samedi 10 janvier 2015

Honorons la mémoire de Guy Ourisson

Guy Ourisson ? Il avait dit du chimiste Pierre Potier, le jour de son enterrement "Il nous a laissé le privilège de l'avoir connu"... C'est exact, mais cela est également exact de Guy Ourisson !

Guy Henry Ourisson était un chimiste français, né le 26 mars 1926 à Boulogne-Billancourt.

Sa mère, de petite noblesse périgourdine et d’ascendance de grande noblesse
russe, était pianiste. Son père, juif de Lodz ayant émigré en France, mathématicien de formation, était devenu chimiste pendant la première guerre mondiale. Il a fait toute sa carrière aux Usines Chimiques de Thann et en a été promu directeur vers 1930. C’est donc là que Guy Ourisson a eu ses premiers contacts avec la chimie.

Après des études secondaires à Thann, puis à Sarlat, pendant la deuxième
guerre mondiale, et ensuite en classe préparatoire au Lycée Saint-Louis, il intègre l’École Normale Supérieure en 1946 et est reçu à l’Agrégation de Physique en 1950.

Un stage de deux ans dans le laboratoire de Louis Fieser à l’Université Harvard lui permet d’obtenir un Ph.D. en 1952. Sa thèse porte sur les terpènes.

À son retour en France, il prépare une deuxième thèse sur la structure d’un
sesquiterpène, le longifolène, dans le laboratoire de Georges Dupont à l’ENS, et obtient le Doctorat ès Sciences en 1954.

Il rejoint ensuite l’Université de Strasbourg en 1954 comme Maître de Conférences.

Il est nommé professeur dans cette même université en 1958.

Il est lauréat du Prix Humboldt en 1987. 

De  1995 à sa mort, il est professeur émérite



Il fut membre de l'Académie des sciences dont il a été vice-président, puis président.


Il est l'auteur, en 2002, d'un rapport sur la désaffection des étudiants pour les études scientifiques.

Il était membre actif du comité de patronage du think tank strasbourgeois le Forum Carolus.

À Strasbourg, il avait aussi créé le Cercle Gutenberg pour stimuler la recherche scientifique en Alsace.

Docteur honoris causa de l'École polytechnique fédérale de Zurich, commandeur de l'Ordre de la Légion d'honneur, commandeur de l'Ordre national du Mérite, commandeur de l'Ordre des Palmes académiques, titulaire de l'Ordre du Trésor sacré japonais (or et argent)

Il est mort le 4 novembre 2006 à Strasbourg.

Le « Prix Guy Ourisson » a été créé en son honneur par le Cercle Gutenberg. Il est attribué chaque année à un scientifique de moins de quarante ans cherchant en Alsace.



Référence : 
http://www.academie-sciences.fr/activite/conf/seance_270508_Lehn.pdf 



Extrait d'un entretien avec Guy Ourisson : 
Pride can lead a scientist to try to hide his mistakes, but this seldom occurs because discovery is all too certain. More important, I think, is the tendency towards gluttony that the need for publication creates for many of us working in the laboratory. The problem is the demand for large numbers of publications attached to one’s name. This raises the whole spectre of authorship and, when there are many researchers involved, whose name comes first. Some maintain that the man who has done the most important part of the work should have his name first; others say that the name of the head of the laboratory should precede the rest. British chemists use the alphabetical order — a clever way to avoid trouble. However, the point I want to stress here is that every act in the laboratory, even the simplest, has its moral side.

jeudi 8 janvier 2015

Soutenons le Cercle Gutenberg


Le Cercle Gutenberg a été créé en 2004 par le Professeur Guy OURISSON (1926–2006), éminent chimiste alsacien, président fondateur de l’Université Louis Pasteur de Strasbourg qui fut, en 2000, le premier non parisien élu président de l’Académie des Sciences depuis sa création en 1666 par Colbert.

