dimanche 31 août 2025

Comment utiliser le poivre

 On croit souvent, quand on n'est pas au fait de la chose, que le poivre est... le poivre : des grains que l'on met dans des liquides ou que l'on moud pour placer la poudre obtenue par-dessus des aliments. C'est à la fois vrai et insuffisant. 

C'est vrai, parce que l'on peut effectivement mettre du poivre moulu, sur la surface d'une viande, ou des grains de poivre dans un bouillon. 

Mais c'est oublier que l'on peut faire mieux. Notamment en sachant que le poivre et une matière végétale qui est donc composée essentiellement de celluloses, de pectines, et cetera... mais qui a la particularité de contenir des composés odorants, sapides, piquants, astringents... 

Certains sont odorants seulement, donc évaporables, et on les perd si l'on cuit le poivre longuement. A noter que les couvercles préviennent bien les évaporations, si la cuisson n'est pas tumultueuse. 

D'autres sont sapides, et on les extrait en phase aqueuse, en mettant du poivre dans un liquide, tel un bouillon. 

Pour les composés piquants, ils peuvent également se dissoudre et s'évaporer : ménageons-les. Et les composés astringents sont comme ceux du thé, solubles dans un liquide... mais astringents, donc extractibles quand on prolonge l'extraction, avec une sensation qui est souvent jugée déplaisante. 

C'est ainsi que des grains de poivre placés dans un bouillon que l'on fait bouillir communiquent d'abord une fraîcheur un peu mentholée et piquante, quand on cuit moins de dix minutes environ, puis font un goût plus "lourd", astringent, quand la cuisson est prolongée. A chacun de choisir !

samedi 30 août 2025

A propos de biscuit Joconde, et de foisonnement de liquide avec des protéines

 Je reçois ce message, auquel je m'empresse de répondre :

Bonjour je suis professeur de pâtisserie, et je cherche à expliquer le foisonnement des jaunes ou des œufs dans les pâtes battue. Et notamment pourquoi dans mon biscuit joconde, quand je met mes œufs en 2 fois (2 phases de foisonnement : 5 minutes avec la moitié des œufs, 5 min avec la totalité des œufs) dans mon mélange poudre d'amande et sucre, j’obtiens un meilleur foisonnement que lorsque je la quantité d’œufs en 1 seul fois.
J'ai beaucoup d'information sur les blancs, je n'arrive pas expliquer l'obtention de volume lors du blanchiment des œufs ou des jaunes.
Si vous pouviez m'aider dans mes recherche.
Merci


1. Le foisonnement des jaunes ou des oeufs, dans les pâtes que l'on bat ?

Pour expliquer, partons du blanc d'oeuf, qui est plus simple que le jaune.
Le blanc d'oeuf, c'est environ 40 grammes, dont 36 grammes d'eau et 4 grammes de protéines.
Pour s'en apercevoir, clarifions un oeuf, pesons le blanc, puis laissons-le sécher dans un bol à l'air libre. On observe d'une part qu'il ne pourrit pas, et, d'autre part, après une dizaine de jours, on récupère une feuille craquante jaune. Cette feuille est faite de molécules de protéines, et ce qui est parti, perdu, c'est de l'eau. Comment savoir que c'est de l'eau ? Il suffit de repartir d'un blanc, et de le chauffer à sec : une fumée s'élève au-dessus de la matière que l'on chauffe, et si l'on met un verre froid dans la fumée, on voit de la buée se déposer sur la paroi. Si l'on goutte cette buée, on la trouve sans goût... parce que c'est de l'eau.

Une précision, maintenant, à partir des protéines : on en connaît aujourd'hui plus de 300 sortes différentes dans le blanc d'oeuf. La plus abondante est l'ovalbumine (environ 45  pour cent du total), mais il y en a bien d'autres : ovotransferrine, ovomucoïde, lysozyme (qui est anti-bactérien, et protège centre les pourritures), etc.

