samedi 30 novembre 2024

La cuisson du riz

 La cuisson du riz ? Comme les grains de blé, les grains de riz sont entourées d'une enveloppe et le riz blanc est débarrassé de l'enveloppe et du germe, par exemple (le riz complet, lui, conserve le germe, mais il est débarrassé de ses enveloppes.
Dans le grain de riz comme dans le grain de blé, par exemple, il y a des cellules avec, dedans, de petits grains durs et secs : des grains d'amidon.
Et les grains d'amidon sont composés de couches concentriques de deux sortes de molécules : des molécules d'amylose et des molécules d'amylopectine. Les premières sont linéaires, et les secondes sont comme des arbres.
Lors de la cuisson, les grains gonflent parce que l'eau s'infiltre par capillarité, notamment dans la partie qui contenait le germe, et elle peut ensuite provoquer l'empesage des grains d'amidon  : cela signifie que des molécules d'amylose sortent des grains tandis que les molécules d'eau y entrent, favorisant la séparation des molécules d'amylopectine. Finalement, chaque  cellule du grain de riz finit emplie d'une sorte de purée.

vendredi 29 novembre 2024

Quelle différence entre une brioche et un kugelhopf ?

 Quelle différence entre une brioche et un kugelhopf  ? 

Pour un esprit superficiel, c'est la même chose, aux raisins et à la forme près. 

Mais, en réalité, ces deux pâtes sont très différentes. Bien sûr, il y a de la farine, de la levure, des oeufs, du beurre, du sel et du sucre dans les deux cas. Bien sûr, les deux recettes varient : il y a mille brioches différentes, et un Kugelhopf par famille, mais quand même, l'examen de beaucoup d'entre elles fait conclure que, en moyenne, une recette de Kugelhopf se ferait avec 500 grammes de farine, 2 oeufs, 100 grammes de beurre, 100 grammes de sucre, et une cuisson de 45 minutes à four chaud, tandis qu'une  brioche s'obtient plutôt à partir de 500 grammes de farine, 4 oeufs, 100 grammes de  beurre, 100 grammes de sucre,  et cuisson de  25 minutes seulement. 

La cuisson, d'ailleurs, diffère notablement, parce qu'elle se fait dans un moule épais pour le Kugelhopf, un moule plus mince pour la brioche.

jeudi 28 novembre 2024

Il faut travailler !

 Un collègue parle publiquement de la "méthode expérimentale" pour parler de la méthode scientifique au sens des sciences de la nature... et je le reprends publiquement : la science, on le sait depuis au moins Galilée, est d'une part faite d'expériences, mais, d'autre part, faite de calcul. 

Réduire la méthode scientifique à la  "méthode expérimentale", c'est réduire la science à une technique. 

De  la part d'un étudiant,  une telle faute de pensée serait bénigne et pourrait être corrigée, mais quand la personne est un épistémologue patenté, alors cela devient rédhibitoire. Il y a des collègues qui ne travaillent pas assez.

Un message de Philippe Mauguin, président directeur général d'Inrae

 

Chères et chers collègues, 

Ce matin, une manifestation a eu lieu devant le siège d’INRAE, réunissant une centaine d’agriculteurs franciliens dans le cadre d’un mouvement visant plusieurs institutions publiques, comme le ministère de l’Environnement et l’ANSES, après des mouvements régionaux.

Si ces critiques sont injustes au regard de nos efforts et de nos résultats, elles témoignent d’un contexte agricole particulièrement difficile et tendu. L’agriculture française fait face à des défis majeurs : des crises économiques, climatiques, sanitaires et sociales qui pèsent lourdement sur le quotidien des agriculteurs. Ces tensions traduisent une forte inquiétude des agriculteurs vis-à-vis de l’importance des changements à engager, et aussi une attente forte vis-à-vis de la recherche et des politiques publiques : elles ne doivent pas nous détourner de notre mission ni nous faire douter de nos orientations.

INRAE, à travers ses travaux de recherche, ses innovations, son accompagnement sur le terrain et ses nombreux partenariats avec les instituts techniques et les acteurs socio-économiques, continue et continuera à être un acteur clé de la transition durable de l’agriculture.

Nous devons rester solidaires et confiants dans la valeur de nos contributions. Nos recherches apportent des solutions concrètes : des pratiques plus résilientes face au changement climatique, des innovations pour améliorer la rentabilité et la durabilité des exploitations agricoles, des éclairages précieux sur les politiques publiques agricoles. 

Chaque projet que nous portons, chaque publication, chaque échange avec le monde agricole vise à renforcer ce lien avec les agriculteurs et à répondre aux besoins concrets du terrain.  

 

Je vous invite à ne pas céder à la colère ou à l’abattement face à ces critiques. Au contraire, prenons-les comme un rappel de l’importance de nos travaux et de la nécessité de continuer à engager le dialogue avec toutes les parties prenantes quelles que soient leurs convictions. Notre institut est une force pour l’agriculture et nous devons, ensemble, poursuivre cette mission avec détermination et humilité.  

Dans les messages que je souhaite porter auprès des médias, soyez certains que je rappellerai ces éléments. Je témoignerai par ailleurs de l’écoute et de la compréhension de l’Institut et de l’ensemble de ses collaborateurs. Nous allons rester aux côtés des agriculteurs qui ont besoin de solutions, et plus globalement au service du bien commun et de nos concitoyens, pour concevoir des systèmes alimentaires sains et durables.

Je tiens à vous remercier pour votre engagement constant. Continuons à avancer avec la même fierté et la même rigueur qui caractérisent INRAE.  

 

Très chaleureusement,  

Philippe Mauguin

Savoir de quoi l'on parle

 

Amusant d'observer que hier, discutant avec des collègues non chimistes, mais étudiant les questions d'alimentation sous différents aspects scientifiques, j'ai été amené à sans cesse corriger leur discours : ils confondaient les acides gras et les triglycérides, ils confondaient les tanins et les polyphénols,  et ainsi de suite. 

C'en est devenu un jeu : ils disaient tant de choses fausses et j'ai tant corrigé, que nous avons fini par en rire. Évidemment, je ne suis pas sûr d'avoir eu le beau rôle à être ainsi une sorte de censeur qui rappelle que le discours gagne à être juste mais quand même , je préfère savoir ce dont je parle 

A propos de sel dans l'alimentation

 

Nous finissons notre programme de recherche sur l'utilisation du sel dans l'alimentation, en vue de trouver des moyens pour arriver à une réduction publique de sa consommation. En effet, de fortes consommations de sel s'accompagnent de maladie variées et il y a lieu de trouver des moyens de réduire nos consommations. 