L’objectif du Cercle Gutenberg est de renforcer les liens entre les membres alsaciens de l’Institut de France, du Collège de France, de l’Institut Universitaire de France (membres senior) et des grandes académies étrangères et de stimuler la recherche scientifique en Alsace.
Le Cercle Gutenberg regroupe actuellement cinquante spécialistes de toutes disciplines membres des académies et institutions suivantes: Académie Française,
Académie des Sciences, Académie des Sciences Morales et Politiques, Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Académie de Médecine, Académie de Pharmacie, Académie des Technologies, Académie d’Agriculture, Collège de France, Institut Universitaire de France et académies étrangères, Académie nationale des sciences allemande Leopoldina et Académie Norvégienne des Sciences et Lettres, Académie de Finlande.
Le Cercle Gutenberg est présidé par Pierre BRAUNSTEIN, Directeur de recherches au CNRS et membre de l’Académie des Sciences. Messieurs Jean-Marie LEHN, prix Nobel de Chimie 1987 et Jules HOFFMANN, prix Nobel de Médecine 2011, qui fut président de l’Académie des Sciences de 2006 à 2008 en sont vice-présidents.
L’Alsace se révèle être la région française, hors Ile de France, où oeuvrent le plus grand nombre d’académiciens, ce qui est un premier témoignage de la place occupée par la recherche alsacienne.

Pour développer cette recherche et son excellence, le Cercle Gutenberg a pris différentes initiatives et notamment :
- lancement en 2007 des Chaires Gutenberg pour faciliter l’accueil, pendant environ un an, de scientifiques de très haut niveau au sein d’établissements alsaciens d’enseignement supérieur et de recherche;
- lancement en 2008, du prix Guy OURISSON attribué chaque année à un jeune chercheur menant en Alsace des recherches prometteuses. Toutes les disciplines sont concernées;
- organisation de rencontres et de groupes de réflexions entre décideurs des
institutions politiques et scientifiques locales, régionales, nationales et internationales présentes en Alsace.
Ces actions sont possibles grâce au soutien financier des Collectivités alsaciennes et de mécènes industriels ou individuels.

Tout concours supplémentaire pour pérenniser et amplifier ces actions sera bienvenu et pourra donner lieu à des déductions fiscales.
Pour tout renseignement, merci de bien vouloir vous adresser à
cercle.gutenberg@free.fr

vendredi 2 janvier 2015

Mensonge !

Dans un  journal populaire, un article populiste qui dit :

''A partir de 2000 triomphait, sur fond de french bashing, la cuisine moléculaire et son cortège de gélifiants, arômes chimiques, colorants et techniques issues de l’industrie lourde. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? A peu près rien "

Mensonge ! Nos chefs qui cuisinent du "naturel" utilisent aujourd'hui des siphons, des gélifiants naguère  récusés, et que, par un tour de mauvaise foi merveilleux, on considère aujourd'hui comme naturels. L'induction, les micro-ondes, les capteurs  électroniques dans les fours, les robots culinaires, la basse température sont partout !

Plus  en détail : la cuisine moléculaire n'est  pas un produit du French Bashing, mais une rénovation des techniques. Et les cuisiniers français auraient été  bêtes de ne pas les utiliser.
Les gélifiants ? Quand il  y eut  la crise de la vache folle, les cuisiniers français passèrent à l'agar-agar, aux alginates, etc. sans moufter, et ils auraient été idiots de ne pas le faire, non pas que la gélatine ait été  dangereuse, mais plutôt parce qu'il n'y a aucune raison de se priver de produits "naturels", merveilleux, qui font des consistances différentes de celle du pied de veau. En musique, pour prendre une comparaison, il est dommage de jouer du triangle quand on peut jouer du  piano...
Les arômes chimiques ? L'expression ne signifie rien, stricto sensu. Notre homme veut-il parler de préparations odorantes de  synthèse  ?  Et pourquoi n'en  utiliserait-on pas ?
Des colorants ? Le monde de la cuisine ne cesse d'extraire du vert d'épinard, de colorer avec du safran, du curcuma...
Les techniques issues  de l'industrie  lourde ? Je rigole : tout, dans cette écriture, relève de la rhétorique médiocre du dragon chinois.

Mon pauvre ami... Je sais bien que vous êtes condamné à vendre du papier, mais quand même : ne vaut-il pas mieux avoir l'honnêteté de faire marcher ce qu'il y a entre les oreilles ?

Et puis, la cuisine moléculaire est partout, dans tous les restaurants. Et c'est pour cela qu'il en reste quelque chose : elle est partout, et il faut être aveugle ou malhonnête pour ne pas le voir !