Cette composition donnée, examinons maintenant la question du foisonnement (le fait que cela mousse, à ne pas confondre avec l'émulsification, qui n'a rien à faire ici, parce que l'on ne fait pas de mayonnaise par ajout d'huile).
Le foisonnement, c'est le fait d'ajouter des bulles dans un liquide. Et cela peut se faire avec de l'eau pure : si l'on fouette de l'eau dans un cul de poule, on voit des bulles introduites par le fouet dans l'eau... mais ces bulles remontent en surface rapidement, et viennent y éclater. D'ailleurs, si l'on regarde bien pendant que l'on fouette l'eau, on voit du blanc... parce que la lumière blanche, au lieu de traverser l'eau, vient se réfléchir sur les parois des bulles, et l'on voit donc des reflets blancs ; plus il y a de bulles, plus cela blanchit

Mais, comme dit, la "mousse" formée ne tient pas.
Au contraire, avec du blanc d'oeuf, les bulles subsistent assez longtemps... et le blanc d'oeuf fouetté blanchit. Mais nous savons pourquoi : il y a des reflets blancs (si la lumière est blanche) sur chaque bulle.
Et plus l'on bat, plus il y a de bulles, et plus c'est blanc.

Pourquoi les bulles tiennent-elles assez longtemps dans les blancs battus en neige ? Parce que les molécules des protéines, qui sont comme des pelotes dispersées au milieu des molécules d'eau, sont déroulées par le cisaillement du fouet, et viennent se placer à la surface des bulles, empêchant ces dernières de fusionner (on dit "coalescer").

Pour du jaune d'oeuf, maintenant, c'est la même chose. Certes, la composition du jaune d'oeuf est plus compliquée, avec notamment des lipides, mais le foisonnement se produit de la même manière. Et quand on fait "le ruban", c'est comme un blanc battu en neige, sauf que c'est en réalité un "jaune en neige" : il y a des bulles, donc des reflets de lumière blanche, et ce blanc qui s'ajoute au jaune fait une couleur qui blanchit.

D'ailleurs, quand on bat de l'oeuf entier, par exemple pour faire une omelette soufflée, on a le même phénomène, de foisonnement, et d'éclaircissement de la couleur.


2. Pourquoi le biscuit Joconde, avec les oeufs en deux fois foisonne mieux que si l'on met l'oeuf d'un coup ?
 

Là, il me manque la recette exacte de mon correspondant, car je trouve une foule de recettes différentes pour ce biscuit.

Par exemple, avec :
Monter les œufs entiers avec la poudre d'amande et le sucre glace pour obtenir une pâte mousseuse.
Faire fondre le beurre et le refroidir, puis l'ajouter à la pâte.
Dans un autre bol, monter les 3 blancs d’œufs en neige avec le sucre semoule, puis incorporer la meringue à la pâte et ajouter la farine délicatement.
Dans un tel cas, il faut se souvenir que la matière grasse  dans un liquide que l'on foisonne rend le foisonnement bien plus difficile, parce que les protéines déroulées risquent de stabiliser la matière grasse présente sous la forme de gouttelettes (émulsion) au lieu de stabiliser les bulles (foisonnement).
Donc, dans la première opération, le foisonnement est difficile, et l'ajout des blancs en neige, ensuite, apporte une mousse abondante.

Mais est-ce la recette de mon correspondant ?


Cuire un steak quand on ne sait rien de la cuisine

Parlons sans prétention à nos amis qui ne savent pas la cuisine : la cuisson d'un steak. 

Au fond, il n'y a pas de raison de savoir la cuisine et il y a toutes les bonnes raisons de vouloir l'apprendre, de sorte que, de l'autre côté, il y a lieu de bien expliquer les choses, avec le moins de présupposés possibles.
Là, je fais un essai avec la cuisson d'un steak : comment le cuire ?

 

Partons du début, à savoir l'achat de la viande. 

