vendredi 7 février 2025

Douter...

 Douter de tout : est-ce une stratégie scientifique ? 

Alors que je diffuse une liste d'idées stratégiques, pour la recherche scientifique, et que j'invite mes amis à me communiquer d'autres idées que je n'avais pas, en vue de constituer une collection que nous transmettront à nos collègues, je reçois une proposition qui consiste à doute de tout. 

Cette proposition me fait inévitablement penser à cette phrase du grand mathématicien français Henri Poincaré : 

« Douter de tout et tout croire sont deux solution également commodes qui l'une et l'autre dispensent de réfléchir » (Poincaré. 1902. La Science et l'Hypothèse, Champs-Flammarion, 1968, p24). 

En réalité, la question que je me pose est de savoir si cette idée relève de la stratégie ou de la tactique, c'est-à-dire du cheminement général du scientifique ou bien plutôt d'une démarche plus particulière, plus localisée, du chemin général ou d'une étape sur ce chemin. Douter, lors du travail scientifique : il peut s'agir du doute que l'on a face à un résultat particulier, à une mesure, à une expérimentation. 

Cela, c'est le pas, l'étape, et pas le chemin tout entier, puisque celui-ci consiste en : 

- identifier un phénomène 

- le caractériser quantitativement 

- grouper les données en lois (équations) 

- induire des mécanismes à partir de l'ensemble des lois (théorie) 

- cette théorie étant sue a priori insuffisante, chercher une prévision testable expérimentalement 

- tester expérimentalement la prévision théorique en vue de réfuter la théorie 

Douterait-on des théories ? Non, car on sait ces dernières fausses ; disons « insuffisantes ». Oui, il faut rappeler que nos théories, modèles réduits (à quelques équations) de la réalité ne sont que des approximations, donc fausses en toute rigueur. Ce qui conduit à admettre qu'on n'en doute pas… puisqu'on les sait fausses ! Oui, pour le premier cas, il y a lieu de douter, pour chercher des validations, et cela est effectivement une bonne pratique, comme je l'indique sur le blog que je constitue lentement (<a href="http://www2.agroparistech.fr/-Les-bonnes-pratiques-scientifiques-.html">http://www2.agroparistech.fr/-Les-bonnes-pratiques-scientifiques-.html</a>), mais pour le premier cas, il n'y a aucun doute, mais bien plutôt une certitude que nos théories sont insuffisantes !

jeudi 6 février 2025

Le sel, la congélation et l'ébullition

 Pourquoi le sel abaisse-t-il la température de congélation  de l'eau ? Pourquoi l'eau salée bout-elle à plus de 100 °C ? 

Dans les deux cas, il y a  des phénomènes à considérer, en sachant que : 

- le sel se présente sous la forme de cristaux, à savoir des empilements réguliers d'atomes de chlore et de sodium (sous la forme d' "ions"), électriquement chargés, qui s'attirent mutuellement avec des forces fortes ;

- dans l'eau liquide, à température ambiante, le sel se dissout dans l'eau (jusqu'à une certaine limite) : cela correspond à une diminution de l'"énergie libre", qui tient compte de la tendance à l'augmentation du désordre ; et la dissolution du sel, qui "capte" de l'énergie de l'eau, refroidit l'eau salée ;

- le chauffage de l'eau, salée ou non, augmente l'énergie d'agitation des molécules d'eau (leur vitesse), jusqu'à ce qu'elles puissent échapper  à l'attraction par les autres molécules... et par les ions sodium et chlorure ;

- dans de l'eau à des températures entre 0 et 100 °C, il y a des molécules d'eau rapides, d'autres lentes ; les plus rapides peuvent vaincre les forces d'attraction qui veulent les retenir dans le liquide, et elles partent en phase vapeur, au-dessus de l'eau : l'eau s'évapore à toute température.


Tout cela étant dit, il faut considérer que, quand on chauffe de l'eau sans sel, l'énergie donnée permet donc d'augmenter l'énergie d'agitation des molécules, de sorte que de plus en plus d'elles s'évaporent. Cela refroidit le reste de l'eau liquide, et il faut donner une énergie considérable pour évaporer davantage, quand vient la température d'ébullition : c'est l'énergie latente d'évaporation de l'eau, qui est considérable, raison pour laquelle on ne parvient pas à dépasser 100 °C (dans des conditions habituelles). 