Déjà par le passé, les industriels de l'alimentaire s'étaient engagés à réduire le sel dans leurs préparations et le fait est qu'il y a eu une forte réduction au point que nous trouvons aujourd'hui trop salés des aliments qui étaient préparés il y a 10 ans. Mais comment réduire davantage le sel ? 

Il y a divers moyens et il s'agit quand même de savoir quel est leur efficacité. Quelle est l'efficacité d'un message de prévention, par exemple ? Est-il préférable de saler les aliments avant leur cuisson ou après ? 

C'est l'ensemble des résultats obtenus qui a été révélé hier à Dijon, en conclusion de notre programme Sal&Mieux, subventionné par l'Agence nationale de la recherche mais qui fera l'objet de diverses publications en plus de celles qui ont déjà été faites jusqu'à présent.

mercredi 27 novembre 2024

Il faut chercher à réfuter les théories

À propos d'un mécanisme de réaction chimique,  un collègue que j'interroge me répond que .  les choses n'ont guère changé depuis les articles très anciens que je lui cite : j'avais trouvé un mécanisme de la réaction dans un texte de 1992. 

Mais quand même, 30 ans sans progrès ? Dans la mesure où la science doit considérer que les théories sont toutes insuffisantes, et que nous devons tester expérimentalement ces théories, on  comprend mon étonnement : dans les 30 années écoulées, pourquoi n'a-t-on pas cherché à comprendre les différences de mécanismes en fonction du pH, par exemple ? Pourquoi n'a-t-on pas cherché à réfuté le mécanisme proposé alors que nos techniques analytiques n'étaient pas celles d'aujourd'hui ? 

Je  répète que la saine méthode scientifique veut que nous considérions les théories comme des assemblages intellectuels insuffisants par principe, qu'il s'agit de tester, en vue de les réfuter, condition d'améliorations, de rectifications, de progrès. En rester à des théories qui datent de plus de 30 ans, c'est paresseux.

Vulgarisation : peut mieux faire

 Alors que je sors d'un documentaire - que je juge sans intérêt-  sur les fouilles à Pompéi,  je lis un texte de vulgarisation sur le physicien James Clerk Maxwell, notamment à propos de ses travaux d'électromagnétisme.
Et là encore, le texte n'est guère intéressant, car il  enchaîne les descriptions et non pas les explications.

Il y a beaucoup de mots pour dire les choses, pour donner des détails, pour énoncer des circonstances... mais bien peu pour dire des choses précises et conceptuelles, pour situer dans un contexte.

Et quand il est question de formalisme mathématique de la physique, ce qui est le coeur du travail de Maxwell, alors les explications ne sont pas données. Là encore, j'accumule des connaissances mais je ne reçois pas d'intelligence et je comprends donc les limites terribles de l'historiographie.

Pourrais-je moi-même faire mieux ? Je pense notamment à mes chroniques dans la revue Pour la science, voire à mes textes pour les cuisiniers ou les charcutiers. J'y interprète des phénomènes, je donne des éléments théoriques pour interpréter les phénomènes, pour les "comprendre".  

Mais je vois maintenant plus clairement que je peux faire mieux, ayant compris les défauts du texte consacré à Maxwell  : c'est le formalisme qu'il s'agit d'expliciter.

mardi 26 novembre 2024

L'innovation : je crois moins au génie qu'au travail

Alors que je me prépare à faire un cours consacré aux applications des sciences et à l'innovation, je comprends que la première phrase doit être d'indiquer que la question n'est pas de trouver une nouveauté isolée, mais plutôt de sélectionner parmi un ensemble infini de possibilités parfaitement, clairement, identifiées et qui n'ont jamais été mises en œuvre;

La question est plutôt de savoir comment faire cette sélection et je propose la comparaison avec une table immense sur laquelle serait posée de petits objets, qui représenteraient les nouveaux systèmes potentiellement réalisables et utilisables.
Ces système, nous devons les sélectionner selon des critères, et la première chose à faire et donc d'identifier clairement les critères à mettre en œuvre. 


Ces critères peuvent être l'énoncé de propriété particulières, physiques ou chimiques... puisque les aliments, par exemple, sont des systèmes physico-chimiques qui doivent interagir avec le système sensoriel et avec le système digestif, voire avec la culture alimentaire du mangeur. 
Par exemple, on peut vouloir un gel transparent, ou plutôt un gel opaque ; on peut vouloir une bioactivité très rapide ou au contraire très lente (par exemple pour la libération d'un principe actif de médicaments, pour de la longueur en bouche, et cetera). 

Dans un tel mouvement, mieux penser que  le travail de technologie en relation avec l'innovation consiste alors surtout à caractériser les systèmes ou à prévoir leur caractéristiques, en vue de leur sélection selon les critères retenus. 

En tout cas on est bien loin de l'idée fantasmée d'une sorte de génie créatif et c'est bien plus tôt un labeur très terre à terre qu'il s'agit de mettre en œuvre. Les claquement de doigt prétendus ne sont gobés que par les imbéciles ou les paresseux qui ont envie d'y croire, mais en réalité, un travail considérable est nécessaire. 

Est-ce pesant ? Seulement pour ceux qui n'ont pas envie de parcourir le chemin. Mais,  pour les autres, il s'agit de faire comme une merveilleuse promenade en forêt à cela près qu'il y fait toujours beau si l'on désire qu'il fasse beau alors que, en forêt, on prend parfois la pluie sur la tête et on marche dans la boue. 

Oui, la recherche technologique est une merveilleuse promenade !

Pourquoi a-t-il été dit que la préparation des soufflés était compliquée ?

Quand on comprend les raisons d'une préparation culinaire, tout devient si simple ! Et c'est le cas des soufflés : il s'agit de faire une préparation un peu épaissie à laquelle on ajoute des jaunes d'œufs, et d'autre part, on bat les blancs en neige, on  ajoute les blancs en neige à la première masse, on place  dans un moule que l'on chauffe. 

Avec ce simple protocole,  on a donc un soufflé... que l'on peut bien cuire ou mal cuire. Mais là, la règle est simple : il suffit de cuire par le fond. En effet, un soufflé doit gonfler et j'ai découvert il y a longtemps que ce gonflement résulte principalement de l'évaporation de l'eau présente dans la préparation : par exemple du lait dans une béchamel pour un soufflé au fromage, ou l'eau des fruits dans une compote. 