On se rend dans un commerce qui vend de la viande et il faut choisir. Là, il faut savoir qu'il existe des viandes de différentes sortes, avec deux catégories essentielles : les "viandes à griller" et les "viandes à braiser". 

On aurait un résultat catastrophique l'on faisait griller une viande à braiser, car les viandes de ce type sont naturellement dures : la cuisson, qui durcit les viandes, aggraverait les choses. Évidemment, on verra des différences de prix : les viandes à griller sont beaucoup plus chères que les viandes à braiser. 

Donc si l'on veut griller une viande, il faut une viande à griller. Cela se reconnaît par exemple au type de morceaux, et un boucher normalement constitué doit vendre effectivement des viandes à griller à des clients qui leur demandent. 

Mais il est bon de savoir qu'il y a des différences de tendreté considérables selon l'âge des animaux, l'exercice qu'ils ont fait, et cetera. Un moyen infaillible de s'y retrouver consiste à pincer la viande entre les doigts : si les doigts s'enfoncent comme dans du beurre, on est sûr que la viande est tendre. 

J'ajoute maintenant une précision ici à propos du mot "griller" : normalement on grille sur un grill... mais ce que l'on fait le plus souvent, c'est de mettre la viande dans une poêle, et cela s'appelle alors "sauter" et non pas "griller"... ni même "poêler"... car le poêlage est l'opération qui consiste à cuire dans un poêlon. Alors que l'on saute dans une poêle, mieux nommée sautoir ou sauteuse. 

 

Ayant maintenant la viande devant nous et mettons-nous à la faire sauter.

Pour cela, nous posons une poêle (ou une casserole) sur un feu assez vif, et nous mettons dans la poêle soit une goutte d'huile, soit du beurre clarifié (je n'explique pas ici ce dont il s'agit car cela fera l'objet d'un autre billet). 

Quand le corps gras est bien chaud (mais il ne faut pas qu'il fume sans quoi la graisse se décompose chimiquement et produit des composé toxiques), alors on pose la viande dans la poêle sur la graisse, et l'on doit entendre un vif crépitement avec une fumée. Pas une fumée excessive, qui serait le signe de la décomposition des matières grasses et de la formation de composés âcres. 

Après quelques minutes, que l'on détermine en retournant en soulevant légèrement la viande pour voir que la surface à coloré en un brun léger, on peut retourner la viande et faire colorer l'autre face. L'opération doit se faire sur feu vif sans quoi on évaporerait l'eau de la viande et l'on perdrait en jutosité et en tendreté. 

Puis, quand les deux faces sont colorées, brunies, avec la formation d'une surface un peu croûtée qui enveloppe l'intérieur parfaitement tendre, on sert. 

A noter que les convives peuvent vouloir des viandes "bleues", "saignantes", "à point" ou "bien cuites". C'est là une simple question de durée de cuisson. Un jeu d'enfant, non ? D'ailleurs, invitons nos enfants à y jouer.

vendredi 29 août 2025

Ne craignons pas l' "évaluation par les pairs". Au contraire !

 Oui, ne craignons pas l' "évaluation par les pairs". 

Il y a des auteurs qui pensent leur production écrite si parfaite qu'ils n'envisagent pas que quiconque puisse donner son sentiment à propos de leurs textes.
D'autres confondent une évaluation par les pairs avec une censure, et ils manquent ainsi une occasion d'aider les jeunes à bien comprendre ce dont il s'agit : l'évaluation par les pairs des manuscrits scientifiques, technologiques, techniques, etc., c'est surtout une occasion de bénéficier d'une analyse rigoureuse desdits manuscrits par des collègues, et donc la possibilité d'améliorer nos textes.

 Oui, je sais que Dieu, pour faire un couronnement au monde qu'il venait de créer, a fait le professeur d'université, l'académicien... et je sais que le diable s'est empressé d'imaginer le "cher collègue"... mais oublions la boutade et pensons plutôt à notre collectivité : nous avons le devoir de favoriser les échanges scientifiques, la production écrite de résultats, d'idées... 

