samedi 16 décembre 2017

Les macarons, au premier ordre

La confection des macarons n'est pas quelque chose de difficile... mais
évidemment la production de macarons parfaits est réservée à ceux... qui auront appris à bien faire les macarons.
A cette fin, il y a l'intelligence
personnelle, l'attention que l'on porte aux détails, et l'intuition qui conduit
à des gestes efficaces, ou bien la compréhension des phénomènes, qui identifie
les facteurs de réussite ; dans ce dernier cas, on ne maîtrise pas les gestes,
mais on sait guider son travail.


Pour commencer, reconnaissons que les macarons sont faits à partir de blanc
d'oeuf, que l'on bat en neige, que l'on sucre, auquel on ajoute de la poudre
d'amandes, et que l'on cuit comme pour une meringue.
Comprendre la confection des macarons, c'est d'abord comprendre qu'il s'agit de battre en neige du blanc d'oeuf. Dans la mousse obtenue, puisqu'il s'agit bien d'une mousse, on ajoute du sucre et l'on continue de battre afin que ce sucre se dissolve dans les "parois de bulles", lesquelles sont liquides : après tout, ce blanc d'oeuf, où l'on met de l'air, c'est 90 pour cent d'eau et 10 pour cent de protéines.

Il se trouve que, quand on bat les blancs en neige avec du sucre, on obtient des
bulles bien plus petites que sans sucre, de sorte que l'on change à la fois l'aspect et la stabilité de la mousse. L'aspect devient plus brillant, tout d'abord. Et la stabilité augmente considérablement, ce qui facilite les manipulations ultérieures.
Puis, pour des macarons, on ajoute de la poudre d'amandes, assez  délicatement, et l'on dépose de petits tas de cette préparation sur une plaque métallique de four.
Quand on cuit, de l'eau de la périphérie de ces petits tas s'évapore, ce qui conduit d'abord à une rigidification de la partie périphérique, à la formation d'une croûte, nommée la coque. A ce stade, selon que l'on cuit plus ou moins lentement, on obtient un intérieur qui contient plus ou moins d'eau, de sorte qu'il est plus ou moins dur. Il ne restera, pour certains macarons, qu'à préparer une crème que l'on placera entre deux coques.


Pour l'instant, restons à cette description simple, sans entrer dans les milles détails qui permettent à certains professionnels de faire mieux que les autres.
Enumérons seulement certains de ces détails : l'âge des blancs d'oeufs, le moment à partir duquel on introduit le sucre quand on bat les blancs, la durée
de séchage avant la cuisson...
Pourquoi n'entrons-nous pas tout de suite dans les détails ? Parce que, je tiens à le répéter, l'essentiel est ... essentiel, et le détail est... du détail.

Examinons donc les principaux mécanismes mis en oeuvre lors des opérations
décrites précédemment. Le premier est le battage des blancs en neige, avec la
production d'une mousse. On part donc d'une solution composée de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines. C'est la présence des protéines qui
permet que, quand on introduit de l'air dans ce liquide, il reste sous la forme
de bulles un peu stables (on dit "métastables") au lieu de disparaître quasi
immédiatement, comme quand on fouette de l'eau dans un verre propre.
Avec le blanc d'oeuf, on obtient une mousse, puisque l'on pousse des bulles
d'air dans le liquide et que ces bulles d'air sont de plus en plus nombreuses.
Evidemment, l'épaisseur de la couche de liquide entre les bulles adjacentes
diminue progressivement. Et ce liquide est toujours le liquide initial, fait de
90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines. Il constitue ce que l'on
nomme des "parois de bulles".

Puis vient le moment où la mousse ne gonfle plus, quand on a atteint environ 95 pour cent d'air : à ce stade, il n'y a plus de place dans l'eau pour y mettre de
nouvelles bulles. C'est le moment où le blanc en neige est ferme.
Si maintenant on ajoute du sucre, par exemple en poudre, le saccharose, qui est le composé quasi exclusif du sucre en poudre, vient se dissoudre dans le
liquide. Pas immédiatement, pas spontanément, de sorte que l'on doit battre un
peu. Mais il se trouve que ce nouveau battage est très utile : il conduit à plusieurs effets favorables. Le premier est l'augmentation de viscosité du liquide entre les bulles. En quelque sorte, en dissolvant du sucre dans un
liquide, on obtient un sirop, lequel est plus visqueux que le liquide initial.
Or si le sirop est plus visqueux, il s'écoule moins facilement, de sorte que la
mousse se déstabilise moins, qu'elle est plus stable.

D'autre part, il y a un autre effet, que l'on observe facilement au microscope
quand on compare deux blancs d'oeufs battus en neige, l'un avec du sucre et
l'autre non : on voit que le blanc battu avec du sucre a des bulles beaucoup
plus petites et plus serrées que le blanc battu de la même manière, mais sans
sucre. Or il se trouve que les mousses à petites bulles sont plus stables que
les bulles à grosses bulles. Je n'entre pas dans les détails, et je renvoie ceux
qui sont intéressés à la consultation d'articles ou de traité scientifiques.
La mousse étant formée, l'ajout des particules solides que sont les grains de la poudre d'amandes conduit à leur simple dispersion dans la mousse. Le  système n'est pas considérablement changé, mais le goût l'est, lui, surtout à  la cuisson.
Examinons cette dernière : quand les petits tas de mousses sont chauffés, le
métal de la plaque ou l'air chaud transmettent leur énergie (leur "chaleur") à
la périphérie des macarons, ce qui évapore l'eau de l'appareil (je rappelle que
l'on nomme "appareil" une "préparation"). Une partie de la vapeur formée
s'échappe dans le four, mais, au contact de la plaque métallique sur laquelle
les macarons sont posés, la vapeur reste dans les macarons... et risque de les
faire gonfler et donc fissurer. D'où l'intérêt d'avoir fait sécher les petits
tas assez longtemps : sans ce séchage, la coque fissurerait à la cuisson.
Le séchage ? Comme la cuisson, il évapore l'eau de la préparation, de sorte que
se forme une couche dure formée de sucre, de poudre d'amandes et des protéines qui auront d'abord coagulé. A l'intérieur des macarons, la chaleur entrera progressivement, de sorte que viendra la température où les protéines coagulent, figeant la structure de la mousse interne. Avec un temps de cuisson encore supérieur, l'eau de l'intérieur s'évapore et c'est ainsi que l'on commandera la consistance exacte des macarons. Il reste maintenant à décrire tout le reste, le détail, mais ce serait trop long pour un seul billet.



Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

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