Un gramme d'eau qui s'évapore fait un litre et demi de vapeur   : on comprend que si cette évaporation se fait au fond du moule, alors la vapeur  pousse les couches supérieures vers le haut, tandis que si l'on chauffait par le haut, alors la vapeur sera perdue en pure perte. 

Il y a dieu donc lieu de considérer ce phénomène quand on cuit un soufflé, ce qui a comme conséquence que l'on privilégiera un récipient de cuisson qui transmettra bien la chaleur par le fond, par exemple : plutôt donc un récipient métallique à fond mince qu'un récipient en porcelaine à fond épais. 

Les œufs dans la préparation permettront, en coagulant, de donner une certaine tenue à l'ensemble, et les blancs en neige ajouteront des bulles d'air qui augmenteront le côté aérien du soufflet. 

Mais je répète que ce n'est pas l'air qui fait gonfler les soufflés, et, d'ailleurs, dans un de mes séminaires, nous avons obtenu des soufflés tout aussi bien gonflés avec des blancs battus en neige ou avec des oeufs qui n'avaient pas été battus... à condition de bien chauffer par le fond. 

Il faut ajouter aussi les résultats d'un autre séminaire qui nous a montré les effets différents du blanc, du jaune ou des œufs entiers : avec les blancs, qui sont fait de 90 % d'eau, on avait un développement supérieur, mais des soufflés plus fragile. Avec les jaunes, on avait une tenue importante, mais aussi du goût. Tout est possible de ce point de vue pour qui comprend le phénomène essentiel : le gonflement des soufflés résulte de l'évaporation de l'eau.

La bonne (et la mauvaise) vulgarisation de l'archéologie

On me montre un documentaire sur les fouilles à Pompéi, et toutes les trois minutes le narrateur me dit qu'on fait une "découverte inédite". 

Une découverte inédite : n'est-ce pas un pléonasme, voire une périssologie (soit un pléonasme fautif) ? 

Quoi qu'il en soit, l'ajout d'adjectif ampoulé "inédite" ne fait que de l'épithétisme, et n'ajoute pas de force au mot découverte, surtout quand il est répété à tous les coins de phrase. C'est une sorte d'argument d'autorité idiot qui montre que la narration n'a pas su établir véritablement l'importance de la découverte. 

Ce genre d'observations vaut évidemment pour toute la vulgarisation scientifique. D'ailleurs, la présentation de fouilles archéologiques est une manière de vulgarisation de cette science qu'est l'archéologie. 

Quand je fais l'observer cela à mon entourage, on me répond qu'il faut bien "raconter une histoire". Certes mais ce n'est pas une justification suffisante pour mal raconter une histoire. Imagine-t-on que, dans l'histoire du petit Chaperon rouge, on nous dise trois fois de suite de le Chaperon rouge est parti voir sa grand-mère : une fois suffit, non ? 

Examinons, pour revenir à notre documentaire, le cas particulier de la découverte d'une pièce de métal qui ressemble à une pioche. Il y a des questions :  à savoir comment on a mise au jour cette pioche, comment on est certain que c'est une pioche, et qu'est-ce qu'une pioche à cette époque reculée. 

 J'aurais notamment aimé que l'on m'explique quelle est la professionnalité de celles et ceux qui utilisent de petites brosses pour dégager la pioche : ont-ils des gestes particuliers, ou bien n'importe qui pourrait-il ainsi "épousseter" ? 

L'objet est-il une pioche : comment le sait-on ? Cela impose notamment, pour dépasser l'anecdote, la ressemblance fortuite, que l'on m'expose le corpus de connaissance qui permet à des archéologues d'affirmer qu'il s'agit bien d'une pioche.
 

Finalement, sans le documentaire que l'on m'a montré, il y a non seulement des redondances épouvantables, mais, surtout, je ne sors guère plus intelligent des longs moments que j'ai passé : je n'ai guère appris, et, surtout,  je n'ai pas appris conceptuellement. 

Je conclus donc que c'était là de la mauvaise vulgarisation, un divertissement qui est en réalité une perte de temps. Ai-je vraiment envie de me "divertir" ? Non, j'ai mieux à faire, bien plus passionnant : la production scientifique !

lundi 25 novembre 2024

À propos de saucisses que l'on cuit

Les recettes ne disent pas grand chose de la cuisson des saucisses, parce que l'on considère que c'est quelque chose de très simple :  on met les saucisses dans un récipient que l'on chauffe, éventuellement avec un liquide, et on obtient des saucisses qui auront été cuites. 

C'est exact que l'on a ainsi un résultat,  mais on gagnera à bien considérer qu'il y a une différence essentielle entre des saucisses piquées ou entaillées, et des saucisses restées intactes : la matière grasse qu'elles contiennent, et qui fond lors de la cuisson, peut alors ou non être libérée,  de sorte que l'on obtiendra des résultats très différents si les saucisses  sont intactes, avec toute leur matière grasse à l'intérieur, ou si  le gras s'est échappé.

Les recettes de ce genre

Je trouve une recette de mousse au chocolat que je vous livre : 

 

Ingrédients pour quatre à six personnes :
    200 g de chocolat noir
    Trois œufs
    50 g de beurre
    110 g de crème fraîche
    25 g de sucre glace

    Faire fondre le chocolat et le beurre au micro-ondes.
    Séparer les blancs des jaunes.
    Monter les blancs en neige ferme, mais pas trop.
    Mélanger les jaunes d’œufs avec la crème et le sucre glace.
    Ajouter le beurre et le chocolat fondus. Mélanger.
    Ajouter les blancs en neige petit à petit en mélangeant très délicatement.
    Réserver au réfrigérateur pendant quatre heures au minimum.


 

Cela me paraît bien indigent, et pour de nombreuses raisons.
Fondre le chocolat et le beurre au micro-ondes ? Et pourquoi pas dans une casserole ? Et comment s'y prendre ?
Les blancs "en neige ferme mais pas trop" : combien ? Et pourquoi cette fermeté-là  ?
Mélanger les jaunes avec la crème et le sucre glace ? Mieux vaut battre les jaunes et le sucre jusqu'à ce que l'appareil soit lisse et blanchi. D'ailleurs, le sucre glace est bien inutile, et du sucre en poudre ordinaire va très bien.
Ajouter le beurre et le chocolat fondu : oui, mais il aurait fallu ajouter qu'il faut le faire quand ils sont tièdes (on peut mettre la main sur le bord du récipient), mais pas chaud, sans quoi les jaunes cuisent et la température est granuleuse.
Mélanger "très délicatement" : on fait comment ? Et, surtout, on doit arriver à quel résultat ?
Et pourquoi quatre heures minimum au réfrigérateur ? 