Et à cette fin, nous devons évidemment ne pas jouer au jeu de certains éditeurs privés qui mandataient les comités éditoriaux pour refuser les manuscrits.
Au contraire, nous devons chercher des moyens d'obtenir la production de textes d'excellente qualité. 

Je sais que certains d'entre nous sont capables de faire mieux que d'autres, de ce point de vue, mais au fond, pourquoi ceux-là redouteraient-ils une évaluation par les pairs, si leurs textes sont si bons ? 

Soyons simples : si un texte est bon, il est bon ; s'il n'y a pas de coquilles, il n'y a pas de coquille ; si l'argumentation est bien développée, elle est bien développée; etc. Et, pour un tel texte, les "pairs" auront très peu à redire. 

Mais pour un bon texte, combien sont insuffisants ! Depuis la création des Notes Académiques de l'Académie d'agriculture de France, il n'est jamais arrivé qu'un manuscrit n'ait pas de défauts plus ou moins graves, que le travail éditorial a contribué à pallier. 

Oui, face à un bon texte, les rapporteurs, les pairs -qu'importe le nom- auront moins de travail, et ils pourront se focaliser sur des détails, qui feront le texte encore meilleur... car je sais d'expérience que même dans les textes de mes collègues les plus précis, il reste des coquilles. 

Autrement dit, le travail éditorial, dans une revue bien pensée, bien conduite, n'est certainement pas une censure, mais au contraire la volonté de produits et le texte d'encore meilleure qualité.

Et nous devons être reconnaissants aux experts qui font l'analyse critique de nos manuscrits parce que, en réalité, il nous aident à les améliorer. 

Tous, nous devons, surtout si nous avons la responsabilité d'aider les plus jeunes, montrer l'exemple, ne pas craindre l'évaluation par les pairs, même s'il s'agit d'une tribune libre, d'opinions, de points de vue, etc. car les règles l'évaluation seront évidemment appropriées à chaque type d'article, à chaque type de manuscrit. 

Bref, il nous faut absolument une évaluation par les pairs pour être en mesure de diffuser des textes de qualité améliorée. Je ne dis pas "qualité parfaite", puisque la perfection n'est pas de ce monde -même quand il s'agit de texte d'académiciens-, mais je dis que nous avons, pour une académie, l'impérieuse obligation de promouvoir cette évaluation par les pairs qui est la garantie de textes de bonne qualité. 

On m'a opposé la possible proposition de manuscrits qui bousculeraient les paradigmes : Galilée... Soyons un peu modeste : qui d'entre nous, même académicien, ose se comparer à Galilée ? Allons, oublions de telles exceptions, et ne perdons pas notre temps à chercher des échappatoires inutiles ; plus utilement, plus positivement, consacrons-nous à affûter des arguments pour nos propositions théoriques les plus avancées, les plus audacieuses. 

Car c'est ainsi, en considérant nous-même nos arguments, en vue de ce dialogue avec les experts qui évalueront nos manuscrits, que nous avons des chances de faire bien, de faire mieux. 

L'évaluation par les pairs, je le répète, n'est pas une censure mais une occasion absolument merveilleuse, fondé sur le travail bénévole de collègues, d'arriver à des manuscrits aussi bons que possible.

jeudi 28 août 2025

Nous sommes très avancés... mais il y a tant à faire !

La publication récente d'un article qui identifie des gènes qui interviennent dans l'orientation des racines des plantes est un motif d'optimisme pour les étudiants : ils ont du pain sur la planche s'ils se destinent à une carrière scientifique ! 

 Je dis cela parce que je me souviens que, terminant mes études de physico-chimie, j'étais un peu abattu de voir tout ce que nos prédécesseurs avaient fait : la théorie de la relativité générale, la structure et les fonctions de l'ADN, la mécanique quantique... J'avais l'impression qu'on était arrivé à un point de science quasi insurpassable,  qu'il ne nous restait que des miettes à ramasser. 