Quand on met du sel dans de l'eau, les molécules d'eau viennent séparer les ions du sel, en les "hydratant" : les ions sont alors entourés d'un cortège (dynamique) de molécules d'eau. Et l'eau alors salée refroidit : l'énergie des molécules d'eau a servi à dissoudre le sel, de sorte que l'énergie d'agitation est moindre, ce qui correspond à une température inférieure (de quelques degrés). 

Quand on refroidit de l'eau salée, on réduit la vitesse d'agitation de tout cela, mais la congélation nécessite que les molécules d'eau s'empilent, ce qui signifie  que, de même, du sel solide se forme, exclu du réseau cristallin de la glace. 

Inversement, quand on chauffe, il faut "détacher" les molécules d'eau des ions pour les faire s'évaporer (en même temps que le sel cristallise), ce qui nécessite plus d'énergie, d'où l'augmentation de la température d'ébullition (de quelques degrés seulement pour 200 grammes de sel dans un verre d'eau)

 





mercredi 5 février 2025

Stratégie scientifique

Cela fait des décennies que je ne cesse de poser cette question  : comment faire des découvertes ? 

La question est évidemment essentielle, en science, et, pragmatique, j'ai fait une collection d'idées stratégiques, pour avancer dans la réponse. 

Voici ce que j'ai à ce jour : 

(1) Transforming adjectives and adverbs into quantitative parameters (introduction of new concepts); 

(2) Looking for the mechanisms of phenomena; 

(3) Focusing on oddities, contradictions, discrepancies and ''symptoms''; 

(4) Designing ''microscopes''; 

(5) Making science from a technical question; 

(6) Refuting a theory; 

(7) Solving a problem; 

(8) Assuming that any fact, result, observation, phenomenon should be considered as a particular example of general categories that we have to invent; 

(9) Looking behind the â ordinary: this means not accepting what was accepted;

 (10) Making the contrary of what was always proposed; 

(11) Looking deeply enough to what an experiment can reveal, and work deep enough to see the impact. 

(12) It is good to see the tree but one should also see the forest. 

 

 Which ones are missing ? 

 

On voit que c'est en anglais... mais la communication scientifique se fait dans cette langue. Je ne détaille pas... mais cela est fait dans un article que l'on trouve en ligne : http://www.chemistryireland.org/docs/news/Irish-Chemical-News-2017-Issue-5.pdf &nbsp; N'hésitez pas à me communiquer des idées supplémentaires !

Les dorures, en cuisine et en pâtisserie

La question des dorures en cuisine ou en pâtisserie est souvent mal  traitée parce que le mot est ambigu. Selon les cas, on a une surface brillante, ou une surface colorée, et ce n'est pas la même chose même si, avec certains ingrédients, on obtient les deux résultats simultanément.

Une surface brillante, c'est une surface qui brille, ce qui signifie que la lumière se réfléchit à la surface comme sur un miroir : au lieu de voir une réflexion diffuse, on voit une réflexion bien localisée, des reflets. 

Et cela s'obtient en faisant un état de surface aussi lisse possible. Quand je dis lisse, je pense lisse à l'échelle des longueurs d'onde de la lumière, entre 400 et 800 nanomètres (milliardièmes de mètre). 

Et pour obtenir de tels effets, il y a lieu de se souvenir que la matière grasse s'étale facilement et que, si elle est liquide, la lumière se réfléchit à sa surface comme à la surface d'un liquide.
Les peintres savent utiliser des huiles siccatives, qui sèchent progressivement, et c'est ainsi qu'ils obtiennent des tableaux à la surface brillante. 

Mais ces huiles-là ne sont guère comestibles, et, en cuisine ou en  pâtisserie, on est obligé d'utiliser d'autres systèmes pour obtenir du brillant.
Par exemple les gels  :  dans la mesure où ce sont des liquides solidifiés en quelque sorte, leur surface est effectivement lisse : que l'on pense à la surface d'un aspic, d'une confiture. 
Une autre solution consiste à utiliser des systèmes vitrifiés, tel un verre de sucre obtenu par un sirop qui aurait refroidi rapidement, ou encore une solution de protéines qui aurait séché : pensons à un blanc d'oeuf déposé en couche mince à la surface d'une pâtisserie  qui  a été passée au four.