Si on me le demande, je ferai une recette rénovée ;-)

On démontre que...

 Dans une revue de vulgarisation, je trouve un exemple du type de présentations que je n'aime pas : il s'agit d'expliquer des travaux mathématiques effectués au 18e siècle à propos de la gravité, et il y a un encadré qui expose comment les physiciens français ont remplacé les forces par des potentiels. 

Je me réjouissais à l'idée de comprendre comment tout cela fonctionnait car l'auteur entrait dans les détails mathématiques de la chose mais finalement, ayant bien relu le texte plusieurs fois, j'ai compris que l'auteur se limitait en réalité à dire que les vecteurs avaient été remplacés par des scalaires, le potentiel. 

Il n'y a pas eu d'explication mais seulement une énonciation et, au fond, je suis frustré et mécontent parce qu'il y avait en quelque sorte une promesse qui n'a pas été tenue.

Cela me fait penser à ces cours où figure cette phrase '"On demontre que". Manifestement, dans un tel cas, il y a lieu d'apprendre sans comprendre et je ne suis jamais très satisfait. 

Ai-je moi-même utilisé cette formule dans mes cours ? Je crois que oui, mais je crois aussi avoir toujours pris soin d'insister sur cela, d'expliquer pourquoi je ne donnais pas la démonstration et de renvoyer vers la démonstration que je ne donnais pas. 


Un point de vigilance, donc !

dimanche 24 novembre 2024

Potage ou soupe ? Rien de plus simple mais pensons aux ingrédients et aux procédés

Supposons que nous fassions un potage au potiron :  dans une casserole, nous plaçons un morceau de potiron, un oignon, une gousse d'ail, une tomate... et un liquide,  de l'eau  ou du lait  par exemple (c'est la même chose au premier ordre). Nous chauffons à couvert afin de bien conserver toutes les molécules odorantes, et, après 10 à 20 minutes de cuisson, nous mixons  l'ensemble et nous obtenons une préparation un peu épaissie à laquelle nous pouvons ajouter un peu de matière grasse, beurre ou crème, par exemple. 

Dans la recette précédente, je n'ai pas évoqué la présence de pommes de terre, mais elle est également possible et là, s'ajoute une dimension supplémentaire parce que, mixée, elle libère l'amidon de ses cellules, mais aussi leur contenu  : notamment des grains d'amidon qui, si la pomme de terre a été bien cuite, sont empesés, ce qu'il signifie qu'ils ont considérablement gonflé et libéré certaines de leurs molécules, d'amylose. 

C'est cet amylose qui fait les purées "cordées", élastiques, et il y a donc ici une possibilité d'une consistance différente. 

Finalement, nous entrevoyons trois consistances parmi lesquelles nous devons choisir : soit seulement des cellules dispersées dans le liquide, quand il n'y a pas de pommes de terre, soit des cellules dispersées et des grains d'amidon empesés quand ces derniers n'ont pas été dégradés  par le mixeur, soit des cellules dispersées, des grains d'amidon empesés et des molécules d'amylose en solution. 

Il y a  lieu de bien choisir entre ces trois possibilités selon le potage que vous souhaitez obtenir. 

Mais potage ou soupe ? Une soupe, c'est une tranche de pain avec laquelle on trempe un potage. Le pain apporte de l'amidon empesé, de sorte que l'on comprend que la pomme de terre puisse faire un effet analogue, ce qui justifierait de nommer soupe un potage où il y aurait de la  pomme de terre.

samedi 23 novembre 2024

Matière sèche, ou matière séchée ?

 Des collègues publient un article où ils parlent de matière sèche. Pourquoi pas, puisque les documents "officiels" utilisent ce terme.
Mais regardons bien les choses : si nous dissolvons du sulfate de cuivre dans de l'eau, puis si nous séchons en chauffant doucement, alors nous obtenons finalement un fond de cristaux bleus. Il n'y a plus d'eau : est-ce la "matière sèche" ? Chauffons davantage, et nous observons un crépitement, et la désagrégation des cristaux bleus, avec une perte de couleur : on récupère de petits cristaux blancs... parce que l'eau de cristallisation des cristaux bleus (qui étaient en réalité du sulfate de cuivre pentahydraté) a été éliminée ; en corollaire, on comprend que le sulfate de cuivre n'était pas "sec", mais seulement séché.
Ce qui est caricaturé ici se retrouve pour des ingrédients alimentaires : si on prend un grain de café vert, on peut le sécher (on voit la masse qui diminue), et, dans des conditions particulières de séchage, on obtient donc une matière... séchée. Mais pas sèche : nous avons eu la surprise de voir un grain de café dont la masse ne diminuait plus après deux ou trois jours... mais nous avons eu une forte diminution après quelques mois.
Bref, je propose de bien parler de "matière séchée dans des conditions particulières" pour la distinguer de la matière sèche.

vendredi 22 novembre 2024

À propos d'analyse descendante

Je prépare la publication d'un cours sur l'analyse des phénomènes. Il s'agit de proposer de faire l'analyses des  phénomènes en partant du niveau macroscopique jusqu'au niveau moléculaire. 

Dans ce mouvement, il y a une étape par la microscopie, mais il y a surtout une étape indispensable, au niveau supramoléculaire, ce qui correspond à des associations de molécules plutôt qu'à des réactions chimiques élémentaires. 

Fréquemment, lors des analyses, cette étape est omise, et c'est dommage parce que c'est la possibilité de mieux comprendre les phénomènes, d'en voir certains mécanismes qui n'apparaîtraient pas si l'on passe directement de la microscopie à la chimie. 