C'est que je n'avais pas compris que, par leur démarche, les sciences de la nature sont dans un mouvement infini et qu'il ne s'agit pas d'aller fignoler quelques détails mais, au contraire, d'abattre les théories, qui sont fausses par nature. 

Bien sûr, lors des révolutions scientifiques, on ne fait pas de table rase de tout le travail effectué. Par exemple, la découverte de l'effet Hall quantique ne réfute pas les mesures de variations de la résistance électrique  en fonction de l'intensité du courant, à la précision des théories qui décrivaient initialement le phénomène. En revanche, les mécanismes identifiés finalement sont entièrement différents de ceux qui étaient envisagés par les théories initiales c'est en ce sens que ces dernières ont été entièrement abattues. 

Ces réflexions me viennent alors que j'envoie un article tout juste paru relatif à la question du choix par les plantes de l'orientation de leurs racines : s'orientent-elles principalement en fonction de la pesanteur ou de l'humidité qu'elles peuvent trouver ? Et comment ? Dans l'étude de cette question, quels mécanismes moléculaires sont-ils responsables des choix fait par la plante ? L'article publié récemment dans PNAS (https://doi.org/10.1073/pnas.2427315122) relate et le travail relate le découverte du rôle de gènes essentiels pour cet hydrotropisme. 

Nous en sommes donc très avancés, et très ignorants : la publication démontre que la question n'est pas résolue, même si elle donne des détails remarquables en vue de la résolution. 

Pour un étudiant qui a une carrière à construire, comment ne pas être ébloui par ce type d'études ? Comment ne pas vouloir contribuer à l'exploration des mécanismes des phénomènes mis en jeu ? 

Ce qui est dit là à propos d'une question botanique n'est pas exceptionnel : le même types d'observations pourrait être fait pour toutes les autres science de la nature. Des enthousiasmes peuvent mouvoir des personnes intelligentes et curieuses, qui veulent contribuer au développement des connaissances humaines et, par la suite, au développement de techniques fondées sur leurs résultats.
 
 
 

mercredi 27 août 2025

Vacances, retraite.. Pourquoi se priver du bonheur de la chimie ?

Alors que le mois d'août s'achève, je revois des collègues qui n'ont pas donné signe de vie depuis plusieurs semaines et et me disent n'avoir absolument pas travaillé pendant leurs vacances. C'est leur droit, légal, incontestable... mais discutable (au sens simple de questionner) : pourquoi s'arrêter de faire une activité quand on l'aime ? 

De même, alors que je corresponds avec des collègues plus âgés, en "retraite", j'apprends n'ont plus aucune activité en relation avec la chimie : comment est-ce possible ? Bien sûr, ils ont légalement le droit de faire ainsi, mais pourquoi se privent-ils du bonheur de faire de la chimie ? 

Évidemment, je suis politiquement incorrect, avec ces deux commentaires, mais je ne parviens pas à comprendre pourquoi mes amis s'arrêtent. Certains me parlent de "vacances", et je réponds -ce qui n'est pas bien- que c'est la même racine que "vacuité". Certains me disent qu'il leur faut "se vider la tête", mais j'ai toujours l'envie de leur répondre qu'ils feraient mieux de se la bien remplir. Certains me parlent de leur famille, et il est évidemment respectable de bien s'occuper de ses enfants, par exemple, de son conjoint, de solidifier les bases familiales sur lesquelles nos activités professionnelles s'érigent. Mais, au fait, comment le font-ils ? On me parle d'activités en commun, et pourquoi pas, mais rester allongé sur du sable, au bord de la mer, est-il une activité qui fassent l'office souhaité ? Quel exemple donnons-nous à nos enfants, ainsi ? Quelle preuve d'amour donnons-nous à notre conjoint ? Et si nous ne paressons pas ainsi, que faisons-nous de notre temps "libre" ?