À côté de cette question du brillant, il y a  celle du doré, et l'on devrait enseigner que le doré, c'est du jaune brillant. Mais puisque le brillant a été considéré, préoccupons-nous du jaune. Et là, nous pensons immédiatement au jaune d'œuf. C'est ainsi que du jaune d'œuf qui a séché sur une pâtisserie fait effectivement du doré :  jaune et brillant. 

Mais en réalité, tout matériau jaune qui ne brunirait pas excessivement à la cuisson peut servir à faire du doré et l'analyse de ce dernier nous conduit à d'autres idées : par exemple du cuivré, de l'argenté, qui sont  respectivement du rouge et du brillant, ou du gris et du brillant. 

Plus généralement, pensons aux voitures :  des fabricants savent faire du bleu métallisé, bleu et brillant, ou du vert et brillant et ainsi de suite. 

Une fois de plus, la compréhension des mécanismes permet de faire beaucoup plus que ce que n'autorise la tradition par empirisme.

Frère Jean des Entommeures

 Je m'aperçois que j'ai souvent cité Rabelais en ne respectant pas la lettre. Frère Jean des Entommeures répond à Gargantua : 


comment pourroy je gouverner aultruy, qui moy mesmes gouverner ne sçaurois ?

Comment obtenir un article scientifique ?

 

À l'heure où tout se trouve ou presque sur Internet, je vois des étudiants désemparés quand un article scientifique n'est pas en accès libre.

Souvent, afin accéder au document dont ils ont besoin,  ils cherchent  en ligne des sites qui auraient piraté les revues scientifiques au risque de se faire pirater eux-mêmes.

Pourtant, il est utile de savoir qu'il y a une règle dans la communauté scientifique, à savoir que nous pouvons demander aux collègues de nous envoyer en privé des copies de leur texte, et que les collègues ont l' "obligation" d'envoyer ces textes.

 

Pour bien comprendre cette affaire, il faut se replacer plusieurs décennies en arrière, quant internet n'existait pas. A cette époque, pour trouver des articles, on allait dans les bibliothèques et l'on commençait par consulter des livres de résumés (abstracts), afin d'identifier les articles qui nous intéressaient.

Puis on allait - physiquement - dans les bibliothèques qui disposaient des collections de journaux scientifiques où figuraient les articles recherchés.

Déjà à cette époque, il y avait déjà des difficultés, quand les bibliothèques scientifiques de notre environnement ne disposaient pas des périodiques particuliers qui nous intéressaient. Dans ce cas, on écrivait aux auteurs afin de leur demander une copie (évidemment papier) de leur article : d'où l'importance de ce qui  a quasiment disparu aujourd'hui : les "tirés à part".

Mieux on avait sur le bureau des espèces de cartes postales qui permettaient de gagner du temps quand on demandait des articles : il était pré-imprimé "Dear colleague, please I would be very glad to receive a copy of your article". Il suffisait de remplir le nom et l'adresse, avant d'indiquer au stylo les références de l'article que l'on souhaitait, et de signer. On recevait ensuite les articles demandés, une pratique qui avait l'intérêt de souder la communauté, de créer des relations, un réseau.

 

Aujourd'hui, on peut faire des demandes de ce type en passant par des réseaux tels que Research Gate, mais on peut, aussi, tout simplement, trouver l'email du collègue que l'on souhaite solliciter et lui écrire pour lui demander une copie PDF de son texte.

 

C'est une règle de notre communauté de toujours répondre à ces sollicitations.

 

Ajoutons pour celles et ceux qui ne sont pas familiers avec les règles de l'édition, et notamment les règles de l'édition scientifique, que les lois qui portent sur le droit d'auteur interdisent généralement aux scientifiques individuels de mettre en ligne des articles qu'ils ont publié dans les revues scientifiques (sauf dans le cas où ces articles sont "open"). Il  y a eu des débats considérables entre les institutions scientifiques et les revues scientifiques, qui voulaient protéger leur copyright, mais finalement il a été accepté que chaque scientifique puisse mettre en ligne une version non mise en page de son texte. Une certaine honnêteté veut que soit ajoutée la référence exacte et le lien qui conduisent à l'article publié.

 

Mais n'oublions pas la règle de Michael Faraday : "entretenir des correspondances".  


A propos de l'aspect des saucissons

J'ai eu une idée, alors que je préparais un billet sur les "dorures" : et pourquoi ne pas changer l'apparence des saucissons ? Au lieu d'avoir une apparence grise et poudreuse, pourquoi ne pas faire une surface... dorée  (par exemple) ?