Mais il y a aussi cette idée que la chimie est essentielle et qu'on ne doit pas la réduire à une description un peu simpliste. Par exemple, en science et technologie des aliments, certains se débarrassent rapidement des brunissement en invoquant certaines "réactions de Maillard" qu'ils ne comprennent pas bien, qui sont la seule chose qu'ils connaissent, et qui sont une sorte de cache-mièse posé sur un brunissement des aliments, dû en réalité à des causes nombreuses et très différentes.

jeudi 21 novembre 2024

Colloque Vigne et vin demain, le 28 novembre, à l'Académie d'agriculture de France

 

Colloque « Vin et Vigne demain »



28 novembre 2024


Lieu :

Académie d’agriculture de France, rue de Bellechasse, Paris

(salle des séances pour les interventions, puis bibliothèque pour le déjeuner)




Comité d’organisation

Frédérique Pelsy, Nicole Roskam Brunot, Guilhem Bourrié, Yves Brunet, Hervé This




Le thème du colloque répond à une urgence : l’humanité doit aujourd’hui faire face au changement du climat terrestre. À cette fin, les initiatives politiques à l’échelle mondiale doivent être complétées par des actions individuelles, en vue de stopper les évolutions du climat et de pérenniser l’habitabilité de la planète. Des changements infrastructurels, organisationnels et juridiques sont nécessaires pour évoluer vers un mode de vie à faibles émissions de carbone : il faut apprendre à mieux utiliser l’énergie, mieux construire, mieux gérer l’eau et, surtout, maîtriser la démographie mondiale.

L’agriculture, dont on doit rappeler qu’elle produit nos aliments et qu’elle gère une large partie de notre environnement, fait face à des défis nouveaux. Le climat est évidemment décisif dans les productions agricoles, en termes de quantité comme de qualité. Depuis les débuts de l’humanité, l’adéquation entre climat et agriculture a déterminé le développement culturel et économique des régions, créé des cultures locales et influencé les migrations des populations.

La viticulture est particulièrement sensible à la conjonction entre enjeux agronomiques, économiques et culturels. Depuis des centaines d’années, la culture de la vigne a façonné les paysages des régions viticoles, leurs organisations sociales et la typicité de leurs vins qui résulte de l’adéquation entre la culture de cépages particuliers et des pratiques œnologiques spécifiques. La notion de terroir intègre des paramètres environnementaux, notamment pédologiques et géomorphologiques, dans la délimitation des régions viticoles, selon des cadres juridiques anciens, qui ont perduré jusque dans les textes de l’Union européenne.

Certes, l’agriculture en général et la viticulture en particulier contribuent aux émissions de gaz à effet de serre et à la pollution de l’environnement, mais, en stockant le carbone, les plantes et les sols atténuent ces émissions. En France, les pratiques viticoles sont strictement encadrées avec notamment la reconnaissance de conditions mésoclimatiques (régionales), la délimitation des terroirs, la spécification des cépages autorisés, des méthodes culturales et des types de produits conférant des identités régionales et locales.

Dans un tel contexte, les études de l’effet des changements climatiques sur la viticulture prennent une importance particulière. Le changement climatique mondial n’étant pas encore évident pour beaucoup (malgré des signes d’accélération évidents), il est essentiel de convaincre l’ensemble du secteur qu’une réaction immédiate est nécessaire. L’urgence résulte notamment du fait que les plantations d’aujourd’hui préparent la viticulture des prochaines décennies, quand les effets du changement climatique seront bien plus prégnants que ceux observés aujourd’hui.




Le programme du Colloque :



9.00

Introduction Philippe Mauguin, président directeur général d’INRAE


9.30-10.15 (30 min + 15)

Nathalie Ollat (INRAE, ISVV, UMR EGFV, Bordeaux) : La viticulture face au défi du changement climatique

Q/A


10.15-10.45 (20 min +10)

Thierry Simonneau (INRAE, UMR LEPSE, Montpellier) : Maîtriser les besoins en eau de la vigne pour faire face aux contextes de demain.

Q/A


10.45-11.15 (20 min + 10)

Lionel Ranjard (INRAE, UMR Agroécologie, Dijon) : La microbiologie des sols au service d’une viticulture durable

Q/A


Pause


11.25-11.55 (20 min + 10)

Guillaume Arnold (INRAE, UMR SVQV, Colmar) : Les variétés de vigne pour demain

Q/A


11.45-12.15

Marc-André Selosse (MNHN, UMR ISYEB, Paris): Des microbes pour soigner et protéger la vigne

Q/A


12.30-14.00 Buffet sur place (bibliothèque), sur inscription




14.00-14.30

Philippe Darriet (Université de Bordeaux, ISVV, UMR Oenologie) : Quels vins demain ?

Q/A


14.30-15.00

Vin et santé Nutrition 

Q/A


15.00-15.30

Jean-Marie Cardebat (Université de Bordeaux, ISVV, UMR BSE)  : Quelles évolutions à venir pour le marché mondial du vin ?



16.00

Synthèse, Frédérique Pelsy, ancienne présidente du Centre INRAE de Colmar

16.30

Conclusion (le « bouquet du vin »), Hervé This, membre de l’Académie d’agriculture de France





Les intervenants et les interventions, en détail :



Philippe Mauguin : Introduction



Philippe Mauguin est président directeur général d’INRAE et membre de l’Académie d’agriculture de France




Nathalie Ollat (INRAE, ISVV, UMR EGFV, Bordeaux) : La viticulture face au défi du changement climatique


Résumé de l’intervention : Des températures moyennes plus élevées et des précipitations aléatoires, avec des extrêmes toujours plus marqués, des aléas climatiques successifs ou combinés, avec des conséquences secondaires importantes sur la fertilité de sols et l’environnement biotique. Même si le changement climatique a pu avoir, jusqu’à présent et dans certains vignobles, des conséquences positives, la viticulture doit se préparer à des conditions de production plus complexes et plus variables pour les décennies à venir. Certains vignobles, notamment dans le Sud de la France, pourraient voir leur potentiel se réduire alors que d’autres plus septentrionaux pourraient se développer. L’ensemble de ces changements doivent être anticipés. La nature des impacts déjà avérés et à venir doit être décrite finement et sur un large spectre, notamment en ce qui concerne les sols, les interactions biotiques et les combinaisons de stress. Il est également important de rassembler des connaissances sur les leviers potentiels d’adaptation, qu’ils soient techniques, spatiaux, organisationnels ou réglementaires. L’évaluation de ces leviers doit se faire à l’échelle de la culture, de l’environnement et la durabilité de la production à l’échelle d’une exploitation ou à plus grande échelle. Pour toutes ces études, les approches de modélisation s’avèrent déterminantes. Elles le sont également comme outil d’anticipation pour contribuer à l’accompagnement des acteurs à la définition de stratégies d’adaptation.



Agronome de formation, Nathalie Ollat est spécialiste de la physiologie de la vigne. Elle s’est particulièrement intéressée aux porte-greffes et est actuellement responsable du programme d’innovation variétale « porte-greffe » vigne en France. Elle a coordonné de 2012 à 2021 un programme national sur les impacts et les adaptations de la filière Vigne et Vin française au changement climatique. Elle continue à accompagner la filière dans la mise en œuvre de sa stratégie d’adaptation. Depuis 2018, elle dirige l’UMR « Ecophysiologie et Génomique Fonctionnelle de la Vigne » à l’ISVV, Bordeaux.