Science pure/applications de la science

Un extrait de Dialogues avec moi-même, du physicien Pierre Auger (Albin Michel, p. 108) :

"Ayant vécu un demi siècle - et quel demi siècle ! - dans les laboratoires, [Jean Perrin] voulait faire connaître aux jeunes la ferveur et l'enthousiasme qui accompagnent l'effort des hommes de  sciences, de science pure, pour utiliser la terminologie courante, mais erronée, séparant  la science pure de la science appliquée.
S : Il n'y a  pas de science appliquée, disait Pasteur, il y a la science et les applications de la science. Autrement dit, il y a la recherche scientifique et les technologies qui découlent des découvertes que la recherche effectue. Cela ne veut pas dire que ceux qui appliquent la science, les ingénieurs principalement, ne sont pas des chercheurs et même ne réalisent pas des découvertes dans certaines circonstances, mais dans l'ensemble ils cherchent non pas à "comprendre" mais à "utiliser" les phénomènes de la nature mis à jour par les hommes de sciences. 
C : C'est pour cela que l'on parle parfois de recherche "désintéressée", en voulant exprimer par là que certains travaux sont orientés vers un but purement intellectuel -comprendre- alors que les chercheurs des sciences appliquées visent  un résultat "intéressé", c'est-à-dire à signification économique."

Pierre Auger était un des artisans du CERN, et je m'aperçois que son écriture révèle un baroquisme intéressant. Toutefois, je vois des tas de commentaires à faire :
1. je suis content qu'il cite Pasteur, à propos de la faute de la "science appliquée" : c'est une faute à combattre sans cesse.
2. mettre les technologies comme découlant de la science, c'est une erreur que j'ai faite, et que je propose d'éviter : il y a des technologies qui ne sont pas subordonnées à la science, et que j'ai nommées "technologie locale" (Science, technologie, technique : quelles relations ?, Editions Quae/Belin, Paris, 2010)
3. Le mot "chercheur" est flou, dans cet extrait : je propose que l'on nomme chercheur toute personne qui fait une recherche, historique, artistique, scientifique, technologique...
4. certains proposent le mot "ingénierie", à côté de technologie, et c'est à considérer attentivement, mais ma religion n'est pas faite, ici
5. Auger utilise très mal la ponctuation, et fait des fautes de français ("dans un but", etc.), de sorte qu'il faut reprendre la question du langage selon Condillac : les mots et la pensée vont-ils entièrement de pair ?
6. La question de la science pure/les applications  de la science ne règle pas tout : on peut faire de la science de surface, qui sera de la science de détail, à l'opposé d'une science de rupture, et l'analyse de cela doit guider la stratégie scientifique.
J'appelle de mes.... voeux (nous sommes le 1er janvier) une bonne analyse, collective, de cette question, afin d'aider les scientifiques dans leur  travail quotidien.

Une réponse à mes voeux

J'avais titré "évidence" des voeux que j'émettais, et un ami me répond :
"Evidence, évidence... ce n'est pas le scientifique qui parle...mais l'être humain qui nous souhaite et incite à nous souhaiter à tous... UNE EXCELLENTE ET BELLE ANNEE !"

Je répond que les Jésuites disaient : il ne faut pas se comporter en tant que Chrétien, mais en chrétien. 
Pour les scientifiques, c'est la même chose ! 
Donc, si, c'est le scientifique qui  parle... et la science ne vaut qu'avec conscience, et "socialité". 
D'autre part, j'ai foi (;-)) que nous construisons notre bonheur, Mer isch wàs mer màcht, dit-on en alsacien, ce qui signifie "Ce que tu fais te fait" !
Donc notre bonheur !

Très bonne  année à chacun

mercredi 31 décembre 2014

Comment enseigner bien ?



Je ne vais certainement pas répondre à une question si difficile, car ce serait d'une prétention inouie. En revanche, je continue mes soliloques  et je m'interroge afin de partager mes interrogations avec des collègues qui, certainement plus intelligents que moi, sauront me remettre sur le bon chemin si je divague.  
Dans un billet précédent je suis arrivé à la conclusion que, au moins au niveau de la fin de mastère, en fin d'université donc,   les étudiants devaient être capables de lire les articles de recherche récents. Dans cette hypothèse essayons d'affiner un peu.  
La première question est la suivante :  des articles de recherche récents, mais lesquels ? Dans la masse des publications il y en a de bonnes et il y en a de mauvaises. Malgré tous les dispositifs d'évaluation avant publication, il y a tant de revue que  les articles, même mauvais, finissent par être publiés.  On n'y peut rien, et ce serait une naïveté de croire qu'on arrivera à résoudre ce problème.  
L'enseignant aurait-il alors pour mission de proposer aux étudiants  de se consacrer aux bons  articles? Pourquoi pas, aussi, de devenir capables de dépister les mauvais, puisque de toute façon,  ils seront un jour en position de devoir sélectionner eux-mêmes les bonnes publications ? Des articles -bon ou mauvais, donc- étant sélectionnés,  il faudra ensuite que les étudiants les lisent, mais évidemment l'enseignant a pour mission de les aider dans cette tâche qu'ils doivent apprendre. Il y a donc la première question qui est de sélectionner des articles, selon des critères qui doivent être explicites, puis il faudra guider les étudiants pour lire. Lire un article scientifique est une tache qui s'apprend. Il ne s'agit pas seulement de lire, au sens de parcourir nonchalamment les mots du regard. Il faut certainement comprendre  ce qui est écrit, et il faut aussi savoir mettre en perspective, savoir retenir ce  qui est important, par exemple... Il y a donc là une  procédure qui s'apprend et, donc,  qui  s'enseigne. Une fois cette tâche effectuée, que fera-t-on de cette information ?  Il faut sans doute la structurer  parce qu'une information non structurée ne se retient pas, et que, à la limite l'information est dans l'article. Mais une idée dans un tiroir n'est pas une idée, et nous avons la nécessité de sortir les idées du tiroir pour les mettre en oeuvre. Là encore, cette tâche particulière qui s'apprend et, donc,  s'enseigne.  
Je m'arrête là en concluant que le bon enseignant a beaucoup de travail même s'il se limite à vouloir que les étudiants deviennent capables de lire des articles scientifiques.  

