur est à la fois bien prétentieux & bien faux : sait-il la fierté de produire des aliments pour ceux qui n'auront plus qu'à descendre de leur appartement pour s'approvisionner, à quasiment n'importe quelle heure du jour ou de la nuit ? et dans des conditions de sécurité sanitaire qui ne sont certainement pas celles de foyer où le réfrigérateur est (mal) réglé à 11 °C, au lieu de la température plus basse qui est préconisée ? Notre interlocuteur a-t-il la prétention de savoir nourrir dix millions de Français qui vivent en Île-de-France, loin des champs ? 

4. Mais ne nous attardons pas, comme j'ai dit. Ce que je pensais, en filigrane de mon billet, c'est que nous avons eu tort de ne pas exposer davantage nos étudiants à des personnalités remarquables du monde industriel.
Car je me souviens de Jean Muller, qui construisit les grands ponts du monde : quel bel exemple ! Et je connais des chimistes de talents à qui l'on doit des composés rétroviraux, des héparines artificielles, des peintures qui ne coulent pas dans les manches, des vitres qui ne se rayent plus, sans parler des ordinateurs que nous ne cessons d'utiliser. 

5. Celles et ceux qui sont à l'origine de ces réalisations : voilà des exemples admirables, voilà ceux que nous devons présenter à nos étudiants. Il faut combattre le panem et circenses cathodiques -qui ne cesse de mettre des minables en valeur- à l'aide d'exemples bien choisis, qui donneront l'envie d'aller contribuer à l'amélioration technique.

lundi 7 septembre 2020

A propos de flammes en cuisine

 Un de ces cuisiniers cathodiques qui a plus une belle gueule (semble-t-il) que de compétences (là, je suis certain) vient de montrer des viandes cuites sur des feux : des flammes insensées venaient lécher la viande, et je propose de bien dire que cette pratique est à la fois idiote et malsaine. 

 Chacun fait bien comme il veut, et l'on sait que la télévision ne brille pas par sa rigueur, mais là, quand même, on verse dans le ridicule, l'incohérent, l'incompétent et le dangereux. 

Lorsque j'étais directeur scientifique de l'émission Archimède, sur Arte, j'avais organisé avec mes collègues de l'INRAE de Toulouse une expérience de dosage des benzopyrènes dans des saucisses que nous faisions griller au barbecue.
1. Avec la grille au-dessus des braises (sans flamme parce que chacun sait que ces dernières déposent des composés toxiques), nous avions vu et montré (le dosage était filmé et expliqué par mes collègues) que la pratique déposait des quantités notable de benzopyrène cancérogènes.
2. Puis nous avons montré que ces quantités étaient divisées par 10 quand on montait la grille de 5 cm.
3. Et elles n'étaient plus mesurables quand la viande était cuite devant le feu et non dessus. 


Car  je rappelle que les rayonnements infrarouges se propagent tout aussi bien latéralement que verticalement : la lumière n'est pas sensible à la gravité. D'autre part, on aura raison de signaler que toute flamme conduit à la production de composés cancérogènes, qu'elle vienne d'un barbecue, du gaz d'un chalumeau, etc. 

Non seulement le goût est répugnant, mais, de surcroît, les composés produits sont dangereux. Certes, on peut manger un barbecue de temps en temps, mais on n'oubliera pas que les populations du nord de l'Europe souffrent massivement de cancers digestifs, dus à la fumée. 


Bref, rien ne vaut une viande cuite devant le feu, comme le font bien les rôtisseurs. Ce qui permet de placer sous la viande une lèchefrite qui récupère les jus délicieux.

Combien de fois faudra-t-il répéter tout cela ? Et quand le public réservera-t-il son admiration pour des personnes qui en valent la peine ? Quand le service public audiovisuel sera-t-il enfin d'une qualité qui méritera nos impôts ?

jeudi 3 septembre 2020

Viser une carrière universitaire pour des étudiants qui font un master les conduisant vers l'industrie ? L'idée est saugrenue !


1. Hier, en discutant avec des étudiants d'un master qui vise à les aider à devenir de très bons ingénieurs, j'ai été étonné (euphémisme) de les entendre vouloir faire des thèses pour occuper ensuite des positions universitaires. Il y a là une contradiction que nous devons analyser.

2. Bien sûr, avec de petites promotions, les fluctuations statistiques peuvent être considérables, d'autant que l'on sait bien que,  dans ces groupes très fermés sur eux-mêmes, il y a des possibilités d'influence du groupe par certains.

