samedi 28 août 2021

Pourquoi il n'y a pas de force centrifuge


La question me revient hier  : pourquoi ne faut-il pas parler de force centrifuge, mais d'une force centripète pour un mouvement de rotation, tel celui que nous faisons quand nous sommes à l'intérieure d'une voiture, ou sur un manège ?

Je ne veux pas manquer de signaler  ici le livre absolument extraordinaire, bien qu'un peu ancien, de Marie-Antoinette Tonnelat sur l'histoire du principe de relativité.



Je vois en particulier deux images essentielles qu'il me faudra discuter. L'une représente le mouvement d'une pierre lâchée du haut du mat d'un navire alors que ce dernier avance à vitesse constante devant un quai, et l'autre est une gravure qui montre ce que l'on pensait être la forme des trajectoires des boulets de canon, avant Galilée : d'abord une ligne droite inclinée, puis une chute verticale... ce qui est bien loin de notre représentation moderne, juste, qui est celle d'une parabole.

Certes, le livre de Marie-Antoinette Tonnelat est épais, et pas facile parce que sans beaucoup de concessions,  mais il est clair.  Et, je me limite à la question de la force centripète, qui est une victoire de la pensée de la Renaissance. 

 

Mais il faut commencer par parler d'inertie


Considérons un bloc de glace sur la plate-forme arrière d'un camion qui roule à vitesse constante. Une notion essentielle, pour les études de mouvement, est l'inertie : un objet matériel ne change pas d'état de mouvement (de vitesse) tant qu'on ne lui applique pas de force. Et si on lui applique une force, on change son mouvement, ce qui correspond à lui communiquer une accélération

Bref un bloc de glace sur la plate-forme la camion qui roule à vitesse constante va  en ligne droite, à vitesse constante, toujours dans la même direction, tout comme le camion (pour arriver dans cet état, il aura fallu maintenir le bloc de glace, lors de l'accélération initiale du camion).
 
A partir de la vitesse constante, supposons maintenant que le conducteur du camion freine, c'est-à-dire qu'il réduise la vitesse du camion. Alors le bloc de glace va foncer vers la cabine du conducteur, parce que sa vitesse n'a pas de raison de changer (s'il n'y pas de forces de frottement avec la plate-force). Sa vitesse reste constante, alors que celle du camion diminue.

Inversement, si le camion avait accéléré, le bloc de glace serait tombé par l'arrière, parce que la vitesse du camion aurait été supérieure à la vitesse du bloc de glace.



Voilà pour l'inertie : d'une part, un objet de matériel ne change pas de mouvement tant qu'on ne le fait pas changer de mouvement, ce qui a lieu par l'application de forces ; d'autre part, le changement de la vitesse est ce que l'on nomme l'accélération. Il y donc une merveilleuse logique à  ce premier le principe de la dynamique, qui stipule que la somme des forces appliquées à un corps est proportionnelle à l'accélération, le facteur de proportion étant la masse inertielle.

 

Mais on se souvient que l'on voulait discuter la question des mouvements de rotation.  

Considérons donc maintenant que le camion tourne. Le blog de glace  continue d'avancer avec la même vitesse, dans la même direction.

Mais le camion tourne parce que le conducteur, par le volant qui agit sur les roues, éprovoqué un changement de sa vitesse.

Autrement dit, le bloc de glace sors du camion par le côté opposé à celui vers lequel le camion tourne.

Pour conserver le bloc de glace dans le camion, dans le mouvement circulaire voulu par le conducteur, il faut qu'il y ait une paroi sur le côté, qui exerce une force en direction du centre de rotation :  c'est-à-dire donc bien une force centripète, vers l'intérieur.

D'ailleurs, quand on est en voiture, et que l'on tourne, on sent bien que la portière nous pousse versle centre de rotation.
Et, inversement nous-même poussons la portière vers l'extérieur... ce qui est un  combat perdu, parce que généralement la voiture est plus lourde que nous.

De même, dans un manège, on n'est pas éjecté vers l'extérieur du manège en raison d'une force centrifuge, mais, au contraire, si l'on reste en rotation avec le manège, c'est que des forces centripètes sont appliquées.
On n'est éjecté qu'en raison de notre inertie, parce que la force centripète a été insuffisante.

 

Me reste à décrire l'idée de l'expérience du navire et de Galilée.