Thierry Simonneau (INRAE, UMR LEPSE, Montpellier) : Maîtriser les besoins en eau de la vigne pour faire face aux contextes de demain.


Résumé de l’intervention : Avec la hausse des températures, l’évapotranspiration va continuer d’augmenter dans les vignobles jusqu’à dépasser largement le stockage d’eau de pluie dans les sols, notamment l’été. Des périodes de déficit hydrique vont s’ensuivre et le vigneron va devoir adapter ses choix et ses pratiques dans une perspective d’économie d’eau et de production durable.

Le problème n’est pas tout à fait nouveau pour les vignerons qui cultivent depuis longtemps dans des conditions de contrainte hydrique modérée, souvent favorables à la qualité des vins, notamment les rouges. A ceci s’ajoutent les fortes variations climatiques interannuelles passées qui ont déjà exposé les vignobles à des années exceptionnellement sèches et chaudes. Les solutions adoptées par les vignerons pour y faire face méritent donc d’être examinées. Le référentiel bibliographique s’est également enrichi pour préciser les impacts positifs et négatifs d’une contrainte hydrique plus ou moins sévère. L’ensemble permet d’affiner la notion de parcours hydrique idéal, c’est-à-dire l’évolution idéale du contenu en eau du sol qui permet d’atteindre des objectifs de production donnés.

Pour suivre ce parcours hydrique idéal dans un contexte pédoclimatique soumis à imprévus, le vigneron peut revoir ses objectifs de production et adopter des systèmes de conduite économes en eau. Il peut aussi augmenter la disponibilité de l’eau avec une gestion du sol adaptée. Enfin, quand les apports par irrigation sont possibles, il importe là encore de choisir des techniques économes en eau et toujours ajustées à l’objectif de production.

Différents leviers sont donc actionnables pour maîtriser les besoins en eau au vignoble, y compris à la plantation, avec des conséquences plus ou moins immédiates, réversibles ou durables. Les leviers à mobiliser sont à raisonner de manière systémique, sur de longs pas de temps, au sein de paysages complexes et multi-acteurs, où l’usage de l’eau est compétitif, réglementé et évolutif.



Thierry Simonneau a étudié à l’INA Paris-Grignon (devenu AgroParisTech) et est aujourd’hui directeur de recherche INRAE au Laboratoire d’Ecophysiologie des Plantes sous Stress Environnementaux, à Montpellier, où il conduit des recherches sur l’utilisation de l’eau par les plantes. Depuis une dizaine d’années, il anime une équipe composée de cinq autres chercheurs INRAE ou enseignants-chercheurs de l’Institut Agro qui étudient plus particulièrement la vigne dans le but d’adapter les vignobles au changement climatique. A ce jour, Thierry Simonneau a publié près de 70 articles scientifiques qui vont de l’étude de gènes impliqués dans l’économie d’eau par les plantes, jusqu’à la détection d’une contrainte hydrique sur les vignes par imagerie hyperspectrale ou de l’impact de vagues de chaleur par satellite. Ses travaux récents ont montré qu’il était possible d’améliorer l’efficience d’utilisation de l’eau au vignoble en sélectionnant des variétés qui transpirent moins la nuit, ou bien en taillant et en palissant la vigne pour maximiser le pourcentage de feuilles exposées au soleil, ou encore en pilotant l’ombre portée par des panneaux photovoltaïques mobiles pour atténuer les pics de transpiration. Dernièrement, il a coordonné la rédaction d’un chapitre d’ouvrage à paraître sur la gestion de l’eau dans les vignobles (Simonneau T., Van Leeuwen C., Coulouma G., Saurin N., Lajeunesse I. (à paraître) La gestion de l’eau. In : La vigne, le vin et le changement climatique, QUAE Editions).





Lionel Ranjard (INRAE, UMR Agroécologie, Dijon) : La microbiologie des sols au service d’une viticulture durable


Résumé de l’intervention : La viticulture est un secteur d‘activité agricole stratégique pour la France, car elle représente le premier poste exportateur du secteur agroalimentaire pour seulement 3 % de la surface agricole utilisée française. Toutefois elle est aussi une forte consommatrice de produits phytosanitaires avec environ 20 % des pesticides utilisés en France à elle seule, couplé aussi a une forte mécanisation. Tout cela entraîne une dégradation de la qualité des sols, qu’elle soit physique par des processus d’érosion ou biologique par une altération de la biodiversité. Si 80 % du vignoble est en conduite conventionnelle (CV), on note une conversion de 3-4 % par an des surfaces vers des conduites biologique (AB) et biodynamique (BD), non consommatrices de pesticides de synthèse. Toutefois, à ce jour nous manquons encore de connaissances précises sur les impacts de ces conduites sur la qualité des sols viticoles.

Dans ce contexte, le projet EcoVitiSol® est la première étude menée à grande échelle pour évaluer la qualité physico-chimique et microbiologique des sols de vigne cultivés selon différents modes de production (CV, AB et BD). L’originalité de ce projet est d’aborder cette problématique avec des approches participatives en impliquant directement les viticulteurs au sein d’un territoire défini.

A ce jour quatre territoires viticoles ont été investigués : l’Alsace, La Bourgogne du nord (Côte de Nuits, Côte de Beaune), la Bourgogne du sud (Côte Chalonnaise, Mâconnais) et les côtes de Provence. Dans chaque territoire, environ 50-60 viticulteurs ont été impliqués. Chacun a mis à disposition une parcelle sur lesquelles les chercheurs sont venus échantillonner le sol. Les outils modernes utilisés pour évaluer la qualité des sols dans ce projet ont permis de caractériser l’abondance, la diversité et les interactions microbiennes par des approches moléculaires ainsi que la qualité de la matière organique par la technique Rock-Eval® en plus des caractéristiques physico-chimiques classiques (pH, texture, C/N, teneur en Cu…). Cette conférence présentera les résultats obtenus sur l’impact des modes de production sur la qualité physico-chimique et microbiologique des modes de production, et aussi des pratiques de gestion des sols comme le travail du sol, l’enherbement et la fertilisation afin d’identifier les pratiques viticoles les plus durables.




