Ce billet devrait s'intituler "Le chocolat n'est pas une émulsion",
mais on aurait eu un titre négatif, comme quand j'avais écrit que la
théorie du food pairing était non scientifique.
Dépuis que j'ai
rencontré des personnes qui fument des cigarettes bio (!), je sais qu'il
ne sert à rien de vouloir convaincre. Et donc que les réfutations sont
inutiles : occupons notre temps plus positivement.
Donc ce billet
ne se limite pas à dire que le chocolat n'est pas une émulsion : il
veut surtout aider à comprendre ce qu'est le chocolat.
Allons y doucement.
Le chocolat contient des matières grasses et du sucre, principalement, plus des matières végétales.
En gros, le sucre et les matières végétales solides sont dispersées dans la matière grasse.
Cette
matière étant une matière grasse impure, elle est composée de molécules
variées (des "triglycérides" : si vous n'êtes pas chimiste, pensez à
des peignes à trois dents", de sorte que, contrairement à l'eau, elle ne
se solidifie pas à une température précise (0°C pour l'eau), mais dans
une gamme de températures.
Le beurre, lui, est entièrement solide
à -10°C et entièrement fondu à 50°C ; entre les deux, il est fait de
gouttes de graisse liquide dispersées dans une matrice faite de graisse
solide. Pour le chocolat, les températures sont différentes, bien plus
resserrées autour de 34-37°C ("le chocolat fond dans la bouche, pas dans
la main"), mais il reste que, dans du chocolat à la température
ambiante (vers 20°C), il y a de la matière grasse liquide dispersée dans
la matière grasse solide.
Notons S1 la matière grasse
solide, O les gouttes de matière grasse liquide (O pour oil, huile en
anglais), S2 le sucre, S3 la matière végétale solide, et / la dispersion
aléatoire.
Avec ce formalisme, le chocolat aurait la formule (S2+S3+O)/S1.
C'est
bien différent de la formule des émulsions, O/W quand du gras liquide
est dispersé dans une solution aqueuse, ou W/O, quand une solution
aqueuse est dispersée dans de la matière grasse liquide.
Ce n'est pas non plus une suspension liquide, S/W, ni une suspension solide S1/S2.
Donc,
non, le chocolat n'est pas une émulsion ; ce n'est pas une suspension.
C'est un système plus intéressant, parce qu'un peu plus complexe.
Et puis c'est bon (quand on aime)...
Vive la gourmandise éclairée
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