La pierre lâchée du navire qui passe devant le quai tombe verticalement pour un marin sur le navire : la pierre a initialement la même vitesse que le bateau et que le marin, de sorte que, si elle n'est pas ralentie par des frottements avec l'air, elle continue, lors de sa chute, son mouvement de translation horizontal à la même vitesse. Et comme le marin a cette même vitesse, il ne voit que la chute verticale.

Mais pour un observateur immobile, sur le quai, la pierre décrit une parabole, composée d'un mouvement de chute et d'un mouvement de translation.

Et nous pouvons maintenant revenir à la question balistique : ce fut d'un  progrès extraordinaire que de comprendre que le mouvement d'un corps ne s'accompagnait pas d'une espèce de perte d'énergie de mouvement, que le mouvement ne s' "épuise" pas progressivement  comme on le croyait quand on représentait les boulets comme partant en ligne droite avant de tomber verticalement. 



Oui, au contraire, il y l'inertie, l'accélération, et éventuellement l'accélération de la pesenteur. En discutant avec les jeunes amis qui m'interrogent, je vois mieux la beauté extraordinaire de tout cela,  et une fois de plus je leur suis reconnaissant de me donner cette occasion qui permet de partager mon enthousiasme avec d'autres.


jeudi 26 août 2021

Une page récapitulative

 En vue de la séance de formation du 8 novembre 2021, à Colmar (réservée aux professionnels de l'hôtellerie restauration) on résume ici le "pour en savoir plus" qui doit conclure le document d'annonce : 



Hervé This est chimiste, directeur du Centre International de gastronomie moléculaire AgroParisTech-INRAE.

Il est le co-créateur de la science nommée « gastronomie moléculaire », créateur de la technique culinaire nommée « cuisine moléculaire », créateur de la toute nouvelle tendance culinaire nommée « cuisine note à note ».

 

Il est l’auteur de nombreux livres qui analysent la cuisine  : 

https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/herv%C3%A9-this-vo-kientza-vive-la-chimie/5-et-plus-encore/pour-en-savoir-plus/des-livres?authuser=0

 

Il produit une innovation culinaire chaque mois, qu’il communique en priorité à Pierre Gagnaire : 

https://pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/pierre_et_herve

 

Il  organise depuis 21 ans les « séminaires de gastronomie moléculaire : 

http://www2.agroparistech.fr/-Les-Seminaires-de-gastronomie-moleculaire-

 

Il fait de nombreuses masterclass : 

https://hervethis.blogspot.com/2021/04/des-masterclass.html

Comment regarder au microscope



Comment regarder au microscope ? En mettant son oeil devant l'oculaire, bien sûr. Mais cette réponse fait enrager les amis vraiment désireux d'apprendre, tout comme si je les renvoyais vers les manuels de microscopie, qui enseignent la pratique de la technique, en donnant les fondements, les bases, des développements, des indications précises...

Au fond, mes amis ne veulent pas cette question : ils aimeraient que je les aide de façon plus "aimable", avant de se lancer éventuellement dans la pratique du microscopie, d'une part, et, d'autre part, la découverte plus lente de la théorie. Bref, on voudrait que je fasse de la microscopie pour débutant. Pourquoi pas ?

Comme souvent, je propose de faire du simple avant le compliqué. Le plus simple, c'est de commencer par utiliser notre microscope comme "une brute", en regardant des objets de notre environnement... car je sais qu'il y a déjà lieu de les observer et de s'émerveiller.

Je me souviens ainsi d'avoir montré un cheveu à mes enfants tout jeunes... et je m'étais amusé qu'ils me disent qu'il "ne voyaient rien". En réalité, ils voyaient, mais ils ne savaient pas dire ce qu'ils voyaient.

Le fait est que, avec le grossissement utilisé, ils voyaient seulement une barre brune dans le champ. Ils la voyaient avec leurs yeux, mais ils n'étaient pas capables de le voir avec leur esprit,  parce qu'il ne faisaient pas le rapport entre ce qu'il voyait et le cheveu qui leur était familier.
Pour leur expliquer, pour leur "faire voir",  j'ai dû prendre un cheveu, le poser sur une feuille blanche, poser par-dessus une feuille blanche percée d'un disque et constater avec eux qu'il y avait un long segment noir. Puis avons réduit le disque, et nous avons continué à voir le segment noir. Nous sommes alors repassés au microscope - où l'on voyait un disque avec un segment noir-, et cette fois ils ont vu le cheveux.