3. Puis, je discerne une sorte de paradoxe au fait d'exposer nos jeunes amis à de la très bonne science, en vue de faire la bonne technologie. Expliquons.

4. Oui, si l'on veut de l'innovation, il faut utiliser les résultats les plus récents et les plus puissants de la science.

5. Mais pour faire ce transfert, il faut évidemment connaître ces résultats.

6. Ce qui impose quasi obligatoirement que la présentation soient faite par ceux qui sont à la pointe de la science.

7. Mais ceux qui sont à la pointe de la science :
- connaissent la science
- l'aiment
- connaissent donc mal la technologie.
De sorte que ceux-là seront de puissants aimants pour la science, et de mauvais aimants pour la technologie.

8. Bien sûr, on peut faire confiance aux étudiants pour résister aux influences... Mais, faire confiance à tous les étudiants ? Et je reviens sur mon "bien sûr". Est-ce si sûr ?
 

9. Et puis, même si les professeurs sont sensibilisés à ce paradoxe, comment éviter, quand on aime la science, de s'émerveiller de cette activité ? Bien sûr, on peut consciemment ne pas oublier l'objectif du master, qui est la technologie. Mais quand même, quand on aime la science, cela transpire.

10. Une idée me vient, un peu perpendiculaire, dans cette discussion si linéaire : je n'oublie pas que j'ai fait d'autres billets où je discute le fait que la science ne doit pas être « utile ». Mais, pour autant, je dis que c'est une erreur nationale de ne pas être capable, pour certains, de transformer les résultats de la science en bonne technologie. C'est une erreur industrielle, notamment.

11. J'ajoute que si nos jeunes amis sont intéressés par les matières que nous leur présentons, cela prouve que nous les présentons sans doute bien. Mais nous arrivons au résultat contraire à celui que nous voudrions, à savoir les orienter correctement vers la voie technologique qu'ils avaient choisie.

12. Il y a plusieurs conclusions à toute cette analyse, mais en voici une, qui est essentielle  :  nous devons apprendre cette chose très difficile qui de montrer la science non pas pour elle-même, mais en vu la technologie. La conclusion s'impose facilement n'est-ce pas ?

13. Et puis, tant que nous y sommes, nous ne devons pas oublier d'exposer nos jeunes amis à des personnalités industrielles remarquables : ces chimistes sur qui reposent l'essentiel du chiffre d'affaires des sociétés pharmaceutiques, des constructeurs de ponts géants, ces spécialistes de l'informatique appliquée...
Louis Figuier avait si bien fait cela : https://en.wikipedia.org/wiki/Louis_Figuier. Continuons sans perdre une seconde !

mercredi 2 septembre 2020

De la méthode, de la méthode, de la méthode



science/études/cuisine/politique


1. Nous sortons d'une journée passionnante, merveilleuse: une journée de cours avec les étudiants d'un master qui me fait l'honneur de penser que je puisse rendre service, & je fais ici le bilan de cette journée, au-delà du détail de certaines questions du travail que nous avons entrepris en commun.

2. Parmi les points essentiels que nous avons abordés, je vois,  par exemple,  la discussion à propos d'un "journa"l, à savoir un cahier que l'on tient, comme un journal de bord d'un navire, où l'on consigne les mouvements de la journée. Aucun de mes jeunes amis n'en avaient, de sorte qu'ils vivaient un peu comme des feuilles mortes au gré du vent :  à gauche, à droite... J'ai donc proposé de structurer, j'ai donné une méthode pour le faire.

3. Puis, à un moment, nous étions face à des listes interminables, et j'ai proposé de nous retrousser les manches & de structurer ; mieux, de structurer dans un tableau pour y voir plus clair, de répartir les informations,  de les organiser et, par la structure même, de voir surgir du nouveau, de faire des rapprochements,  de faire des commentaires, d'y mettre en quelque sorte de l'intelligence. Là encore il s'est agi de méthode, donc.

4. Puis il y a eu des questions de choix, à un moment, et d'évaluation à un autre moment: dans les deux cas, il nous faut des critères. Des critères de choix, des critères d'évaluation, mais en tous cas des critères analytiques sans quoi le choix est arbitraire et l'évaluation aussi d'ailleurs. La discussion est donc remontée à la méthode, avant de se lancer dans le choix et dans l'évaluation.