lundi 29 décembre 2014

Que faire dans une école d'ingénieur ou dans une université ?

Beaucoup de mes jeunes amis qui sont admis dans des écoles d'ingénieurs en suivent les cours. Disons plus exactement : "se contentent d'en suivre les cours". Est-ce une bonne chose ?

Bien sûr, les équipes pédagogiques sont composées d'enseignants-chercheurs, personnes remarquables puisqu'elles ont été choisies pour occuper ces fonctions. Comme on dit depuis le XII e siècle, Dieu a couronné le monde en créant le professeur d'université...
Toutefois mon expérience d'étudiant m'a montré que certains de nos enseignants ne méritaient pas toute l'immense considération que nous  avions pour  eux a priori. La Loi du Petit Wolfgang stipule que, parmi un groupe humain, il y a une proportion que l'on voudrait... mieux qu'elle n'est. Dans les professeurs que nous avons, il y en a effectivement de merveilleux, intelligents, bienveillants... et d'autres qui pourraient faire plus d'efforts (je reste poli).

De surcroît, les "négociations" qui ont toujours lieu, entre les divers champs disciplinaires, pour la constitution d'un cursus pédagogique, conduisent parfois à des propositions pédagogiques qui  s'éloignent de ce que l'on voudrait idéalement, pour les étudiants. Par exemple, je vois nombre d'étudiants en école de chimie qui ne font presque plus de mathématiques, alors que les méthodes de calcul s'imposent pour traiter les systèmes complexes tels que les objets technologiques actuels. Est-ce bien raisonnable de cesser cet enseignement dès  les concours passés ? Peut-on raisonnablement admettre que les mathématiques  qui sont apprises en Classes préparatoires suffisent pour la suite de la carrière professionnelle ?
Pour l'université, d'ailleurs, la question est la même... à cela près que la dose de mathématiques est généralement encore plus réduite.
 Et des ingénieurs, dans des écoles de "physique", de mécanique, d'optique, etc. peuvent-ils ignorer la chimie, ou, du  moins, n'en savoir que le peu  qu'ils ont appris lors de leurs études ? Plus généralement, quelles compétences doivent être celle d'un jeune ingénieur, fraîchement diplômé, qui cherche à proposer ses talents, ses forces, son intelligence ?


 La question est rude, et l'expérience prouve que nos jeunes amis se reposent très  souvent sur le cursus qui leur est proposé. Ils se contentent de suivre les cours.
Mais faut-il que de futurs cadres laissent ainsi passer une occasion de décider de leurs connaissances et compétences ? Doivent-ils accepter de se laisser "ballotter" par leur école  ? En entrant dans cette dernière (idem pour l'université, entre le L2 et la fin du mastère), ne peuvent-ils se choisir un chemin, ou, du moins, s'assurer que celui qu'on leur propose est convenable, pour le projet professionnel qu'ils ont ? Faut-il être une oie que l'on gave ?

Je propose de penser qu'un cadre, c'est quelqu'un qui sait donner du travail à lui-même  et aux  autres. Sinon, il n'est pas un cadre, mais un exécutant. Or dans une école d'ingénieur, on doit apprendre... à être un ingénieur, donc un cadre !
Il n'y a que trois ans pour apprendre cela : pas de temps à perdre !