Nous avons donc tout passé en revue : grain de sel, grain de sucre, farine... avant d'aborder la question des tissus animaux et végétaux... qui est quand même beaucoup plus difficile.
Si l'on veut regarder une pomme de terre, par exemple, on aura intérêt à faire simple, à savoir prendre un couteau pour retirer une mince couche que l'on pose directement sur la lame de microscope. On regardera plutôt le bord, plus mince,  oui, avec des pommes de terre, en allant regarder sur les bords, et l'on verra des sacs emplis de petits objets ellipsoïdes : ce sont les grains d'amidon, dans les cellules de la pomme de terre. La limite des cellules de pomme de terre est visible, mais plus difficilement.
D'ailleurs, on pourra facilement colorer spécifiquement les grains d'amidon avec une gouttelette de teinture d'iode, pour "mieux voir".

Puis on ira vers des choses plus compliqué.

Si l'on est dans une cuisine, ce sera un merveilleux terrain de jeu microscopique :   on commencera avec du blanc d'oeuf où l'on ne verra rien ;  mais quand on regardera du blanc d' œuf battu en neige, alors on verra les bulles, circulaires au début du battage, puis de plus en plus nombreuses, petites et déformées quand on bat plus fort.
On pourra comparer un blanc d'œuf battu en neige avec un blanc d' œuf battu et sucré, où la taille des bulles est divisée par 10 à 100.

On pourra aussi regarder une mayonnaise, à divers stades de sa confection.
Puis une crème anglaise à toutes les étapes.

Une indication importante  : les bulles d'air se voient à la présence d'un bord noir épais, alors que les gouttes d'huile sont transparentes, sans ce bord noir.
Je n'entre pas dans l'explication de ce phénomène qui tient à la réflexion et à la réfraction de la lumière, mais je me contente de dire qu'il y a là un moyen facile distinguer des bulles d'air et des gouttes d'huile.

Bien sûr, il y a lieu de ne jamais oublier ce que l'on est en train de regarder, car les grains d'amidon que j'ai évoqué plus haut sont également des formes transparentes et, sans aucune autre indication, on pourrait les confondre avec des gouttes d'huile si l'on se fondait uniquement sur leur transparence (d'où l'intérêt de la teinture d'iode).
Une information importante dans ses études qui font usage de microscopes de table :  ne jamais oublier que l'on ne voit pas les molécules, et encore moins les atomes. Même les protéines individuelles, qui sont de grosses molécules, sont invisibles en microscopie optique élémentaire, et  c'est seulement avec un fort grossissement que l'on verra les "granules" (agrégats de protéines et de lipides) dans le "sérum"  du jaune d' œuf.

En tout cas, il y a lieu de s'amuser beaucoup avec un microscope en cuisine et je ne saurai recommander que les lycée hôteliers en aient toujours un sur le plan de travail de la cuisine, pour que les élèves ne manquent pas une occasion d'aller regarder ce qu'ils produisent.  
Non seulement on évitera des confusions, entre mousses et émulsions, par exemple, mais, de surcroît, on entrera ainsi dans un monde merveilleux !

mercredi 25 août 2021

Pourquoi je propose d'être prudent



Pour quelqu'un qui fait la différence entre des opinions et des idées,pour quelqu'un qui sait que les affaires humaines sont compliquées et qu'il y a lieu de les regarder avec circonspection avant de prendre des décisions qui risque d'engager des collectivités, pour quelqu'un qui veut un comportement rationnel, il y a la question du raisonnement, de la déduction.

Si l'on veut être rationnel, alors il y a lieu de bien manier la logique, et, notamment, de commencer par connaître le syllogisme, cette figure logique identifiée dès l'Antiquité grecque et résumée dans "Si tous les hommes sont mortels et si Socrate est un homme, alors Socrate est mortel".

Il s'agit là de déduction logique, imparable, et non pas d'un vague sentiment. Or, comme je l'ai dit, les affaires humaines sont compliquées et j'ai senti le besoin d'expliquer à des amis pourquoi il fallait se méfier des prémisses manquantes. Au fond, cela s'apparente à reprendre la question du philosophe Alain  : "Quelle est la question à laquelle je ne pense pas ?".

Je viens de trouver  deux exemples pour expliquer ce point.

