Un extrait de Dialogues avec moi-même, du physicien Pierre Auger (Albin Michel, p. 108) :
"Ayant vécu un demi siècle - et quel demi siècle ! - dans les laboratoires, [Jean Perrin] voulait faire connaître aux jeunes la ferveur et l'enthousiasme qui accompagnent l'effort des hommes de sciences, de science pure, pour utiliser la terminologie courante, mais erronée, séparant la science pure de la science appliquée.
S : Il n'y a pas de science appliquée, disait Pasteur, il y a la science et les applications de la science. Autrement dit, il y a la recherche scientifique et les technologies qui découlent des découvertes que la recherche effectue. Cela ne veut pas dire que ceux qui appliquent la science, les ingénieurs principalement, ne sont pas des chercheurs et même ne réalisent pas des découvertes dans certaines circonstances, mais dans l'ensemble ils cherchent non pas à "comprendre" mais à "utiliser" les phénomènes de la nature mis à jour par les hommes de sciences.
C : C'est pour cela que l'on parle parfois de recherche "désintéressée", en voulant exprimer par là que certains travaux sont orientés vers un but purement intellectuel -comprendre- alors que les chercheurs des sciences appliquées visent un résultat "intéressé", c'est-à-dire à signification économique."
Pierre Auger était un des artisans du CERN, et je m'aperçois que son écriture révèle un baroquisme intéressant. Toutefois, je vois des tas de commentaires à faire :
1. je suis content qu'il cite Pasteur, à propos de la faute de la "science appliquée" : c'est une faute à combattre sans cesse.
2. mettre les technologies comme découlant de la science, c'est une erreur que j'ai faite, et que je propose d'éviter : il y a des technologies qui ne sont pas subordonnées à la science, et que j'ai nommées "technologie locale" (Science, technologie, technique : quelles relations ?, Editions Quae/Belin, Paris, 2010)
3. Le mot "chercheur" est flou, dans cet extrait : je propose que l'on nomme chercheur toute personne qui fait une recherche, historique, artistique, scientifique, technologique...
4. certains proposent le mot "ingénierie", à côté de technologie, et c'est à considérer attentivement, mais ma religion n'est pas faite, ici
5. Auger utilise très mal la ponctuation, et fait des fautes de français ("dans un but", etc.), de sorte qu'il faut reprendre la question du langage selon Condillac : les mots et la pensée vont-ils entièrement de pair ?
6. La question de la science pure/les applications de la science ne règle pas tout : on peut faire de la science de surface, qui sera de la science de détail, à l'opposé d'une science de rupture, et l'analyse de cela doit guider la stratégie scientifique.
J'appelle de mes.... voeux (nous sommes le 1er janvier) une bonne analyse, collective, de cette question, afin d'aider les scientifiques dans leur travail quotidien.
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