5. A propos d'un autre travail, il s'agissait de prendre des décisions. Là, nous avons dû être analytiques pour bien décortiquer la question posée, ce qui en soi est une méthode, mais il y avait lieu de faire plus : nous poser des questions sur la façon dont nous décomposition. Là encore, il s'agissait de se mettre un pas en arrière de soi-même afin de ne pas se lancer dans le travail sans l'avoir cadré, et rien que cela est une méthode, qui nécessite des sous méthodes

6. En réalité, si je regarde bien notre journée, à propos de tout, nous avons cherché une méthode. Toute la journée,  nous avons cherché à interpréter, à comprendre, à organiser... À propos de tout, nous avons posé clairement la question de l'objectif, nous avons posé la question des raisons de l'objectif, avant de nous  poser la question des valeurs qui sous-tendaient ces raisons. Cela, enfin, relève d'une saine méthodologie.

7. Oui, prendre du recul sur les questions que nous examinons, c'est d'abord faire oeuvre méthodologique.

mardi 1 septembre 2020

De quoi s'agit il ?

De quoi s'agit-il ?
(science/études/cuisine/politique)

1. Une amie de notre groupe de recherche quitte celui-ci pour repartir dans son université &, dans son bilan, elle signale que la chose la plus importante qu'elle retiendra de son séjour qu'il faut toujours chercher l'objectif avant de se lancer dans un travail.

2. Oui cela est important &; j'ai de nombreux exemples de personnalités du passé qui ont insisté pour ne pas se lancer à l'aveuglette. Le maréchal Foch, demandait toujours " de quoi s'agit-il ?". Cette expression a été reprise par le photographe Henri Cartier-Bresson qui, avant de prendre une photo, disait tant "de quoi s'agit-il  ?" qu'il en a fait le titre d'un de ses livres.





3. Moi qui aime bien les métaphores spatiales, qui aime bien représenter les choses par des paysages (la Carte de Tendre... & je vous renvoie notamment sur mes carte des études) je dis souvent : "Où voulons nous aller ?", tant qu'il est vrai que si nous n'avons pas de destination prévue, alors un chemin où nous nous lancerions nous amènerait n'importe où.



4. Oui, il faut savoir où nous voulons aller avant de nous mettre en chemin à moins évidemment que l'objectif ne soit de flâner, de nous promener... mais alors, l'objectif est clair : il s'agit de se promener. La métaphore se double d'une autre métaphore.

5. D'ailleurs, se promener, pourquoi ? Derrière l'objectif,  il doit y avoir des raisons de celui-ci, &, peut-être aussi, des valeurs qui sous-tendent ces raisons.

6. Bref,  cela ne fait pas de mal de réfléchir un peu  à ce que nous faisons, pourquoi nous voulons le faire, comment nous le faisons, etc. Plus généralement, on pourrait dire que cela ne fait pas de mal de réfléchir un peu, n'est-ce pas ?

vendredi 28 août 2020

De merveilleux collègues

 Rubrique :  science/politique/études/cuisine

Ici, j'utilise le mot "collègue" sans ironie. Et j'essaie de faire aussi bien qu'avec le billet précédent où j'identifiais les caractéristiques de merveilleux étudiants qui m'avaient fait l'honneur et la confiance de penser que je pouvais contribuer à leur formation : ce billet ayant été largement salué,  je me suis dit qu'il y avait peut-être lieu de poursuivre la réflexion à propos de mes autres amis. Parmi ces derniers, il y a des collègues, Voici quelques caractéristiques remarquables.
A noter que, dans ce qui suit, j'utilise le masculin pour désigner aussi bien des hommes et des femmes, et je groupe aussi bien des scientifiques que des technologues, des techniciens, des administrateurs... Il y a des vivants et des morts, dont je déplore évidemment la disparition. Il n'y a pas que des Français, bien évidemment. Aucun nom n'est donné, et l'on aurait tort de chercher à qui s'applique la description que je donne, car j'ai volontairement brouillé les portraits, qui sont pourtant bien réels.

Un de mes collègues est entièrement focalisé sur sa recherche, ne s'arrête pas d'y penser, de chercher à la faire du mieux qu'il peut, à faire tout proprement, dans les détails, et c'est évidemment un exemple.
Quel bonheur !

Un de mes collègues décédé considérait l'activité de ses collègues avec beaucoup de gentillesse. Lui-même n'avait pas de prétention,  bien qu'il ait été un expert quasiment unique dans sa discipline. Il n'avait pas le sentiment que cette dernière puisse bouleverser l'histoire des idées, et il n'aurait en tout cas jamais pensé qu'on puisse lui attribuer le prix Nobel pour ses travaux (qui ne le méritaient pas, d'ailleurs). Mais, surtout, il avait une capacité d'émerveillement très importante pour son entourage : il était "encourageant", et cela était merveilleux.