Tout d'abord, supposons que nous voulions reconnaître des champignons et que nous utilisions une clé de reconnaissance insuffisante. Par exemple, supposons que l'on dise :
- prémisse 1 : j'ai un champignon,
- prémisse 2 : il a un chapeau et un pied,
- prémisse 3 : il est décurrent,
- prémisse 4 : la couleur du chapeau est marron.
Avec cette description - qui est, je m'empresse de le dire- insuffisante,  on peut conclure soit que le champignon considéré est un bolet des bouviers, soit que c'est une girolle, soit que c'est une fausse girolle : ici, la conclusion est impossible à obtenir, parce qu'il manque des informations, des prémisses.
Ce n'est pas grave, dans ce cas précis, parce que les deux champignons sont comestibles, mais on serait fautif de conclure. Il manque, en l'occurrence, l'information de la présence soit de pores, qui dirigeraient vers le bolet des bouviers, soit de lamelles, qui orienteraient vers la girolle ou la fausse girolle.

Et l'exemple précédent n'est pas gravissime comme pourrait l'être une confusion entre un champignon comestible et un champignon vénéneux !

On voit bien que l'absence d'une information, d'une prémisse peut conduire soit à une hésitation, soit à une conclusion fausse.

Considérons maintenant un deuxième exemple,  pour lequel nous allons utiliser la théorie des ensembles.
Soit un ensemble A (par exemple celui des nombres entiers dont l'écriture commence par 1, soit 1, 10, 11, 12...), et un ensemble B (celui des nombres terminant par 3, soit 3, 13, 23...). L'ensemble A⋂B (cela se lit "intersection de A et de B") désigne les nombres qui commencent par 1 et finissent par 3, soit 13, 113, 123, etc.
Mais ajoutons une condition, une prémisse : nous considérons non seulement l'intersection de l'ensemble A et B, mais aussi avec l'ensemble C, qui sera celui des nombres dont le chiffre des dizaines est 2. Alors les nombres concernés sont 123, 1123, 1223, etc.

On voit sur ce second exemple que l'intersection A⋂B⋂C est bien plus restreinte que A⋂B :  l'ajout d'une prémisse a conduit à un résultat bien différent du résultat initial.

Ce second exemple, comme le premier, montre combien il est imprudent de tirer des conclusions avant d'avoir toutes les prémisses, et voilà pourquoi s'imposait la phrase d'Alain :
 combien il est imprudent de tirer des conclusions à partir de prémisses insuffisantes et l'on voit pourquoi la phrase d'Alain s'imposait : l'avatar de son "Quelle est la question à laquelle je ne pense pas ?" est ici "Quelle est la prémisse que j'ai oubliée pour raisonner correctement ?"

C'est une question éminemment politique !

Comment à continuer à se former quand on est déjà engagé dans la vie professionnelle ?

 


La question ne se pose pas seulement à ceux qui arrêtent leurs études au brevet, car il n'y a pas de réelle différence par rapport à ceux qui arrêtent au baccalauréat, ou à la licence, ou au master, où à la thèse, par exemple. La question est la même pour tous, et pour tous les métiers. D'ailleurs, dans mon énumération précédente, je me suis arrêté à la thèse, mais il faut évidemment poursuivre avec l'activité professionnelle : bien sûr, on peut exercer un métier et vouloir l'exercer toujours de la même façon, mais je ne parviens pas à penser que, dans nombre de cas, cela soit assez amusant pour qu'on y passe une vie. Certes on peut vouloir s'améliorer progressivement, tel le tailleur de pierre qui devient progressivement mieux capable de doser le coup de maillet, tel le peintre qui maîtrise de mieux en mieux la peinture...
Mais même ces métiers où l'habileté nécessite un entraînement constant ne peuvent échapper à un mouvement de transformation. Par exemple, le peintre ne broie plus ses couleurs, et les produits qu'il achète évoluent... sans compter des évolutions indispensables : le blanc de céruse, épouvantablement toxique, a été heureusement remplacé, interdit, et un peintre qui voudrait l'utiliser ne le pourrait plus et ne le devrais pas. Un tailleur de pierre ? Dans la mesure où il travaille en communauté, il est comme un laborantin qui expose les autres à ses propres actions, de sorte qu'il a une responsabilité : ne pas dégager des poussières comme jadis, à ne pas mettre en danger ses collègues par des pratiques ancestrales...
Bref, il y a donc la nécessité de connaître les transformations du monde, et c'est cela a minima, la formation continue.