Loïc Ranjard est directeur de recherches à l'INRAE de Dijon dans l'UMR Agroécologie. Il est spécialiste en écologie microbienne du sol et anime des travaux sur la distribution spatiale des microorganismes dans le sol sur de grandes échelles spatiales et sur l'impact des pratiques agricoles sur la qualité microbiologique des sols. Il coordonne différents projets collaboratifs et participatifs dans ce domaine.




Guillaume Arnold (INRAE, UMR SVQV, Colmar) : Les variétés de vigne pour demain


Résumé de l’intervention : La notion de matériel végétal fait référence à l’ensemble des composantes du plant de vignes qui constituent un levier d’adaptation puissant face aux changements climatiques et aux évolutions sociétales.

La vigne cultivée appartient au genre Vitis, ce dernier est composé de plusieurs espèces réparties à l’état spontané en Amérique du Nord et centrale, en Asie et en Europe. La domestication de la vigne à conduit à valoriser la diversité de l’espèce Vitis vinifera par la sélection des variétés les mieux adaptés aux objectifs de productions en fonction des conditions pédologiques et climatiques des vignobles.

L’arrivé du phylloxera marque un tournant dans les stratégies de domestication de la vigne à travers la mobilisation d’autres espèces que Vitis vinifera par la création de porte greffes ou de nouvelles variétés dite hybrides. Progressivement, les avancés scientifiques permettent de mieux comprendre et valoriser la diversité génétique de la vigne. Que ce soit à l’échelle des porte-greffes ou de l’exploitation de la diversité variétale les champs d’investigations sont nombreux. A travers cette présentation nous illustrerons à partir de cas concrets qu’elles sont les possibilités d’adaptations qu’offrent ces différents leviers.



Guillaume Arnold est ingénieur en innovation variétale au sein de l’équipe de génétique et d’amélioration de la vigne d’INRAE Colmar. Il débute ses activités de sélection de la vigne dans les années 2000 auprès du conseil interprofessionnel des vins d’Alsace pour y développer des programmes d’amélioration végétale des principales variétés cultivées en Alsace. Après avoir assuré la responsabilité du service technique, il créé en 2018 sa société de sélection « Synergie Vigne et Terroir » et développe plusieurs projets de collections privées auprès des entreprises des vignobles de France et d’Allemagne, contribuant ainsi à la préservation de plusieurs milliers de génotypes d’intérêts. En 2021 il rejoint INRAE pour poursuivre et développer des programmes de créations variétales avec pour objectif de réduire drastiquement l’usage des produits phytosanitaires tout en maintenant un potentiel qualitatif et une adaptation aux évolutions climatiques. Guillaume Arnold est ingénieur diplômé d’état dans la spécialité « agriculture », à travers ses expériences il propose une vision intégrative de la sélection à travers la valorisation des ressources génétiques de la vigne pour créer les variétés de demain.




Marc-André Selosse (MNHN, UMR ISYEB, Paris): Des microbes pour soigner et protéger la vigne


Résumé de l’intervention : La vision des plantes comme holobiontes, c’est-à-dire avec l’ensemble de leur microbiote  (bactéries, champignons et virus) dans leur physiologie et leur adaptation, s’applique bien sûr à la vigne. Elle inclut les champignons et les bactéries mutualistes associés aux racines, aidant à la nutrition et à la défense contre les agressions du sol. Leur présence a une influence systémique qui se répercute jusque dans les parties aériennes et les baies, par exemple dans la teneur et la composition tannique. Les parties aériennes sont aussi accompagnées de microbes, des feuilles aux baies (mais, bien qu’on crédite ces derniers de contenir les levures « spontanées », celles-ci proviennent plutôt de l’environnement de la cave). Nous devons adapter nos itinéraires techniques, surtout dans un contexte d’usage de pesticides pour lutter contre les maladies de la vigne, à la présence du microbiote. Celui-ci pourra être spontané ou introduit (en particulier pas pulvérisation foliaire) pour capitaliser sur le rôle de la symbiose dans la gestion du vignoble. 



Marc-André Selosse est professeur du Muséum national d’Histoire naturelle à Paris et aux universités de Gdansk (Pologne) et Kunming (Chine), où il dirige des équipes de recherche. Ses travaux portent sur l’écologie et l’évolution des associations à bénéfices mutuels (symbioses). Mycologue et botaniste, il travaille en particulier sur les symbioses mycorhiziennes qui unissent des champignons du sol aux racines des plantes. Président de BioGée, membre de l’Académie d’Agriculture de France et de l’Institut Universitaire de France, il est éditeur de quatre revues scientifiques internationales et de la revue de vulgarisation Espèce.Il a publié plus de 230 articles de recherche et 290 articles de vulgarisation et a publié des ouvrages grand public sur les microbiotes (Jamais seul, 2017), les composés phénoliques (Les goûts et les couleurs du monde, 2019), le sol (L’origine du Monde, 2021) et la place de l’homme dans la nature (Nature et Préjugés, 2024) ainsi que ses chroniques diffusées sur France-Inter (Petites histoires naturelles, 2021), chez Actes Sud. Il est co-auteur d’une bande dessinée sur le sol avec Mathieu Burniat (Sous Terre, 2021, Dargaud). Il a reçu le prix Homme-Nature de la Fondation Sommer 2020.



Philippe Darriet (Université de Bordeaux, ISVV, UMR Oenologie) : Anticiper les évolutions dans la composition et les caractéristiques sensorielles des vins


Résumé de l’intervention : Dans un contexte de changement climatique, l’état physiologique de la vigne est modifié dans un sens pouvant fortement affecter la maturation des raisins et par voie de conséquence les caractéristiques sensorielles des vins. Il ne s’agit pas seulement d’un phénomène lié à l’accroissement de la teneur en sucres des raisins (qui conduira à une teneur accrue en éthanol dans les vins) ou d’une diminution de l’acidité. Les conséquences du changement climatique, en lien avec l’augmentation de la température et du rayonnement, du niveau de contrainte hydrique, ou autre perturbation de l’état physiologique de la vigne… seront susceptibles de modifier la teneur de nombreux composés du métabolisme secondaire des raisins. Au travers des transformations chimiques, biochimiques ou microbiologiques de ces composés (pigments, tanins, précurseurs d’arôme…) pendant les étapes la vinification, de l’élevage et du vieillissement, la perception sensorielle du vin dans ses caractéristiques visuelles, olfactives et gustatives sera modifiée. En effet, la composante organoleptique du vin résulte d’une grande diversité de composés non volatils et volatils (arôme) souvent présents à l’état de traces, qui constituent des stimuli pour notre système sensoriel avant de devenir, selon des phénomènes complexes, des sensations dans le champ de la conscience. Ainsi, la surmaturation des raisins, dans des conditions de température et de rayonnement solaire accrus conduit à un accroissement des teneurs en composés volatils odorants (famille des furanones et lactones), qui renforcent les nuances de fruits cuits et secs. En outre, ces conditions de maturation peuvent modifier les propriétés anti-oxydantes des raisins et des vins, ce qui risque d’accroître la sensibilité oxydative des vins et affecter leur potentiel de vieillissement.