Un de mes extraordinaires collègues n'était pas humainement tel que je l'aurais voulu, mais il était concentré sur son champ, ce qui explique que l'humain y ait eu peu de place. Cela n'est pas une excuse, certes, mais plutôt que de regarder les imperfections, je préfère admirer cette focalisation toujours surprenante. Comme il avait des champs d'étude très spécifique (il en a eu plusieurs successivement), son immense culture scientifique lui permettait de faire des rapprochements que les autres ne faisaient pas, et progressivement, de se bâtir une compétence unique.
Quel extraordinaire personnage c'était !

Un  autre de mes collègues décédé  était peut-être une brute, mais une brute si joviale, si sympathique, si puissante qu'il y avait de quoi l'admirer beaucoup. D'ailleurs cet homme avait à son actif nombre de découverte remarquables, c'est à son propos que je me suis initialement demandé, il y a plusieurs années, si nous avions nécessairement les défauts de nos qualités et les qualités de nos défauts.
Merveilleux personnage !

Dans ce qui précède, on voit que la focalisation est une caractéristique importante des collègues que j'admire, mais la culture aussi est essentielle, et l'un de mes collègues est extraordinaire, de ce point de vue, d'autant qu'il ne se contente pas d'être une sorte d'encyclopédie, mais qu'il fait son miel de tout ce qu'il apprend. Oui, il ramène tout à un petit champ d'étude très idiosyncratique, mais avec une perspective si large que le champ en est transformé. Et je n'oublie pas que quelqu'un qui sait est quelqu'un qui a appris : j'admire la quantité colossale de travail, de temps dépensé pour se faire cette culture unique.
Extraordinaire ! Et si puissant scientifiquement !

J'ai un collègue d'une immense modestie : sans tambour ni trompette, il avance, tranquillement, obtient des résultats que les meilleurs n'ont pas, ce qui lui vaut l'admiration un peu étonnée de tous. Ses « compétences en communication » sont très faible, et je doute qu'il puisse « arriver »,  sauf si quelques bonnes fées savent reconnaître ses immenses capacités, et finissent par le promouvoir. Lui, en tout cas, ne cherche jamais à se mettre en avant.
Admirable, n'est-ce pas ?

J'ai un collègue une gentillesse incroyable, qui se soucie de tous, qui cherche à les aider, qui prend sans cesse sur son temps pour les aider à résoudre leurs problèmes, et je ne saurai jamais assez le remercier.
Merci !

J'ai un collègue, excellent scientifique, qui ne montre jamais sa supériorité, pourtant réelle, mais qui est toujours là pour faire des propositions intelligentes que nous pouvons apprendre à saisir pour grandir.

J'ai un collègue qui est un grand administrateur, à  une position de pouvoir élevée mais qui ne cherche pas à exercer une autorité dont il pourrait faire usage. Au contraire, il se préoccupe que chacun puisse s'activer de façon utile à la communauté, comme un chef d'orchestre sans ego, qui aurait pour unique fierté -ou plutôt bonheur- que de contribuer à faire naître une musique remarquable.

J'ai un collègue qui dit oui

J'ai un collègue pour qui le monde n'existe pas , puisqu'il est entièrement consacré à sa recherche, mais qui  est toujours prêt éclairer les autres, à leur expliquer ce qu'il sait, le mieux qu'il peut, en appropriant finement son discours à ce que ses interlocuteurs peuvent entendre.

J'ai un collègue d'une immense intelligence, dont les résultats sont à la hauteur de cette dernière, puisque l'on est ce qu'on fait, et qui brille tel un phare dans notre communauté. Sa seule existence suffit,  parce que son faisceau éclaire le monde, nous permet de nous repérer.

On comprend évidemment que je n'ai aucune des qualités précédentes et cela me désole,  bien évidemment. Mais au moins, j'ai quelques exemples qui me montrent des voies que je pourrais suivre, que je peux suivre, et que j'essaie de suivre, au moins pour certaines.

mardi 25 août 2020

A propos de régression

 Rubrique :  science/politique/études/cuisine

Je vais prendre du temps plus tard, mais quand même : vite, vous donner la référence :

Graphs in Statistical Analysis
F. J. Anscombe
The American Statistician, Vol. 27, No. 1. (Feb., 1973), pp. 17-21.

A lire sans modération.