Je sais, d'autre part, qu'il existe des personnes qui font leur travail, et cela seulement ; oui, des personnes qui travaillent, qui s'arrêtent à la fin de la journée et reprennent leur travail à l'identique le lendemain... mais que font-ils de cette citation de Brillat-Savarin "L'âme, cause toujours active de perfectibilité" ? Je ne parviens pas à penser que je puisse admirer les individus routiniers, et je préfère consacrer ce billet à la question méthodologique de la formation continuée : comment faire cette formation ?

Et là , je m'émerveille qu'au 21e siècle, le partage de l'information ne permette plus à des "castes" de préserver leur secret. Cette question des secrets techniques n'est pas ancienne, puisque Joseph Favre, auteur du Dictionnaire universel de cuisine, au 19e siècle, reçut des menaces de ses collègues parce qu'il donnait aux "ménagères" la possibilité d'évaluer le travail de leur cuisinier et d'éviter la valse de lance du panier. Il donnait de la connaissance, alors qu'une caste voulait protéger ses secrets.
Et ce que je dit d'hier demeure aujourd'hui, en cuisine notamment, comme je peux en témoigner.

Mais bref, il y a maintenant des possibilités merveilleuses de trouver de l'information... mais il y a la nécessité de savoir ce que vaut cette information à disposition de tous. Nombre de podcasts culinaires avancent des idées techniques fausses : cela va de la pincée de sel dans les blancs d'oeufs que l'on monte en neige à la réalisation de mayonnaise, et, toutes ces "précisions culinaires" que nous testons depuis des décennies. De même pour le jardinage, où n'importe qui pourra se rendre compte de la cacophonie : par exemple, à propos de bouturage de rosiers, on s'amusera de voir que certains proposent de l'hormone de bouturage, d'autres préconisent de ne pas en mettre, certains proposent d'enterrer à un oeil, d'autres à deux yeux, certains proposent de planter la tête en bas, d'autres pas, et ainsi de suite quasiment à l'infini. Comme en cuisine, chacun a sa recette... et personne ne donne de justification à l'exception d'une expérience très idiosyncratique, très limitée, sans référence, avec seulement des arguments d'autorité qui ne valent donc rien.

 

En réalité il y a lieu de prendre les choses de plus loin et de poser deux questions. Tout d'abord qu'apprendre ? Ensuite où trouver la bonne information ?

La nature de ce qu'on va apprendre est bien difficile à définir, comme je l'avais indiqué dans un billet précédent, sur les lois de la réfraction, mais on pourra quand même observer qu'il n'est peut-être pas nécessaire de refaire un travail de sélection qui a été fait par les inspecteurs de l'éducation nationale et les commissions des programmes : si l'on a arrêté ses études au brevet des collèges, alors on peut avoir l'envie d'apprendre ce qui a été donné à d'autres par la suite, au lycée. Là, la réponse à la seconde question est vite trouvée : le contenu des référentiels est public, sur le site de l'Education nationale, et la présentation des notions fait l'objet des manuels, qui ont été préparé par des équipes de professeurs qui ont longuement discuté la présentation, la façon didactique de transmettre les notions.

Cette analyse vaut tout aussi bien pour ceux qui sont arrêtés au baccalauréat et qui voudraient poursuivre : ils trouveront en ligne, sur les sites universitaires, les référentiels des licences, des masters, à savoir les informations qu'ils peuvent avoir à cœur d'apprendre, chacun selon leurs envies, leurs goûts, le temps disponible...

Dans ces formations continuées, les revues de vulgarisation sont importantes, parce qu'elle présente les notions les plus actuelles, mais assorties des informations nécessaires pour arriver à la compréhension des nouveautés.
Il y a là un travail très important et une grande responsabilité pour ces revues, et c'est la raison pour laquelle j'y ai travaillé pendant si longtemps, avec une volonté politique très ferme, très semblable à celle des philosophes des Lumières qui ont élaboré l'Encyclopédie.

À ce propos de la vulgarisation, il y en a deux sortes : celle qui vise à dire (en substance) "la fusée à décollé" et celle qui explique comment on a réussi à faire décoller une fusée.
On comprend que je préfère de beaucoup la seconde manière, car non seulement elle donne les moyens de la preuve, mais de surcroît elle donne des informations complémentaires, qui évitent de nous entraîner à supporter des faits plats et bêtes. Le fait qu'une fusée ait décollé relève surtout de la formation politique que technologique, et ne nous pas beaucoup grandir. D'ailleurs, je ne parviens pas à penser que la vulgarisation soit utile si elle ne donne pas aussi une "compétence", en plus des connaissances.

