Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
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samedi 20 janvier 2018
Une nouvelle question, pratique
Petite question pratique : j’épluche mes légumes et je les mets dans une marmite remplie d’eau bouillante. Après 20 mn, je mixe le tout : ma soupe est prête.
Quelle différence entre cette méthode et celle où je mixe en premier (eau+légumes), puis la cuisson ensuite ?
J'observe d'abord que mon interlocuteur confond soupe et potage. Une "soupe", c'est une tranche de pain, et le potage est le liquide avec lequel on peut tremper la soupe. Et c'est pour cette raison qu'il y a ce tableau célèbre intitulé "La trancheuse de soupe", ou encore le code des sauces et potages.
Mais la question est différente, et je me réjouis d'être capable, face à une alternative, de choisir toujours une autre solution que l'une des deux qui me sont proposées. Quand mes enfants me demandaient "pile ou face ?", je répondais "la tranche".
Car c'est bien cela qu'il faut faire ainsi. On trouvera, dans un compte rendu d'un ancien séminaire les résultats d'expérimentations à ce propos, avec des carottes, où nous avons bien montré qu'il était essentiel de commencer par "suer" les légumes, c'est-à-dire les faire revenir à feux doux dans un corps gras. Et nous avons même exploré la chose au laboratoire. Le résultat est bien supérieur, sans doute parce que les composés odorants sont dissous dans les graisses, lesquelles sont ensuite émulsionnées.
Mixer ? Disons simplement qu'il faut bien moins d'énergie quand on mixe des légumes cuits, pour lesquels le ciment intercellulaire est dégradé par la cuisson.
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
lundi 1 janvier 2018
Il faut toujours faire le gros avant le détail, à propos de soupe à l'oignon
Il vaut toujours mieux donner une description des recettes, au premier ordre, avant de se focaliser sur des détails.
Une description au premier ordre ? Rien ne vaut l'exemple. Prenons la soupe à l'oignon, que l'on devrait d'ailleurs souvent nommer potage à l'oignon... sauf quand ce dernier contient une soupe.
Là, mes amis sont perdus, parce qu'ils ignorent souvent que la soupe est une tranche de pain, que l'on trempe avec du potage ! Autrement dit, si l'on utilise des oignons avec un liquide pour faire... un potage, on obtient donc un potage.
En revanche, si, en fin de préparation, on ajoute une tranche de pain, c'est une soupe qui est trempée avec le potage.
Les oignons ? Des assemblages de cellules, petits sacs vivants, qui ont la particularité de renfermer de nombreux composés soufrés. Quand on coupe les oignons, les cellules libèrent ces composés, qui sont transformés par des enzymes, protéines également présentes dans les cellules, ce qui engendre des composés qui viennent piquer les yeux.
Dans un potage, ces composés sont transformés différemment, parce qu'une partie s'évapore, et qu'une partie réagit, donnant le goût particulier de l'oignon cuit.
Lentement, aussi, le ciment entre les cellules végétales s'effritte, se dégrade, ce qui libère des sucres variés dans le liquide, les principaux étant le glucose, le fructose, le saccharose et l'acide galacturonique. Les trois premiers sont les sucres de réserve du bulbe, et l'acide galacturonique est engendré par la dissociation des pectines, qui contribuent à former le ciment des parois végétales.
On récupère donc une solution qui, au premier ordre, contient des sucres, des acides aminés, et divers composés responsables du goût.
Le pain ? Lors de la cuisson, les grains d'amidon de la farine se sont empesés, on gonflé en absorbant de l'eau, se sont soudés. La cuisson du pain contribue à dissocier les composés (amyloses et amylopectines) dont l'amidon est constitué : du glucose supplémentaire est libéré, contribuant à donner ce goût doux des potages à l'oignon.
Enfin, il y a le fromage, qui gratinera. Pour le fromage, il y a de la matière grasse, des protéines... mais l'affinage engendre des acides aminés variés, par exemple.
Lors du gratinage, une odeur merveilleuse se forme... et j'ignore comment elle survient, surtout depuis que je doute de l'importance ubiquitaire des réactions de Maillard (voir mon article https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/n3af-2016-3-actes-de-colloques-maillard-products-and-maillard).
Une description au premier ordre ? Rien ne vaut l'exemple. Prenons la soupe à l'oignon, que l'on devrait d'ailleurs souvent nommer potage à l'oignon... sauf quand ce dernier contient une soupe.
Là, mes amis sont perdus, parce qu'ils ignorent souvent que la soupe est une tranche de pain, que l'on trempe avec du potage ! Autrement dit, si l'on utilise des oignons avec un liquide pour faire... un potage, on obtient donc un potage.
En revanche, si, en fin de préparation, on ajoute une tranche de pain, c'est une soupe qui est trempée avec le potage.
Les oignons ? Des assemblages de cellules, petits sacs vivants, qui ont la particularité de renfermer de nombreux composés soufrés. Quand on coupe les oignons, les cellules libèrent ces composés, qui sont transformés par des enzymes, protéines également présentes dans les cellules, ce qui engendre des composés qui viennent piquer les yeux.
Dans un potage, ces composés sont transformés différemment, parce qu'une partie s'évapore, et qu'une partie réagit, donnant le goût particulier de l'oignon cuit.
Lentement, aussi, le ciment entre les cellules végétales s'effritte, se dégrade, ce qui libère des sucres variés dans le liquide, les principaux étant le glucose, le fructose, le saccharose et l'acide galacturonique. Les trois premiers sont les sucres de réserve du bulbe, et l'acide galacturonique est engendré par la dissociation des pectines, qui contribuent à former le ciment des parois végétales.
On récupère donc une solution qui, au premier ordre, contient des sucres, des acides aminés, et divers composés responsables du goût.
Le pain ? Lors de la cuisson, les grains d'amidon de la farine se sont empesés, on gonflé en absorbant de l'eau, se sont soudés. La cuisson du pain contribue à dissocier les composés (amyloses et amylopectines) dont l'amidon est constitué : du glucose supplémentaire est libéré, contribuant à donner ce goût doux des potages à l'oignon.
Enfin, il y a le fromage, qui gratinera. Pour le fromage, il y a de la matière grasse, des protéines... mais l'affinage engendre des acides aminés variés, par exemple.
Lors du gratinage, une odeur merveilleuse se forme... et j'ignore comment elle survient, surtout depuis que je doute de l'importance ubiquitaire des réactions de Maillard (voir mon article https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/n3af-2016-3-actes-de-colloques-maillard-products-and-maillard).
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
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