Ce contexte suppose d’ajuster aussi les pratiques œnologiques pour limiter les effets non-intentionnels susceptibles d’affecter l’originalité et la typicité des vins. En fonction des conditions environnementales, il s’agit d’adapter la date, les modalités de la récolte et de la réception des vendanges, en privilégiant des récoltes matinales ou nocturnes, en limitant, par le refroidissement et l’inertage, les phénomènes chimiques et biochimiques au cours des opérations pré-fermentaires. Des travaux mentionnent l’intérêt de partitionner à des dates successives la récolte d’une même parcelle. Une attention particulière est recommandée lors des étapes de la vinification et l’élevage des vins, incluant une extraction maîtrisée des composants pelliculaires, une modulation du niveau d’acidité des moûts et des vins, ou de la révélation du potentiel aromatique, présent dans les raisins sous forme de précurseurs, par l’emploi de levures sélectionnées, selon les typologies de vins recherchées. Une limitation de la teneur en éthanol, pourra aussi être recherchée par la mise en œuvre de procédés conformes aux choix des vinificateurs et à l’attente des consommateurs. La maîtrise de l’élevage et du vieillissement des vins suppose plus encore un ajustement des pratiques, en particulier le niveau d’oxygénation des vins, afin de limiter des phénomènes chimiques favorables à une évolution oxydative prématurée. Par la compréhension des phénomènes en jeu et l’innovation, les activités de recherche conduites dans le domaine de l’œnologie visent à accompagner les choix des vinificateurs à toutes les étapes de l’élaboration des vins.

Cependant, l’anticipation de l’évolution de la composition des vins avec le changement climatique, de leurs caractéristiques sensorielles et typicité, mobilise aussi l’œnologie au travers l’évaluation de dispositifs au vignoble, ayant trait à l’adaptation du mode de conduite de la vigne, à l’alternative variétale de Vitis vinifera, et au développement de nouvelles variétés résistantes aux principales maladies cryptogamiques et adaptées à l’évolution du climat. La dimension interdisciplinaire de ces travaux constitue un enjeu important pour relever les défis inhérents à l’impact du changement climatique.


Références

Darriet Ph., Mouret J.R., Sablayrolles J.M., Samson A. (2024). Les solutions œnologiques : adapter la vinification. Vigne, Vin et Changement Climatique, Ollat N., Touzard J.M. éditeurs, Quae.

Drappier, J., Thibon, C., Rabot, A., & Geny-Denis, L. (2019). Relationship between wine composition and temperature: Impact on Bordeaux wine typicity in the context of global warming. Critical Reviews In Food Science and Nutrition, 59(1), 14-30.

Pons, A., Allamy, L., Schüttler, A., Rauhut, D., Thibon, C., & Darriet, P. (2017). What is the expected impact of climate change on wine aroma compounds and their precursors in grape? ŒNO one, 51(2), 141-146.

Thibon C., Roland A., Darriet Ph., Teissedre P.L., Jourdes M., Pons A. (2024). Les impacts sur la qualité du vin. Vigne, Vin et Changement Climatique, Ollat N., Touzard J.M. éditeurs, Quae.

Van Leeuwen, C., & Darriet, P. (2016). The impact of climate change on viticulture and wine quality. Journal of Wine Economics, 11(1), 150-167.



UMR 1366 Œnologie, Université de Bordeaux, Institut des Sciences de la Vigne et du Vin. 210 Chemin de Leysotte, 33140, Villenave d’Ornon cedex.




Vin et santé (à venir




Jean-Marie Cardebat (Université de Bordeaux, ISVV, UMR BSE)  : Quelles évolutions à venir pour le marché mondial du vin ?


Le marché du vin traverse une crise mondiale sans précédent. Des facteurs conjoncturels et structurels coïncident et conduisent à une baisse combinée de la production et de la demande mondiale. Comment faire face à cette crise ? Les réponses sont multiples. Elles touchent au renouvellement en profondeur des gammes proposées, au changement de logiciel dans la façon de penser le marché ou encore à une remise en cause de l’organisation même de la filière. Les réponses sont aussi sociétales, pour comprendre la déconsommation d’alcool. Elles sont économiques, pour mieux identifier les cycles conjoncturels. Elles sont, enfin, géopolitiques pour appréhender le grand export dans un contexte de fermeture progressive de certains marchés clefs, comme le marché chinois. La filière vin doit mieux appréhender son environnement global tout en luttant contre les effets délétères du changement climatique. On le comprend, la décennie qui s’ouvre sera celle d’une mutation profonde de cette filière.



Jean-Marie Cardebat est professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et professeur affilié à l'INSEEC Grande Ecole, où il dirige la Chaire Vin & Spiritueux. Très intégré dans les réseaux de recherche internationaux, il est président de l'Association européenne des économistes du vin et membre de la délégation française à l'OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin), de l'ISVV (Institut Scientifique de la Vigne et du Vin), de l'AAWE (American Association of Wine Economists), et du comité éditorial du Journal of Wine Economics (Cambridge). Enfin, il est affilié au Wine Economics Research Centre de l'Université d'Adélaïde (Australie) et au Center for Wine Economics du Robert Mondavi Institute, UC Davis (USA). Il est l’auteur de "Économie du vin", éd. La Découverte, 2017. (Traduit en chinois en 2019) et de "The Palgrave Handbook of Wine Industry Economics", prix 2019 du meilleur livre en économie de l'OIV.




Synthèse, Frédérique Pelsy.



Ancienne présidente du Centre INRAE de Colmar, Frédérique Pelsy est membre de l’Académie d’Alsace.



Conclusion, Hervé This : le « bouquet  du vin »



Hervé This est directeur de lInternational Centre for Molecular and Physical Gastronomy, chimiste INRAE dans lUMR SayFood (Campus Agro Paris Saclay), professeur consultant AgroParisTech, membre de l’Académie d’agriculture de France, de l’Académie royale des sciences, arts et lettres de Belgique, de l’Académie d’Alsace et de l’Académie de Stanislas.