Bien sûr, toute cette réflexion doit être poursuivie !

mardi 24 août 2021

Quelle différence entre un blanc et un jaune d' œuf ?


Quelle différence entre un blanc et un jaune d' œuf ?
La question semble évidente : le blanc est blanc, et le jaune est jaune. Mais déjà cette réponse est mauvaise, car le blanc d'oeuf est en réalité transparent, et légèrement jaune verdâtre, alors que le jaune est plutôt jaune orangé (on dit qu'il peut même être vert quand les poules ont mangé des scarabées, ce que je n'ai pas encore réussi à vérifier).
Et puis, il y a une différence de consistance : le blanc est plus collant que le jaune, plus gélifié en quelques sorte. Et une différence considérable de goût  : alors que le jaune a beaucoup de goût, le blanc n'en a presque pas, quand il n'est pas cuit.

Mais, en réalité, ce n'est pas bien répondre à la question qui m'était personnellement posée : mon interlocuteur voulait que je réponde de façon "chimique". Et là, il y a des différences essentielles.
Au premier ordre, disons que le blanc est composé de  90 % d'eau et de 10 % de protéines (dont les molécules sont comme des pelotes repliées sur elle-même et dispersés parmi les molécules d'eau). Le jaune, lui, est fait de 50 % d'eau seulement, de 15 % de protéines et de 35 % de lipides. Les lipides ? Une immense catégorie de composés, qui contient aussi bien les "phospholipides", que certains nomment de façon erronée des lécithines, que des triglycérides, les composés que l'on trouve par exemple dans l'huile.

Il faut assortir cette description de précisions. Par exemple, l'eau est  toujours l'eau, composée d'une seule sorte de molécules qui sont toutes identiques : n'importe quelle molécule d'eau, est un assemblage d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène.
En revanche, le terme de "protéines", au pluriel, indique qu'il y a des sortes de protéines très  différentes, et mêmes si celles qui sont dans l'eau sont souvent repliées sur elles-mêmes (on parle de protéines globulaires),  elles ont des caractéristiques parfois très disparates. Il en va ainsi de la température de coagulation, par exemple  : certaines protéines coagulent dès 61 degrés et d'autres seulement à 80 degrés. Certaines transportent des atomes de fer, et d'autres pas. Certaines, tel  "lysozyme", ont des effets bactériostatiques, et d'autres pas.
Tiens, et puis je vous invite à observer un oeuf frais que l'on casse dans une assiette : le blanc forme des "marches" autour du jaune, qui montrent que le blanc est "gélifié", avec des compositions différentes selon les parties. D'ailleurs, cela ne se voit pas à l'oeil nu, mais le jaune, aussi, est structuré, avec des couches concentriques, de compositions différentes, que l'on jaune clair et jaune profond, lesquelles sont déposées le jour ou la nuit.
Et il en va de même pour les "lipides" :  nous avons vu plus haut qu'il y a donc des phospholipides et des triglycérides, mais il y a en réalité bien d'autres possibilités de variation,  et, surtout, je n'ai pas expliqué que, dans le jaune, les lipides peuvent-être dans une sorte de sérum, en solution dans l'eau,  ou bien réunis en granules, visibles au microscope.

Bref,  il y a beaucoup de différences entre le jaune et le blanc... sans compter que la couleur et le goût ne sont pas rien. Les protéines, les phospholipides et les triglycérides n'ont ni couleur ni goût. Pour la couleur, celle du jaune est due à de nombreux composés de la famille chimique des xanthophilles, et cette couleur change d'ailleurs selon l'alimentation des poules, tout comme change la couleur des saumons d'élevage, quand on leur ajoute du carotène bêta (un composé qui donne la couleur aux carottes) dans leur alimentation.
Pour le goût, il y a dans le jaune un très grand nombre de composés odorants, mais là il faut rentrer dans plus de détails et donner des listes de noms indigestes. J'ai peur que cela ne dépasse le cadre de ces billets, et je préfère dire à mes amis que je tiens de la bibliographie à leur disposition !
 

dimanche 22 août 2021

L'honnête homme, au 21e siècle ?



Ici, nous partirons d'une question anodine, pour arriver à un questionnement politique, donc essentiel.