Certains me disent qu'ils ont besoin d'une vie équilibrée, qu'ils ont plusieurs intérêts, et pas seulement la chimie, et que, n'ayant pas de temps à consacrer à tout autre chose que leur travail, en temps normal, ils s'adonnent alors à ces activités dont ils étaient privés. Pourquoi pas ? 

On comprend bien que je fais de reproche à personne, mais je ne peux m'empêcher, face à des "faits", de les questionner. Car, croyez-moi, je ne comprends vraiment pas comment on peut s'arrêter de faire une activité aussi belle que la chimie !

A propos de dénominations : pensons à des "façons"

 La question des dénominations culinaires est bien difficile, et notamment parce que chaque chef fait "à sa sauce", varie les ingrédients selon son goût, au mépris de ce qui est consigné dans les recettes dont il s'inspire et dont il prend le nom pour nommer son propre plat.

Sans compter que nombre de praticiens connaissent mal  l'histoire de la cuisine et les raisons pour lesquelles les dénominations ont été choisies,  trompés en cela par les dictionnaires qui n'ont pas correctement fait le travail.

Et c'est ainsi qu'on en vient à croire que le poivre mignonnette est un poivre grossièrement moulu alors qu'on lit très bien dans le Cuisinier gascon, publié en 1740, sous la plume d'un Bourbon, que les mignonnettes sont de petits sachets dans lesquels on enferme les épices avant de le placer dans une préparation liquide.
Et c'est ainsi, de même, que les praticiens ignorent que les "mousselines" ne sont autres que des  farces cuites dans un linge léger nommé mousseline (tout comme on fait une terrine en cuisant une farce dans une terrine, en terre).

Bref, si l'on ignore la différence entre rémoulade (avec moutarde) et mayonnaise (sans moutarde), par exemple,  ou entre un beurre Colbert et un beurre maître d'hôtel, trompé notamment par  des textes culinaires écrits par des cuisiniers qui ignorent l'histoire de leur discipline et qui n'ont pas fait les recherches nécessaires, alors on ne sait plus où donner de la langue.

Quelle est la différence entre un beurre d'escargot et un beurre maître d'hôtel par exemple  ? Je propose d'examiner la question générale des dénominations sur cet exemple parce qu'il est éclairant.

Pour un beurre maître d'hôtel, il s'agit de malaxer du beurre avec du persil haché, du sel, du poivre et un peu de citron.
Rien à voir donc avec ce beurre d'escargot qui est plein d'ail et qui donc mérite un autre nom... tel que beurre d'escargot.
Pourrait-on le nommer beurre d'ail ? Pourquoi pas... sauf que le "véritable beurre d'ail", celui qui a été nommé avant moi, ne comporte pas de persil, mais seulement du beurre et de l'ail...


En tout cas, je propose de considérer que ces dénominations sont comme des dans un paysage montagneux. Il y aurait le pic beurre maître d'hôtel, le pic beurre d'escargot, le pic beurre d'ail, bien séparés. Entre eux, il y aurait toute une série d'intermédiaires. Par exemple, si l'on part d'un  beurre maître d'hôtel et qu'on ajoute un peu d'ail, alors qu'a-t-on ? Ou encore, si l'on ajoute de l'échalote ? Il serait bon d'utiliser l'expression "façon beurre maître d'hôtel" ou "façon beurre d'escargot" pour rappeler la préparation dans la direction de laquelle on se dirige.

En réalité, je connais bien peu de cuisiniers qui suivent exactement les recettes, et, sans ce "façon",  les dénominations qu'ils utilisent sont souvent illégitimes.

Terminons en signalant que l'examen des livres de cuisine anciens montre que, par le passé, certaines dénomination particulières ont été appliquées un peu différemment. La sauce la sauce espagnole de Marie-Antoine Carême n'est pas exactement celle d'Urbain Dubois et Émile Bernard, différant également de celle de Jules Gouffé... Cela doit nous conduire à penser que certains des pics évoqués sont parfois des sommets arrondis.