1. Un jeune ami me demande si la lumière est réfléchie par les liquides, et je lui réponds en lui indiquant des expériences : d'une part, on voit les arbres se refléter sur l'eau quand on est  près d'un lac ; d'autre part, on est parfois ébloui quand on regarde la mer agitée en direction du soleil, parce qu'il y a des réflexions de la lumières solaire sur chaque vaguelette.

2. Cela dit il y a la question de réfléchir "de la lumière", une partie donc, ou de réfléchir "la lumière", c'est-à-dire toute la lumière. A préciser, donc.

3. Surtout il y a lieu de se demander mieux que vaguement ce qu'est ce phénomène de réflexion, et il y a notamment lieu de le distinguer du phénomène de réfraction... que mon jeune ami ne connait pas non plus. 

 



4. Evitons le cours d'optique pour dire simplement que c'est un fait d'expérience que certaines lumières, caractérisé par exemple par leur longueur d'onde, sont généralement réfléchies par les surfaces  des liquides, à des degrés divers.
Par exemple, un liquide noir absorbera fortement la lumière, alors qu'un liquide métallique, tel le mercure, sera beaucoup plus réfléchissant. Pour chaque cas, la quantité de lumière peut-être mesureée, dans une direction différente de celle où la lumière a été mise.

5. Mais, plus généralement, si l'on émet de la lumière vers un liquide, alors il y aura une partie réfléchie par la surface, et une partie transmise dans le liquide, dans une direction qui est d'ailleurs différente, le plus souvent, de celle de la lumière émise. C'est là le phénomène de réfraction, qui a été notamment étudié par le Néerlandais Willebrord Snell et par René Descartes, lesquels ont introduit une merveilleuse équation qui fait intervenir le sinus de l'angle de réflexion et de l'angle de réfraction.

6. Je crois savoir ça de toute éternité ou plus exactement je ne me souviens pas du moment où, enfant, j'ai découvert cette merveilleuse loi de Snell-Descartes.

7. Mais, de toute façon, c'était indépendamment de ma scolarité, parce que j'ai eu la chance d'avoir des parents qui m'ont toujours encouragé dans mes lectures de vulgarisation scientifique, quand j'étais enfant.

8. La vraie question, générale, est de savoir si cette loi de la réfraction est enseignée avant le brevet des collèges ou après. Car avant le brevet, pendant la scolarité obligatoire, cela signifie que l'on a jugé que les citoyens avaient besoin de cette notion. Si elle apparaît après, c'est donc qu'on a jugé qu'elle était superflue à l'ensemble des citoyens.

9. La question est en quelques sorte celle de la formation de l'honnête homme du 21e siècle.

10. "Honnête homme" ? Il ne s'agit pas de l'homme ou de la femme honnêtes, mais de ceux qui vivent en bon citoyens, intelligemment... au sens de l'intelligence du monde où nous vivons, de sa compréhension.

11.  C'est un fait que nous sommes dans une société très technique, avec des voitures, des ordinateurs, des vaccins, les médicaments, etc. Et on peut vouloir se comporter en conducteur de voiture ou en mécanicien, vis à vis de tous ces artefacts... mais il faut quand même observer que le conducteur de voiture ne peut pas se contenter de savoir appuyer sur les pédales et tourner le volant  : il doit savoir qu'il y a lieu de mettre de l'essence dans la voiture, il doit savoir qu'il y a lieu de mettre de l'huile sans quoi il coulera une bielle. De même, le mangeur doit savoir manger, sans quoi son "véhicule" (son corps) risque de tomber en panne.

12. Bref, il y a lieu d'avoir une connaissance minimale du monde où nous vivons,  pour ne pas être démuni faces aux circonstances variées que nous rencontrons.

13. D'autant qu'il y a de l'imprévu : pensons, par exemple, à cette pandémie de covid qui nous est tombée dessus. Pour survivre, au sens littéral du terme, il faut avoir des connaissances sur les virus, la physiologie humaine, la prophylaxie...

14. Bien sûr, on ne peut pas tout connaître, mais tout ce temps passé "au bistrot" (une métaphore qui regroupe tous les moments où nous cédons à la poussière du monde) pourrait, tellement plus utilement, être employé à découvrir les phénomènes de notre environnement.

15. Et cette connaissance nous permet de mieux vivre, et de mieux vivre en citoyen, car on ne doit pas oublier que nos sociétés ne fonctionnent bien que si chacun d'entre nous a un comportement raisonnable, rationnel... en pljus d'être honnête, juste, social.